Pie VII Chiaramonti (1742-1800-1823),
un pape fieffé, fichtre, foutre et forcené démocrate
(Lettre ouverte à ceux qui n'ont pas peur
de commettre le péché d'intelligence)
"[Le Verbe] qui était dès le commencement (I Jn I, 1),
s'est manifesté dans la nouveauté [d'un temps particulier],
et ses disciples ont reconnu en lui l'ancienneté.
Il renaît toujours jeune dans le cœur des saints.
Par Lui, l'Église est comblée de richesses ;
la grâce s'épanouit, se multiplie dans les saints ;
elle confère l'intelligence de la Foi,
dévoile les mystères du Père ;
elle donne à comprendre les temps.
Elle est offerte à ceux qui la recherchent
en respectant les règles de la Foi
et en gardant fidèlement la tradition des Pères.
(...) Cette grâce, ne la contristez pas ;
alors vous connaîtrez les secrets que le Verbe de Dieu
révèle par qui Il veut, quand Il lui plaît.
Approchez-vous, écoutez, et vous saurez tout
ce que Dieu confie à ceux qui L'aiment vraiment"
(La Lettre à Diognète, § 11, v. l'an 200)
Pour commencer, je vais donner un résumé de la doxa officielle, quant à la personne du pape Pie VII Chiaramonti et à son pontificat (doxa = "Ensemble des opinions reçues sans discussion, comme évidentes, dans une civilisation donnée" ― "Dans la tradition platonicienne, l'opinion (doxa) est considérée comme un simple reflet de l'apparence sensible et des idées reçues à un moment et dans un contexte social déterminés ; le raisonnement, logos, doit dépasser l'opinion pour parvenir à la science, épistêmê [c'est-à-dire, pour accéder à la vérité vraie de la chose contenue dans la doxa, qui peut parfois être, soit en totalité soit partiellement, radicalement contraire à cette doxa]").
Pour cela, je vais tout simplement me servir de la présentation de la personne de Pie VII et de son pontificat qu'a faite assez récemment le pape François, il y a un an et demi environ, pour marquer le deuxième centenaire de la mort de son lointain prédécesseur (20 août 1823-2023), premier pape moderne venant après la Révolution, ... et même politiquement très-moderniste, ... incroyablement moderniste !, comme nous l'allons voir ensemble un peu plus loin dans mon nouvel écrit, présentation bergoglienne disais-je, augmentée de quelques gloses d'historiens modernes qui ne savent rien faire d'autre qu'aller dans le sens du vent, hurler avec les loups modernistes, surfer sur la vague des opinions dominantes du temps qui passe et trépasse, se mettre inintelligemment à la remorque de la doxa officielle sans aucun esprit critique basé sur la Foi, n'étant absolument pas capables de faire autre chose, étant au contraire viscéralement complètement incapables, par manque d'une Foi forte et solide, de jeter la sonde d'une pensée profonde dans des réflexions théologiques de fond qui leur permettraient d'accéder à l'épistêmê vraie et véridique du pape Pie VII, personne et Magistère pontifical, comme je vais tâcher quant à moi de le faire dans ce nouvel article... en solitaire tout seul avec le Saint-Esprit, comme à l'accoutumée.
Car figurez-vous, ami lecteur, que de nos jours, en sous-mains, on s'occupe beaucoup, dans les hauts cercles vaticanesques fermés des "décideurs" de l'Église, du pape Pie VII, on s'en occupe pour le canoniser, ce qui, quant à moi, ne me surprend pas du tout, c'est très-logique en effet, c'est le contraire qui m'aurait bien surpris : c'est en effet ce chef de l'Église qui, le tout premier, initie à partir du Siège de Pierre le mouvement ecclésiologique moderne très-hétérodoxe et même apostat, qui, fort aggravé dans l'épisode Vatican II, aboutira in fine au règne de l'Antéchrist-personne. Puisque donc on a canonisé en bloc les papes vaticandeux, pré et post, remontant à Pie XII pour finir par Jean-Paul II (... dans l'attente d'une canonisation de Benoît XVI...?), aux fins de couvrir d'un manteau de Noé cedit mouvement ecclésiologique moderne hétérodoxe adopté qui, d'une manière pratique, consiste à canoniser la laïcité, on ne pouvait tôt ou tard que s'attendre, par un mouvement feedback des plus naturels, à ce que la canonisation du pape qui, en corrompant les Mœurs ecclésiales par la pratique concordataire pontificale avec des États post-révolutionnaires constitutionnellement athées, a été la première pierre milliaire, quoique de loin mais très-réellement, de cette corruption de la Foi manifestée à Vatican II, soit elle aussi envisagée et poursuivie (c'est Benoît XVI qui lance son dossier de canonisation, le 12 mars 2007, franchissant rapidement la première étape en le déclarant "Serviteur de Dieu", ce qui, déjà, présuppose "l'héroïcité des vertus" de Pie VII, ledit dossier stagnant cependant à présent sans avancer, à cause, paraît-il, du fait que Pie VII, adoptant une fois de plus les positions de son mentor le pape Pie VI Braschi qui était hostile et répressif pour les juifs, a rétabli le ghetto juif après son retour à Rome en 1814, ... gros péché, capital et accessoires, certes !, en nos jours de dialogue interreligieux tous azimuts, surtout avec les juifs...).
Pour autant, le paradoxe humainement vraiment incroyable, c'est que tous ces papes modernes, d'abord concordataire puis conciliaires, qui fourvoient damnablement l'Église du Christ dans les chemins de l'Antéchrist, sont cependant authentiquement, en leur for privé, de... vrais saints. Ce qui donne donc, quand on les canonise, et on le fait sans tricher (car rappelons ici qu'une canonisation, regardant toujours l'Église Universelle, est par-là même ipso-facto couverte par l'infaillibilité ecclésiale), une apparence de blanchiment à la chaux vive du mauvais chemin antéchristique qu'ils ont fait emprunter à l'Église. Tous ces papes modernes, en effet, sont des Janus à deux visages, l'un tourné vers le Bien, l'autre vers le mal, mais cela s'explique très-bien par "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (cf. l'exposé complet de cette thèse au lien suivant : https://eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf), explication que j'ai donnée en finale de mon dernier article, et je ne reviens donc pas ici sur ce point précis.
Si en effet l'on canonise les papes promoteurs de la subversion de la Foi à Vatican II, on ne pouvait donc, par effet boomerang, que réfléchir à pouvoir le faire pour le pape qui, par la corruption des Mœurs ecclésiales concordataires, est en fait l'initiateur premier de la subversion de la Foi à Vatican II. C'est en effet Pie VII qui, le tout premier, initie le mouvement ecclésiologique moderne hétérodoxe, en réputant formellement valide et légitime, de par le Concordat de 1801, une société politique constitutionnellement athée, à savoir l'État français de Napoléon, pour la première fois dans toute l'histoire de l'Église du Temps des nations, exactement contre l'enseignement paulinien en Rom XIII quant à la règle prochaine de validité des sociétés politiques, lequel consiste à donner cette dite note de validité seulement et exclusivement aux sociétés politiques qui sont constitutionnellement ordonnées au Bien commun, à la fois normé sur les lois naturelles et celles surnaturelles.
Ce que bien sûr ne sont pas et ne peuvent absolument pas être lesdites sociétés politiques post-révolutionnaires constitutionnellement athées, régies par les trop fameux "droits de l'homme" des Lumières illuministes lucifériennes du XVIIIème siècle, d'essence franc-maçonnique, à commencer bien sûr par l'État français de Napoléon, co-contractant du Concordat (que ces sociétés politiques post-révolutionnaires ne soient pas ordonnées constitutionnellement au Bien commun, on s'en rend certes bougrement compte de nos jours par les lois sur l'avortement -qui est maintenant devenue, on croit rêver ou plutôt cauchemarder, loi... constitutionnelle !!!-, sur le mariage gay, etc., mais dès l'État français de Napoléon, le Code civil, base juridique de cet État constitutionnellement athée et non-ordonné au Bien commun, introduisait et légalisait le divorce, sans parler de son fondement juridique destructeur de la famille ; il était en effet rédigé, dira un célèbre auteur dont le nom malheureusement m'échappe, "pour un homme qui n'a ni père ni mère, ni enfants", pour l'individu des "droits de l'homme" autrement dit, au détriment de la famille, un individu idéologique formaté par les prétendues Lumières, inexistentiel, qui n'est pas l'homme vivant, c'est-à-dire l'homme-famille, que Dieu crée).
C'est pourquoi le pape Pie VII n'avait théologiquement pas le moindre droit de recevoir dans un concordat comme partenaire co-contractant l'État français de Napoléon qui était un de ces pouvoirs post-révolutionnaires invalides, car le seul fait d'accepter un partenaire concordataire est lui réputer ipso-facto et formellement la validité, à cause de la structure synallagmatique de tout concordat, acte diplomatique solennel qui présuppose juridiquement formellement la validité de tout co-contractant accepté audit acte. Mais dire d'un pouvoir politique constitutionnellement athée et donc invalide, qu'il est valide, c'est une hérésie gravissime comme étant un attentat formel et à son plus haut niveau contre les Mœurs, dont l'Église est garante infailliblement, au même titre que pour la Foi (cf. ma démonstration théologique complète de ce point, à l'article suivant : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/les-moeurs-ecclesiales-concordataires-avec-les-etats-modernes-athees-partie-1?Itemid=1).
C'était par-là même introduire et permettre dans l'Église, intra muros, tout un travail occulte de subversion touchant la Foi au cœur (parce que si je ne vis pas mes Mœurs comme je pense ma Foi, je serai inéluctablement obligé, tôt ou tard, de penser ma Foi comme je vis mes Mœurs ; il y a en effet un lien viscéral entre les Mœurs et la Foi aussi fort qu'entre le corps et l'âme dans l'être humain, elles ont une interaction directe et immédiate l'une sur l'autre, se forçant mutuellement à l'unité absolue de direction métaphysique), dont le fruit pourri, qui mettra un bon siècle et demi à mûrir, sera, entre autres, la fameuse mais plus encore hérétique et même apostate Liberté religieuse codifiée magistériellement à Vatican II. Il est trop facile de comprendre que si je répute valide un pouvoir politique qui tire de son fond constitutionnel l'indifférentisme religieux au for public, cela m'oblige, moi catholique, à pratiquer dans mes Mœurs la Liberté religieuse pour commencer, et, par transvasement occulte des choses des Mœurs dans celles de la Foi, je vais, tôt ou tard, être obligé de poser de jure, en droit, dans la Foi, le bien-fondé de la Liberté religieuse elle-même, c'est-à-dire oblitérer et dégrader peccamineusement ma Foi par mes mauvaises Mœurs. Et c'est ce qui est arrivé à Vatican II ; mais il est capital de comprendre que c'est le Concordat qui est le péché originel de Vatican II.
Il ne sert donc à rien de dire, comme Mgr Lefebvre le fit, restant réactionnairement et impuissamment à mi-course, J'accuse le concile ! (titre d'un opuscule très-musclé qu'il fit paraître dans "l'été chaud 1976" pour dénoncer l'hétérodoxie viscérale de Vatican II, et très-notamment celle de la Liberté religieuse), si on ne remonte pas à accuser le Concordat, J'accuse le Concordat !, comme cause première du concile moderne, Vatican II n'étant que fille maudite du Concordat sa mère, comme je le fis moi-même en 2007 dans un ouvrage ainsi titré, pour finir de boucler la boucle du mysterium iniquitatis à l'œuvre dans l'Église (cf. https://eglise-la-crise.fr/images/stories/users/43/JaccuseLeConcordat.pdf).
Toute cette déviance ecclésiale mortifère est en définitive très-facile à comprendre et j'ai expliqué ce processus fatal moult et moult fois, en long et en large, dans combien d'articles, depuis plus de quinze ans que j'écris sur le sujet, et encore dans mon avant-dernier article consacré à la très-apocalyptique Apparition mariale de La Salette (cf. https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/lettre-ouverte-aux-p-res-missionnaires-de-la-salette-suite-mon-p-lerinage-des-19-20-septembre-2024?Itemid=1). L'hétérodoxie viscérale du Concordat que Pie VII a contracté avec Napoléon est le point le plus important pour comprendre et saisir l'origine ab initio et la cause premières de "la crise de l'Église". Et je tape sans cesse avec le marteau sur ce clou pour enfin ouvrir l'intelligence incroyablement fermée et obscurcie de mes contemporains, surtout quand ils sont cathos, tradis ou modernes du reste, car tout le monde continue les yeux fermés son chemin d'aveuglement tellement funeste sur la véritable cause de "la crise de l'Église", en "tâtonnant comme des aveugles le long des murs, marchant à tâtons comme ceux qui n'ont pas d'yeux ; se heurtant en plein midi comme dans les ténèbres, étant dans l'obscurité comme les morts" (Is. LIX, 10).
Oui, moins cette grande vérité de l'hétérodoxie viscérale du Concordat napoléonien brille sur la place publique, plus je la martèle sans cesse et encore, dans l'espoir, avec la grâce de Dieu, de délivrer du mensonge universel contemporain, surtout celui ecclésial, quelques âmes spirituellement humbles, honnêtes et ouvertes, acceptant de vivre du Saint-Esprit, et, Deo adjuvante, je le ferai même pour une seule âme. Comme le disait si bien, si bellement, Hendrick de Man, ce brillant et génial homme politique belge aux temps de la seconde guerre mondiale : "Il est des choses qu'il faut dire même si l'on ne trouve presque personne pour les écouter ; raison de plus pour parler quand on voit croître de jour en jour le nombre de ceux qui ne les écoutent pas" (Au-delà du nationalisme ― Avant-propos, p. 13, 1946).
Or, ce qui aggrave considérablement la faute commise, c'est que Pie VII, en acceptant l'État français de Napoléon non-valide dans le Concordat, lui réputant ainsi hérétiquement la validité, n'a pas seulement commis une faute passagère, dans le de facto, seulement pour l'État français de Napoléon, c'est au contraire dans le principe même de droit divin de la chose qu'il a prétendu changer radicalement le criterium catholique de validité des sociétés politiques enseigné par saint Paul, appuyé sur une fausse philosophie scolastique idolâtrant l'en-soi, l'être politique, qui n'est pas sans épouser peu ou prou le positivisme illuminé des Lumières, comme on le verra, par laquelle on a donné, depuis le Concordat qui a servi de matrice archétypale à ce nouvel enseignement hérétique pour tous les temps modernes qui lui ont succédé, une interprétation hérétique du paulinien Rom XIII, en voulant que le "tout pouvoir vient de Dieu", omnis potestas a Deo, soit désormais à entendre d'une manière absolutiste, totalitaire, qu'il s'appliquât désormais identiquement aux pouvoirs constitutionnellement ordonnés au Bien commun comme à ceux qui ne le sont pas, sans plus tenir aucun compte du théologiquement nécessaire et obligatoire ordonnancement constitutionnel au Bien commun du pouvoir politique pour que celui-ci soit valide, ce qui est parfaitement hérétique.
C'était là pécher, et soumettre l'Église audit péché, en commettant un attentat formel contre les Mœurs, auxquelles sont inhérentes toutes choses regardant le domaine politique constitutionnel, et singulièrement quand il était ni plus ni moins question de renverser le criterium paulinien catholique de validité des puissances, comme dit l'Apôtre des nations en parlant des pouvoirs politiques ; c'était là, pour la première fois depuis les assises de l'Église, depuis dix-huit siècles, faire rentrer l'Épouse du Christ dans l'économie de la Passion qui consiste essentiellement à être "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21), le Concordat s'avérant être le portillon du jardin de Gethsémani ; c'était là, pour employer la terminologie salettine, commettre cléricalement l'impureté bien plus gravement que s'il ne s'agissait seulement que de celle à entendre au sens restreint de charnelle, sexuelle...
En fait, et pour conclure ce point, c'est à partir du Concordat napoléonien que l'Église rentre dans sa Passion, et l'on comprend alors très-bien, devant cette situation d'impureté radicale des Mœurs ecclésiales au plus haut et grave niveau, celui politique constitutionnel, qui ne peut qu'avoir de soi un formidable impact sur les mœurs individuelles des fidèles et des citoyens, on saisit très-bien disais-je, non seulement la violente diatribe de Notre-Dame de La Salette contre les prêtres, au début du Secret donné à Mélanie en 1846, mais encore qu'elle en pleura toutes les larmes bénies de son corps tout le temps qu'elle dénonçait cette situation ecclésiale post-révolutionnaire à Mélanie et Maximin, si préjudiciable au salut des âmes.
En reconnaissant la validité des sociétés politiques post-révolutionnaires constitutionnellement athées, énorme faute par laquelle elle est "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21) et rentre par-là même dans l'économie de la Passion du Christ, l'Église, via la personne d'un pape légitime agissant in Persona Ecclesiæ (et non dans sa personne privée, comme tâchent de le dire les pusillanimes), se soumettait en fait purement et simplement, pieds et mains liés, à la révolte universelle et collective de l'homme moderne contre Dieu, à son jurement pour employer la terminologie salettine, jetant à la Face de Dieu, à propos de son Christ-Messie : "Nous ne voulons pas qu'Il règne sur nous" (Lc XIX, 14).
S.S. Pie VII (1742-1823)
... Mais je me rends compte être parti assez loin de ce que j'avais prévu de faire au départ pour commencer ces lignes, à savoir donner la doxa officielle quant à Pie VII et son pontificat, c'est-à-dire l'opinion de ce qu'il est mondainement convenu d'en penser, à partir de la présentation qu'en a faite le pape François récemment, augmentée de quelques gloses d'historiens modernes. Voici donc cette doxa, c'est-à-dire ce que pense le monde dont le père et prince est Satan le Menteur, de Pie VII et de son pontificat :
"[À propos du pape Pie VII], le Saint-Père parle d’une personnalité compétente et prudente dans un contexte politique très difficile, (...) un pasteur qui «se distingua par le charisme et la bonté d’âme», souligne François dans une lettre signée du 21 septembre [2023] et adressée à Mgr Douglas Regattieri, évêque de Cesena-Sarsina, en Italie, diocèse dans lequel ce fils d’une famille noble vit le jour en 1742.
"Bénédictin, homme de grande culture, ses qualités humaines et intellectuelles lui permirent de se faire remarquer et d’être ordonné évêque à l’âge de 40 ans et d’occuper la tête des diocèses de Tivoli puis d’Imola. Lors de ces années, «il n’hésita pas, en première personne, à se prodiguer pour le soin du peuple, s’engageant avec dévotion à soulager les nombreuses souffrances de ceux qui étaient affligés de conditions précaires», écrit François.
"Pie VII, «homme d’une intelligence clairvoyante» aux yeux de l’actuel évêque de Rome, fut une «personnalité d’une foi profonde, d’une douceur, d’une humanité et d’une miséricorde qui se distingua par sa compétence et sa prudence face à qui entravait la Libertas Ecclesiæ». D’où des sentiments de «gratitude et d’admiration» de la part de François «pour l’hérédité [ ?, pour l'héritage, sans doute] spirituelle qu’il a laissée et la franchise évangélique avec laquelle il a soutenu les difficiles épreuves durant ses vingt-trois ans de pontificat».
"«Malgré les tumultes politiques et sociaux qui ont marqué ce siècle-là, il a accueilli, en s’abandonnant en toute confiance à la volonté de Dieu, l’humiliation de l’exil avec une exemplaire docilité, offrant tout au Seigneur pour le bien de l’Église», poursuit le Pape. Pie VII fut emprisonné en 1809 sur ordre de Napoléon 1er et gardé à Savone jusqu’en 1812, avant d’être transféré au château de Fontainebleau où il restera jusqu’en janvier 1814, date de sa libération.
"Dans ces circonstances, Pie VII se révéla d’une «grande sagesse avec laquelle il sut se faire “ambassadeur de paix” auprès de ceux qui exerçaient le pouvoir», note François. «Il a tout fait pour ne pas manquer à sa mission de “gardien et de guide du troupeau” et, malgré les restrictions qui lui furent imposées, il a poursuivi sans aucune crainte l’annonce de la force consolatrice de l’Évangile du Christ».
François peaufinera encore cette doxa superficielle, qui est si stéréotypée qu'on se prend à douter qu'elle ne soit le fruit mécanique et sans âme de l'IA, toujours dans le cadre des célébrations du deuxième centenaire de la mort de Pie VII, quelques mois après, dans la matinée du samedi 20 avril 2024, toujours pour prêchi-prêcher dans le même sens.
On pourrait dire, au mieux et en prenant les choses seulement à moitié course, que cette doxa bergoglienne quant à Pie VII est un addenda tardif à la légende dorée de Voragine, mais on doit surtout dire, au pire et beaucoup plus véridiquement, qu'il s'agit là de la version officielle que l'esprit du monde maudit qui finira dans le règne de l'Antéchrist-personne ne peut que s'accorder à enregistrer comme vrai et authentique... et si j'étais méchant, mais bien sûr je ne le suis pas, je finaliserais la réflexion en disant que le Ministère de la Vérité orwellien n'hésiterait pas une seule seconde à authentiquer cette doxa de son sceau d'infamie pour y obliger à la croyance tous les hommes sous les peines les plus graves. À cette doxa, il manque cependant... l'essentiel, on l'a compris par mes précédentes lignes, à savoir que le pape Pie VII, sans certes en avoir nulle conscience ni advertance peccamineuse, a implacablement mis l'Église-Épouse du Christ, de par le Concordat napoléonien, sous "la puissance des ténèbres" (Lc XXII, 53) sous le rapport des Mœurs, c'est-à-dire dans l'économie de la Passion du Christ, "LA PASSION DE L'ÉGLISE", comme je viens de l'expliquer plus haut...
Quant aux historiens modernes, universitaires de préférence bardés de diplômes comme rôti de bœuf à mettre au four point n'est lardé, ils ne savent rien faire d'autre que renchérir à qui mieux mieux, en thuriféraires béni-oui-oui, sur cette doxa, comme on ne pouvait certes que s'y attendre de leur mondaine part.
C'est le cas par exemple de Thierry Lentz qui, wagon accroché sans réflexion spirituelle aucune à la locomotive de la doxa et la suivant roue dans la roue, nous parle, à propos de Pie VII, de "sa douce fermeté politique et religieuse, sa culture du pardon", "son désir de parvenir à des compromis compatibles avec son devoir pontifical". "De ces épreuves, au cours desquelles il fut exilé de Rome pendant près de cinq années (1809-1814), il parvint à sortir, sinon totalement vainqueur, au moins sans dommages irréversibles pour l’héritage dont il était le dépositaire. Son successeur Léon XII hérita d’une Église spirituellement réunie, territorialement épargnée, temporellement puissante et, disent les spécialistes [...?], prête à se frotter aux «temps nouveaux»" (https://fr.linkedin.com/pulse/pie-vii-un-pape-des-temp%C3%AAtes-thierry-lentz).
"Compatibles avec son devoir pontifical"...?, "sans dommages irréversibles pour l'héritage dont il était le dépositaire"...?, laissant à son successeur une Église catholiquement puissante "prête à se frotter aux «temps nouveaux»"...? Que de sornettes, Dieu du Ciel ! Cet aveugle surdiplômé, suivant mondainement la doxa, n'a visiblement rien compris à rien, il parle là sans du tout savoir de quoi il cause. Il n'a absolument pas vu qu'avant de souffrir pour l'Église la persécution de l'exil à partir de 1809, PIE VII AVAIT PRÉALABLEMENT TOUT VENDU huit ans auparavant, en 1801, de la Constitution divine de l'Église quant à sa portion française, tel Judas donnant le Christ-Messie pour trente deniers, tout vendu à la Bête apocalyptique qui en l'occurrence était l'État français napoléonien constitutionnellement athée.
La pseudo-"résurrection" de l'Église en France par le Concordat en effet, ne fut rien d'autre que l'institution nouvelle, au sens théologique toujours très-négatif du terme, d'une Église certes encore en possession de la Foi catholique intégrale (cependant pas pour très-longtemps, jusqu'à Vatican II), mais plus du tout en possession des Mœurs catholiques, dans la matière suréminente politique constitutionnelle (même Leflon, dont je vais éplucher la biographie de Pie VII tout-à-l'heure, ne peut s'empêcher de laisse échapper, bien qu'il soit farouchement concordataire, que le pape, par le Concordat, "réorganis[ait] l'Église de France sur des bases entièrement nouvelles" ― p. 280). Or, on ne saurait parler d'une Église catholique authentique que si elle est en possession à la fois et en même temps, et de la Foi intégrale, et des Mœurs intégrales. Mais l'Église que pseudo-"ressuscita" en France le pape Pie VII salement accouplé à Napoléon en 1801 de par le Concordat, ne fut rien d'autre qu'une église schismatique par rapport à l'Église Universelle, en cela qu'elle n'avait plus que la Foi mais plus du tout les Mœurs, contrairement à toutes les autres églises de l'univers, en professant formellement la validité d'un pouvoir politique constitutionnellement athée, ce qui est en opposition totale, radicale, avec la règle prochaine de validité des sociétés politiques enseignée par saint Paul en Rom XIII, comme je l'ai expliqué que dessus. On ne peut donc absolument pas dire, comme le fait Thierry Lentz, qu'avoir recréé en France une Église attentant formellement aux Mœurs ecclésiales et les répudiant, était "sans dommages irréversibles pour l'héritage dont il [Pie VII] était le dépositaire".
Certes, il faut préciser, sous peine de tomber dans la chausse-trappe sédévacantiste hérético-schismatique, que cette nouvelle église concordataire de France était cependant valide, car en effet elle était fondée par le Successeur légitime de Pierre qu'était bien sûr le pape Pie VII, mais elle ne l'était plus dans la liberté impeccable des enfants de Dieu, elle l'était en étant "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21) du côté de ses Mœurs, c'est-à-dire qu'elle l'était en vivant désormais et mourant à la fois l'économie de la Passion du Christ.
Quant à la partie de la doxa que notre universitaire suit là encore tête complètement vide, sur pilotage automatique, consistant à dire très-erronément que Pie VII laissa après sa mort une Église puissante "prête à se frotter aux «temps nouveaux»", c'est à peu près dire exactement le contraire de la vérité de la situation conjoncturelle mise en place par le Concordat. Ici, l'épistêmê pourfend d'outre en outre la doxa, montrant toute son imposture et son très-scandaleux et honteux mensonge. Non seulement en effet une Église Universelle qui, dans une fraction très-importante de l'orbe catholique, celle française, avait accepté d'abdiquer formellement les Mœurs, ne pouvait pas être dite puissante, alors que, par cette abdication, elle s'était tout au contraire, sur le plan spirituel qui seul est à prendre en considération dans notre affaire, mise dans une situation de très-grande faiblesse face au monde par rapport à sa position anté-concordataire, mais de plus, ayant cédé au mal du monde moderne post-révolutionnaire en réputant la validité à des pouvoirs politiques issus de la Révolution tous constitutionnellement athées, elle ne pouvait plus dès lors que se frotter auxdits temps nouveaux qu'en se prostituant au péché révolutionnaire de ce générique bien commode "temps nouveaux", formule néo-pharisaïque tellement hypocrite pour camoufler le venin satanique du rejet du Christ-Dieu à la base de tout pouvoir politique, dont le surcroît est le Bien commun. La vérité, certes terrible et affreuse, c'est que, après le Concordat, l'Église romaine ("nom d'humilité de l'Église Universelle", comme la baptise si bien le cardinal Journet dans L'Église du Verbe Incarné) ne put commencer à se frotter aux "temps nouveaux" qu'en devenant, et de plus en plus et de pire en pire plus les temps avancent, la grande Prostituée de Babylone dénoncée par saint Jean dans les ch. XVII & XVIII de son Apocalypse, dans l'attente de son inéluctable châtiment qui consistera dans le règne de l'Antéchrist-personne. Voilà le réel de la situation, à tamponner dans le Pass de toutes les âmes qui veulent vivre de la Vérité qui est Jésus-Christ Lui-même (Jn XIV, 6), pour aller au Ciel à la fin de leur vie.
Ce reproche que je fais là à Pie VII, d'avoir, de par le Concordat, vendu tel Judas l'Église de France à la Bête de l'Apocalypse sous forme d'un pouvoir politique constitutionnellement athée, fut glorieusement et très-soigneusement fait, dûment et en son temps, ... t'en souvient-il ?, comme dit le poète, par tous les évêques Réclamants de Louis XVI, invalidement destitués en corps d'institution par ce pape napoléonien qu'était Pie VII (et qui en adoptait donc les mœurs brutales, violentes, et surtout attentatoires aux droits les plus fondamentaux des gens, tel Napoléon le fit sans cesse).
Genoux en terre devant la Foi et les Mœurs pures et intégrales de tous ces évêques invalidement guillotinés (... selon le même procédé invalide, soit dit en passant, employé de nos jours par le pape François pour destituer Mgr Strickland, à savoir au moyen d'un simple motu proprio pontifical qui n'a aucunement le pouvoir de destituer validement un évêque légitimement institué en son temps dans son diocèse, sans qu'il y ait procès en bonne et dûe forme en cour de Rome statuant juridiquement à sa déposition...), j'ai, personnellement fort édifié, commenté dans le grand détail leurs si catholiques Réclamations canoniques et très-respectueuses adressées à notre très-saint Père Pie VII, par la Providence divine, Souverain Pontife, contre différens [sic] Actes relatifs à l'Église Gallicane, Londres, 1803, qu'ils adressèrent avec un touchant et sincère respect et déférence au pape, lequel, non seulement n'y fit aucune réponse mais qui plus est, mit leurs irréfutables et catholiques critiques du Concordat à... l'Index. Ce qui, au reste, était fort bien mettre en montre l'aveuglement et la pertinacité du pape Pie VII dans l'hérétique croyance en la validité d'un État constitutionnellement athée pour lequel il s'était parjuré dans le Concordat, fort loin, comme le croit très-superficiellement Thierry Lentz avec tout le monde, de faire des compromis... "compatibles avec son devoir pontifical".
Je ne donnerai qu'un seul exemple pour bien démontrer le mensonge total de la doxa concernant Pie VII, celui des fameux Articles organiques, dont on a voulu faire une gloire au pape du Concordat de n'y avoir jamais et d'aucune manière souscrit. Thierry Lentz ne manque évidemment pas de véhiculer dans son écrit cette mensongère doxa, en écrivant sans réfléchir et sans consulter les sources : "S’en étaient suivies des décisions modificatives unilatérales, avec notamment les fameux articles organiques qui organisaient la police du culte en le soumettant à l’État". Vous avez dit, mon bon Monsieur : unilatérales...? Or, la vérité, l'épistêmê rectifiant la doxa, c'est que ces fameux Articles organiques étaient loin d'être le fruit d'une décision unilatérale, celle du seul État français, Pie VII y avait en effet souscrit formellement dans le principe de la chose, au tout premier § 1 du Concordat. Ces Articles organiques étaient donc tout ce qu'il y a de plus bilatéraux, comme acceptés et promulgués à parité par les deux parties co-contractantes du Concordat. Dans mon premier article de défense des évêques Réclamants de Louis XVI, j'écrivais ceci :
"Il ne sert à rien, en effet, de se récrier hautement et hypocritement, avec de grands accents hystériques et effarouchés de vierge violée, que le pape n'accepta jamais lesdits Articles organiques, qu'il portât sans cesse et à maintes reprises au fil des ans sa réclamation près le Gouvernement français, qui, avec une extrême politesse de fin de non-recevoir et de grands ronds-de-jambe diplomatiques, n'en tint jamais aucun compte, pour la raison très-simple que dans le corps du texte concordataire, le pape s'y était lui-même librement soumis en promulguant le § 1, ainsi rédigé : "La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police, que le Gouvernement jugera nécessaire pour la tranquillité publique". Or, les Articles organiques n'étaient rien d'autres que cesdits... "règlements de police" mis en forme. Ce qui montre spectaculairement à l'affiche l'incohérence et l'illogisme insensés et fous où s'était claquemuré, cadenassé, verrouillé et enfermé Pie VII, dès lors qu'il était rentré dans l'attentat contre la Constitution divine de l'Église par le Concordat. De quel droit en effet pouvait-il bien réclamer contre ces Articles organiques puisqu'il s'y était lui-même librement soumis dans le principe de la question par le § 1 du Concordat qu'il avait promulgué, lequel donnait tout pouvoir au seul Gouvernement français pour statuer sur ces règlements de police réglant le culte public, dont les Articles organiques étaient la traduction concrète très-fidèle...?! Mais laissons nos évêques Réclamants fort bien exposer la question au regard de la Foi, comme on les voit se montrer fort accoutumés de le faire si bellement, depuis que nous les lisons :
"«Il est d'autant plus fâcheux que cette conduite [de ne pas mettre hérétiquement la prétendue "nécessité urgente des temps" au-dessus de la Constitution divine de l'Église] n'ait pas été suivie dans la triste affaire dont il est question, que c'est précisément parce que l'on s'en est écarté, que la Religion catholique, apostolique et romaine, loin d'avoir retiré un avantage réel de ce qui a été fait, en éprouve, au contraire, un grand dommage et un énorme préjudice.
"«Car, quoique V. S. [Votre Sainteté] ait toujours eu l'intention, comme elle l'a déclaré, “de porter la condescendance jusqu'à faire pour le bien de l'unité tous les sacrifices qui ne sont pas incompatibles avec l'essence de la Religion” (Bulle Ecclesia Christi), il s'en faut de beaucoup néanmoins, qu'elle ait obtenu, au prix de ces sacrifices, la conservation de la Religion en France (ce qui étoit le grand objet de ses vœux), puisqu'au contraire ils n'ont abouti qu'à y rendre plus déplorable l'état de cette Religion sainte, et à la mettre, pour ainsi dire, à deux doigts de sa ruine totale. Comment, en effet, pourroit-on espérer de voir la Religion se maintenir dans notre malheureuse Patrie ; qui ne craindroit plutôt pour elle les plus terribles désastres, en considérant cette suite de Décrets que le Gouvernement françois a publiés le 6 Avril 1802, sous le titre d'Articles organiques de la Convention du 26 Messidor, an IX ; Articles dont V. S. a eu tant de raison de se plaindre, comme elle l'a fait dans le Consistoire secret du 24 Mai de la même année 1802, et au sujet desquels elle a déclaré qu'elle n'en avoit eu aucune connoissance avant leur publication.
"«Car, outre que ces Articles renferment plusieurs dispositions qui tendent nécessairement à détruire la Religion, ils assujétissent entièrement à la Puissance séculière le Ministère que Jésus-Christ n'a confié qu'à son Église, et convainquent leurs auteurs, avec la dernière évidence, d'avoir usurpé l'autorité spirituelle. Il n'est que trop visible que les auteurs desdits Articles ont réellement usurpé la puissance de l'Église ; et qu'ils n'ont pas craint de porter des lois sur des objets spirituels, en attirant à eux ce qui y a rapport : c'est ainsi que s'arrogeant un Ministère qui n'est nullement de leur compétence, ils se sont ouvertement déclarés les ennemis de la divine Constitution de la Religion catholique.
"«Et plût à Dieu qu'on n'eût pas donné occasion à ces Articles, en souscrivant purement et simplement, sans aucune précaution, à la seconde partie du premier article de la susdite Convention du 15 Juillet 1801, lequel est conçu en ces termes : La Religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France..... en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.
"«Hélas ! cette Convention [le Concordat], prise dans tout son ensemble, loin de guérir les maux de l'Église, n'a fait que les aigrir (sans doute contre l'intention de V. S.) mais la seconde partie de l'article premier lui a été spécialement funeste, parce qu'elle a fourni à la Puissance séculière l'occasion de s'emparer du Gouvernement spirituel, occasion qu'elle n'a eu garde de laisser échapper. Oui, voilà ce qui lui a applani le chemin pour en venir à tant d'étonnantes dispositions, auxquelles un Catholique ne peut penser sans la plus vive douleur. Et comme, d'une part, V. S. a formellement reconnu dans son Allocution du 24 Mai 1802, que lesdits Articles, tels qu'ils sont, mettent obstacle à l'exécution de ce qui est prescrit par la Constitution de notre Sainte Religion, ainsi qu'à l'exacte et fidèle observance de la Discipline établie par les loix de l'Église ; et que de l'autre ces mêmes Articles, tels qu'ils existent, sont des règlements de Police qui ont force de loi en France, et auxquels on est tenu de se conformer dans l'exercice de la Religion ; il s'en suit évidemment que la Religion catholique, apostolique et romaine, est aujourd'hui exercée en France, sous la condition expresse, que ses Ministres obéiront à des réglemens qui, au jugement de V. S. elle-même, s'opposent à ce que l'on pratique ce qu'exige la divine Constitution de notre Sainte Religion, et à ce que l'on observe fidèlement la salutaire Discipline que l'Église a établie par ses loix» (pp. 94-101).
"... Amen ! Il n'y avait rien à dire face à ces vérités crucifiées si criantes rappelées par nos bons évêques Réclamants, montrant l'hétérodoxie radicale du Concordat et de son application en France. Pie VII n'avait plus qu'à en prendre humblement acte, puis pleurer de honte son péché, en se frappant publiquement la poitrine d'un mea MAXIMA culpa retentissant, tel saint Pierre après avoir renié Jésus le Christ lors de sa Passion, tel le pape Pascal II l'avait fait en son temps... et tel lui-même, d'ailleurs, Pie VII, aura cette fois-ci l'humble courage de le faire suite au pseudo-concordat de Fontainebleau, après cependant une grave crise morale qui lui arracha ce cri presque désespéré : «Je mourrai fou comme Clément XIV !»
"Hélas !, quant au Concordat de 1801, on ne le sait que trop bien : Pie VII ne confessa point son péché ; il fit même bien pire : il n'y pensa jamais. Comme non plus, on ne le vit faire aucune réponse aux Réclamations, etc., rédigées par nos évêques Réclamants, dont on peut bien se rendre compte, depuis qu'on les lit, que les critiques savantes, pieuses, fermes, toutes ciselées dans une extrême droiture de Foi non moins que toutes mesurées dans la plus grande Charité envers le pape étrangement défaillant, sont toutes forgées à l'aune de la plus pure Vérité catholique... Quelle ressemblance, n'est-ce pas, avec l'attitude coupable de notre pape François ne faisant, lui non plus, aucune réponse précise aux Dubia des cardinaux relativement à Amoris Lætitia !" (fin de citation)
Et pourtant, Dieu sait que le Concordat n'était pas à l'avantage de l'Église. Même l'ultramontain Dictionnaire de Théologie Catholique (DTC), peu suspect de vouloir bémoliser le pape, ne peut s'empêcher d'avoir la mine fort déconfite, lorsqu'il résume la situation, bien obligé de constater la pantalonnade ignominieuse que constituait le Concordat pour l’Église : "La joie du pape fut vive, a raconté Cacault, en recevant cette convention [le Concordat signé par Napoléon]. Il n’avait obtenu cependant de vraie satisfaction sur aucun point [des points pourtant fondamentaux, qui touchaient tous à la liberté de l’Église et surtout à sa divine Constitution...!] ; il avait dû céder sur tous. (…) Quant à Bonaparte, on peut lui appliquer, à propos de tout le Concordat, ce que Taine dit de lui : «Personne ne s’entend mieux que Napoléon à faire de bons marchés, c’est-à-dire à donner peu pour recevoir beaucoup»" (DTC, art. "Concordats", col. 753).
Peut-être Pie VII aurait-il dû méditer, avant de signer le Concordat, ce remarquable jugement d'un auteur dont malheureusement le nom m'échappe : "Un concordat est un acte entre deux parties dans lequel chacune donne à l'autre ce qu'elle n'a ni le droit ni le pouvoir de lui donner". Si cette maxime est vraie même dans les concordats orthodoxes d'Ancien-Régime où toutes les parties co-contractantes étaient valides, alors, combien plus elle se vérifie dans un concordat hétérodoxe ab initio, dans le principe même de la chose, entre deux parties dont l'une est valide quand l'autre est invalide, ce qui, par rebond, invalidait de soi l'acte concordataire lui-même qui, par conséquent, ne pouvait plus même... exister !
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Mais Thierry Lentz, imperturbable à décalcomanier inintelligemment et sans aucun esprit critique basé sur la Foi la doxa de Pie VII dans son article, d'écrire ceci, qui appelle un sérieux retour de manivelle : "Dès cette époque [où Barnaba Chiaramonti, sur ses trente ans, était professeur de théologie], on remarqua son ouverture d’esprit et son intérêt pour les idées nouvelles, sans renoncement aux traditions politiques et philosophiques de l’Église. Il fut par exemple un des souscripteurs de L’Encyclopédie dans sa ville, un lecteur compulsif des philosophes et un débatteur redouté" (ibid.).
Or, nous verrons tout-à-l'heure, lorsque j'éplucherai la biographie la plus sérieuse et documentée sur le pape Pie VII, je veux parler de celle du chanoine Jean Leflon parue en 1958, quand bien même elle s'arrête seulement au conclave qui vit son accession au Siège de Pierre, à quel point il est faux de dire que Barnaba Chiaramonti ne tira pas de son engouement pour les nouveaux philosophes sa perversion quant au Politique constitutionnel, consistant principalement, nous l'avons vu, à abolir purement et simplement le criterium catholique de validité des sociétés politiques bien enseigné par saint Paul en son ch. XIII de l'épître aux Romains. C'est bel et bien, ou plutôt fort mal, cette passion pour ces nouveaux pensers philosophiques cartésiens, positivistes, illuministes, qui détermina le futur pape à professer désormais la validité de toute société politique constituée humainement, de manière positiviste, sans plus tenir aucun compte du criterium catholique de validité des sociétés politiques, à savoir, je le rappelle encore une fois, l'ordonnancement constitutionnel obligatoire desdites sociétés au Bien commun, normé à la fois sur les lois naturelles et celles surnaturelles.
C'est donc par une vue très-superficielle, par défaut d'approfondissement véritable de la question qu'il traite, que Thierry Lentz peut dire que Barnaba Chiaramonti fréquenta intellectuellement assidument les nouveaux philosophes des Lumières "sans renoncement aux traditions politiques et philosophiques de l'Église". C'est là juste une pétition de principe parce que cela fait bien dans le décor de la doxa hagiographique de Pie VII, dont il est convenu de tracer un portrait sans aucun défaut en vue de sa canonisation, mais, comme d'ailleurs la plupart des pétitions de principe, elle est sans aucun fondement, c'est même tout au contraire un pur mensonge démenti formellement par l'acte du Concordat napoléonien de 1801, qui vit le pape Chiaramonti faire fi, justement, desdites "traditions politiques et philosophiques de l'Église" en matière de validité des sociétés politiques...
D'autres historiens modernes, contemporains, se flambent aussi sans vergogne à la doxa de Pie VII. Il n'est en effet question, pour ces mondains surdimensionnés de la cervelle mais à proportion même émasculés de la vraie Foi, que d'aller dans le sens du vent, surfer sur la vague immanentiste de la mer, sans aucune réflexion spirituelle et théologique de fond (les malheureux en sont probablement hélas incapables, que Dieu ait pitié d'eux !), n'ayant en vue que de tout ramener à la seule prochaine canonisation de Pie VII Chiaramonti dont tout le monde cause, et donc tout plier à ce but.
Ainsi, on nous parle d'une nouvelle biographie parue en 2022, par un certain Jean-Marc Ticchi, Pie VII (Prix Thiers de l'Académie française), un pape dans la tourmente napoléonienne ou le pape vainqueur de Napoléon ? (on ne sait pas trop pour le sous-titre, qui semble interchangeable), dont il n'est nécessaire que de lire le résumé et les quelques pages du début offertes gratuitement à la publicité du lecteur, pour prendre acte que ce crâne d'œuf là encore, n'a qu'un seul but dans sa biographie, à savoir glorifier Pie VII en vue de sa canonisation, au détriment de la vérité vraie en vérité de son pontificat et de sa personne que, quant à moi, j'ai pris à tâche de (re)dire dans mon nouvel article.
Ces pages du début montrent d'ailleurs beaucoup d'esprit livresque, de surface, sans aucune réflexion spirituelle et théologique vraie et profonde, comme on l'a déjà remarqué avec Thierry Lentz. "Pie VII présente en résumé une figure à la fois vigoureuse et modérée dont les décisions, en ce qui concerne les rapports du Saint-Siège avec les puissances civiles et séculières de l'Europe, ont joué un rôle déterminant dans l'histoire du XIXe siècle", peut-on par exemple lire en dernière phrase du résumé de cette biographie très-récente. Cela... mais voyons, mais c'est très-facile de le dire, c'est juste une grossière évidence que même le marquis de Lapalisse aurait très-facilement pu se fendre de nous dire ! Cette écorce des choses n'est cependant pas du tout ce qui est le plus important à dire. Ce qui est le plus important à dire, c'est que, je reprends la formulation de ce résumé, les décisions de Pie VII, en ce qui concerne les rapports du Saint-Siège avec les puissances civiles et séculières de l'Europe, ont joué un très-mauvais rôle déterminant dans l'histoire du XIXe siècle puis du XXe venant à sa suite obligée, faisant faire hara-kiri à la Constitution divine de l'Église, d'abord donc dans les Mœurs, par abandon hérétique de l'enseignement paulinien quant à la validité des sociétés politiques, puis cela génèrera comme mère sa fille la corruption de la Foi quelqu'un siècle et demi plus tard à Vatican II... Mais cela, nos historiens modernes mondains (et le pape François avant eux), non seulement ne le disent pas mais hélas on voit fort bien, en les lisant, qu'ils sont absolument incapables, par manque de Foi, de le dire. Leur esprit est au monde, il n'est pas à Dieu ni à son Christ.
Comme résonne alors très-fort à l'oreille de l'âme l'avertissement de saint Paul pour la fin des temps, in illo tempore, à savoir : "Un temps viendra [l'Apôtre des nations fait là allusion à la fin des temps] où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ils se donneront une foule de docteurs, suivant leurs convoitises et avides de ce qui peut chatouiller leurs oreilles ; ils détourneront l'ouïe de la vérité, et ils la tourneront vers des fables" (II Thim IV, 3-4)... Quel mépris cinglant, soit dit en passant, dans cette formulation de saint Paul ! Ces docteurs surdiplômés en quantité innombrable comme le sable de la mer, loin d'être des prophètes et des serviteurs de la vérité forcément, quant à eux, en très-petit nombre, ne font qu'épouser l'impiété de la foule d'où ils sont dégorgés et tirés aux forceps, n'étant en effet rien d'autre, pour ce qui est d'eux, que de vils faux-prophète que les foules modernes corrompues se donnent pour leur dire des choses qui leur plaisent...
Cette récente biographie de Jean-Marc Ticchi de toutes façons, qui ne couvre toute la vie de Barnaba Chiaramonti jusqu'à sa mort qu'en 384 pages, ne peut que contenir moins de matériaux historiques que celle du chanoine Jean Leflon, laquelle, s'arrêtant pourtant (trop) rapidement au conclave de 1800, fait 629 pages (l'auteur l'appelle, dans son Avant-propos, un "premier tome", un "premier volume", mais hélas il ne le fit pas suivre d'un autre travail de même envergure quant à l'après de l'élection pontificale de Chiaramonti au Siège de Pierre, quand bien même il continua à écrire fragmentairement sur Pie VII). Par ailleurs, il est important de souligner que l'ouvrage du chanoine Leflon est le tout premier à établir scientifiquement ce qui nous intéresse le plus, à savoir l'histoire de la vie de Barnabé Chiaramonti avant d'accéder au Siège de Pierre. C'est ce que nous apprend son résumé dans la dernière page de couverture du livre : "Le présent ouvrage essaie de soulever le voile manifestement jeté, avec les meilleures intentions, sur la jeunesse, la vie monastique, l'épiscopat de Gregorio Chiaramonti, par les premiers biographes de Pie VII au temps de la Sainte-Alliance. Si les patientes recherches de l'auteur n'ont pas réussi à tout éclaircir, du moins permettent-elles de jalonner les étapes d'une préparation providentielle et douloureuse à la très-lourde mission que Dieu [lui] réservait". C'est justement là ce qui nous intéresse le plus. N'oublions pas, en outre, que l'ouvrage du chanoine Leflon fut réalisé "avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique" (CNRS), ainsi qu'on le lit sur la première page de couverture.
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... Mais précisément, il me tarde vraiment beaucoup, à présent, d'ouvrir cette très-fouillée biographie du chanoine Leflon, Pie VII ― Des abbayes bénédictines à la papauté, 1958, qui contient beaucoup d'éléments de fond qui vont éclairer dans leur grand jour la personnalité très-attachante, mais l'agir pontifical beaucoup moins attachant, du pape Chiaramonti. On pourra ainsi bien voir que Pie VII est le premier pape Janus à deux visages de l'histoire de l'Église depuis ses assises, le dernier Janus à deux visages pontifical en date étant notre inénarrable pape François, en passant par tous les Vicaires du Christ intermédiaires remplissant le Siège de Pierre entre ces deux papes, un pape Pie VII probablement saint en son for privé (à l'exemple de sa mère, qui a eu une grande influence sur lui, morte en odeur de sainteté, déclarée vénérable par l'Église ; elle était devenue carmélite après avoir géré au mieux la lourde charge familiale, cinq enfants à établir, retombée soudain et brutalement sur elle après la mort de son mari en 1750, Barnabé, le petit avant-dernier, n'avait alors que huit ans), mais tellement, tellement antéchristisé dans son for magistériel pontifical public sur le chapitre si important des Mœurs politiques constitutionnelles.
Certes, il ne va pas s'agir maintenant pour moi, on le devine, d'établir un portrait biographique complet et détaillé de Barnaba Chiaramonti futur Pie VII, c'est premièrement complètement hors-sujet du cadre restreint de mon simple article et surtout ça n'est pas le sujet de mon étude, mais seulement, en brossant très-sommairement le déroulé de sa vie, de faire saillir les éléments biographiques qui vont me permettre de cerner au mieux la réponse à donner aux très-cruciales questions suivantes, qui sont tout l'objet de ma recherche : Qu'est-ce qui a amené Barnaba Chiaramonti devenu dom Gregorio par sa profession bénédictine, à réputer valides des pouvoirs politiques constitutionnellement athées et donc non-ordonnés au Bien commun, contre l'enseignement catholique paulinien...? Comment se traduit dans ses actes cet amour très-mauvais pour la démocratie moderne, "fille de Babylone" (Louis Veuillot)...?
Mais commençons par le commencement de tout être humain venant sur cette terre. "Pie VII naquit à Césène le 14 août 1742, et fut baptisé dès le lendemain à la cathédrale. (...) L'enfant reçut les prénoms de Barnabé, Nicolas, Marie, Louis. (...) En ce jour d'Assomption, dans la ville peuplée de couvents et bruissante de cloches, les carillons du dôme se perdaient en chantant ce nouveau chrétien, dont personne alors ne pouvait soupçonner les destinées tragiques et glorieuses, car rien n'autorisait à prédire la tiare au dernier fils du comte Scipion Chiaramonti, et à tous, et à lui-même, son élévation à la papauté causera une véritable surprise" (p. 3).
Si toutes les affirmations flatteuses de l'historiographe Masdeu, qui, à la mode de l'époque, s'empressa après l'élévation de Barnabé Chiaramonti au Siège de Pierre d'établir une généalogie glorieuse pro domo de sa famille, ne sauraient toutes avoir le sceau de la véracité, comme peut-être, par exemple, que les Chiaramonti "remontaient à un conquistador espagnol Damase, dont la vaillance avait enlevé aux Maures, vers l'an mille, le château-fort catalan de Claramonten" (p. 4), il n'en reste pas moins que Barnabé était issu d'une famille très-ancienne qui ne comptait plus ses nombreux quartiers de noblesse, autant du côté de son père que de sa mère, Giovanna Coronata Ghini, quand bien même elle était financièrement déchue de sa grandeur première aux temps où naquit le futur pape. "Les titres de noblesse des Chiaramonti de Césène n'en restent pas moins incontestables et très-anciens. Le futur Pape naissait racé. Il l'était d'ailleurs dans la pleine acception du mot, celle qui implique, avec l'appartenance à une vieille lignée, cette élévation de cœur et d'esprit, maintenue, accrue, rajeunie par l'effort constant des générations successives, faute de quoi le meilleur sang s'appauvrit, les plus magnifiques blasons se ternissent, les plus beaux noms sonnent creux. (...) Mais à défaut de la fortune matérielle, il tenait de son ascendance un héritage de culture intellectuelle, scientifique, artistique, des valeurs religieuses et morales qui expliquaient la richesse de son âme comme la richesse et la pondération de son esprit" (pp. 5 & 4). "Chez les Chiaramonti de Césène, depuis la Renaissance, le culte des lettres, des sciences, des arts, s'est donc fidèlement entretenu, avec le sens des obligations sociales, qu'impose la noblesse du sang" (p. 10).
Après la mort de son père en 1750, à l'un de ses trois frères fut dévolu en tant que chef de lignée, selon les us juridiques familiaux de l'Ancien-Régime, l'entièreté du patrimoine familial ; quant aux deux autres et à sa sœur, tous trois orientés vers la profession religieuse, après des études honorables l'un chez les Jésuites, l'autre à l'école des Nobles de Rome, la sœur chez les Célibates de Rimini, ils finirent tous, dans leur âge mûr, par revenir à Césène, abandonnant la carrière ecclésiastique ou religieuse pour une raison ou pour une autre. Mais pour ce qui est de Barnabé, "les bénédictins de Sainte-Marie-du-Mont de Césène, qui ont assuré ses études, l'accueillent en 1756 dans leur noviciat ; dès 1758, il prononce solennellement ses vœux [à 16 ans seulement, donc]" (p. 14).
Car en effet, contrairement à ses frères et sœur qui ne trouvèrent pas, semble-t-il, l'épanouissement de leurs âmes dans leurs communautés religieuses respectives, Barnabé, lui, par contre, a une véritable et édifiante vocation monacale qui s'épanouit on ne peut mieux, et qu'il est heureux d'épanouir, chez les bénédictins (ce qui, pour autant, ne se fit pas sans certaines incartades et espiègleries d'adolescent tout-à-fait révélatrices d'un tempérament vif et ardent à la réplique et même à la rébellion : songeons qu'il n'avait que quatorze ans quand il rentra, sûrement en tant qu'oblat, chez les bénédictins...).
Leur règle et le patronage de saint Benoît de Nursie convenaient en effet à merveille à son tempérament naturel autant qu'à ses aspirations spirituelles, c'était comme un prolongement vocationnel le mûrissant dans la plénitude de l'âge spirituel. La religion bénédictine, en effet, de tous les Ordres religieux, façonne le mieux son profès dans un équilibre entre l'humain et le divin, ce qui était ni plus ni moins, quant à Barnabé Chiaramonti, que prendre très-harmonieusement la suite des bonnes tendances de son âme, qui avaient déjà beaucoup fleuri au contact de sa sainte mère l'éduquant dans ce sens. La qualité dominante du bénédictin, c'est la piété, l'esprit d'oraison, dans un équilibre humano-divin humble, pieux et parfait. Dieu sait que cela convenait à merveille à l'âme naturellement méditative et fervente, humainement très-riche et équilibrée, de notre futur pape.
C'est donc là, dans l'abbaye bénédictine de Césène, sa ville natale, puis dans celle de Santa-Giustina de Padoue où on l'envoie dans le prolongement pour parfaire sa formation pendant cinq ans (cette dernière n'existe plus de nos jours, il n'en reste que l'église conventuelle devenue basilique), jusqu'en 1763, qu'il s'est spirituellement formé, qu'il est devenu "l'homme spirituel" dont parle saint Paul. Et ce fut si solidement bien maillé et fait que cela a valu pour toute la suite de sa vie. Jacques-Louis David (1748-1825), peintre et conventionnel régicide, robespierriste, rien moins que chrétien quand il était franc-maçon, ne put s'empêcher, en peignant le pape en 1805, de s'en rendre compte : "Quant au ci-devant jacobin David, après une de ses séances de pose, qui livrent au peintre psychologue quelque chose du mystère intérieur [de l'âme de la personne qu'il peint], il exprimait sa surprise d'avoir enfin découvert un prêtre. «Celui-là du moins, c'est un vrai». Aussi l'artiste, «cependant peu bigot, a-t-il, sur le tableau du Sacre, donné au seul visage du pontife une lueur de spiritualité au milieu de toutes ces faces lourdement satisfaites ou faussement pénétrées»" (p. 15).
Preuve que Dom Gregorio était bien dans sa voie vocationnelle chez les bénédictins, son cursus d'étude, après être fait profès, est tout ce qu'il y a de plus fulgurant, c'est même une fusée intersidérale qui s'envole tout-de-suite et très-vite vers le haut du haut, il y frétille visiblement comme poisson dans l'eau. "Ce régime d'études [bénédictin, réformé au XVIIème siècle] conduira successivement dom Gregorio, élève, puis professeur, de la base au sommet ; de l'école de Padoue le premier montera à celle de Rome ; franchissant à son tour les mêmes étapes, le second, d'abord lecteur à Parme, méritera en 1775 [à seulement 33 ans, donc] qu'on lui confie à Saint-Paul la plus haute charge de toute la Congrégation" (p. 29).
Le pape Pie VII peint par David
Je ne dirai que le moins possible sur la grande affaire à la fois intellectuelle et spirituelle qui agite souvent furieusement tous les esprits à la fin du XVIIIème siècle où Dom Gregorio étudie la théologie puis, quelques années plus tard, l'enseigne, car cela ne rentre pas vraiment dans mon sujet d'étude quoique la laisser de côté aurait manqué pour bien saisir la pensée profonde du pape Chiaramonti, à savoir : la grande lutte entre le molinisme jésuitique et l'augustinisme janséniste. Il est certes impossible, comme le fait remarquer Leflon, que notre futur pape d'esprit très-ouvert, intellectuellement supérieur et surtout ardent, n'ait pas eu à débattre, au moins intérieurement dans le tréfonds secret de son âme, entre les attendus dogmatiques et moraux de l'une et l'autre doctrine radicalement et même antinomiquement opposés, et surtout pouvant verser, l'une d'ailleurs autant que l'autre, dans la franche hétérodoxie, pour le peu que le débatteur aurait voulu extrémiser leurs propositions respectives.
Leflon tire des Mémoires du cardinal Bartolomeo Pacca (1756-1844), très-proche de Pie VII notamment lors de l'exil du pape à Fontainebleau, le texte majeur qui révèle le fond de l'âme du pape Chiaramonti quant à cette lutte théologique zélote et très-tendue qui occupe toute la fin du XVIIIème siècle. Pacca venait en effet converser avec le pape Pie VII emprisonné dans sa prison dorée trois quarts d'heure tous les soirs, de préférence sur des sujets importants : "... «J'aimais, dit le cardinal dans ses Mémoires, surtout l'entretenir du rétablissement de la Compagnie de Jésus pour laquelle il témoignait de l'estime et de l'affection». Ce préambule introduit l'aveu d'un étonnement rétrospectif dont l'Éminence nous livre les causes : «On peut remarquer ici la conduite aussi admirable qu'extraordinaire de la Providence sur cette Société célèbre. Barnabé Chiaramonti, étant jeune bénédictin, avait eu des maîtres et des docteurs anti-jésuites qui lui enseignaient les doctrines théologiques les plus opposées à celles de la Compagnie. Or, tout le monde sait les impressions profondes que laissent dans l'esprit les enseignements de la jeunesse. (...) Qui aurait pu prévoir alors que le premier acte du bénédictin Chiaramonti, devenu pape au sortir d'une affreuse tempête, en présence de tant de sectes déchaînées contre la Compagnie de Jésus, serait le rétablissement de cette Compagnie dans l'univers catholique [par sa bulle Sollicitudo omnium ecclesiarum du 7 août 1814], et que je serais celui auquel le Pape confierait l'agréable et honorable exécution de ses ordres souverains ?»" (p. 31).
C'est qu'en effet, les bénédictins italiens, moins peut-être que leurs confrères français, versaient beaucoup plus dans les doctrines au moins philo-jansénisantes quand elles n'étaient pas carrément jansénistes, que dans celles jésuitiques, molinistes. Les bénédictins étaient en effet comme prédestinés malheureusement à se ranger au moins parmi les philo-jansénistes, puisqu'ils avaient choisi saint Anselme de Cantorbéry comme maître scolastique depuis leur réforme du XVIIème siècle, lequel était "nourri de la pensée de l'évêque d'Hippone" (p. 43), saint Augustin, dont on sait trop la part que lui fit l'évêque d'Ypres, Jansénius. "Une conclusion toutefois se dégage : le jansénisme, au sens le plus strict et au sens le plus large, se limite en Italie aux dotti, professeurs, étudiants, évêques, membres du Sacré-Collège et des Congrégations romaines, Saint-Office y compris. Le bas-clergé, très-contaminé en France, surtout lors de la crise richériste, lui reste Outre-Monts presque entièrement fermé. (...) Or, c'est parmi les «dotti», dans des milieux où les sympathies jansénistes se révèlent indubitables, que dom Gregorio entreprend ses études" (p. 40).
"On devine sans peine par quelle crise intellectuelle put, dans ces conditions, passer dom Gregorio, à un âge où s'éveillent la personnalité et l'indépendance du jugement. Que la paix de son âme ait souffert de ces influences troubles, aggravées de passions partisanes, on ne saurait le mettre en doute. Padoue, puis Rome, lui vaudront cette épreuve où il s'agit de le suivre. Si, faute de documents, nous ne pouvons, par l'intérieur, atteindre et décrire exactement celle-ci, la reconstitution du milieu extérieur, qui en fut l'occasion et le cadre, permettra tout au moins d'en soupçonner le drame" (p. 47).
C'est, semble-t-il, beaucoup trop dire et supputer ; cela nous laisse en outre bougrement sur notre faim, faute, donc, de pouvoir en savoir plus et mieux sur le débat intérieur de dom Gregorio, que Leflon apparaît trop imaginer, gonfler et exagérer. Car si l'on sort du carcan impuissant de l'historien dans lequel notre auteur se cantonne et s'emprisonne, pour mettre en exergue la personnalité et l'âme du pape Chiaramonti, là, nous ne restons plus du tout sur notre faim, il s'en faut extrêmement : rien, en effet, n'est plus opposé à la spiritualité de son aimable personne tellement cordicole, bon Pasteur (Jn X, 11-16), dont on a moult preuves dans tout le courant de sa vie, que la doctrine desséchante et rigoriste du jansénisme, qu'il soit dit (faussement) modéré ou au contraire versant dans l'extrémisme carrément hérétique.
Bien au contraire, tout, dans la personne de Barnaba Chiaramonti, respire l'humanisme à tout le moins philo-moliniste des Jésuites, et ce n'est pas pour rien que le cardinal Pacca nous dit dans ses Mémoires que le pape, dans la maturité spirituelle de son âme et presque au soir de sa vie lorsqu'il était prisonnier de Napoléon à Fontainebleau en 1813, "témoignait de l'estime et de l'affection pour la Compagnie de Jésus" (supra). C'est pourquoi l'historien Crétineau-Joly (1803-1875), méditant longuement sur son beau portrait peint en 1805 par David, si justement célèbre parce qu'il traduit à merveille la personnalité à la fois ecclésiale et cordicole profonde du pape (qui, on l'a vu, avait fort impressionné le peintre), a pu dire, dans un lyrisme romantique certes quelque peu échevelé, outré, débordé voire débridé, que "le lait de la bonté humaine lui coulait des lèvres", appréciation cependant très-exacte pour le fond, dont, certes, on conviendra aisément qu'elle n'est pas vraiment à connotation... janséniste !
Leflon, par ailleurs, nous apprend dans la suite de sa biographie du pape Chiaramonti, qu'une fois installé en tant que cardinal-évêque dans le diocèse d'Imola, il "tenait en haute estime" (p. 210) la centaine de Jésuites "expulsés d'Espagne en 1767" (p. 208) qu'Imola avait recueilli, quota qui, sur ordre du pape, avait été assigné à la ville. Le cardinal-évêque Chiaramonti "multiplia envers eux les témoignages de bienveillance et de paternelle affection. Le P. [jésuite] Fuensalida deviendra même son homme de confiance ; l'évêque d'Imola le chargera d'enseigner la morale dans son grand-séminaire et fera de lui son théologien attitré. Ce double choix apparaît d'autant plus significatif que Diego Fuensalida bataillait vigoureusement contre les jansénistes. (...) Les rapports très-amicaux de l'Éminence avec ce fougueux champion de la Compagnie, suffisent à nous éclairer sur ses dispositions envers les Révérends-Pères jésuites" (p. 210).
En vérité vraie, je crois que ce conflit gravissime molinisme-jansénisme, qui embrasa passionnellement tant d'âmes imparfaites vers la fin du XVIIIème siècle, ne fit rien d'autre qu'effleurer, frôler, l'âme cordicolement très-supérieure de dom Gregorio, glisser dessus sans rien plus laisser que pluie sur plumes de canard, s'il y eut même débat intérieur dans son âme qui, certainement, ne tourna pas au vinaigre ni au drame intérieur, comme a l'air de vouloir le penser Leflon. Le futur pape vécut certainement ce conflit en le regardant de très-loin, de très-haut, fort méfiant et se gardant bien de descendre dans l'arène, caparaçonné dans la "sainte indifférence" ignatienne, ce qui là encore le rapprochait beaucoup de la spiritualité jésuite. En fait, le grand but spirituel de Dom Gregorio est de trouver la sainteté dans la voie bénédictine qui est sa vocation, et accessoirement d'y faire carrière en mettant en œuvre les grands talents que Dieu lui a donnés : il ne put donc considérer le débat moliniste-janséniste que hors-sujet de son but spirituel profond, que comme un obstacle dangereux à mettre résolument et sans miséricorde sur la touche.
Lorsque dom Gregorio, au terme de ses premières études à l'abbaye Santa-Giustina de Padoue en 1763, est envoyé au collège pontifical Saint-Anselme à Rome, ce qui montre qu'il était considéré par ses supérieurs comme un "sujet d'élite" (p. 66), surdoué intellectuellement, et bien qu'à Rome, sous le pontificat très-persécuté de Clément XIII (1693-1769), les jansénistes étaient occultement de plus en plus puissants et nombreux, notre bénédictin ne prit point feu dans le débat zélote à la mode et dans le vent. Leflon, quoiqu'il en ait, est bien obligé de l'admettre : "Que le futur Pie VII ait souffert de cette malaria [= la contamination de l'hérésie janséniste jusque dans le haut-clergé romain cardinalice], aucun document ne le prouve" (p. 83).
Mettons donc le point final sur cette question un peu en marge de notre sujet d'étude, quoique cependant nécessaire à labourer, car elle affine le portrait du futur Pie VII.
Abbaye bénédictine de Santa Maria del Monte à Césène, ville natale du futur Pie VII,
berceau vocationnel où le jeune Barnaba Chiaramonti vécut de 14 à 16 ans
(située sur un mont, notre jeune moine y disposait de magnifiques vues, cf. seconde photo)
En 1766, dom Gregorio terminait fort brillamment son cycle triennal d'étude à Saint-Anselme et devenait "lecteur en théologie" (p. 86), c'est-à-dire professeur agrégé. Entretemps, il avait été ordonné prêtre en 1765, à 23 ans. Il fut alors envoyé par ses supérieurs enseigner à l'abbaye Saint-Jean-de-Parme, où il va rester neuf ans, jusqu'en 1775.
Là, Leflon nous apprend qu'il va vivre ou du moins observer au plus près du près un chaud climat pré-révolutionnaire dans la ville. Celle-ci, quoique appartenant à l'Espagne, était dirigée par un français, du Tillot (1711-1774) qui, sans même trop le vouloir mais irrésistiblement poussé par les affidés des Lumières du XVIIIème siècle répandus dans toute l'Europe, et singulièrement, faut-il le dire, dans la France, qui jouait "le rôle d'intermédiaire et d'agent de liaison" (p. 110) pour tout le monde, fit de la ville un fer de lance quasi révolutionnaire avant la lettre sur le plan sociopolitique et sur les rapports entre Église et État. Une nouvelle fois, notre dom Gregorio ne put que se rendre compte de ce conflit ouvert, si fort manifesté dans le Parme des années 1765, où une nouveauté sociopolitique iconoclaste voulait carrément faire tabula rasa de l'ancienne civilisation très-chrétienne basée sur l'Église et sur le Christ. Quand bien même, là encore, on ne sait pas, faute de documents, quelles réflexions il se fit face à ces nouveautés d'un gouvernement politique attaquant les droits de l'Église et en conflit ouvert avec le Saint-Siège. Voici comment Leflon résume ces neuf ans parmesans du futur pape : "Dans quel sens s'orientèrent alors les réflexions et les préférences du théologien dom Gregorio ? Nous l'ignorons ; nous l'ignorerons sans doute toujours ; il n'a conservé aucun papier de cette époque et les lettres qu'il écrivit pendant son séjour à l'abbaye Saint-Jean, jusqu'ici, n'ont pas été retrouvées. Si cette lacune regrettable nous empêche de déterminer la direction suivie par son esprit, l'opportunité de cette expérience parmesane n'en reste pas moins évidente" (pp. 107-108).
... Mais, dans la vie intellectuelle de Barnaba Chiaramonti devenu dom Gregorio, un grand virage s'amorce, à Parme justement, et un virage extrêmement inquiétant. Leflon, qui, lui non plus, pas plus que les modernes historiens contemporains que j'ai épinglés plus haut, n'a bien entendu rien compris à rien de l'hétérodoxie métaphysique et métapolitique viscérales des "temps nouveaux" (il l'a prouvé "magistralement", en rédigeant une biographie laudative du P. Jacques-André Émery, apologie des plus indécentes sur le collaborationnisme honteux et extrémiste de ce prêtre avec les pires gouvernements de la Révolution, sous le fallacieux et hérétique raisonnement, que nous verrons Chiaramonti lui aussi tenir, qu'il ne pouvait y avoir de par Dieu que quelque chose de bon et de valide dans toute autorité politique humainement constituée, même si elle l'était par les pires coupeurs de tête ― Soit dit en passant, Leflon fit paraître cette biographie abominablement collabo du P. Émery, lequel n'avait vraiment rien à envier au ministre pétainiste Laval, qui m'a fait vomir au vomitorium quand je l'ai lue, juste après la seconde guerre mondiale, en 1946, lui donnant l'évidente et ignominieuse vocation d'étouffer les scrupules des évêques qui, pendant celle-ci, s'étaient rangés derrière Pétain, et qui, maintenant, devaient brutalement mettre le petit doigt sur la couture du pantalon derrière de Gaule...), Leflon disais-je, ne saurait infléchir son jugement hagiographique sur notre moine bénédictin, mettre un nuage noir d'encre dans le ciel qu'il veut tout bleu du futur pape, en le voyant intellectuellement adopter voire épouser le positivisme scientiste et illuminé du XVIIIème siècle. Au contraire, dans son aveuglement qui est celui que tout le monde, dans les post-révolutionnaires "temps nouveaux", partage avec tout le monde sauf avec le Saint-Esprit, il l'en congratule...
"Le moment arrive en effet, où nous pouvons saisir au vif son évolution intellectuelle et ses réactions personnelles au mouvement des Lumières. Dans quelle mesure le jeune professeur de théologie réalisa-t-il la devise qui dominait, à l'abbaye Saint-Jean, la porte voûtée de la bibliothèque : Initium salutis sapientia et scientia ? Ce nouveau point d'interrogation, contrairement à ceux qui précèdent, pourra cette fois recevoir une réponse nette, appuyée sur des preuves indubitables, et cette réponse a toute la valeur d'une précieuse nouveauté. Il apparaît d'abord que dans la devise Initium salutis sapientia et scientia, dom Gregorio intervertit l'ordre des facteurs pour réaliser le programme inverse : Initium salutis scientia et sapientia. Ainsi le voulaient le caractère de son siècle, siècle de la science avant tout, et la tournure même de son esprit" (p. 120), et l'on peut rajouter aussi qu'ainsi le voulaient les tendances familiales de ses ancêtres dont il avait héritées, effectivement très-tournées vers la science (un de ses ancêtres fameux, Scipion Chiaramonti, n'avait-il pas rédigé des ouvrages sur l'astronomie, qui furent prisés à l'époque, et discouru avec Tycho-Brahé ?).
Le commencement du salut est la sagesse et la science, dit l'axiome vénérable. Mais si l'on renverse la sentence Le commencement du salut est la science et la sagesse, alors, on rentre et on ne peut que rentrer, peu ou prou, consciemment ou bien non, dans le positivisme illuministe, système de pensée où la révélation de l'homme prédomine et passe avant la Révélation de Dieu. Ç'aurait été certes formidablement le moment, pour notre moine bénédictin, de se rappeler ce qu'avait dit saint Anselme, pris comme maître de doctrine par les bénédictins de son temps, son maître à lui, donc : "Je ne cherche pas à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre". Saint Anselme enseignait ainsi de mettre la sagesse avant la science, la compréhension étant ordonnée à la science quand la Foi l'est à la sagesse, laquelle science donc, ne peut être vraiment science réelle et authentique que par la sagesse... sinon, rien. Mais il s'en fallait, hélas de beaucoup, sur le plan spirituel, que, au XVIIIème siècle où l'on voit l'homme se replier systématiquement sur lui-même en fermant toutes ses écoutilles, nous n'étions plus au Moyen-Âge de saint Anselme, ni non plus dans l'Antiquité chrétienne de saint Augustin qui formulera lui aussi la même sentence. Et les meilleurs esprits, tel celui de notre bénédictin surdoué intellectuel, se laissèrent harponner et crocher par ce que les mondains appellent, de manière très-moderniste, "l'esprit du siècle", "les temps nouveaux", surtout en plus quand l'esprit du temps épouse sa propre et personnelle tournure d'esprit, comme c'était tout-à-fait le cas de notre futur pape...
"Dans une ville [Parme] où régnaient les principes et les techniques expérimentales de Newton et où s'inaugurait l'enseignement des arts mécaniques, l'Encyclopédie française ne pouvait que recevoir un accueil enthousiaste et fervent. (...) Elle y pénétra dans son texte authentique, soit dans l'édition française originale, soit dans les éditions italiennes de Livourne et de Lucques. Or, parmi les 27 souscripteurs parmesans de l'édition de Livourne, frappée d'interdiction par le pape Clément XIII, parue de 1770 à 1779, figure dom Gregorio Chiaramonti" (pp. 125 & 126).
Leflon, évidemment, tâche d'en disculper dom Gregorio en disant qu'il a très-bien pu acquérir l'Encyclopédie pour la bibliothèque de l'abbaye Saint-Jean dont il était le bibliothécaire attitré, et non en son nom personnel ; puis de poursuivre aussitôt, sentant que l'esquive astucieuse ne tient pas, en invoquant cette fois-ci son professorat, arguant qu'un professeur avec des élèves profès jeunes et influençables doit se tenir au courant des nouveautés de "l'esprit du siècle", même celles pernicieuses. Tout cet échappatoire tiré par les cheveux n'a, cependant, aucune valeur. Car alors, on se demanderait bien à quoi servirait l'Autorité et la décision du pape Clément XIII d'interdire formellement à toute l'orbe catholique la lecture de l'Encyclopédie, si, en effet, tout le monde, pour une raison ou pour une autre, bien entendu toujours très-valable, pouvait passer outre et muscade.
Or, il n'est guère besoin de préciser que le pape Clément XIII avait parfaitement raison d'interdire la lecture de l'Encyclopédie... ce qui sous-entend formellement bien évidemment de l'acquérir. L'Encyclopédie patronnée par Diderot était en effet radicalement antichrist pour le fond, ce que même ses rédacteurs reconnaissaient. Leflon, bien sûr, le sait très-bien : "L'Encyclopédie glissait dans son titre une épithète apparemment innocente, qui masquait avec adresse le but de l'entreprise ; elle s'annonçait comme une Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers. (...) Les éditeurs donnaient à l'épithète «raisonné» un sens bien déterminé (...), ils entendaient bel et bien, selon le mot de Diderot lui-même, «changer la façon commune de penser» et s'en prendre en «raisonnant» à ce qu'il appelle «les préjugés courants» [à entendre comme étant principalement les dogmes catholiques]. À cet effet, sous un continuel et prudent camouflage, les rédacteurs mènent «une guerre de ruses et d'embuscades» qui grignote silencieusement les positions traditionnelles, en endormant la vigilance des gens non avertis. Plus dangereuse toutefois que cette tactique, se révèle la mentalité [d'un positivisme agnostique excluant Dieu], dont l'ouvrage imprègne systématiquement le lecteur. Diderot lui-même avoue que cette imprégnation est en réalité le but essentiel de son Dictionnaire raisonné.
"Insidieusement animé de cet esprit, lancé sous le couvert d'une science et d'une technique alors inégalables, éparpillé, mais puissant par la convergence de ses flèches émoussées, vénéneuses, dirigé magistralement par des chefs résolus contre un objectif bien défini, l'assaut mettait en grave péril, et les principes sociaux, et la Foi de l'Église. Diderot et ses amis n'avaient pas seulement monté «la plus formidable des machines de guerre», ils avaient également monté la plus perfide. Comme astuce, depuis le cheval de Troie, on n'avait pas trouvé mieux" (pp. 128-129).
C'est avec l'Encyclopédie certainement, que se fait dans l'esprit du futur pape, le déclic mortifère, mortel, qui va le faire passer d'une Foi pure et forte à une autre s'acoquinant hérétiquement d'avec le positivisme doctrinal hétérodoxe. Et Barnaba Chiaramonti va en faire une démonstration éclatante non moins que lamentable dans son fameux et incroyable sermon de la Noël 1797 à ses ouailles d'Imola, que nous allons voir plus loin, où il appliquera le positivisme illuminé au domaine politique constitutionnel, s'aveuglant complètement sur le fait que, par-là même, il annihilait hérétiquement la loi catholique intangible en la matière, celle enseignée par saint Paul au ch. XIII de l'épître aux Romains. C'est en effet l'adoption par dom Gregorio du positivisme illuminé du XVIIIème siècle, via l'Encyclopédie, qui va finir par le faire répudier les Mœurs dans la matière suréminente du Politique constitutionnel. La boucle est bouclée. Leflon lui-même, voyant cependant dans cette évolution de la pensée du professeur bénédictin une chose très-bonne, dans son aveuglement complet sur le sujet, aveugle suivant un autre aveugle pour finir tous les deux dans la fosse (Matth XV, 14), expose fort bien, en s'en félicitant, donc, ce lien formel entre le positivisme très-Lumières du XVIIIème siècle adopté par Chiaramonti via l'Encyclopédie, et l'application décalcomaniée qu'il en fait à la matière politique constitutionnelle, réputant dès lors validité et légitimité à toute société politique fondée par l'homme, sans plus aucun lien, comme le veut formellement la Foi catholique, avec l'obligatoire ordonnancement constitutionnel de ladite société politique avec le Bien commun normé sur les lois naturelles et celles surnaturelles, donc avec Dieu qui fonde le Bien commun parmi les enfants des hommes. Voyons comme il exprime la chose :
"Dom Gregorio ne s'initie pas seulement aux conquêtes scientifiques et techniques de son époque [via l'Encyclopédie], il adopte aussi les méthodes positives qui ont permis ce double progrès" (p. 132). Puis, notre auteur, plongeant son regard dans le futur, établit lui-même très-bien le lien entre cette nouvelle méthode positiviste adoptée par le futur pape, d'avec sa nouvelle profession de foi en matière politique constitutionnelle. Quoiqu'en voyant comme formidable ce qui n'est qu'abominable, il le fait fort bien, il n'y a qu'à le lire : "Le Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers ne permit pas seulement à dom Gregorio d'amplifier son acquis en matière scientifique et technique ; il éveille en outre, davantage encore, son esprit accueillant et vif, au conflit d'idées qui opposaient alors un monde finissant et un monde naissant, entre lesquels, trente ans plus tard, le professeur de Saint-Jean, comme pape, devra établir une liaison difficile mais singulièrement féconde. Puisque les conceptions nouvelles trouvaient dans notre pays, en Italie, en Europe, avec un terrain de culture extrêmement favorable, des propagandistes aussi écoutés, puisque l'Encyclopédie accusait à plaisir les antithèses à résoudre, il importait que, par elle, entrât «en contact avec la science et la pensée françaises le futur auteur d'un écrit (il s'agit de l'homélie prononcée par le cardinal Chiaramonti, évêque d'Imola, le jour de Noël 1797) qui acceptera le meilleur de la Révolution française, le Pontife qui, avec Bonaparte, établira le Concordat». En lançant sa formidable «machine de guerre» contre l'Église, Diderot ne soupçonnait nullement qu'il préparât à sa mission le successeur de Pie VI. De tous les résultats de son œuvre, ce n'est pas, il faut l'avouer, le moins inattendu. Raison de plus pour l'inscrire à l'actif du fameux Dictionnaire, si raisonné et si dangereux pour la Foi" (p. 131).
Notre pauvre biographe de Pie VII se plante catholiquement complètement dans ses commentaires, et ses dernières phrases sont totalement hors-sol, il ne pose plus du tout les pieds dans le réel de la Foi. Nous allons voir tout-à-l'heure ce qu'il faut penser de l'abominable sermon de la Noël 1797 qu'osa le cardinal-évêque d'Imola qu'était devenu dom Gregorio. Pour l'instant, remettons en bon ordre catholique la vérité de la situation, quant à nous, laquelle n'a rien à voir avec la pensée illuministe déviante de l'auteur que nous suivons : il est clair, pour celui qui veut comprendre les choses, que la fréquentation de l'Encyclopédie par dom Gregorio, l'initiant aux Lumières du XVIIIème siècle, va être la source originelle qui va pourrir sa Foi au niveau des Mœurs politiques constitutionnelles. Leflon souligne en gras et en rouge à juste titre, ce qui m'économise d'avoir à le faire, la relation de cause à effet évidente entre l'entrée en contact de Chiaramonti "avec la science et la pensée françaises" via l'Encyclopédie, et le résultat catastrophique au niveau des Mœurs politiques constitutionnelles, qui va consister en la conversion du cardinal puis du pape aux sociétés politiques issues de la Révolution, toutes fondées sur le positivisme humain et expurgeant, excluant de soi, toute fondation divine, mais que Chiaramonti va néanmoins réputer formellement valides et légitimes. D'abord en tant que cardinal dans son très-scandaleux sermon de la Noël 1797, puis, mettant quelques petites années plus tard dans les travaux pratique la théorie qu'il y avait exposée, en tant que pape en acceptant l'État français constitutionnellement athée de Napoléon dans le Concordat, à vocation antichristique d'universaliser pour le monde entier la nouvelle doctrine.
Ce qui était ni plus ni moins, au niveau des Mœurs, que mettre en grand'œuvre dans l'Église Universelle, à commencer par la portion française, les Lumières illuministes lucifériennes du XVIIIème siècle...
Collège pontifical Saint-Anselme, adjacent à
l'abbaye bénédictine Saint-Paul-hors-les-murs, Rome
(dom Gregorio y étudia trois ans, de 1763 à 1766)
Hélas, on est obligé de prendre acte que la pensée de dom Gregorio va évoluer plus encore dans un positivisme radicalement extrémiste des Lumières du XVIIIème siècle, en s'agrégeant les doctrines illuministes très-gravement hérétiques d'Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780).
Ce penseur complètement hétérodoxe, "enseignait un empirisme radical, le sensualisme" (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Bonnot_de_Condillac#cite_ref-Raymond_Trousson_p._197_4-1), c'est-à-dire que toute révélation est faite à l'homme au moyen et seulement par ses sens. Nous sommes avec lui dans des théories positivistes nées de Descartes qui sont menées jusqu'au bout du toub de l'extrémisme radical, et surtout radicalement antichrétiennes, car excluant totalement la métaphysique traditionnelle qui origine toutes choses sur Dieu, comme Cause première d'icelles toutes. Condillac, qui s'était fait ordonner prêtre juste pour se donner un état de vie aux yeux du monde (... il paraît, ô chose affreuse !, qu'il ne dit la messe qu'une seule fois dans toute sa vie...), quitta rapidement le sacerdoce pour se consacrer à la philosophie des Lumières tout en menant une vie mondaine.
Or, il est tout-à-fait possible que dom Gregorio connut personnellement Condillac. Celui-ci, en effet, résidait à Parme depuis 1757 lorsque notre bénédictin y fut envoyé par ses supérieurs en 1766. Condillac ne quitta Parme que deux ans plus tard, en 1768, ce qui ouvre une grande possibilité d'un rapport personnel entre Dom Gregorio et lui.
Leflon, qui est bien obligé de présenter ces faits, écrit piteusement : "Que dom Gregorio ait également adopté en psychologie les méthodes positives introduites par Locke et Condillac, risquerait de surprendre davantage, voire peut-être de choquer. Et pourtant, sur ce point, nous ne sommes plus réduits à éplucher le catalogue de sa bibliothèque pour dégager ses tendances ; nous possédons des preuves, et si évidentes, que les plus sceptiques et les plus stupéfaits ne pourront d'aucune façon les révoquer" (p. 135). Surtout que notre bénédictin surdoué intellectuellement traduit l'ouvrage principal de Condillac, Essai sur l'origine des connaissances humaines, synthétisant toute sa doctrine illuministe positiviste radicale. Il n'est qu'à peine besoin de faire remarquer qu'on ne prend pas à difficile tâche la traduction ligne après ligne, mot après mot, d'un grand'œuvre philosophique, sans être soi-même convaincu et converti à la doctrine y exposée, au moins dans ses grandes lignes...
C'est pourquoi il faut encore être moins surpris, quelques lustres plus tard, en 1784, lorsque Chiaramonti était évêque de Tivoli, de voir un chanoine du Latran ayant édité un gros ouvrage annotant cet ouvrage principal de Condillac, dédier "son édition All' Illustrissimo et Reverendissimo Monsignore Chiaramonti, patrizio Cesenate e vescovo di Tivoli. Bien plus, l'auteur dans une préface grandiloquente et boursoufflée, prenait soin de motiver longuement cette dédicace quelque peu inattendue" (p. 135).
Leflon cite ce morceau superbissime dans son entier, je ne peux quant à moi, pour éviter trop de longueurs, qu'en citer ces fragments, très-révélateurs hélas de la connivence hétérodoxe de l'esprit de Chiaramonti avec les idées illuministes du XVIIIème siècle : "Il n'appartient pas à tous les hommes, si grands soient-il, Illustrissime et Révérendissime Monseigneur, de protéger les œuvres qui, pour mettre en lumière les vérités débattues, tentent d'ouvrir une voie nouvelle. (...) C'est pourquoi l'analyse philosophique ne compte actuellement que peu de protecteurs et, parmi ceux-ci, on n'en trouve guère chez qui, à la valeur du talent et du courage, puisse s'ajouter le ton d'autorité, dont a besoin, pour être soutenue à sa naissance, toute entreprise grande et lumineuse. (...) Louange donc au Dieu souverain ! Louange aussi à vous, Illustrissime et Révérendissime Monseigneur, qui, dans ce nombre très-petit, mais du reste très-noble, tenez une place très-spécialement distinguée. (...) Telles sont les raisons, Illustrissime et Révérendissime Monseigneur, pour lesquelles j'ose présenter et recommander à votre talent, à votre courage, à votre autorité, plutôt qu'à personne d'autre, ces Observations critique que j'ai dû apporter à la traduction de l'Essai sur l'origine des connaissances humaines de M. l'abbé Condillac. Plus que tant d'autres, vous êtes capable d'apercevoir qu'ouvrir à la science une voie analytique, comme a tenté de le faire ce philosophe, après Locke, mérite absolument louange et protection" (pp. 135-137).
Ôtez le dithyrambe du discours, soufflez sur les bougies et les fumées enivrantes de l'encens, il n'en reste pas moins que Chiaramonti est considéré ni plus ni moins par le chanoine du Latran comme un chef de file de ce mouvement positiviste inspiré par le très-hétérodoxe Condillac. Leflon est bien obligé d'en prendre acte : "Même compte tenu de son emphase ampoulée, tout ce texte prouve bel et bien que l'évêque de Tivoli n'a pas craint de couvrir ouvertement la méthode de Condillac ; sans l'aveu formel du prélat, Falletti [le chanoine du Latran] ne l'aurait pas abritée sous son autorité épiscopale, en lui dédiant sa traduction de l'Essai, en écrivant pareille préface. (...) Ceux qui voient en lui [Condillac], et à bon droit, un représentant suspect du mouvement des Lumières et un destructeur des valeurs rationnelles, comprendront encore moins qu'un futur pape ait préconisé sa méthode" (p. 137).
Mais Leflon a beau nous dire par après, toujours pour en rester au beau fixe de son baromètre hagiographique, but qu'il s'est tracé dans sa biographie de Pie VII, que infiniment d'élites ecclésiastiques du temps, dans toute l'Europe, versaient peu ou prou dans les Lumières du XVIIIème siècle, prétendant y voir, trier et retenir du bon grain parmi l'ivraie, en vérité très-fallacieux distinguo, il n'en reste pas moins que voir un "futur pape" y verser lui aussi, et pas petitement, ne peut guère être réjouissant et inciter à bien augurer, surtout quand on voit à quelle application gravissime l'a fait aboutir dans la matière politique constitutionnelle sa sympathie très-forte pour le positivisme des Lumières, à savoir réputer valide toute société politique constituée, et par l'homme, et avec l'homme, et en l'homme, per ipsum, et cum ipso, et in ipso, dans une pseudo-liturgie métapolitique sataniquement à l'envers, radicalement et surtout lucifériennement anthropocentrique.
Notre auteur a beau écrire : "Condillac marque bel et bien dans l'histoire de la philosophie une date importante ; avec Locke, avec lui, comme jadis la physique expérimentale, la psychologie expérimentale se détache de la métaphysique pour devenir une science positive" (p. 142), il ne fait que mettre fort bien en exergue, justement, par son analyse en forme de raccourci synthétique, l'hétérodoxie viscérale du positivisme de Condillac, là où le bât blesse, car les sciences humaines n'ont jamais à se détacher de la métaphysique, sous peine précisément de perdre leur base fondamentale et cesser d'exister purement et simplement, à proportion même où elles se détachent de la métaphysique.
On ne peut pas manquer de remarquer que c'est très-précisément cette méthode de détacher la science humaine de la métaphysique, tirée de Condillac comme d'ailleurs de tous les positivistes du siècle des prétendues Lumières, qu'a suivie Chiaramonti en l'appliquant par décalcomanie à la Politique constitutionnelle. Surtout qu'en plus il faut hélas rajouter que, chez les catholiques, les scolastiques classiques tendaient eux aussi à ce but hérétique en idolâtrant, par d'autres voies philosophiques obsédées d'Antiquité, l'en soi politique. Les deux courants qui se rejoignaient en confluent pour former un fleuve très-puissant, lui ont fait professer la validité et la légitimité des sociétés politiques humainement constituées de par elles-mêmes, en elles-mêmes, pour elles-mêmes, sans plus tenir aucun compte qu'elles ne peuvent exister métapolitiquement qu'en prenant comme base et fondement le Christ et le Dieu trois fois saint via le Bien commun normé sur les lois naturelles et celles surnaturelles. Ce n'est pas pour rien en effet que Jésus, le soir du Jeudi-Saint, a dit : "Sans Moi, vous ne pouvez RIEN faire" (Jn XV, 5). La chose politique constitutionnelle est fort loin d'en être exclue.
Mais voilà ce qu'un positiviste cartésien, newtonien, lockien, condillacien, ne peut plus du tout comprendre ; voilà ce que Barnaba Chiaramonti, illuminé de ce positivisme appliqué à la chose politique constitutionnelle, ne put plus du tout comprendre, lorsqu'il eut à en débattre très-concrètement dans les années révolutionnaires ; et c'est pourquoi il n'a pas vu l'abîme dans lequel il engouffrait et précipitait l'Église, en réputant hérétiquement la validité, c'est-à-dire l'existence métaphysique, à un pouvoir politique constitutionnellement athée, l'État français de Napoléon, dans le Concordat, en 1801, ayant du reste déjà fait de même, quelques années auparavant, avec les gouvernements républicains révolutionnaires imposés de force dans l'Italie du nord par ce valet de la Révolution qu'était Bonaparte...
(1714-1780)
"Le 15 février 1775, après un laborieux conclave qui dura quatre mois et neuf jours, le Sacré-Collège élisait pape le cardinal Braschi, abbé commendataire de Subiaco, qui prit le nom de Pie VI. Quelques mois après le début du nouveau règne, dom Gregorio Chiaramonti était nommé lecteur de théologie au Collège Saint-Anselme et s'installait de nouveau à Saint-Paul-hors-les-Murs, avec le titre de prieur. Il avait alors trente-trois ans. Ainsi donc, l'année même où un Césènate devenait chef suprême de l'Église, le lecteur de Parme, Césènate lui-même, bénéficiait d'une promotion presque immédiate et d'autant plus singulière qu'il n'avait pas l'âge exigé par les règles de sa congrégation" (p. 144).
Le pape Braschi étant connu pour son népotisme et son favoritisme, tache principale de son pontificat, il était évident que notre bénédictin en avait profité. C'était d'autant plus évident que de forts liens d'amitié s'étaient noués entre eux, quand, au hasard si l'on peut dire (car il n'y a pas de hasard), d'un séjour de vacance de notre bénédictin à l'abbaye de Subiaco, l'Éminentissime Braschi, alors cardinal et père-abbé de ce monastère, désira rencontrer le vacancier. "Les deux noms de Césène, de Chiaramonti, les deux familles Braschi-Chiaramonti s'étant fréquentées de génération en génération dans le cercle forcément un peu étroit de la noblesse locale césènate, réveillèrent spontanément ses souvenirs et le Prince de l'Église exprima le désir de rencontrer un compatriote dont il connaissait si bien la famille. Les talents et les vertus du jeune moine bénédictin le charmèrent à tel point qu'il dirigea souvent, depuis, sa promenade vers Sainte-Scholastique. Là se forma entre les deux hommes une étroite amitié. Dom Gregorio était alors lecteur à Parme. (...) L'impression produite par dom Gregorio sur le cardinal Braschi, qui avait un faible pour les Césènates, fut assez forte pour que, devenu Pape, dix-huit mois plus tard, il appelât à Rome celui qui l'avait conquis et séduit par sa science, son sérieux, son aimable gaieté, sa douceur, son esprit" (pp. 146-147).
Là, cependant, dans la chaire de théologie romaine de Saint-Anselme qu'il occupa durant six années "avec le titre de prieur de l'abbaye Saint-Paul-hors-les-Murs" (p. 147), l'attendait une grosse épreuve morale, de lourdes persécutions de la part de ses frères bénédictins contre sa personne. Dans sa charge de professeur très-proche des jeunes profès qu'il enseignait, "confident des épreuves causées à leur vocation par l'esprit du temps peu en harmonie avec certaines conceptions de l'état religieux, il intervint pour assouplir les rapports de ses étudiants, un peu indépendants, avec leurs Abbés et leurs supérieurs un peu rigides. C'était s'exposer à des contradictions, à des persécutions dont il eut grandement à souffrir" (p. 150). D'autant plus qu'il avait été nommé prieur de Saint-Paul par le pape, alors que la règle bénédictine réserve l'élection de cette charge aux seuls profès de l'abbaye...
Discipline et méthode pédagogique semblent cependant bien être les seules deux mamelles de cette dystonie d'âme entre Chiaramonti et ses confrères bénédictins, qui, apparemment, car le malheureux épisode n'est pas très-éclairé par les premiers historiens de Pie VII et Leflon avoue ne pouvoir pas y apporter plus de lumière que ses prédécesseurs, furent nombreux à se braquer contre lui. C'est vraiment dommage, car on aurait vraiment beaucoup aimé savoir quelle part de psychologie tirée des méthodes positivistes des Lumières XVIIIème siècle et très-notamment de Condillac, dont Leflon nous a dit plus haut que Dom Gregorio les avait "adoptées" (supra), notre futur pape mettait dans ce conflit claustral intra muros, mais nous resterons là encore sur notre faim, faute d'explications précises et de documents. On sait seulement, par les faits extérieurs, qu'après avoir résigné sa chaire de Saint-Paul en 1781, "après six années d'enseignement" (p. 154), une fois nommé Abbé titulaire mais simplement honoraire, le Révérendissime dom Gregorio "fut alors affecté à l'abbaye de son pays natal, Sainte-Marie-du-Mont de Césène" (p. 155). Mais là encore, derechef, chose qui intrigue tout-de-même, il souffrit dans l'abbaye de sa natale Césène, dans laquelle il s'était si bien formé spirituellement... la même pénible persécution de la part de ses confrères qu'à Rome. Alors, sur intervention personnelle musclée de Pie VI lui-même, en mai 1782, dom Gregorio revint à Rome, à Saint-Paul, où il reprit la fonction de bibliothécaire... pour retrouver à nouveau le pénible rejet de ses frères en saint Benoît, l'un d'entre eux, même, un espagnol, "avait juré de ne jamais le laisser en repos. Les Cassiniens firent donc des instances multipliées pour qu'il fût exilé de la capitale. Pie VI, excédé, les prit alors au mot et nomma l'Abbé titulaire, évêque de Tivoli, au consistoire du 11 décembre 1782" (p. 157). Il l'exila donc de Rome en effet, comme le voulaient ses confrères, mais ce ne fut pas par disgrâce, ce fut tout au contraire par promotion.
Le nouvel évêque de Tivoli "fut sacré le 21 décembre 1782. Si sensible qu'il se montrât à l'exceptionnel honneur que lui faisait Pie VI, Mgr Chiaramonti toutefois se réjouit plus encore de ce que son élévation à la plénitude du sacerdoce dissipât heureusement entre sa congrégation et lui de longs et pénibles malentendus" (p. 158). Comme par un fort surprenant miracle en effet, les préventions de ses frères de religion contre lui tombèrent tout soudain d'un seul coup d'un seul, s'évanouirent "comme cire fond devant le feu" (exorcisme de Léon XIII) dès que dom Gregorio fut fait évêque. Ses frères bénédictins reconnurent leurs torts, dissipèrent et dégringolèrent leurs calomnies, sincèrement, entièrement "et de tout cœur" (p. 159) assure Artaud, un des premiers biographes de Pie VII. Pour autant, on ne peut que porter réflexion sur l'étrange épisode, et, pour le résoudre, on se prend alors à penser que toute cette ténébreuse et longue affaire obscure de persécution injuste tournant en rond sur des questions pédagogiques somme toute secondaires, tempête dans un verre d'eau, n'avait bien pu être qu'un douloureux aiguillon et instrument de la Providence divine pour donner l'épiscopat à Barnaba Chiaramonti...
Comprimée et resserrée peut-être dans son statut de bénédictin sans pouvoir en sortir, sa personnalité de bon Pasteur s'épanouit en tous cas immédiatement avec le plus grand bonheur au contact de ses ouailles de Tivoli.
La première Lettre pastorale qu'il adressa à ses fidèles est profondément édifiante, elle respire une Foi admirable en tout point et justifie amplement la remarque de Pie VI, à savoir que ce qui l'avait "fortement recommandé à son choix [de le faire évêque, étaient les] remarquables qualités de son âme et de son esprit" (p. 157). Je ne peux hélas la reproduire ici, elle est trop longue, et je le regrette vraiment très-fort, car si jamais le futur Pie VII est un jour déclaré saint, on en aurait là, dans cette première lettre pastorale, toute l'explication. Leflon est tout-à-fait fondé à la commenter ainsi : "Rien d'ampoulé, rien de conventionnel dans cette lettre qui contraste heureusement par son genre direct, avec certaines formes de style alors si en faveur. On devine un esprit précis, aux idées nettes, qui aime la simplicité, la logique et la clarté. On devine surtout une âme profondément surnaturelle, nourrie de la Sainte-Écriture et des Pères, uniquement soucieuse d'accomplir l'œuvre du Seigneur par une collaboration harmonieuse avec le clergé séculier, les réguliers, les fidèles" (p. 165).
Il ne resta évêque de Tivoli que deux bonnes années. "Le Pape, écrit Artaud, (...) apprenait que celui-ci [Mgr Chiaramonti] organisait son diocèse avec une rare intelligence, qu'il apportait un intérêt particulier à compléter les collections de bons livres ; qu'il avait aidé de sa bourse et, ensuite, promu à des charges distinguées les hommes instruits et versés dans les études les plus difficiles pour l'éducation de la jeunesse. Le Pape résolut donc d'accorder l'évêché d'Imola à l'évêque de Tivoli, puis le créa cardinal le 14 février 1785. Ce choix ne fut pas regardé comme une faveur de népotisme, mais plutôt comme une récompense due à un prélat sans ambition et environné d'une estime universelle" (p. 183). Dans la lettre que Pie VI écrivit en réponse à Thomas Chiaramonti, frère de Barnaba et chef de lignée des siens, qui l'avait remercié d'honorer ainsi sa famille en nommant Barnaba évêque dans le siège d'Imola, le pape ne manquait pas de dire : "En décidant cette translation [de Tivoli à Imola], nous ne voulons pas que cela vous échappe, nous n'avons eu qu'un but : mettre plus en vue les qualités de cœur et d'esprit dont, par la grâce de Dieu, votre frère est doué ; répandre sur un plus grand nombre d'âmes son insigne charité, qui le fait tant regretter par le diocèse de Tivoli" (p. 184).

S.S. Pie VI (1717-1775-1799)
Dans de longues pages de son ouvrage, parfois assez truculentes parfois quelque peu fastidieuses, Leflon nous entretient des rapports de Barnaba Chiaramonti avec ses nouvelles ouailles imolésiennes, qui ne le sortait pas au reste des mœurs sociales très-italiennes et très-Ancien-Régime qu'il avait connues étant enfant à Césène (les deux villes, de même région romagnole, ne sont distantes l'une de l'autre que d'une petite soixantaine de kms). Quelque deux lustres de bonnes années surnaturellement fructueuses se passent ainsi, entrecoupées (sans jeux de mot) par la Révolution française...
Puis, notre auteur arrive aux premières épreuves qu'Imola dut souffrir de la part de ladite Révolution française, encore que petitement et de très-loin pour commencer, seulement en devant accueillir un quota de prêtres et de religieu(ses)x français émigrés que le pape Pie VI avait demandé à tous les Ordinaires de ses États Pontificaux, et Imola en était, de prendre en charge autant que faire se pouvait, chacun selon ses possibilités. Il n'est pas besoin de dire que le Chiaramonti bon Pasteur trouva là à épanouir les grands trésors de charité pastorale qu'il avait dans son cœur et dans son âme, et qu'il s'y employa généreusement.
On pourra juger de l'héroïsme et même du martyre à petit feux de ces bons prêtres et évêques exilés qui avaient fui la France pour refuser de souscrire à la constitution civile du clergé, acceptant d'être persécutés au nom de la Foi, voire même parfois d'être à deux doigts de mourir d'indigence et de faim, par ces lignes : "Parmi ceux-ci [les prêtres exilés ayant chu à Imola], se trouve un évêque, Mgr de Montagnac [sic, pour Montaignac], évêque de Tarbes. Le prélat avait d'abord cherché asile en Espagne et trouvé refuge à l'abbaye de Montserrat, avec ses deux collègues, l'archevêque d'Auch et l'évêque de Lavaur. Beaucoup plus que la menace d'une offensive française, l'épuisement de ses ressources le détermine en 1796 à passer dans les États romains ; quoique sa nourriture «consiste dans un mauvais bouilli fait avec du mauvais mouton et une omelette», chaque repas lui coûte «au moins vingt sous» ; après avoir vendu ses effets, ses montres, le voilà à bout de moyens. Or, un charitable ami lui apprend à point nommé que Pie VI assure une pension aux prélats qui émigrent sur le territoire pontifical. Il n'en faut pas plus pour le décider ; il s'embarque avec l'évêque de Lavaur et ses deux vicaires généraux. Parvenu à Bologne, après avoir touché terre à Livourne, Mgr de Montagnac écrit au Souverain Pontife, pour l'avertir de sa présence et implorer son aide ; il prie celui-ci de vouloir bien l'accueillir avec ses deux vicaires généraux et assurer à tous trois les secours de sa paternelle charité" (p. 278).
Las ! Il arrive au plus mauvais moment possible du plus mauvais moment. Rome est au bout de ses ressources pour accueillir les prêtres émigrés... "Pris au dépourvu, le cardinal Boncompagni cependant, ne laissa pas Mgr de Montagnac se morfondre à Bologne. Le 26 novembre [1796], il notifiait au prélat que le cardinal Chiaramonti offrait, pour lui et pour l'un de ses vicaires généraux, deux places dans un couvent à Lugo [dont ont voit ici toute la charité de ses habitants, puisque, on va le voir tout-à-l'heure, ces martyrs de l'Ordre très-chrétien se relevaient à grand'peine du sac de leur ville par les armées françaises révolutionnaires, cinq mois auparavant...]. Le même courrier notifiait son arrivée à l'évêque d'Imola, en lui garantissant la piété, la modération du prélat français, qui se montrerait plein de gratitude envers son Éminence et les religieux.
"De fait, Mgr de Montagnac se loua hautement des Conventuels et des habitants de Lugo, «qui nous reçurent, écrit-il, avec des témoignages de respect. Nous avons une obligation particulière, ajoute-t-il, à plusieurs personnes de la ville», parmi lesquelles ses Mémoires nomment spécialement «(...) les bons pères [jésuites] espagnols, achevant leur vie dans cette partie de l'Italie, nos précurseurs dans le malheur». Dans une lettre adressée à Pie VI, Mgr de Tarbes reconnaissait plus chaleureusement encore les «bontés particulières dont m'honore le cardinal Chiaramonti et l'intérêt tendre et touchant, qu'il m'a témoigné, comme si j'avais été son frère. Votre Sainteté connaît toutes ses vertus, les qualités de son esprit et la douceur de son âme, et, de là, elle peut juger combien je me trouve heureux de voir souvent un si bon et saint évêque. Aussi, je compte profiter de la permission qu'il m'en a donnée, car la sociétés de tels hommes adoucit les peines et les chagrins et, ce qui est plus encore, elle fortifie l'âme et la sanctifie». Touché d'un accueil si cordial, le pape exprime ses remerciements au Prince de l'Église qui, en réponse, déclare modestement avoir fait bien peu" (pp. 279-280).
Dire à quel point Mgr de Montaignac, ce bon évêque français, valeureux martyr de la Foi, fut déçu par le retournement de veste du tout au tout du cardinal-évêque d'Imola une fois devenu pape, en signant avec l'usurpateur Napoléon le Concordat, c'est chose tout-à-fait impossible. "L'élection de celui-ci [au Siège de Pierre], pourtant, lui causera d'abord une grande joie ; sa lettre de félicitations exprimera la confiance absolue que le successeur de Pie VI flétrirait et vaincrait la «grande usurpation», les «grandes injustices» et le «schisme ridicule, qui désolent la France». La signature d'un Concordat, qui consacrait la légitimité du gouvernement consulaire, méconnaissait les droits de la monarchie, supprimait tout l'épiscopat d'Ancien-Régime, lui apportera une déconvenue terrible" (p. 281), déconvenue hélas plus que fondée...
Mais dans l'année 1796, sous l'autorité du haineux et très-antichrétien Directoire qui n'avait pas oublié l'humiliation subie en 1793 face à l'Italie et à Rome, les armées françaises commandées par un certain Buonaparte commencent à envahir le nord de l'Italie et vont descendre assez rapidement jusqu'à Imola. Là, le contact du cardinal-évêque Chiaramonti avec le nouvel ordre sociopolitique de la Révolution va très-vite être branché en prise fort chaude et directe, et son positionnement doctrinal par rapport à lui va donc en ressortir très-explicitement, très-clairement. Nous arrivons maintenant à la grande, tragique et dramatique affaire qui occupe tout mon article, à savoir l'abdication hérétique par notre cardinal-évêque qui deviendra le pape Pie VII du principe catholique de validité des pouvoirs politiques, dont le tristement célèbre sermon de la Noël 1797 qu'il va oser tenir à ses ouailles d'Imola ne sera que le haut-pic, sa manifestation éclatante, la pointe de l'iceberg, car cette abdication était déjà bien fort engrenée par des déclarations et positionnements antérieurs, comme nous l'allons voir ensemble maintenant.
Pour être tout-à-fait exact et surtout juste, d'ailleurs, il ne faut pas manquer de préciser que dans cette nouvelle profession doctrinale hérétique formellement attentatoire aux Mœurs de l'Église dans sa matière la plus suréminente, celle politique constitutionnelle, notre cardinal-évêque était en parfait accord avec son mentor, le pape Pie VI, dans sa seconde mouture pontificale.
Il y a en effet deux Pie VI, quant à son positionnement par rapport à la Révolution française. Le premier la condamne explicitement, formellement, notamment en rejetant la Constitution civile du clergé en 1790-91, puis, après la décapitation du roy Louis XVI le 21 janvier 1793, il la fustige et condamne derechef aussi fortement et absolument dans l'allocution Quare Lacrymæ qu'il prononce en consistoire secret devant ses cardinaux, le 17 juin 1793, dès qu'il sent qu'il le peut faire en toute sécurité, après un long délai prudentiel de quelque six mois.
Mais, et cela n'est généralement pas très-connu ni perçu, vient un second et dernier Pie VI qui, en 1794, renverse complètement la vapeur, abandonne le bonum certamen certavi quant au Politique constitutionnel, ne croit plus du tout à la restauration de l'Ordre très-chrétien basé sur le droit divin, à sa victoire sur la Révolution, basée, quant à elle, sur le droit de l'homme qui, loin d'être neutre quant au droit divin, ne prétend exister que pour le rejeter, donc basée sur le droit du diable.
C'est très-manifesté dans son refus découragé et on pourrait même dire désespéré de soutenir le pourtant très-génial, très-inspiré plan de William Pitt le Jeune (1759-1806), premier ministre anglais, lequel, pourtant de confession anglicane, se proposait rien moins que de faire une grande coalition européenne en mettant le pape à sa tête, pour renverser la Révolution ("Une bulle du Pape, présentée aux cours catholiques par des légats a latere, et annonçant la guerre sainte, la guerre à l’anarchie, produirait un grand et salutaire effet. Elle armerait les souverains et les nations ; elle fonderait une alliance indissoluble, seul moyen de résister au sauvage enthousiasme de la démagogie" ; puis, "en cas d’invasion prévue du patrimoine de Saint-Pierre, le Pape et le Sacré-Collège pourraient, en toute sûreté, se retirer sur des vaisseaux anglais, qui les transporteraient en Sicile, à Madère ou aux îles Baléares ; le lieu de retraite choisi serait mis à couvert d’un coup de main par les flottes britanniques"). Ce grand et, plus que tout, surnaturel projet était encore tout-à-fait possible à réaliser avec de grandes chances de victoire, alors que, en 1794, la bête apocalyptique dont le faux-prophète politique était Bonaparte n'était pas encore dans la force politique de l'âge, n'y étant encore que dans les starting-blocks, et l'historien Crétineau-Joly relate cette page des plus intéressantes et instructives dans son ouvrage L'Église romaine en face de la Révolution, t. 1, pp. 183-198 (j'ai relaté et commenté tout l'épisode dans un article qu'on trouvera au lien suivant : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/les-papes-modernes-ont-ils-des-excuses-d-avoir-cede-au-republicanisme-post-revolutionnaire-constitutionnellement-athee-ii?Itemid=1).
Ce désespoir pratique du pape Pie VI n'est hélas pas le pire. Le pire, c'est que "la Sainteté de Notre-Seigneur" comme on appelait alors le pape dans l'Ancien-Régime quand on savait vivre (comme on est loin du raplapla et surtout favens hæresim "l'évêque de Rome"...!) va, lui aussi pape Pie VI, lui le tout premier pape donc, abdiquer la doctrine catholique quant à la validité des sociétés politiques, dans un accord qui s'avèrera absolument parfait avec Chiaramonti. L'on peut d'ailleurs supputer avec une forte probabilité de véracité qu'il y eut sûrement entre les deux grands hommes d'Église de longues conférences sur le sujet, car l'Histoire nous fait constater que leur accord doctrinal sur ce point est parfait, impeccable. Ils usent en effet des mêmes raisonnements, voire des mêmes formules, dans leurs déclarations respectives sur la question, comme on va le voir à présent, ce qui ne saurait étonner vu la très-grande proximité d'âme entre l'un et l'autre, lesquels vont se fréquenter de plus en plus après que dom Gregorio Chiaramonti ait été fait cardinal-évêque d'Imola. D'ailleurs, à plusieurs reprises, Pie VI lui donnera l'ordre de venir le rejoindre à Rome, voulant profiter de ses conseils : "Le Saint-Père, vieilli, et qui se sent fléchir, avait-il en outre sur lui des vues plus lointaines ? Voulait-il, en prévision d'un conclave, maintenir en pays libre son éventuel successeur ? Peut-être. On s'expliquerait ainsi la décision qu'il prit en octobre 1796, et plus encore celle qu'il prendra en février 1797, quand il se résoudra à quitter l'Italie pour se réfugier soit à Malte soit en Espagne. Pie VI, alors, tiendra à emmener avec lui le cardinal Chiaramonti" (p. 339).

Mgr de Gain de Montaignac (1744-1806)
Évêque glorieusement Réclamant
Mais puisque, pour le bon exposé d'une chose, il faut toujours commencer ab initio, alors, avant d'aborder Pie VII, faisons un point focalisé avec soin sur ce Pie VI seconde mouture, abdiquant, et pratiquement et théoriquement, la bonne doctrine quant à la règle prochaine de validité des sociétés politiques, Chiaramonti ne faisant que le suivre sur cela, d'autant plus, nous l'avons vu plus haut, que l'adoption par lui du positivisme des Lumières du XVIIIème siècle l'y prédestinait extrêmement sur le plan intellectuel, aggravant fort les choses quant à lui.
Et partons, pour l'abordage, du tragique massacre de Lugo, ville romagnole qui n'était qu'à une petite trentaine de kms d'Imola, lequel eut lieu au début de juillet 1796. Cette cité qui, sur le plan diocésain dépendait de notre cardinal-évêque, s'était insurgée violemment contre les armées françaises commandées par Augereau, qui, sous ordre de ce misérable Bonaparte, pillaient et rançonnaient sans vergogne toutes les populations de ces contrées, comme de vils voleurs et brigands sans conscience qu'ils étaient effectivement à commencer par leur chef impie, sous le motif très-pur et très-chouan, dont ne se rend même pas compte Leflon quand il cite l'épisode, de combattre pour la civilisation très-chrétienne "sous les glorieux étendards de la Sainte Église et à défendre leurs Saints protecteurs, leur souverain, l'État, la patrie" (p. 300). Malheureusement pour ces vaillants chouans italiens, ils n'avaient, dans leur sainte-colère si justifiée, nullement réfléchi au rapport des forces en présence. Les malheureux, simples bourgeois, artisans, commerçants, paysans, etc., ne connaissant pas le métier des armes, avaient en face d'eux une armée très-équipée, très-expérimentée, de surcroît beaucoup plus nombreuse qu'eux, c'était donc vraiment la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Mais forts de la pureté et de la sainteté de leur motivation surnaturelle, ils avaient, avant que ne commence la bataille, envoyé un émissaire au pape Pie VI pour qu'il les bénisse...
"En réalité, Pie VI, dès le principe, avait complètement désapprouvé l'insurrection de Lugo ; nous savons qu'il reçut très-fraîchement Matteo Manzoni, envoyé à Rome pour solliciter sa bénédiction et son concours ; les archives Chiaramonti de Césène conservent en outre la lettre suivante adressée le 4 juillet au Prieur des Anziani lughésiens par le Secrétaire d'État Zelada : «Dans l'armistice conclu par Sa Sainteté, avec la médiation du Roi d'Espagne, le 23 courant, avec l'armée Française d'Italie, un des articles veut que les Légations de Bologne et de Ferrare restent au pouvoir de cette armée. Le Pape tient à ce que soient exécutées les conditions de cet armistice inviolablement pour sa part ; il désire en outre que les populations de ces deux Légations, comme les habitants de Ferrare, s'adaptent aux circonstances des temps et obéissent au pouvoir qui leur commande actuellement. Sa Sainteté est convaincue de l'affection et de l'attachement que ces populations ont toujours eus pour elle, et elle en a reçu en d'autres temps des preuves évidentes. La preuve qu'elle veut actuellement de leur amour est celle de leur soumission et de leur obéissance à la puissance française ; plus elles se montreront exactes en cela, plus elles feront chose agréable à Sa Sainteté. Si les habitants de ce pays se trouvaient pressurés par les commissaires de Ferrare, ils recourraient simplement aux autorités supérieures françaises qui, sans aucun doute [...!!], leur rendront justice. Au nom du Saint Père, je vous adresse ces recommandations avec la confiance que vous vous conformerez exactement aux instructions de Sa Sainteté»" (p. 313).
Pour l'analyse du positionnement de Pie VI dans cette lettre, deux types de réflexions se font jour. On pourrait premièrement émettre l'opinion que le pape, contextuellement, avait raison. Lorsqu'un combat a une issue certaine de défaite et de massacre, il est moralement permis, même si ceux qui le mènent ont pour eux le bon droit et la bonne justice de leur cause, de ne pas s'y jeter. Mais sous réserve bien sûr, de reprendre les armes dès que cela sera possible, et surtout, surtout, de ne pas abdiquer le moins du monde le motif chouan très-saint de ce combat, qui est à mener jusqu'à la victoire définitive, ou alors, si Dieu veut, jusqu'à la mort, en s'écriant superbement, comme un héroïque chouan vendéen le fit avant de tomber sous les balles assassines des sans-culottes : "Mon âme est à Dieu et mon corps est au roy !" Pour autant, cependant, toujours sur le plan de la théologie morale, il faut rajouter que cette option de refuser un combat à l'issue de défaite certaine n'est pas forcément obligée : on ne compte pas les combats très-saints que mena pour le Seigneur le roy David, alors qu'il était en nombre très-inférieur aux Philistins, et, si Dieu lui a alors miraculeusement sans cesse donné la victoire des armes, il est tout-à-fait possible qu'Il veuille le sacrifice ultime de combattants à Son service pour la gloire éternelle de la bonne cause, la Sienne et celle de ceux qui se sont sacrifiés pour Lui et pour cette dite gloire immarcescible. Car l'homme, en fait, ne vit pas pour le temporel, mais pour Dieu et son Éternité bienheureuse et glorieuse. Ceci dit, et qui devait être dit, restons au sens, humainement tout-à-fait justifiable en soi, qui voudrait voir dans les phrases du pape d'éviter un massacre.
Mais est-ce bien cela, qui serait orthodoxe, que veulent dire lesdites phrases tirées de la bouche de Pie VI et rapportées en transparence comme vouloir pontifical par son cardinal secrétaire d'État, Zelada, à l'attention des Lughésiens...? Si en effet on prend la peine de bien les lire, ces phrases, on ne peut qu'en douter, et en douter avec grande raison. Car elles peuvent recevoir un tout autre sens, complètement hétérodoxe celui-là, et malheureusement, c'est ce second sens qui traduit la vraie pensée du pape dans les propos qu'il tient aux chouans lughésiens. Le pape, en effet, veut que les Lughésiens "s'adaptent aux circonstances des temps et obéissent au pouvoir qui leur commande actuellement", il veut "leur soumission et leur obéissance à la puissance française", il y insiste étrangement beaucoup, et va même jusqu'à poser, dans la folie la plus totale, que s'ils subissent des iniquités de la part des commissaires de Ferrare qui, dans l'occurrence, n'étaient rien d'autre que des mandataires italiens passifs aux ordres des français, ils n'ont qu'à recourir tout simplement... "aux autorités supérieures françaises qui, sans aucun doute [...!!], leur rendront justice", ce qui était à peu près dire à l'agneau molesté par le loup que pour avoir bonne justice de sa cause, il n'avait qu'à porter sa plainte au... loup qui le molestait, et gémir en pleurant sur son sein. Cette dernière phrase tend à montrer, justement, que, pour le pape, l'autorité sociopolitique des français, et donc derrière eux, de la Révolution ni plus ni moins, est désormais la seule qui existe validement, et qu'il n'y en a plus d'autre.
Si la formule de "s'adapter aux circonstances des temps" veut dire que, étant donné la supériorité évidente de l'armée française, il faut surseoir au combat, alors bien sûr, elle est justifiée. Mais ce n'est pas du tout ce que veut dire le pape, c'est de beaucoup plus haut qu'il fait allusion auxdites "circonstances des temps". Par cette formule très-moderniste, Pie VI veut faire comprendre aux Lughésiens que l'évolution générale des temps, et non pas celle de leur particulier, met à présent dans les mains des révolutionnaires français l'Autorité politique, que donc, désormais, c'est à eux qu'est dû le devoir d'obéissance intimé à tout fidèle, très-notamment par saint Paul dans le ch. XIII de l'épître aux Romains. La pensée du pape est en effet d'acquiescer purement et simplement au transfert d'Autorité politique, à savoir de l'Ordre très-chrétien à l'ordre révolutionnaire ; le sens profond de la formule de sa lettre veut en effet signifier qu'il s'agit désormais de valider les nouveaux pouvoirs sociopolitiques révolutionnaires qui mandatent les armées françaises bousculant les fondement sociopolitiques très-chrétiens de l'Italie du nord.
On ne sera pas surpris de voir le pape Pie VII Chiaramonti invoquer, quelques courtes années après, lui aussi, et toujours dans cette même optique très-hétérodoxe, "l'urgence et la nécessité des temps" pour s'autoriser moralement à signer le Concordat, comme il l'écrira dans sa lettre aux évêques français pour justifier la demande de démission de leurs sièges qu'il leur faisait, ce que lui reprocheront à si juste titre les évêques Réclamants, en lui disant que selon les Pères de l'Église et les grands saints, il n'est JAMAIS permis d'invoquer la soit disant "nécessité des temps", encore moins sa soit disant "urgence", pour s'autoriser à attenter à la Constitution divine de l'Église, par exemple sur le chapitre fondamental du criterium catholique de validité des sociétés politiques enseigné par saint Paul en Rom XIII... ou encore bien, quant au Concordat, sur le chapitre tout aussi fondamental du droit divin des évêques institués canoniquement dans leurs diocèses, auquel Pie VII attentait formellement en les démissionnant de force sans leur demander leur avis, bien au contraire quand il leur interdisait formellement de le donner, ne leur octroyant que... dix petits jours (!) pour donner leur démission, de manière très-napoléonienne comme attentant brutalement et dans la plus grande iniquité au droit fondamental des gens, par simple et impuissant motu proprio, sans procès en cours de Rome (ce qui était parfaitement... invalide).
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William Pitt le Jeune (1759-1806)
Mais s'il pouvait rester un doute quand au sens exact des formules employées par le pape Pie VI dans sa lettre du 4 juillet aux Lughésiens qui vont devenir martyrs de l'Ordre très-chrétien, alors, le bref Pastoralis sollicitudo va, dès le lendemain même, lever toute équivoque en certifiant leur sens hétérodoxe, et ce, de manière formelle. Dès le lendemain même en effet de cette lettre du 4 juillet, le pape adressait le 5 juillet "à tous les français" ce bref pontifical qui est sans doute le plus scandaleux et honteux de tout le Bullaire romain. La coïncidence des dates si rapprochées n'est évidemment pas fortuite, et attire fort l'attention.
Car avec Pastoralis sollicitudo, plus de possibilité de doute sur le sens hérétique formel des propos pontificaux de Pie VI, comme on pouvait, à la rigueur, encore pouvoir prétendre le faire avec la lettre du 4 juillet, comme je viens de l'exposer. Le contexte est en effet très-différent, il n'est plus du tout question d'éviter un massacre, donc plus d'équivoque quant au sens à donner à la lettre du document pontifical. Le bref s'adresse en effet "à tous les français" dans le cadre sociopolitique du Directoire, qui était le pire, le plus franc-maçon, le plus anti-chrétien, de tous les gouvernements de la Révolution, avec à sa tête les tristement célèbres Paul Barras, La Révellière-Lépeaux, Reubell et autres satellites très-véreux, tel le triste sire ex-évêque de Talleyrand-Périgord.
Or, dans ce bref, le pape va oser appeler le Directoire... "les autorités constituées". Ici, dans ce bref, il ne va pas s'agir de se soumettre de facto et temporairement à une autorité politique parce qu'on ne peut pas faire autrement à cause de sa grande puissance passagère dans le moment, sous réserve de secouer son joug inique dès qu'on le pourra, il va s'agir tout au contraire, hérétiquement, de reconnaître de jure ladite autorité politique dans le principe même de la question de fond : désormais, pour le pape Pie VI seconde mouture, ce sont les pouvoirs politiques de la Révolution qui sont valides, à qui, donc, sont dûs les devoirs chrétiens de soumission et d'obéissance, ce sont désormais eux qui possèdent l'Autorité venant de Dieu, qui donc sont... de droit divin. Une telle perversion véritablement satanique de la pensée semble presque incroyable, surtout, faut-il le dire, de la part du Vicaire légitime du Christ, et pourtant on est fort obligé de prendre acte que c'est bien là la pensée de fond désormais adoptée par les grands-clercs, à commencer par Pie VI seconde mouture puis à continuer par Pie VII, puis encore par les plus saints papes du XIXème siècle, sans parler de ceux du XXème à finir par notre inénarrable François, lesquels, tous, absolument tous sans exception aucune, ne reviendront jamais sur cette perversion cataclysmique de la pensée, à vocation antéchristique, attentant formellement, par les Mœurs, à la Constitution divine de l'Église.
J'ai analysé ligne après ligne ce bref très-scandaleux et très-impie dans le grand détail, dans un de mes articles, et ne saurai bien sûr reproduire à nouveau ici ma démonstration (cf. https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/les-moeurs-ecclesiales-concordataires-avec-les-etats-modernes-athees-partie-1?Itemid=1), la seule chose que je vais faire est de recopier in extenso pour mon nouvel article le texte seul de ce bref, sans mes commentaires, ce qui sera bien suffisant hélas pour en montrer toute l'inouïe et très-incroyable perversité. Voici donc le texte de ce bref de Pie VI seconde mouture antidaté du 5 juillet 1796 (car l'Histoire nous apprend qu'il existait déjà dans les papiers du pape depuis un bon moment, mais il le gardait secret), qui donne le sens hétérodoxe véritable de la lettre que, par son cardinal secrétaire d'État, il envoyait aux chouans lughésiens, juste la veille, le 4 juillet :
"Après avoir rappelé que le souci de sa charge lui fait un devoir d’éclairer tous les fidèles et «particulièrement ceux qui sont soumis à de fortes tentations», le Pape déclarait : «Nous croirions manquer à Nous-même si Nous ne saisissions pas avec empressement toutes les occasions de vous exhorter à la paix et de vous faire sentir la nécessité d’être soumis AUX AUTORITÉS CONSTITUÉES. En effet, c’est un dogme [!!!] reçu dans la religion catholique que l’établissement des gouvernements est l’ouvrage de la sagesse divine pour prévenir l’anarchie et la confusion et pour empêcher que les peuples ne soient ballottés çà et là comme les flots de la mer. Ainsi, Nos chers fils, ne vous laissez pas égarer ; n’allez pas, par une piété mal entendue, fournir aux novateurs l’occasion de décrier la religion catholique, votre désobéissance serait un crime qui serait puni sévèrement non seulement par les puissances de la terre, mais qui pis est, par Dieu même qui menace de LA DAMNATION ÉTERNELLE ceux qui résistent à la puissance politique. Ainsi, Nos chers fils, Nous vous exhortons, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ à vous appliquer de toutes vos forces à prouver votre soumission à ceux qui vous commandent. Par là, vous rendrez à Dieu l’hommage d’obéissance qui lui est dû, et vous convaincrez vos gouvernants que la vraie religion n’est nullement faite pour renverser les lois civiles. Votre conduite les convaincra tous les jours de plus en plus de cette vérité, elle les portera à chérir et à protéger votre culte en faisant observer les préceptes de l’Évangile et les règles de la discipline ecclésiastique. Enfin, Nous vous avertissons de ne point ajouter foi à quiconque avancerait une autre doctrine que celle-ci comme la véritable doctrine du Saint-Siège apostolique. Et Nous vous donnons avec une tendresse toute paternelle Notre apostolique Bénédiction»" (bref Pastoralis Sollicitudo, Paul Pisani, L’Église de Paris et la Révolution, t. III, pp. 109‑110).
Atterré, interloqué, le rouge de la honte au front jusqu'à la crête et une sainte-colère Boanergès dans l'âme en tant que catholique, on se demande, après lecture et surtout après avoir repris ses esprits, si la folie de ce bref dépasse son impiété, ou si c'est l'inverse qui est vrai. Impossible de ne pas remarquer, soit dit en passant, qu'il y a là, dans Pastoralis sollicitudo, une condamnation formelle, générale et de principe, de tout le combat chouan, très-notamment celui si héroïque et saintement chrétien de la Vendée. Ce n'est pas compliqué : si l'on suit la doctrine abominable de ce bref, tous les chouans qui sont morts dans le combat pour l'Ordre très-chrétien et contre les pouvoirs politiques de la Révolution, sont en effet... dans l'enfer éternel.
Dans ce bref adressé "à tous les français" dans le contexte politique abominablement antichrist du Directoire, Pie VI seconde mouture osait donc doctrinalement professer que TOUTE société politique quelle qu'elle soit, même celle qui n'est pas constitutionnellement ordonnée à la poursuite du Bien commun (comme le furent tous les gouvernements de la Révolution, et singulièrement le Directoire), est... de droit divin !!!, comme étant "l'œuvre de la Sagesse divine", donc évidemment valide et légitime puisque tout ce qui est de droit divin est valide et légitime. Et puisqu'elle était valide et légitime comme s'originant formellement sur le droit divin, elle était donc sujet formel du devoir de soumission et d'obéissance dû par tous les catholiques à toute société politique valide et légitime, comme le pape Pie VI ne manque certes pas de le dire dans Pastoralis sollicitudo, en appuyant très-fort sur son crayon, pour satisfaire aux "autorités constituées" du Directoire qui exigeaient que le pape intime l'ordre à tous de reconnaître la validité de leur pouvoir. C'était certes un syllogisme impeccable, tirez la chevillette du syllogisme et la bobinette cherra, mais un syllogisme du diable qui ne pouvait être posé que par l'attentat hérétique formel contre la règle prochaine catholique de validité des sociétés politiques enseignée par saint Paul en Rom XIII. Le pape Pie VI trahissait ainsi la Foi dans ce bref très-scandaleux, et l'on verra que Chiaramonti va avoir exactement la même attitude lorsqu'il aura affaire aux "autorités constituées" dans l'Italie du nord, révolutionnaires, lorsque, pour leur obéir, il trahira la Foi dans son sermon de la Noël 1797.
... Heureusement, la Providence divine veillait. Elle ne permit point que ce bref qui pouvait faire un mal infini, fut connu dans le grand public. L'abbé Pierrachi, au nom du Saint-Siège, "se rend à Paris conclure un traité avec le Directoire, et, pour mieux aboutir, emporte dans ses valises 2 000 exemplaires imprimés du bref Pastoralis sollicitudo" (p. 326). Mais, à peine arrivé à Paris, les choses ont changé brusquement de figure entre-temps, il n'est plus du tout question de faire un traité avec le Directoire, qui ne sait plus que vomir l'enfer contre le Saint-Siège. "Le désaveu formel des brefs qui condamnent la Constitution civile, exigé par le Directoire, son refus d'accepter en la matière une formule conciliante proposée par Pierrachi, rendent impossible tout accord ; les insignes maladresses du ministre Delacroix aggravent encore l'erreur commise par son gouvernement, mal inspiré par Grégoire ; brutalement, expulsé le 14 [août 1796], le délégué pontifical repart avec son stock de brefs pacificateurs, qu'il n'a pas cru devoir proposer" (p. 327). Palsambleu !, fort heureusement !! Et c'est ainsi qu'il ne sera plus du tout question de Pastoralis sollicitudo après cet épisode où il s'en fallut d'un cheveu qu'il paraisse sur la grand'place publique ; on n'en parlera plus jamais, du moins en termes officiels, seulement sous cape (certains hommes politiques du Directoire, après coup, en ayant pris connaissance, se mordront les doigts d'avoir laissé passer l'occasion...), au point que certains historiens contemporains ont pu vouloir croire à son inexistence ou son inauthenticité. Cependant à grand'tort, car la vérité, c'est que Pastoralis sollicitudo fut bel et bien un bref authentique "estampillé par la Chambre apostolique", Leflon en apporte les preuves indubitables et certaines dans sa biographie du P. Émery, il fut seulement non-publié canoniquement. Pour autant, l'important à considérer, c'est qu'il véhiculait bel et bien la pensée du pape Pie VI, qui se retint seulement de la promulguer officiellement, peut-être par crainte de faire un schisme en France vu la doctrine si extrémiste qu'il contenait.
Mais revenons à notre affaire de Lugo. On comprend sans peine que cet abominable bref du 5 juillet donne le vrai sens, formellement hérétique et ne pouvant recevoir quant à lui absolument aucun sens catholique, à ce qui pourrait encore être dit hérétiquement seulement douteux dans la lettre du 4 juillet adressée la veille même aux chouans lughésiens. Le pape aurait pu effectivement demander à ses administrés de se soumettre de facto à une armée victorieuse, temporairement seulement, en attendant de pouvoir reprendre le combat pour réinstaller l'Ordre très-chrétien, n'ayant nulle intention de ne plus tenir désormais aucun compte de cedit Ordre très-chrétien (et là, ce n'est pas hérétique), mais le sens de la formule peut aussi signifier, et c'est hélas le sens à retenir sous le coup de projecteur implacable du bref adressé le lendemain 5 juillet "à tous les français", que c'est dans le de jure que le pape demande à ses administrés lughésiens d'obéir désormais "au pouvoir qui commande actuellement", à comprendre dans le sens très-hétérodoxe que celui-ci a supplanté validement et légitimement l'Ordre très-chrétien, que donc il remplace définitivement (c'est d'ailleurs ce que le Concordat dira très-clairement lorsque notre pape Pie VII osera, dans les deux articles 4 & 16, parler sacrilègement de "changement de gouvernement" et de "l'ancien gouvernement" à propos de l'Ordre très-chrétien).
Je note, à propos de l'affaire tragique de Lugo, que Leflon s'empresse de faire remarquer que les interventions du cardinal-évêque Chiaramonti pour tâcher d'empêcher le désastre et le massacre "répondaient exactement aux intentions du Saint-Siège" (p. 314) exposées dans "cette dépêche expédiée le 4 juillet" (p. 313). Comme je l'ai déjà fait remarquer, il y a accord parfait, en effet, de positionnement, entre Pie VI seconde mouture et le futur Pie VII. Pour prévenir la crise fatale, ce dernier ne cessait en effet d'exiger des Lughésiens la soumission à ce que le Pie VI seconde mouture osait appeler dans Pastoralis sollicitudo, les... "autorités constituées".
Quant au pape Pie VI, on ne saurait terminer sans dire que la Providence de Dieu semble lui avoir réservé de fort grandes souffrances pour finir ses jours terrestres... sans doute pour lui éviter les peines de l'enfer éternel dont il avait osé menacer les défenseurs de l'Ordre très-chrétien dans son bref Pastoralis sollicitudo : "Les épreuves de sa fin (...), son exil, sa fin solitaire et doucement paisible rachetaient par la douleur et la persécution subie ses manifestes déficiences. Comme le Christ dans son agonie, il avait pardonné, offrant son sacrifice et ses dernières prières pour la France. Sa mort l'avait grandi" (p. 530).
... L'on comprend très-bien, en tous cas, que, depuis que la Révolution mettait son carnage et saccage sataniques dans l'Italie de nord, aux fins avérés de la perte des âmes, la Vierge immaculée puisse y montrer toute son affliction. "Or, depuis l'arrivée des diables français, la bonne et douce Madone miraculeusement pleurait" (p. 464). Il y avait en effet des statues vénérables dans les églises, qui laissaient couler les larmes de la Vierge immaculée... qu'elle ne pourra plus retenir, un demi-siècle plus tard, à La Salette.
Façade de l'église de l'abbaye bénédictine
de Saint-Jean-l'Évangéliste, à Parme,
où dom Gregorio enseigna de 1766 à 1775
Leflon, suivant la pensée hérétique et même apostate moderne ou plutôt moderniste, hélas mise en route par la papauté dès la Révolution, comme on le voit avec le pape Pie VI seconde mouture avant même que Pie VII ne sévisse damnablement à partir du Siège de Pierre de par le Concordat, croit pouvoir justifier cette nouvelle route empruntée par l'Église, de par ses papes donc, en invoquant un raisonnement tout faux partout basé sur le distinguo de jure-de facto, dit de la thèse et de l'hypothèse. Fameux raisonnement en effet, des catholiques dans leur ensemble tiédasse et incliné à l'erreur depuis de pénibles lustres obscurantistes et diaboliquement mensongers, avec lequel, je m'excuse de la grossièreté du verbe mais il n'est que trop idoine, ils se sont masturbés la cervelle incontinent pendant plus de deux siècles, en ce compris même les tradis d'ailleurs car ceux-ci, qui se croient "les meilleurs", n'ont pas plus compris que les modernes l'hétérodoxie formelle de la pratique concordataire pontificale avec les pouvoirs politiques filles de la Révolution. Fameux raisonnement donc, que Leflon, esprit collabo très-distingué qui visiblement dans ses écrits se croit très-supérieur à l'être, adopte, il fallait s'y attendre de sa part, et qui veut, soit disant, que, depuis la Révolution, ne pouvant vivre dans la thèse, c'est-à-dire dans le de jure qui est l'Ordre très-chrétien, il faut désormais accepter de vivre dans le de facto de l'hypothèse d'une société politique non-basée sur le de jure, les papes modernes, soit disant, n'ayant rien voulu dire d'autre, surtout quant à la question de validité de ces sociétés-là, réputées imbécilement seulement de facto...!
Or, ce raisonnement captieux et retors par tous les côtés où on le prend, malin au sens très-diabolique du terme, est métaphysiquement absurde, archi-faux. Premièrement en effet, le catholique n'est nullement autorisé de par la Foi à vivre dans un univers fantomatique, ectoplasmique de spirite, où lui-même, personne individuelle, ne peut plus être rien d'autre qu'un fantôme qui n'existe sociopolitiquement pas, un pur ectoplasme, ce qui est le cas s'il accepte de vivre dans un de facto seulement qui soit disant serait non-basé sur un de jure, comme la thèse voudrait que le soient toutes les sociétés politiques post-révolutionnaires constitutionnellement athées. Car un de facto tout seul sans le de jure qui le fonde dans l'existence et le Réel, en effet, n'existe métaphysiquement tout simplement pas. Et bien entendu, il est formellement exclu et prohibé qu'un chrétien vive dans un univers sociopolitique qui... n'existe pas. Car le chrétien lui, existe, de par Jésus-Christ son Seigneur et grand'Frère. Et il existe non pas seulement dans le for privé mais dans le for public, Dieu, en effet, ayant créé et l'un et l'autre dans tout homme. C'est donc tout le raisonnement entortillé dans l'inexistence métaphysique radicale des innombrables plis et replis du Léviathan, qui est à rejeter en bloc dès avant même ses prolégomènes, rentrer dedans est en effet déjà céder au mysterium iniquitatis. Sur le seul plan métaphysique, ce que le catholique doit professer, c'est tout simplement l'anathème d'une prétendue société politique de facto non-basée sur le de jure, refuser absolument ce raisonnement fou et insensé.
En outre, il faut surtout dire que le raisonnement est parfaitement faux à la base, car ces prétendues sociétés politiques post-révolutionnaires s'appuient toutes sur le de jure d'une constitution non-ordonnée au Bien commun... tant il est vrai qu'un de facto tout seul est une aberration complète (... il ne peut pas et jamais, en effet, exister un de facto qui, soit disant, existerait tout seul et de par lui-même sans un de jure qui le fonde dans l'existence, puisque, métaphysiquement, c'est le de jure qui donne l'existence au de facto !). Or donc, ce de jure desdites démocraties modernes étant non-ordonnées au Bien commun, lesdites démocraties sont donc formellement invalides. Et, par-là même, il est donc formellement interdit au catholique de leur rendre un devoir de soumission et d'obéissance, lequel n'est dû qu'aux pouvoirs politiques valides, comme étant constitutionnellement ordonnées, quant à eux, au Bien commun. Car sur le plan théologique, tout le raisonnement invoqué le plus imbécilement du monde oublie juste le point essentiel, le plus important : il ne s'agirait pas seulement, pour le catholique, de vivre dans une société politique qui serait basée sur le seul de facto, il s'agirait surtout, pour lui, de vivre dans une société politique de facto qui ne serait pas constitutionnellement ordonnée au Bien commun, comme l'exige formellement, pour être admise du chrétien, le criterium catholique de validité des sociétés politiques enseigné par saint Paul en Rom XIII.
Toutes ces sociétés politiques post-révolutionnaires en effet, sont constitutionnellement ordonnées au... mal commun, de par leurs constitutions de jure. Et donc, il est impossible de justifier les papes concordataires en disant qu'ils ne se prononcent pas sur la validité des sociétés politiques modernes issues de la Révolution (ce qui du reste est parfaitement faux, Pastoralis sollicitudo témoigne qu'ils leur réputent formellement validité et légitimité, et il en est exactement de même avec le Concordat), car de ne pas se prononcer sur une société politique constitutionnellement ordonnée au mal commun est premièrement une faute gravissime et catholiquement impossible à admettre. En face de sociétés politiques ordonnées constitutionnellement au mal commun, il est tout au contraire du premier devoir des papes de les condamner et anathématiser immédiatement, formellement et publiquement.
C'est la toute première raison de fond pour le chrétien de les anathématiser formellement, outre, donc, que le raisonnement pseudo-philosophique basé sur la distinction de jure-de facto, de la thèse et de l'hypothèse, ne tient absolument pas, n'étant qu'une absurdité métaphysique, le "royaume d'Absurdie".
S.S. Pie VII
Mais, pour suivre le fil directeur de mon article et comme annoncé, je passe maintenant de Pie VI seconde mouture au futur Pie VII, encore cardinal-évêque d'Imola lors de la terrible tragédie de Lugo.
Cette crise douloureuse mit long feu à se terminer. Les Lughésiens, pleins de rancœur envers les "abhorrés français" (p. 318) qui avaient mis à sac leur ville et fait de très-nombreux morts (ils ne s'étaient retenus que de la raser complètement en l'incendiant purement et simplement ― d'ailleurs, un dessein secret d'Augereau, qui avait triché dans ses rapports avec les Lughésiens, était de faire un terrible exemple pour, en bon et fidèle fils de la Révolution, terroriser toute la région), rejetaient le responsable politique désigné que, par l'administration ferraraise, les français voulaient leur imposer comme gouverneur de leur ville, ou plutôt de ce qu'il en restait après son sac. Ce qui risquait très-fort de ramener lesdits français dans la ville pour une nouvelle expédition punitive. "L'évêque d'Imola se chargea de mettre un terme à une opposition si funeste. Une circulaire adressée le 13 [juillet] à tous les curés enjoignit en effet au clergé de recommander aux fidèles la plus entière soumission" (p. 318). Avant de citer cette circulaire, j'invite le lecteur à bien remarquer en la lisant que Chiaramonti y reprend exactement les mêmes raisonnements que Pie VI prend les 4 & 5 juillet dans les documents de lui que nous venons d'étudier ; du reste, l'évêque des Lughésiens va explicitement s'y référer lui-même. Lisons-le :
"Les tristes circonstances où se trouve la malheureuse partie de notre troupeau si aimé, pour être demeurée sourde à nos paternels avertissements qui ne cessaient de la rappeler avec insistance à l'ordre, à la tranquillité et à l'obéissance dûe à ceux qui commandent actuellement, écrivait le Prince de l'Église, ne manqueront pas de servir, et fortement, d'exemple pour les détourner, nous l'espérons, d'une conduite aussi criminelle. Dans cette conviction ferme nous ne voulons pas manquer de suivre les impulsions de notre zèle pastoral pour la paix et la tranquillité publiques... Avec la plus vive ardeur de notre âme, nous ordonnons donc à Votre Seigneurie d'exhorter personnellement et de faire exhorter par les prêtres, tout spécialement par les confesseurs de votre paroisse, tous vos paroissiens à rentrer dans le devoir ; qu'on inspire au peuple des sentiments d'obéissance et de soumission à ceux qui commandent actuellement, qu'on étouffe tous les germes qui pourraient demeurer contraires au calme et à la tranquillité publique. Le zèle de Votre Seigneurie et de ses confrères pour la religion, l'amour des âmes confiées à vos soins, me laissent espérer que vous n'épargnerez aucun moyen de persuasion pour inspirer à tous les sentiments de paix et de subordination voulus par la sainte religion que nous professons et si conformes à ceux qu'exprime la Sainteté de Notre-Seigneur [le pape Pie VI] ; car le Saint-Père n'a pas laissé de réprouver de la façon la plus vive l'attentat commis et d'en exprimer ses plus vifs regrets dans la lettre adressée par le Secrétaire d'État aux représentants de Lugo ; il nous a d'autre part invité à poursuivre nos efforts les plus énergiques pour rappeler les égarés à leur devoir... Afin que nos intentions soient bien connues de chacun, vous convoquerez donc tous les prêtres de votre paroisse ; vous leur lirez la présente ; vous les induirez avec toute la force possible à s'y conformer, en leur faisant entendre que s'ils la transgressaient (ce qu'à Dieu ne plaise !), ils seraient punis avec la plus grande rigueur" (pp. 318-319).
On constatera sans peine que cette scandaleuse circulaire de Chiaramonti est carrément un écho, presque une décalcomanie, de l'abominable Pastoralis sollicitudo, elle en reprend presque les termes (l'avait-il lu ?, Pie VI la lui avait-il fait lire avant de l'adresser "à tous les français" le 5 juillet ? On ne sait). En vérité, on le sent là, ce 13 juillet 1796 qui date cette circulaire, parfaitement mûr pour déjà sortir le sermon de la Noël 1797, aussi formellement et gravement hérétique que Pastoralis sollicitudo...
Notons bien, en effet, dans cette scandaleuse circulaire, que notre cardinal-évêque ne fait aucune allusion et ne reconnaît absolument pas, dans les malheureux chouans lughésiens, que s'ils ont engagé le combat contre l'armée française, c'est, en cause première, pour la défense de l'Ordre très-chrétien, de la Religion et de la vraie civilisation, pour la vraie paix, celle qui vient du Christ, de la vraie tranquillité publique, du vrai calme, qu'il est absolument scandaleux de voir notre Chiaramonti dire que les Lughésiens les trouveront, cette paix, cette tranquillité, ce calme, en étant soumis aux... anarchistes brigands de la Révolution française qui rejetaient dans le principe politique même de la chose, la vraie paix, la vraie tranquillité, le vrai calme sociétal, ce qu'ils prouvaient on ne peut mieux par leurs brigandages éhontés de toute la population du nord de l'Italie pendant des années en attendant de le faire en grand, plus tard, dans la ville de Rome, sous ordre de Bonaparte lui-même ! Ainsi, pour notre Chiaramonti, qui, dans son cœur et dans son âme de grand'clerc, s'est déjà vendu aux sociétés politiques constitutionnellement athée révolutionnaires, les Lughésiens ne sont que des "égarés", coupables d'une "conduite aussi criminelle", d'un "attentat", ils doivent "rentrer dans le devoir" et il faut les y contraindre, etc. (Leflon, collabo et concordataire endurci et impénitent, s'avilit beaucoup et se couvre de honte lorsqu'il les appelle "les excités de Lugo" ― p. 322). On voit très-bien que, main dans la main avec Pie VI seconde mouture, Chiaramonti a complètement jeté aux orties l'Ordre très-chrétien dont il n'a pas un seul traître mot dans sa scandaleuse circulaire.
Par ailleurs, la forme mauvaise révélant l'iniquité du fond, remarquons bien le ton qu'il lui donne, aux antipodes du bon Pasteur, dur, sec, cassant, tout prêt à chaque ligne et même à chaque mot à faire tomber des foudres ecclésiastiques anéantissantes sans aucune miséricorde, exactement le même ton employé par le pape Pie VI dans Pastoralis sollicitudo, il n'y manque en vérité, ... tuediable !, que la menace de l'enfer éternel. Visiblement, nos grand'clercs qui se sont vendus au mal sur le chapitre Politique constitutionnel, ne supportent absolument aucune contradiction ni aucun contradicteur quant au réprouvé chemin qu'ils font désormais emprunter si damnablement à l'Église...
Les révolutionnaires, eux, sentaient bien à qui ils avaient affaire avec Chiaramonti. On ne peut s'empêcher d'être presque amusé quand on les voit parquer le cardinal-évêque d'Imola, de... leur côté : "Une note, rédigée, avant la seconde invasion de la Romagne, par le service de renseignements du général Bonaparte, en février 1797, le range ni plus ni moins que Carlo et Checco Tozzoni, Tommaso Ferri et le notaire Marchi [extrémistes "qui poussaient le patriotisme jusqu'aux frontières du jacobinisme et au-delà" ― p. 322], parmi les «patriotes» d'Imola" (p. 321). Voilà qui était vraiment tout dire, et tout bien dire...!
Bien que des agitateurs français, en effet, pullulaient individuellement dans les États Pontificaux dont faisait partie la Romagne et donc Imola, bien que quelques associations secrètes, ancêtres et préparant déjà les futurs carbonari qui séviront surtout sous le pontificat de Léon XII (1760-1829), plagiaient les fameux clubs français mais dans des souterrains impuissants, ce n'était que de manière capillaire, sans véritable influence sur la grande majorité de la population italienne, pusillis cum majoribus, que les idées révolutionnaires, à la fois antichrétiennes et anticivilisationnelles, pénétraient les italiens. "À Imola en effet et dans toute la région, les patriciens restent fermement attachés à l'état social et n'entendent nullement ruiner le pouvoir du pape, qui leur en garantit les précieux avantages. La philosophie du siècle est pour eux jeu d'esprit, affaire de bon ton, plaisir de lettrés dilettantes ; elle a pu les fasciner par le miroitement de ses lumières, les charmer par sa présentation brillante, car ils apprécient en fins connaisseurs l'art et le génie des écrivains français, mais elle ne modifie en rien leur comportement traditionnel et elle se juxtapose à leur mentalité, sans la pénétrer d'aucune façon" (pp. 239-240).
Ranger Chiaramonti parmi les "patriotes" était donc vraiment démontrer qu'il avait épousé la mauvaise cause... les services secrets de Napoléon dixit.
"Si tu veux te connaître, va chez ton ennemi" dit le proverbe chinois.
(1769-1821)
Ce jugement, le cardinal-évêque d'Imola va lui-même énormément le confirmer, lorsque, "durant les cinq mois qui séparèrent la seconde invasion française de la première" (p. 324) qui virent des alternances de victoire et de défaite dans le camp des "vainqueurs", de nombreux italiens réagissent pour chasser ces chiens de révolutionnaires français de leurs contrées. Immédiatement et sans ménagement, on voit, fort réprobateur, Chiaramonti monter au créneau pour fustiger ces chouans italiens dont la seule motivation était de rétablir chez eux l'Ordre très-chrétien, et exiger d'eux la non-action belligérante.
À Castelbolognese, qui dépendait de la juridiction épiscopale d'Imola dont elle n'était distante que de 8 kms, "le clergé lui-même, archiprêtre en tête, excite le peuple par ses discours incendiaires. Au chef-lieu de la province, les autorités municipales [installées par les révolutionnaires français] finissent par s'émouvoir d'une campagne qui les vise autant [en tant que collabo] sinon plus que les conquérants. «À Castelbolognese, écrivent-elles, beaucoup de personnes sont favorables à l'ancien gouvernement et ne peuvent supporter le nouveau ; le curé parle contre le gouvernement nouveau». Le sénateur Marescalchi, qui inaugure son rôle de patriote italien, s'adresse alors au cardinal [Chiaramonti] pour le solliciter d'intervenir au plus vite, et celui-ci répond immédiatement à son appel. «J'ai appris avec le plus grand déplaisir la conduite répréhensible de l'archiprêtre et de certains prêtres de Castelbolognese, mande-t-il le 24 juillet à cette «Excellence». J'ai donc écrit au vicaire forain de cette région d'appeler ledit archiprêtre, ainsi que les autres prêtres, de les avertir sérieusement, en mon nom, de parler dorénavant avec toute la réserve possible et d'être zélé pour le bon ordre, la paix, la tranquillité, la subordination, conformément à ce que je n'ai pas manqué de leur inculquer d'autres fois. Je l'ai prié également de les avertir qu'à la première preuve du plus léger manquement, ils seraient punis de façon irrémissible avec la plus grande rigueur. Je veux espérer que ces avertissements produiront leur effet et qu'en conséquence, je n'aurai pas à l'avenir le déplaisir de procéder contre eux, comme je ne manquerai pas de le faire si, contre mon attente, ils ne profitaient pas de cet avis charitable»" (pp. 327-328).
Pas besoin de souligner la haine violente du cardinal-évêque Chiaramonti, qui perce quasi le papier de sa missive en traits de feu virulents et même rageurs, dès que l'Ordre très-chrétien fait mine de ressurgir et de vouloir se réimplanter chez les italiens, elle se souligne elle-même fort bien toute seule...
Notre Chiaramonti collabo, dont il est affligeant de voir qu'il prostitue à la Révolution ses très-hautes qualités d'âme, de cœur et d'esprit, qu'il n'a même aucune scrupule à étouffer la plus haute d'icelles toutes, celle du bon Pasteur, toutes qualités que nous n'avons pas manqué de voir et d'admirer sincèrement en lui précédemment, qui nous ont édifié et fort charmé, ne manque pas, en une autre occasion, de mander à ce même Marescalchi, petit collabo politique local des français, qu'il n'a pas "omis d'ordonner aux ecclésiastiques séculiers et réguliers un silence rigoureux sur tout ce qui peut exciter dans le peuple des sentiments d'insubordination et d'indépendances vis-à-vis du pouvoir qui leur commande, et le détourner du bon ordre [...!!] ; je les ai sérieusement avertis de ne laisser passer aucun moyen d'inspirer au peuple, selon leur devoir, des maximes de paix, de tranquillité et de fidèle obéissance [aux "autorités constituées", comme disait Pie VI dans Pastoralis sollicitudo]" (p. 328). Leflon n'a pas tort de donner la véritable leçon de ces faits, concernant Chiaramonti, en disant de lui qu'il "se pliait à l'état de fait [qui, je l'ai dit plus haut, n'existe métaphysiquement pas pour tout homme sensé, et encore moins théologiquement pour le chrétien], et consentait à collaborer avec le Sénat de Bologne [nouvelle structure politique démocratique installée par les révolutionnaires français] pour assurer au nouvel ordre des choses [qui, métapolitiquement, n'existait pas, seul l'Ordre très-chrétien existe] la soumission de ses diocésains" (p. 329).
Et, buvant jouissivement du p'tit lait, Leflon de conclure : "L'évêque d'Imola se gardera de toute opposition purement politique ; il acceptera le régime [des nouvelles structures politiques révolutionnaires], et par sa fameuse homélie de Noël 1797, travaillera à le faire accepter. Dès avril 1797, ses positions sont prises ; le cours des évènements ne fera que les accuser" (pp. 329-330). On ne saurait mieux dire en effet, mais pas dans le sens que croit devoir lui donner Leflon, à savoir de bénir le collaborationnisme abject et impie de Chiaramonti envers les structures politiques révolutionnaires qui tâchaient de s'implanter dans l'Italie du nord. Déjà, fin 1796-début 1797, Napoléon posait un regard favorable sur Chiaramonti, rendant hommage à sa vaillance, et "opposait sa belle conduite à celle du cardinal Rannuzzi, évêque d'Ancône" (p. 338), lequel s'était enfui à l'approche des Français...
Début février 1797, la seconde invasion de l'Italie commence, et l'avancée des troupes françaises dirigées par Napoléon est fulgurante. Imola est bientôt de nouveau occupé, sans la moindre résistance. Mais son évêque ne s'y trouve plus. Le pape Pie VI, en effet, craignant que son protégé et conseiller favori ne soit pris en otage, lui avait donné l'ordre de venir près de lui, à Rome. Il y arriva le 10 février, faisant force diligence, car talonné de fort près, dans son carrosse qui n'avait pas de turbo, par les conquêtes rapides des soldats de Napoléon. Mais la paix se concluait déjà par le traité de Tolentino, le 19 du même mois. La présence de Chiaramonti à Rome, près le pape Pie VI, n'avait donc plus de raison d'être, et il revint à Imola à la fin du mois de mars 1797, le 29 exactement.
Il fit précéder son retour d'une lettre pastorale très-intéressante, car sa lecture montre qu'elle est déjà, neuf mois avant l'homélie de la Noël, comme son ébauche presque finalisée dans son esprit, au moins dans les grandes lignes directrices. Il y accentue de plus en plus, "dans les circonstances présentes où change votre gouvernement temporel" (p. 357) dit-il à ses ouailles, son honteux ralliement aux nouvelles structures politiques révolutionnaires installées par Bonaparte dans le nord de l'Italie, annihilatrices de l'Ordre très-chrétien, ce dont il n'a absolument cure, alors que dans sa Romagne intégrée aux États Pontificaux, c'était le pape qui représentait cet Ordre. Il ose sans rougir jusqu'à la crête y baptiser sans eau bénite "le victorieux Généralissime de l'armée française d'Italie" (ibid.), de... "bon catholique [!!!]" (ibid.), on croit rêver, et reprend exactement le même qualificatif hérétique que le pape Pie VI dans Pastoralis sollicitudo, parlant des autorités constituées pour définir les nouveaux pouvoirs politiques révolutionnaires : "Que cessent donc les craintes, s'il y en eut jamais parmi vous ! Le devoir de soumission, et d'obéissance au pouvoir constitué qui incombe à tout honnête citoyen, incombe plus encore, rappelez-vous-le, au bon chrétien, car celui-ci ne peut ignorer avec quelle force, en plusieurs endroits, les textes sacrés le prescrivent en nous représentant que l'autorité publique découle de la puissance divine" (ibid.).
Et donc, de ne surtout pas manquer d'assommer déjà ses pauvres ouailles imolésiennes avec l'interprétation très-hérétique du paulinien Rom XIII, comme passant complètement à la trappe, dans les oubliettes du château, l'obligatoire et sine qua non ordonnancement constitutionnel au Bien commun du pouvoir politique pour que celui-ci puisse être dit découler immédiatement de la puissance divine, ainsi que je l'ai expliqué avec soin en commençant mon article. Ce qui bien sûr n'était nullement le cas des nouvelles structures politiques révolutionnaires installées dans le nord de l'Italie par Bonaparte. Et ce, pour obliger ses fidèles, toujours hérétiquement, à considérer lesdits nouveaux pouvoirs politiques constitutionnellement athées et issus de la Révolution, comme valides et légitimes, incluant donc le subséquent devoir d'obéissance. Puis, de terroriser ses ouailles pour leur enfoncer dans la tête et surtout dans l'âme, son hérésie : "En face d'une si terrible sentence [Rom XIII hérétiquement déformé, comme s'appliquant totalitairement à tout pouvoir politique, même à ceux qui ne sont pas constitutionnellement ordonnés au Bien commun], il n'y a rien à ajouter pour vous engager à être soumis aux lois et respectueux envers les Magistrats, qui en sont les gardiens" (p. 358). Enfin, de terminer sa très-détestable lettre pastorale rebelle à l'Ordre très-chrétien et rejetant hérétiquement le vrai criterium paulinien quant à la validé des pouvoirs politiques, en menaçant des peines temporelles, puis après cette vie terrestre, des peines éternelles, ... la totale, quoi !, tout contrevenant à cet enseignement... à l'instar décalcomanié du pape Pie VI dans Pastoralis sollicitudo.
Nous sommes là, avec ce morceau insupportable et méprisable, révulsif et vomitif, si loin de la haute finesse aristocratique de son auteur, extrêmement proche de la doctrine que Chiaramonti va enseigner avec éclat à la fin de cette même année 1797, lors de la Noël, que nous n'allons pas tarder maintenant à voir...
Et Leflon, de ponctuer imperturbablement et presque fièrement une si grande, griève et peccamineuse trahison de l'Ordre très-chrétien et abandon de la vraie et catholique règle prochaine de validité des sociétés politiques enseignée par saint Paul, dont, pas plus que le futur Pie VII dont il trace la biographie, il ne se rend le moindre compte, par ces mots qui montrent la très-grande pertinacité de Chiaramonti dans cette voie formellement réprouvée : "Jusqu'à l'écroulement de la Première République Cisalpine en 1799, ce programme restera le sien" (ibid.). Il aurait bien pu dire : jusqu'au Concordat de 1801. Il aurait même pu encore mieux dire : jusqu'à sa mort.
... Mais voyons à présent d'une manière pratique à quel point un tel programme était incompatible avec les exigences de la Foi catholique. Réputer la validité à des sociétés politiques constitutionnellement athées pratiquant au for public l'obligatoire indifférentisme religieux, s'obliger à frayer et copuler avec quand on est catholique, c'est automatiquement pécher contre la Foi catholique. Celle-ci, en effet, exige impérativement que la seule Religion véritable, celle catholique, soit professée au for public par le pouvoir politique, ce que bien sûr seules les sociétés politiques d'Ancien-Régime pouvaient satisfaire, mais plus les nouvelles. Il est bien facile de comprendre qu'il y a incompatibilité formelle entre l'obligation à l'indifférentisme religieux au for public voulu par les constitutions politiques de la Révolution, et, tout au contraire, l'obligation impérée par la Foi que la seule Religion catholique soit mise au fronton de la constitution, régnant exclusivement seule au for public.
Voici ce que cela pouvait donner, dans le cadre des républiques du nord de l'Italie auxquelles il était intimé l'ordre, après la victoire des armées de Napoléon, de refondre leurs constitutions politiques, abolissant celles très-chrétiennes pour les remplacer par de nouvelles, d'esprit révolutionnaire. Un grave problème de conscience se posait en effet aux italiens, traditionnellement catholiques, "commun à toutes les Républiques de la Péninsule, qui résultait des immortels principes, formulés par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en 1789, et introduits dans la législation. Trouverait-on [à Bologne] mieux qu'ailleurs une combinazione lénifiante pour les mettre en harmonie avec ceux de l'Église ? La question ne laissa pas d'embarrasser la junte de trente membres chargée par le Sénat de préparer la constitution. On voulut d'abord insérer dans la Déclaration initiale la reconnaissance officielle de la religion catholique «seule adoptée par la République». Après de très-longues discussions, il fut décidé que cette reconnaissance serait reportée au dernier chapitre, intitulé : Dispositions générales. Finalement, vu le caractère passionné que prenaient les débats, le Sénat se résolut à la supprimer purement et simplement.
"Se référer à la «législation de la période prépontificale» [Bologne étant une ville dépendant des États Pontificaux], il ne pouvait cette fois sérieusement le faire. Mais les justifications [de l'abandon constitutionnel de la Religion catholique au for public] ne manquèrent pas, aussi lénifiantes qu'industrieuses. Une proclamation au peuple assura que le silence gardé sur la religion ne devait nullement alarmer les esprits, ni prêter à des attaques contre la constitution ; consacrer par un texte officiel les titres du catholicisme apparaissait entièrement superflu dans une ville comme Bologne [très-catholiques dans ses mœurs, us et coutumes immémoriaux, autant que dans ses institutions] ; par ailleurs, la constitution se limitait aux objets politiques, qui relèvent du temporel, et visait à ne pas les confondre avec le spirituel qui relève de l'Église, deux domaines entre lesquels il importe essentiellement d'établir une discrimination [... on voit très-bien ici, soit dit en passant, que les règles constitutionnelles révolutionnaires tendent fondamentalement à la séparation de l'Église et de l'État...]. Il fallait donc se tranquilliser. L'archiprêtre Morandi appuya de son autorité l'interprétation des Illustrissimi Magistrati, en exposant que ladite constitution n'entendait pas «mêler la terre au ciel» et unir des choses «distinctes par nature» [qu'on veuille bien me pardonner, mais, dans ce genre de situation, on trouve toujours un prêtre faux-cul pour justifier théologiquement l'injustifiable]. Ainsi s'instaura à Bologne le régime de la République et du libéralisme religieux [... en attendant la Liberté religieuse de Vatican II, fille on ne peut plus légitime de cette mère, c'est extrêmement clair, ici]" (pp. 367-368).
L'épisode est vraiment très-instructif, fort intéressant (à un échelon plus grand, ce même problème surgit quant à la place à donner à la Religion catholique, lorsque la République cispadane puis cisalpine fut créée, et lorsque donc il fallut lui donner une constitution). Il montre très-bien l'incompatibilité formelle entre une constitution politique basée sur le droit divin, comme l'étaient toutes les constitutions politiques d'Ancien-Régime, a fortiori bien sûr celles des États Pontificaux, comme celle de Bologne, d'avec une constitution devant obligatoirement se baser sur les très-athées "droits de l'homme" révolutionnaires. Les nouvelles constitutions politiques révolutionnaires ne pouvaient pas se compatibiliser avec la Foi et la Constitution divine de l'Église, la contradiction était flagrante, formelle, antinomique ; et donc, les pouvoirs politiques qui se basaient sur elles ne pouvaient pas être réputés valides et légitimes, comme cela se déduisait formellement lorsqu'on leur reconnaissait hérétiquement être légitimes sujets du devoir catholique d'obéissance et de soumission.
D'où l'on voit le mensonge gravissime de Mgr Chiaramonti d'oser dire le contraire à ses ouailles d'Imola, par exemple dans cette phrase : "Le devoir de soumission et d'obéissance au pouvoir constitué, qui incombe à tout honnête citoyen, incombe plus encore, rappelez-vous-le, au bon chrétien" (supra). Or, par "pouvoir constitué", il entendait les nouveaux pouvoirs basés sur les "droits de l'homme" révolutionnaires, introduits par Napoléon dans l'Italie du nord, formellement incompatibles avec la Foi et la Constitution divine de l'Église, l'épisode bolonais le montrait fort bien...
Bologne (basilique San-Petronio & Piazza Maggiore)
... Mais enfin, comment donc le cardinal-évêque d'Imola, qui était tout sauf l'idiot du village, pouvait-il bien ne pas voir ni se rendre compte des mauvaises intentions résolument et radicalement antichrétiennes, voulant la mort du christianisme, des nouveaux gouvernements mis en place en Italie du nord sur le calque dévotionnel du Directoire français ouvertement antichrist, étant personnellement lui-même sans cesse tracassé, harcelé par leurs sbires, et pour les plus scandaleuses immixtions dans la Religion...?!? Cette question restera présentement sans réponse, seule l'âme de Mgr Chiaramonti peut nous en faire la révélation, on ne le saura qu'au Jugement dernier. Peut-être en tous cas, le mot judicieux de Montaigne éclaire-t-il la question, lorsqu'il nous parle de "ces infinis esprits qui se trouvent rognés par leur propre force et souplesse"...
C'est ainsi par exemple que ce nouveau pouvoir politique révolutionnaire italien basé sur les "droits de l'homme" prétendait régenter... jusqu'aux sermons des prêtres, et qu'il en inquiétait sans cesse l'évêque d'Imola, "vu que... au début de l'Église, on prêchait alors les maximes de la pure morale et les principes de l'égalité démocratique" (p. 417), ce qui bien sûr, n'était plus du tout le cas maintenant, à cause de l'odieux Ancien-Régime qui avait tout perverti et dont il s'agissait à présent, bien sûr, de purger et d'expurger la mentalité exécrable dans les prêtres, communément trop imbibés d'icelle. Il fallait donc que les noms des prêcheurs extraordinaires autres que l'évêque et les curés en place, surtout quand ils venaient de l'extérieur du diocèse, soient communiqués aux commissaires de la République, et que ceux-ci les approuvassent, avant d'être... autorisés à prêcher ! Oui-da, vous avez bien lu. "Les chaires des églises devaient doubler les tribunes des clubs et démontrer, comme elles, les vertus et l'excellence de la Constitution donnée à la République cisalpine" (ibid.).
C'est ainsi derechef que les commissaires des pouvoirs politiques nouveaux érigés dans le nord de l'Italie et calqués sur le Directoire français, prétendant tout contrôler et régenter dans l'Église au nom des "droits de l'homme et du citoyen" (zut, quel iconoclaste je suis, j'allais écrire, vous vous rendez compte ?, au nom des droits du diable), avaient fait enlever le baldaquin qui couvrait la stalle de l'évêque dans la cathédrale, ainsi que les marches pour y monter, car, faut-il le dire, cela n'était pas du tout, mais alors, vraiment p-a-s-d-u-t-o-u-t conforme à l'égalité citoyenne... L'appellation "Monseigneur" n'étant elle aussi, ça va sans dire, p-a-s-d-u-t-o-u-t en adéquation avec la libération égalitaire de l'homme apportée par les nouveaux pouvoirs politiques révolutionnaires, pas plus que les armes et blason mis en tête des lettres qu'il écrivait, le cardinal-évêque d'Imola avait reçu l'ordre comminatoire et morveux, tout juste poli, de signer ses lettres désormais d'un sans-culotte "Évêque-citoyen"... etc., etc., etc. !!
Comment donc, disais-je, notre cher Chiaramonti, qui nous afflige, ne comprenait-il pas le caractère intrinsèquement pervers, comme dira le pape Pie XI à propos du communisme, de ce nouveau pouvoir politique qui, sous les plus futiles mais attentatoires prétextes, laissait voir à visage découvert l'abomination impie de son cœur, démontrait quant et quant sa haine viscérale de la Religion de Jésus-Christ, son intention profonde d'en arriver à la détruire radicalement, usque ad mortem ? Comment notre moine bénédictin si pieux et perspicace ne voyait-il pas ce qui crevait les yeux des plus borgnes et même des aveugles, à savoir l'antinomie formelle entre l'esprit de ces nouveaux pouvoirs politiques prétendument démocratiques, et l'esprit de la Religion de Jésus-Christ ? En vérité, grand et incompréhensible mystère. Et mystère d'iniquité, mysterium iniquitatis, qui ne sera levé qu'au Jugement dernier, "car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, et rien ne se fait en secret qui ne doive paraître en public" (Mc IV, 22)...
Mystère d'autant plus grand, étant donné la très-grande et très-supérieure qualité, et d'âme et de cœur et d'esprit, de Barnaba Chiaramonti devenu dom Gregorio, qui avait tant charmé et édifié le pape Pie VI et nous-mêmes d'ailleurs, qu'on va voir, la honte mortifiée dans l'âme, colère rentrée et tête baissée, Chiaramonti s'avilir en ci-devant et même ci-derrière, se comporter comme le plus vil et le pire des collabo, capable de s'aplatir aux pires diktats du pouvoir "nazi" en place, obéir aux injonctions les plus vicieuses et les plus attentatoires à la Religion des commissaires du gouvernement, pour finir par arriver à l'abomination de la désolation dans le Lieu-Saint de son homélie de la Noël 1797.
Mystère d'iniquité qu'on va retrouver et qui va se transmettre de génération en génération dans tous les papes post-concordataires qui suivront Pie VII sur le Siège de Pierre. Ils s'obstineront tous à ne vouloir pas prendre acte que les démocraties post-révolutionnaires sont intrinsèquement antichrists et anti-Église radicales de par leur fond constitutionnel même, qu'elles ne sont subséquemment pas valides ni légitimes, et qu'on ne doit donc pas traiter avec elles comme si elles l'étaient.
Pie X, lors de la crise de la séparation de l'Église et de l'État, tiendra par exemple ces propos qui sous-entendent que le gouvernement républicain qu'il a en face de lui représente toujours et encore la France bénie de Dieu et de l'Église, comme elle l'était certes avant la Révolution : "La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser [... ici, le pape a vraiment manqué un train : ils sont déjà et définitivement brisés, ces liens, depuis la Révolution !]. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde" (Pie X, citant Léon XIII ; cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_s%C3%A9paration_des_%C3%89glises_et_de_l%27%C3%89tat#cite_ref-8). Ces papes post-concordataires n'avaient pas compris, par un étrange et très-puissant aveuglement, que ces liens étaient radicalement brisés dès lors que la société politique française s'érigeait sur des bases constitutionnellement athées. Ce qui était le cas dès l'État français de Napoléon au temps de Pie VII, et non moins de la République française au temps de Pie X. Or, loin de dénoncer publiquement et avec toute la vigueur apostolique cette nouvelle France constitutionnellement athée, la papauté s'y accoupla à partir du Concordat de 1801, pour ne plus jamais quitter ces rails maudites la menant tout droit vers le règne de l'Antéchrist-personne...
Mais je reviens au temps du cardinal-évêque d'Imola. Ainsi donc, pour les commissaires du gouvernement révolutionnaire de l'Italie du nord, ces enfants de Bélial, ces fils de Satan, il devenait nécessaire de "mobiliser l'éloquence ecclésiastique, pour rallier cette masse [de population des villes et des campagnes, qu'ils sentaient trop tièdes, voire hostiles à la nouvelle idéologie politique révolutionnaire], auprès de laquelle clergé séculier et régulier jouissaient d'un si grand crédit. Mais, pour y réussir, le gouvernement devait, en tout premier lieu, s'assurer le concours des évêques qui, par leurs lettres pastorales, lanceraient une vaste campagne en faveur de la Constitution et, les premiers, propageraient les doctrines de la charte nouvelle. Or, si l'on pouvait obtenir celui du cardinal Chiaramonti, homme de confiance du pape et son délégué apostolique en Romagne, l'autorité de ce dernier ne manquerait pas d'entraîner ses collègues plus ou moins réticents.
"Le 5 octobre déjà, l'Administration centrale du Santerne avait fait auprès de l'Éminence une première tentative en lui communiquant, «pour sa gouverne et son édification», une pastorale de l'évêque de Pavie, très-favorable au régime républicain. L'invitation à suivre un exemple si apprécié du gouvernement restait toutefois assez discrète et, comme à cette époque, sur la Constitution comme sur la loi de vendémiaire, jusqu'à plus ample informé, l'évêque d'Imola entendait garder une attitude expectante, il eut l'air de ne pas comprendre ; sa correspondance avec les autorités départementales ne releva d'aucune manière la suggestion de celles-ci. Le 18 frimaire (8 décembre 1797), Oliva et Monti [les commissaires du gouvernement] se chargèrent de lui mettre les points sur les i ; mandatés pour démocratiser l'Émilie en organisant ses administrations, ils voulaient redresser l'esprit public et, pour cela, désarmer l'opposition religieuse dont ils se plaignaient amèrement. À cette fin, dans le Lamone, personne n'interviendrait avec plus d'efficacité et de poids que le citoyen cardinal Chiaramonti. La suggestion du 5 octobre devint donc un ordre formel. «Nous vous répétons, écrivaient-ils, l'invitation de publier dans tout votre diocèse la pastorale que vous avez promise, selon la proclamation que nous avons déjà communiquée de l'évêque de Pavie, votre frère. La République vous le demande et vous l'impose. Le sage devoir de votre ministère, l'intérêt même de la religion l'exigent ; car il est temps que l'on sache que cette religion est conforme aux principes de l'égalité et de la fraternité républicaines. Nous voulons espérer que vous le ferez sans plus de retard pour répondre à cette invitation qui est positive».
"Le lendemain, 19 frimaire (9 décembre), le commissaire Monti impatient renouvelait son injonction. «Le Directoire exécutif, insistait-il, s'est spécialement préoccupé de vous insinuer de concourir, dans la mesure où la chose dépend de vous, au développement de l'esprit public, à la connaissance de la Constitution, code sacré en qui repose la félicité du gouvernement de la République. Il compte donc que vous apporterez tout votre empressement à ordonner à vos curés d'expliquer les jours de fête et de lire la Constitution cisalpine, enfin de faire sentir au peuple ses propres droits et devoirs. Des ordres réitérés du Directoire lui-même nous prescrivent de vous inviter positivement à la publication d'une pastorale où vous inculquerez l'obéissance aux lois, l'amour de la République, et ferez connaître que l'esprit évangélique est fondé sur les maximes de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et nullement en opposition avec la démocratie. Nous attendons avec impatience la publication de ce que nous vous avons écrit, et nous aurons la consolation d'avoir coopéré à vous faire mériter la confiance du gouvernement».
"Il s'agissait d'un ordre formel. Le sujet de la Pastorale demandée au cardinal et des sermons réclamés de ses prédicateurs, se trouvait de plus bel et bien précisé. Cette fois, le Prince de l'Église ne pouvait faire la sourde oreille ; il ne pouvait davantage éluder le problème et devait, pour ou contre, officiellement, se prononcer" (pp. 417-419).
Il faut hélas remarquer, ici, il est rigoureusement impossible de ne point le faire, qu'il était très-poussé à aller dans ce mauvais sens... d'abord par lui-même et ses très-mauvais penchants. Rappelons-nous que quelques mois auparavant, lorsqu'en mars 1797 il fit précéder son retour de Rome à Imola par une lettre pastorale à ses ouailles, il la remplit, sans y être aucunement poussé par les méchants, d'une injonction musclée et sans tempérament à ses fidèles d'avoir à obéir aux nouveaux pouvoirs politiques révolutionnaires, les terrorisant même, comme on l'a vu, par la très-hérétique exégèse de Rom XIII qui veut que tout pouvoir politique constitué, donc aussi celui révolutionnaire, exige du chrétien soumission et obéissance sous peine de damnation, ainsi que l'avait déjà formulé scandaleusement le pape Pie VI dans Pastoralis sollicitudo, comme là aussi on l'a vu. Cet aiguillon des commissaires du gouvernement révolutionnaire de l'Italie du nord piqué sans ménagement dans ses cotes, ne faisait donc hélas que l'obliger à aller plus loin dans son péché, sans plus. Malheureusement, le cardinal-évêque d'Imola s'exécuta. C'est-à-dire qu'il alla jusqu'au bout de son péché.
Poussé sans tempérament, on va le voir répondre en quelques jours seulement, très-rapidement, aux commissaires du gouvernement qui le houspillaient, dès le 23 frimaire (13 décembre), par une longue lettre dans laquelle, certes, il leur explique de long et de large que les églises sont d'abord faites pour servir "à la prédication de l'Évangile de Jésus-Christ, à l'administration des sacrements, à l'instruction des fidèles sur les mystères de la foi et les devoirs du chrétien" (p. 419), mais il n'en finit pas moins sa missive par : "... Pour moi, je n'ai pas cessé d'exciter leur zèle [celui de mes prêtres], et précisément dans les termes qui m'ont été fixés par le général en chef Bonaparte [il veut donc ici parler du zèle, qui n'a rien à voir avec celui apostolique, qu'il a mis à convaincre ses prêtres du devoir d'obéissance et de soumission aux nouvelles structures politiques révolutionnaires érigées dans l'Italie du nord], qui m'a fait sentir de ne pas m'ingérer dans les affaires politiques, comme je l'ai déjà dit dans une autre lettre du 9 courant. J'espère, dans le Seigneur, que l'instruction pastorale, que je vous ai promise et que j'ai déjà esquissée presque entièrement en forme d'homélie, pour la prononcer, je pense, le grand jour de Noël, servira à les animer davantage. Ainsi, ils auront champ libre pour prêcher avec fruit [... la soumission et l'obéissance aux "pouvoirs constitués" !]" (pp. 419-420).
C'était, sous des mots très-chattemites, la capitulation la plus complète, la plus honteuse, le plus ignoble ralliement auxdits "pouvoirs constitués". Le cardinal-citoyen s'exécutait ignominieusement. Il s'exécutait à être hérétiquement une courroie de transmission des mauvaises mœurs politiques pour en subvertir les âmes, y prostituant sa fonction sacrée. Lorsqu'il dit en effet qu'il n'a pas à "s'ingérer dans les affaires politiques", saisissons bien ce qu'il veut dire, il entend dire qu'il n'a pas à contredire les nouveaux pouvoirs politiques révolutionnaires dans l'Italie du nord. Il va donc faire une instruction pastorale afin de donner l'ordre à ses prêtres de prêcher la soumission à la constitution cisalpine dans toutes les chaires de ses églises, grand point auquel les commissaires du gouvernement voulaient qu'il prêche.
C'est ce que sera cette homélie de la Noël 1797, scandaleuse s'il en est.
S.S. Pie VII
Pour bien faire comprendre la trahison gravissime du cardinal-évêque Chiaramonti, voyons à présent l'attitude d'un autre cardinal, le cardinal Alessandro Mattei (1744-1820), qui, lui, dans le même temps et pour la même affaire, va montrer à son grand'honneur, hélas en contrepoint du déshonneur aussi grand du futur Pie VII, quelle devait être la vraie attitude catholique d'un grand'clerc d'Église. "En octobre, le cardinal Mattei, auquel on communiquait aussi, et dans le même but [qu'au cardinal d'Imola], la pastorale de l'évêque de Pavie, s'était dérobé, comme son collègue d'Imola [l'avait fait, dans un premier temps ; mais contrairement à Chiaramonti, il ne reste pas passif :]. Pour s'éclairer sur le parti à prendre, il avait alors recouru à Rome, en demandant une ligne de conduite, pour le cas où le gouvernement le contraindrait à parler, et reçu du Secrétaire d'État, le cardinal Doria, la réponse suivante, datée du 28 octobre : «J'en ai référé au Saint-Père. Sa Sainteté vous loue hautement de ne pas vouloir approuver la Constitution de la République cisalpine et de ne pas vouloir enjoindre à vos curés de l'approuver et de s'en faire les propagateurs, CAR ELLE EST PLEINE DE MAXIMES EXTRÊMEMENT PERNICIEUSES POUR LA RELIGION. Si, cependant, on exige et ordonne que Votre Éminence préconise soumission signifiée et obéissance illimitée à cette Constitution, ELLE DEVRA REFUSER DE S'Y PRÊTER, en exposant que celle-ci, par divers articles, offense directement les maximes de la religion catholique et induit le peuple à de mauvaises mœurs, en se réclamant en outre de l'article 7 du traité de Tolentino. Si on lui demandait d'énoncer les articles de la Constitution qui lèsent la religion, Votre Éminence se bornerait, de façon assez résumée, à invoquer, en matière d'exemple, quelques-uns d'entre eux, QUI SONT NOTOIREMENT ET INCONSTABLEMENT INCOMPATIBLES AVEC LA PROFESSION DE NOTRE SAINTE RELIGION CATHOLIQUE, en se réservant, comme il le doit, de recueillir l'avis du Saint-Siège sur tout l'ensemble de ladite Constitution" (p. 420).
C'était on ne peut plus clair, saintement libérateur. Le Saint-Siège interdisait formellement, par motif fondamental de Foi, d'incompatibilité viscérale avec la Religion, que les grand'clercs, non seulement y souscrivent personnellement, mais bien sûr, subséquemment, incitent leurs prêtres et derrière eux leurs ouailles, à y souscrire eux aussi.
Leflon poursuit le déroulé de l'Histoire pour Chiaramonti, fort honteux pour lui, sans cependant, quant à son particulier, vouloir le moins du monde le reconnaître et admettre sa trahison gravissime. Mais lisons-le : "L'évêque d'Imola eut-il connaissance de cette réponse [du cardinal Doria au cardinal Mattei] ? ON PEUT LE SUPPOSER AVEC UNE FORTE VRAISEMBLANCE, car les deux Princes de l'Église se tenaient à cette époque en liaison pour recourir à Bonaparte. Mais, en décembre, il devenait impossible d'invoquer la lettre envoyée par le cardinal Doria, le 28 octobre, puisque l'article 1 de la loi [républicaine révolutionnaire] de vendémiaire interdisait sous les peines les plus graves, de publier, sans autorisation du gouvernement, "tout papier en provenance d'une puissance étrangère [ce qu'était le Saint-Siège, ayant rang d'État souverain] susceptible d'exercer quelque influence sur les actes civils et publics des citoyens", et puisque le commentaire de cet article, officiellement fourni et notifié par le Directoire milanais, précisait que les papiers en provenance de Rome rentraient bel et bien dans les papiers visés par la loi. En décembre, il était également impossible de se dérober "en se réservant de recueillir l'avis du Saint-Siège sur tout l'ensemble de la Constitution", comme le conseillait le Secrétaire d'État, car le même commentaire de la loi de vendémiaire soumettait à l'approbation du gouvernement tout recours épiscopal en cour de Rome" (pp. 420-421).
Une fois de plus, on voit fort bien à quel point diabolique le nouveau pouvoir politique, qui prouvait par-là de par lui-même et ses agissements qu'il était donc intrinsèquement antichrist, attentait hérétiquement à la plus fondamentale liberté de l'Église, ... en interdisant à l'évêque d'avoir relation avec le pape !, avec l'évident but de provoquer sa mort tellement souhaitée, la jugulant, la crucifiant, l'enserrant comme le boa sa victime en serrant ses anneaux toujours un peu plus fort, pour arriver à cette mort par étouffement de l'Église tant souhaitée (c'est ce que voudront faire quelques années plus tard, les fameux Articles organiques dont nous avons parlé plus haut, et que là encore, Chiaramonti devenu Pie VII, souscrivit dans l'article 1 du Concordat, comme je l'ai exposé que dessus).
"[Coupés de Rome,] livrés à leurs propres lumières, les prélats devaient donc prendre eux-mêmes leur parti. Le cardinal Mattei interpréta strictement les consignes du Secrétaire d'État et refusa positivement de publier une pastorale en faveur de la Constitution (...) : «En conscience, comme pasteur des âmes, JE NE PEUX DIRE QUE LE SYSTÈME ACTUEL N'EST PAS EN OPPOSITION AVEC LA RELIGION. Comment l'affirmer sans méconnaître les lumières de la religion, surtout quand il s'agit d'un évêque obligé d'éclairer son troupeau, au lieu de l'égarer et de le trahir ?» Suivait l'exposé des différents articles qui, au nom de la liberté et de l'égalité, se trouvaient en contradiction formelle avec les principes du catholicisme. Le cardinal concluait : «Après tout cela, comment un évêque, en conscience et SANS TRAHIR SON MINISTÈRE, pourrait-il, en instruisant son clergé et son peuple, affirmer franchement qu'ils n'y a pas d'opposition entre la religion et les maximes adoptées par la République ?» (p. 421). Pour le vrai de l'Histoire, il faut préciser, quand bien même il est honteux, que le cardinal Mattei fut bien seul à soutenir le bonum certamen certavi, car les autres évêques de la Romagne, à commencer bien sûr par celui d'Imola, notre Chiaramonti, s'aplatirent tous platement devant les nouvelles "autorités constituées", comme disait Pie VI en parlant des pouvoirs politiques constitutionnellement athées post-révolutionnaires... Ce qui arracha ce cri du cœur ou plutôt de sa très-catholique âme, au cardinal Mattei : "«Seigneur !, libérez-nous des évêques qui, par crainte, intérêt ou respect humain, en viennent à trahir leur conscience !» Évidemment, il visait par-là ceux de ses collègues qui avaient voulu accorder Baal et le Christ" (p. 440). Et ils étaient nombreux. Il n'y eut en fait que lui, cardinal Mattei, à soutenir le bon combat surnaturel, à être aussi en parfait accord avec le jugement plus que catholiquement justifié, du Saint-Siège, dans toute l'Italie du nord.
Ce n'est pas pour rien qu'on va retrouver plus loin, dans le conclave de 1800, cet éminent cardinal Mattei comme fer de lance pour mener le bon et catholique combat zelanti contre ceux qui ne voulaient plus le mener, les politicanti, abdiquant et abandonnant lâchement quant à eux la Foi sur le chapitre Politique constitutionnel en voulant considérer les nouveaux pouvoirs politiques issus de la Révolution comme partenaires avec lesquels il était permis de traiter, parti judas qui va, comme on va le voir plus loin, finir par choisir Chiaramonti comme candidat pour l'élection au Siège de Pierre : cela manifestait on ne peut mieux le combat du Bien contre le mal dans le sein même de l'Église Universelle, au plus haut niveau...
Bonaparte, ce précurseur de l'Antéchrist-personne, ne s'y trompa point. Le cardinal Mattei attentait à la Révolution ? Il se dépêcha de casser manu militari le cardinal Mattei, jusqu'à l'emprisonner, lequel, quant à lui, en bon chrétien, "saura souffrir la persécution et l'exil" (ibid.).
Cardinal Alessandro Mattei (1744-1820)
On ne saurait hélas en dire autant de notre Chiaramonti. Et on le regrette beaucoup, beaucoup.
Lui, au contraire, en parfait collabo, va s'avilir à essayer de satisfaire au mieux les pouvoirs révolutionnaires, et donc la Révolution "satanique" (Barruel, de Maistre) derrière eux, en professant, dans son homélie tristement célèbre de la Noël 1797, la validité et la légitimité des pouvoirs politiques nouveaux de l'Italie du nord basés sur une constitution révolutionnaire qui, nous venons tout juste de le voir, était anathématisée par le Saint-Siège parce qu'elle était formellement incompatible avec la Foi et la Constitution divine de l'Église...
Pour cela, il va, dans son homélie de la Noël 1797, radicalement tricher avec le fond du problème, et le plus vicieusement du monde, en commençant par présenter la démocratie des nouveaux pouvoirs comme une forme, philosophiquement. Puis, ensuite, de gloser hors-sujet sur cette forme politique, et d'affirmer qu'elle n'est pas mauvaise en soi, qu'elle peut même devenir très-bonne et excellente si elle est informée de la vertu chrétienne ; et il va jusqu'à présenter la Foi et l'Église comme théologiquement nécessaires à la démocratie pour que, justement, elle devienne bonne. Donc, conclusion souhaitée et voulue, je résume son raisonnement, la démocratie en tant que forme politique, peut être très-bonne, comme dit Dieu dans la Genèse de sa Création, il suffit juste de l'informer de l'esprit de l'Évangile pour qu'elle le soit effectivement et parfaitement (soit dit en passant, c'est là tout le raisonnement que prendra un siècle plus tard le pape Léon XIII, pour prétendument justifier le Ralliement, lequel n'était rien d'autre qu'une réactivation musclée du Concordat).
Leflon qui, lui aussi, soutient ce raisonnement archi-faux et captieux, qui n'est qu'une pure utopie dans les nuages inexistentiels que Lucifer, l'ange des lumières, fait miroiter dans les âmes superficielles et inclinées à l'erreur, s'étale indécemment dans son livre, dans de longues, longues, fatigantes et mensongères pages, pour argumenter en sa faveur, en suivant béni-oui-oui l'homélie de Chiaramonti, fort attendri devant tant d'intelligence et de souple sagesse, la larme de componction à l'œil et presque à deux genoux... sinon à trois. Sans m'y attarder, je ferai ici remarquer que cette utopie désastreuse en forme de mirage dans le désert des Tartares est toujours celle qui possède, au sens diabolique du terme, l'esprit des grand'clercs contemporains. Elle n'a pas cessé, en effet, d'infester leurs esprits depuis deux siècles incontinent, depuis le Concordat. Témoin par exemple, ces phrases de l'épiscope Gérard Defois, lorsqu'il était archevêque de Reims dans les années 1996 : "Valeurs laïques et valeurs chrétiennes sont appelées à se conforter pour promouvoir fraternellement la liberté et l’égalité dans la société qui naît aujourd’hui [... heureusement qu'elle ne naît pas... hier ou demain !]" ; plus fort et truculent encore dans la langue de buis : "[Les églises] irriguent une société en perte de sens, proposent leur patrimoine spirituel et, du même coup, canonisent la laïcité [!!!] comme «mode de vie ensemble» et paradoxalement retrouvent ainsi leur rôle évangélique de servantes de l’homme et de la société". C'est à peu près exactement ce que nous blablate Chiaramonti dans son sermon, allant jusqu'à dire, poussant jusqu'au bout du toub son raisonnement insensé et complètement fou : "Soyez tous chrétiens et vous serez d'excellents démocrates !"
Or, malheureusement, c'est tromper complètement le fond de la question que de présenter les choses ainsi, et de trois façons dont chacune d'elle est hérétiquement dirimante, pour le moins, a fortiori quand elles sont toutes les trois réunies ensemble.
Premièrement, la démocratie dont il s'agit après la Révolution en effet, que ce soit en France, dans le nord de l'Italie, ou, plus tard, dans n'importe quel autre pays du monde (car les sociétés politiques démocratiques post-révolutionnaires vont en effet très-vite faire tache d'huile dans le monde entier), AVANT d'être une forme, est métaphysiquement et métapolitiquement un fond. Et ce fond, que traduit la constitution du pouvoir politique en question, adopte subséquemment une forme, celle démocratique. Or, ce qui compte pour poser le jugement sur cette démocratie post-révolutionnaire concrète, c'est évidemment le fond, c'est-à-dire son principe constitutionnel, nullement sa forme.
Et c'est à partir de ce jugement du fond, basé sur la Foi, de la démocratie concrète examinée, qui s'avèrera positif ou négatif, que le chrétien doit alors accepter ou rejeter cette dite démocratie, par devoir formel de Foi. Ce n'est pas en effet parce que la forme adoptée par le fond est démocratique, et que cette forme peut en soi être bonne, ce qui n'est d'ailleurs vrai qu'in abstracto, que le fond, constitutionnel, ne peut donc qu'en être bon lui aussi, sous prétexte que la forme peut, en soi, être bonne, comme l'expose très-hérétiquement et non moins hypocritement Chiaramonti dans son homélie, au moins par omission très-calculée. C'est le raisonnement exactement contraire qui est à faire : C'EST LE FOND QUI JUGE LA FORME, NON LA FORME QUI JUGE LE FOND. Si le fond est mauvais, alors la forme, la démocratie, simple émanation du fond, est mauvaise elle aussi, et ne peut qu'être mauvaise. Théoriquement, elle peut effectivement être bonne, à l'expresse et sine qua non condition, que le fond constitutionnel auquel elle est accouplée, soit bon, et SEULEMENT pour cela. Il y a donc une inversion satanique dans le raisonnement philosophique qui est fait par ceux qui veulent, à commencer hélas par notre Chiaramonti, légitimer les démocraties post-révolutionnaires modernes, voulant que ce soit la forme qui norme le fond, alors que la vérité, à la fois métaphysique et théologique, est exactement à l'opposé, à savoir que c'est le fond qui norme la forme. Pour bien le saisir par un exemple tout simple, prenons le cas d'un pouvoir politique qui aurait adopté la forme royaliste avec une constitution antichrist : il aurait beau adopter une forme là encore très-bonne en soi (que le pape Pie VI jugeait "la meilleure" dans son allocution sur le martyre de Louis XVI), elle serait néanmoins parfaitement mauvaise, parce qu'étant métaphysiquement simple émanation du fond, celui-ci étant mauvais, rendrait donc, par-là même, la forme complètement mauvaise.
Or, Chiaramonti dans son sermon, pose un jugement de validité de la démocratie, en prenant le raisonnement sataniquement inverse, uniquement à partir de la forme. Son jugement est donc parfaitement faux, caduque et non-avenu. Il n'a pas le droit de dire que la démocratie est bonne, ce qu'il sous-entend hérétiquement des démocraties concrètes sévissant dans l'Italie du nord puisqu'il parle du "gouvernement adopté parmi nous" dans son sermon, uniquement en se basant sur un jugement de forme, comme il le fait. Pour dire que la démocratie est bonne, le jugement sur le fond, je le répète, est premier, passe non seulement avant le jugement sur la forme, mais note déjà formellement, par rebond métaphysique, le jugement sur la forme : si le fond est bon, la forme peut être bonne, et même l'est certainement, car, en soi, toute forme peut être bonne ; si par contre le fond est mauvais, alors quelque soit la forme adoptée, même la meilleure jugée telle par les hommes, elle sera de toutes façons, et ne peut qu'être, mauvaise. Tout le principe fondamental du sermon de Chiaramonti est donc complètement hérétique, par abstraction soigneusement voulue du fond.
La démocratie mise en œuvre par Napoléon dans le nord de l'Italie sur le modèle du Directoire français, est une démocratie dont le fond est essentiellement et premièrement antichrist ; c'est même pire que ça : c'est par son antichristianisme que cette démocratie prétend exister, car là se situe sa raison d'être, et même sa seule raison d'être. Le jugement à poser sur elle est donc son formel rejet, l'anathématiser formellement. Et ce n'est pas seulement une possibilité donnée au catholique, mais un devoir formel pour lui de le faire. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Ce qui veut dire, soit dit en passant et j'y reviens pour honorer leur mémoire, que c'étaient les Lughésiens, ces chouans martyrs italiens, qui avaient eu parfaitement raison de s'insurger contre la démocratie révolutionnaire imposée dans l'Italie du nord, prenant comme chef un vaillant homme qui se faisait appeler Bonapasce pour se moquer de Bonaparte, voulant la rejeter radicalement de leur sein sociopolitique par motif de Foi. On vient de voir que le collègue nord-italien de Chiaramonti, le cardinal Mattei, mettant en œuvre le raisonnement de Foi, contrairement à lui, avait très-bien su, après avoir posé l'examen théologique requis, conclure à cet anathème formel contre lesdites démocraties italiennes, à la suite d'ailleurs du Saint-Siège qui fulmine le même anathème dans la réponse du cardinal Secrétaire d'État, de manière formelle, à juste titre très-tranchée.
Par conséquent, le jugement catholique du fond de cette dite démocratie concluant à son antinomie radicale avec la Foi et la Constitution divine de l'Église, cette démocratie ne peut pas être réputée bonne, sous le fallacieux prétexte que sa forme peut en soi être bonne, comme veut le dire notre prêcheur hérétique. Car bien sûr, il est question, contextuellement, lors du sermon de la Noël 1797, de ces démocraties radicalement antichrétiennes quant au fond, calquées sur l'antichrist Directoire français, ce que leur constitution révèle, avec lesquelles dites démocraties il était donc évidemment formellement anathème de s'accoupler quand on faisait profession de Foi catholique, encore moins leur réputer validité et légitimité rien qu'en les disant sujets formels de la soumission et obéissance dûes par le chrétien aux seules sociétés politiques valides et légitimes. Impossible de se tromper d'adresse, puisque le cardinal-évêque évoquait dans son sermon "le gouvernement démocratique adopté parmi nous".
Conclusion. Il est rigoureusement interdit d'avaliser la démocratie dans un sermon en restant vicieusement sur une seule question de forme, sans dire le moindre mot ni la moindre virgule, comme le fit Chiaramonti dans son homélie, sur le fait qu'il ne fallait SURTOUT PAS, au grand jamais, appliquer ce raisonnement in abstracto aux actuelles démocraties que la Révolution avait imposées par la force militaire dans toute la région du nord de l'Italie et en particulier à Imola. C'était ce grand point qui, sur le plan de la Foi, était le plus important et le premier à dire à ses auditeurs, Chiaramonti en avait le devoir formel. Mais il n'en eut pas un seul traître mot ni d'aucune manière dans son exécrable homélie tourné sataniquement à l'envers.
Son seul honteux souci, en effet, rappelons-nous, était de satisfaire aux exigences des commissaires de la République en réputant bonne non seulement la démocratie en tant que telle, mais surtout leur démocratie. Il le fit donc de manière insinuante, enveloppante et très-vicieuse, en tâchant d'assimiler frauduleusement, par amalgame, la forme au fond. Aux antipodes du formel devoir de Foi qui consistait pour le catholique, a fortiori pour un cardinal-évêque, dans un sermon sur la démocratie, D'ABORD, PREMIÈREMENT ET PRINCIPALEMENT à anathématiser formellement et publiquement, avec grande force, les démocraties italiennes révolutionnaires, Chiaramonti mentait hérétiquement à l'auditeur, par de grandes et enthousiasmées exclamations censées s'envoler au Ciel, en lui disant qu'il pouvait et même devait obligatoirement rendre un devoir de soumission et d'obéissance aux pouvoirs politiques révolutionnaires que les français avaient imposés dans l'Italie du nord, constitutionnellement incompatibles avec la Foi et la Constitution divine de l'Église catholique, c'est-à-dire de fond mauvais, rendre ce devoir présupposant en outre automatiquement la validité et la légitimité du pouvoir politique à qui le catholique le rend.
Voyez par exemple la conclusion de son homélie, où il tâche de ramasser tous les principes qu'il y avait exposés très-longuement à ses auditeurs, en les appliquant, suivez son regard en coin, aux actuels pouvoirs démocratiques imposés dans l'Italie du nord, tous de constitution révolutionnaire absolument incompatible avec la Religion, le Saint-Siège en témoignait : "... Avec moi, mes très-chers frères, humiliez-vous et baissez respectueusement les regards devant les inscrutables desseins de la Providence ! Que la Religion catholique soit l'objet le plus cher de votre cœur, de votre piété, de toutes vos affections ! Ne croyez pas qu'elle choque la forme du gouvernement démocratique. En y vivant unis à votre divin Sauveur, vous pourrez concevoir une juste espérance de votre salut éternel ; vous pourrez, en opérant votre bonheur temporel et celui de vos frères, opérer la gloire de la république et des autorités qui la régissent. L'obéissance chrétienne envers elles, l'accomplissement de vos devoirs, le zèle pour le bien général seront, avec la grâce divine, une nouvelle source de mérites, pour arriver à ce royaume céleste auquel vous invite le divin Enfant dont, aujourd'hui, nous célébrons la naissance glorieuse" (p. 434). Le fond du discours était vraiment d'une malice blasphématoire, le prêcheur osant prendre Dieu et l'Enfant Jésus à témoin et caution des pouvoirs républicains révolutionnaires constitutionnellement... athées. Quel énorme péché !
Puis, c'est ce que les commissaires de la République voulaient qu'il dise, souvenons-nous, à savoir qu'il donne l'ordre à ses prêtres d'adhérer aux nouveaux gouvernements révolutionnaires installés dans l'Italie du nord, pour qu'ils puissent subséquemment y convertir les populations mises sous leur autorité spirituelle, de s'adresser ainsi à ses prêtres : "Et vous, mes bien-aimés coopérateurs, à la direction desquels sont confiées des portions spéciales de cette famille chrétienne et qui portez avec moi le poids du ministère, unissez-vous à votre évêque pour maintenir dans le troupeau l'intégrité de la Religion catholique [... que les nouveaux pouvoirs attaquaient mortellement dans leurs constitutions...], et déployez toutes vos forces pour que les disciples de Jésus-Christ soient saintement fidèles aux autorités et à la République. Chargés par le ciel de veiller aux intérêts spirituels du peuple, dirigeons-le, non seulement vers la gloire de Dieu, mais encore à l'avantage de l'ordre public. Mes sages coopérateurs, l'exemple étant l'argument le plus puissant, le genre d'éloquence le plus persuasif et le plus efficace, qu'en vous éclatent la droiture, la religion, l'amour du bien public, de manière à servir de modèle à votre troupeau. Par-là s'accompliront vos désirs de voir s'enraciner, se fortifier, dans les âmes confiées à vos soins, les vertus chrétiennes et morales qui doivent faire la gloire de notre [!!!] République et la prospérité des citoyens dont elle se compose. Mes très-chers frères, que la paix du Seigneur soit toujours avec vous. Amen" (pp. 434-435).
... Que Dieu veuille bien m'en absoudre si nécessaire ce que je ne crois pas, mais devant une si incroyable, si blasphématoire, si vicieuse tromperie des âmes et trahison de la Foi et de l'Église en matière politique constitutionnelle, je crois bien que si j'avais été auditeur de ce sermon, j'aurai été capable, à la sortie de la messe, de me rendre à la sacristie, et, pistolet en mains, de dire à l'évêque prévaricateur de se mettre à genoux, comme certains chouans vendéens l'ont fait envers un évêque collabo qui trahissait ses ouailles en dénonçant ceux qui étaient chouans parmi elles aux... autorités constituées révolutionnaires (lesquelles, bien entendu, les faisaient immédiatement fusiller) : "Évêque, fais ta prière !", puis de l'exécuter. Ce sermon, en effet, tuant dans les âmes la grâce du salut en matière politique constitutionnelle, matière gravissime ordonnée de soi aux Mœurs ecclésiales, et par rebond aux mœurs individuelles, son auteur devait être puni de mort. Il véhiculait une incroyable malice du diable. Surtout qu'il émanait d'un cardinal-évêque dont l'autorité grandissait de plus en plus dans l'Église.
Ce n'est pas tout, il s'en faut extrêmement. J'ai dit, en commençant plus haut ma réfutation catholique de la doctrine hérétique de ce sermon de la Noël 1797 de Chiaramonti, qu'il y avait trois raisons dirimantes pour anathématiser son homélie scandaleuse. Voici la deuxième raison. Même si l'on reste dans l'in abstracto d'un exposé philosophique sur la démocratie sans tenir compte du in concreto, comme le fait le cardinal-évêque d'Imola dans son homélie, cedit exposé seulement in abstracto, philosophique, est lui aussi parfaitement et complètement hérétique. Tout son sermon présuppose en effet qu'il est permis à l'homme, de concert avec ses semblables, tous ensemble ou individuellement entachés du péché originel et de ses suites ayons garde de l'oublier, de se donner une nouvelle économie politique. Mais ceci est parfaitement hérétique. Théologiquement, il n'est pas du tout au pouvoir de l'homme et il lui est encore moins permis, comme ont voulu le croire orgueilleusement les révolutionnaires de 1789, de changer d'économie politique, sans, à tout le moins, le placet de Dieu. C'est même le raisonnement exactement inverse qu'il faut faire : loin que l'homme soit capable de créer une économie politique, c'est Dieu SEUL qui est capable de la créer pour lui, et, subséquemment, de la lui donner, l'homme n'ayant plus qu'à adhérer à ce que Dieu a fait pour lui en lui confectionnant une nouvelle constitution sociopolitique, et Lui donner en retour, non son placet bien sûr, mais son simple accord, son Fiat, qu'il me soit fait selon VOTRE Parole politique, ô mon Dieu, celle que Vous créez pour mon bien temporel puis éternel.
Or, l'économie politique actuelle donnée par Dieu qui permet l'actuation du Bien commun parmi les enfants des hommes pendant tout le Temps des nations qui est nôtre jusqu'à sa fin ultime (le grand saint Rémy, en baptisant et sacrant Clovis-le-Grand le prophétisera très-clairement dans son grand-testament), est celle de l'Ordre très-chrétien, miraculeusement mise en route lors de la Noël 496 avec le Sacre de Clovis (date bien exacte, je le prouve, entre autres, dans mon livre, cf. https://eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/L'extraordinaireConversionDeClovis.pdf).
Aucune autre économie politique ne peut être mise en route par l'homme, qui n'en a par ailleurs strictement pas le pouvoir ni la puissance de grâce. Dieu seul en effet, je le répète, peut créer et initier une nouvelle économie politique particulière pour remplacer l'ancienne, comme Il l'a fait par exemple avec les juifs de l'Ancien-Testament, en remplaçant l'économie des juges par celle des roys. Et Il le fait quand Il le veut et comme Il le veut, pour notre plus grand bonheur ; car Lui seul sait où se situe notre bonheur. Or donc, que ça plaise ou non, que nous le voulions ou non, nous vivons toujours présentement, certes par une très-cruelle et mortifère absence depuis la décapitation de Louis XVI, à l'heure même où j'écris mes lignes et à celles où vous les lirez, ô lecteur, a fortiori donc au temps où notre Chiaramonti prêchait sa très-impie homélie, dans l'économie de... l'Ordre très-chrétien, qui, bien sûr, est de forme royaliste, mais là n'est pas l'important ni la question de fond (si Dieu l'avait voulu, cet Ordre très-chrétien aurait très-bien pu être de forme démocratique, mais tel n'a pas été le cas).
Le pape Grégoire IX (1227-1241), contemporain de saint Louis IX, lui écrira dans sa bulle Dei Filius du 21 octobre 1239 : "Le Fils de Dieu, aux ordres de qui tout l’univers obéit, au bon plaisir de qui servent les rangs de l’armée céleste, constitua, en signe de puissance divine, les divers royaumes, selon des distinctions de langues et de races, ordonna les divers régimes des peuples au service des ordres célestes". Si l'on veut encore bien comprendre ce qu'on lit, c'est donc le Fils de Dieu, Jésus-Christ Notre-Seigneur, Verbe de Dieu incarné, qui origine et met en œuvre parmi les peuples, et comme Il lui plaît (non pas, faut-il en apporter la précision, par caprice mais pour le Bien commun supérieur de chaque peuple qu'Il aime d'un Amour infini), l'économie politique la plus idoine et adéquate pour cedit peuple, à vocation de son bonheur terrestre puis de sa destinée éternelle bienheureuse. Car n'oublions pas que les nations sont plus des réalités du Ciel que de la terre, c'est pourquoi Rivarol a pu dire fort génialement et en outre poétiquement, ce qui ne gâte rien, que "les nations sont des vaisseaux qui ont leurs ancres dans le Ciel"...
Les révolutionnaires de 1789 n'avaient donc strictement pas le droit de vouloir créer, étant par ailleurs parfaitement impuissants à le faire (car "Sans Moi, vous ne pouvez RIEN faire", Jn XV, 5, et surtout pas en Politique constitutionnelle), une autre économie politique que celle de l'Ordre très-chrétien prenant son fondement très-réel dans la miraculeuse Noël 496. Or, puisqu'en 1789 l'homme agit là contre la Volonté divine, il ne pouvait subséquemment que pseudo-fonder un ordre politique nouveau contre Dieu et donc contre le vrai droit de l'homme¸ qui n'est qu'une émanation du Droit de Dieu, parfaitement impuissant à mettre en œuvre le Bien commun, le vrai, celui basé à la fois sur les lois naturelles et sur celles surnaturelles. C'est dire à quel point vouloir voir la démocratie issue de la Révolution comme étant bonne, ainsi que Chiaramonti y amenait sans cesse et encore son auditeur dans son très-diabolique sermon, était, en définitive, par plus d'un côté, parfaitement impie, et antinomiquement contraire à la Volonté divine.
Chiaramonti n'avait théologiquement pas le moindre droit de bénir le pseudo-avènement d'une nouvelle ère politique parmi les enfants des hommes, celle de la démocratie, comme on le voit faire dans son sermon avec grande chaleur.
Malheureusement, il avait choisi cette voie-là, politicanti, cela fait déjà un bon moment qu'on s'en est rendu compte et qu'on le sait...
Mais voici la troisième et dernière raison de l'hétérodoxie formelle de la doctrine de son sermon très-scandaleux. Il y enseigne en effet qu'une vraie et bonne démocratie parmi les enfants des hommes doit s'appuyer essentiellement et nécessairement sur la vertu individuelle de l'homme, non pas seulement celle naturelle, mais celle surnaturelle. Il a de prodigieux développements pour le dire. Leflon a bien compris sa leçon, et écrit : "La démocratie exige la vertu, car le pouvoir n'y impose pas autocratiquement l'obéissance, comme dans les régimes absolus. Cette obéissance relève de la volonté individuelle, dans l'autonomie et la liberté" (p. 426).
Mais ceci est une hérésie formelle, précisément en cela que, dans le cadre de l'économie du Temps des nations, elle confie à l'homme individuel, intrinsèquement, et non à des structures politiques extrinsèques, de mettre concrètement en œuvre le Bien commun par la vertu. Nous sommes là dans une sorte de pseudo-millénarisme où les structures sociopolitiques extérieures dotées de l'autorité de droit divin et de sa vertu pour assurer le Bien commun sont hérétiquement... supprimées. Or, par-là même, c'est à nouveau se placer dans une nouvelle économie de salut sociopolitique, par anticipation luciférienne du Millenium, qu'il n'est non seulement nullement au pouvoir de l'homme de mettre en œuvre, mais qu'il est surtout très-hérétique de vouloir mettre en œuvre. Encore une fois, il faut le dire et bien en être conscient : nous sommes en effet dans l'économie du Temps des nations, encore et toujours, où le Bien commun est mis en œuvre parmi les enfants des hommes essentiellement par le vecteur, informé de droit divin et donc de vertu, des structures sociopolitiques extérieures à l'homme.
Et ce, non pas "autocratiquement", comme le dit calomnieusement ce tricheur de Leflon pour déprécier l'Ordre très-chrétien aux yeux des hommes, mais théocratiquement (ce n'est pas en effet par un despotisme insupportable que la vertu y est imposée à l'homme, mais par le droit divin plein d'Amour pour l'homme que Dieu a mis dans les mains des dirigeants dudit Ordre très-chrétien, via ses structures constitutionnelles en soi vertueuses) ; et ce, en outre, par des Autorités de droit divin qui, loin d'être absolutistes, comme le dit toujours très-calomnieusement Leflon, dans le même but odieux de déprécier et faire haïr l'Ordre très-chrétien, ne sont bien au contraire, que seulement tempérées.
Chiaramonti expose cette doctrine hérétique pseudo-millénariste très-clairement dans son sermon : "Elle [la forme du gouvernement démocratique] exige, au contraire, toutes les vertus sublimes qui ne s’apprennent qu’à l’école de Jésus-Christ et qui, si elles sont religieusement pratiquées par vous, formeront votre félicité, la gloire et l’esprit de votre république... Que la vertu SEULE qui perfectionne l’homme et qui le dirige vers le but suprême, le meilleur de tous, QUE CETTE VERTU SEULE, vivifiée par les lumières naturelles et fortifiée par les enseignements de l’évangile, SOIT LE SOLIDE FONDEMENT DE NOTRE DÉMOCRATIE !" (Histoire universelle de l'Église catholique, Rohrbacher, t. XXVII, pp. 572-573).
Or, rappelons-nous avec soin que cette doctrine hérétique qui remplace par la vertu intrinsèque de l'homme les structures-cadres vertueuses de l'Ordre très-chrétien extrinsèques à l'homme, est tout le fond de l'hérésie qui sera, plus d'un siècle plus tard, professée par un certain... Marc Sangnier (1873-1950), que le pape Pie X sanctionnera bien injustement tout seul, finalement, car il "oubliera" de dire que Chiaramonti futur Pie VII l'avait professé... un bon siècle avant lui ! Certes, Sangnier ajoutait à cette hérésie de fond, ce que bien évidemment ne fit pas Chiaramonti, un bon coup de boutoir à gauche, bâbord toutes, socialisant la doctrine, ce qui aggravait son hétérodoxie, mais ceci, qui est un accident, n'empêche nullement une identité de fond doctrinal parfaite entre ce qu'il professait et ce que vient de nous exposer Chiaramonti...
Trois hérésies fondamentales, donc, dans la très-exécrable homélie de Chiaramonti, dont une seule d'entre elles suffirait à la déclarer et connoter hérétique formelle. 1/ Refuser d'anathématiser formellement les pouvoirs politiques démocratiques mis en place par Napoléon dans le nord de l'Italie, dont les constitutions étaient formellement hérétiques, comme étant attentatoires à la Foi et à la Constitution divine de l'Église, jugement qu'avait pourtant rendu le Saint-Siège suivi d'une manière édifiante et héroïque par le cardinal Mattei, voulant au contraire les connoter de validité et de légitimité, d'où le devoir de soumission et d'obéissance qu'il intime aux fidèles envers cesdits pouvoirs, lequel devoir ne peut se rendre qu'à des pouvoirs politiques valides et légitimes ; pour soutenir ce refus hérétique et même apostat, biaisant en parlant de la démocratie en tant que forme, excluant par-là sournoisement cette dite question de fond. 2/ Vouloir instaurer parmi les enfants des hommes une nouvelle économie politique, ce qui est formellement attentatoire au Droit de Dieu qui seul est apte à le faire ; épousant là, soit dit en passant, la blasphématoire apostasie de l'Antéchrist-personne qui, lorsque, pour la punition des hommes, Dieu lui permettra d'instaurer son règne à la toute-fin des temps, le fera en "changeant les lois et les temps" (Dan VII, 25), c'est-à-dire prétendra instaurer lui-même la nouvelle économie de salut à la fois religieuse et politique du Millenium, ou plus exactement, "pensera qu'il pourra le faire" (ibid.), comme le précise fort judicieusement le prophète de l'Ancien-Testament. 3/ Prendre comme base théologique de sa nouvelle économie politique l'intrinsèque vertu seule de l'homme individuel, prétendant annihiler ainsi hérétiquement les structures sociopolitiques extrinsèques à l'homme, de soi vertueuses, qui caractérisent fondamentalement l'économie politique du Temps des nations.
Le fond doctrinal dudit sermon était donc plus que mauvais, vraiment à foutre au feu éternel de l'enfer (il n'est pas étonnant que Napoléon, l'ayant lu, le qualifia, avec sa manière brutale mais souvent géniale d'aller au fond essentiel des choses, de "sermon jacobin"...!). La forme ne l'était pas moins, mauvaise. Le cardinal-évêque, de manière très-hypocrite, lançait en effet son sermon en faisant semblant de défendre vaillamment l'Ordre très-chrétien. Leflon s'en est bien rendu compte, et commente la chose ainsi, bien entendu positivement : "Contrairement aux règles oratoires, l'exorde de l'homélie ne laisse aucunement soupçonner la direction que le discours va prendre, ni le sujet qu'il doit, avant tout, traiter [lequel consistait à apporter la caution de la Religion aux pouvoirs politiques révolutionnaires de l'Italie du nord, ainsi que le lui avaient ordonné les commissaires du gouvernement...]. Le cardinal suit d'ailleurs, assez constamment, une marche sinueuse, comme un homme qui s'avance avec précaution sur un terrain glissant. Tout commence comme un sermon classique de Noël" (p. 422)... et tout finit dans l'intimation formelle faite aux fidèles, au bas de la chaire, d'avoir à se soumettre et d'obéir aux pouvoirs politiques révolutionnaires de l'Italie du nord, dont la constitution était en opposition formelle avec la Foi et la Constitution divine de l'Église. C'est cette hypocrisie qui m'avait frappé et indigné, lorsque je pris connaissance pour la première fois de ce diabolique sermon, que je commentais vertement dans de furieux crochets que je laisse saillir ici :
"... Mais les devoirs envers Dieu ne sont pas les seuls devoirs de l’homme ; il a encore des obligations subalternes qui l’attachent à lui-même. Les principes purs de la raison, sa propre organisation physique, une tendance irrésistible à vouloir son bonheur, lui commandent de soigner sa conservation, de s’occuper de son bien-être, de sa perfection. Qu’il se contemple tout lui-même, d’un œil dégagé de préjugés trompeurs, il verra bien un rayon de grandeur qui semble le consoler ; mais il reconnaîtra aussi diverses ombres de misères qui tendent à l’accabler. Les passions furent les ressorts des grands événements dans l’histoire de l’homme ; elles furent ainsi la source fatale des résultats les plus funestes. Ô homme, ô homme, quand apprendras-tu à l’école du Rédempteur les moyens de conserver ta grandeur, d’acquérir ta vraie liberté et de dégager tes pieds de leurs chaînes ! Le but que se propose le plus ardemment le philosophe de Jésus-Christ [...??!] consiste à mettre de l’ordre dans ses actions et dans ses passions, à placer en harmonie les forces inférieures avec les forces supérieures, à subordonner la chair à l’esprit, les plaisirs à l’honnêteté, à diriger ses facultés vers ce centre et cette fin que Dieu a ordonnés. Ne vous effrayez pas, mes frères, d’une leçon qui semble au premier aspect trop sévère et qui paraîtrait incliner à détruire l’homme et à lui ravir sa liberté. Non, frères très-chéris tant de fois, vous ne comprenez pas la vraie idée de liberté [... on s’attendrait ici à ce que le prêcheur tance et fustige l’erreur révolutionnaire-démocrate mise en œuvre dans les pouvoirs politiques de l'Italie du nord...] ! Ce nom, qui a son sens droit dans la philosophie et dans le catholicisme, ne dénote pas un dévergondage ni une licence effrénée qui permet de faire tout ce qu’on veut, soit le bien, soit le mal, soit l’honnête, soit le honteux [bien, bien, fort bien... ah ! que voilà enfin un bon homme d’Église qui nous prêche la vérité catholique en Politique, devait penser le malheureux auditeur au bas de la chaire...].
"Gardons-nous d’une si étrange interprétation qui abat tout l’ordre divin et humain, et dénature l’humanité, la raison et tous les glorieux avantages que nous a distribués le Créateur. La liberté chère à Dieu et aux hommes est une faculté qui fut donnée à l’homme, un pouvoir de faire ou de ne faire pas, mais toujours soumis à la loi divine et humaine. Il n’exerce pas raisonnablement sa faculté de liberté, celui qui, rebelle et impétueux, s’oppose à la loi [... celle des structures politiques naturelles de l'Ordre très-chrétien, comme le discours, jusqu’ici, le laisse entendre, ou bien celle purement légale des révolutionnaires ? Parvenu ici, il y a comme qui dirait un pénible doute qui s’insinue...] ; il n’exerce pas sa faculté, celui qui contredit la volonté de Dieu et la souveraineté temporelle [laquelle...??] ; car, comme dit saint Paul, qui résiste au pouvoir résiste à l’ordre de Dieu [encore une fois de plus : notons soigneusement comme l'hérétique lecture de Rom XIII est ici faite ; cependant, jusque là, l’auditeur attentif pouvait encore croire que le cardinal-évêque entendait défendre l’Ordre politique très-chrétien... ; mais tout-à-coup, soudain, très-brutalement, tel un coup de tonnerre diabolique, d’ouïr :].
"La forme du gouvernement démocratique ADOPTÉE PARMI NOUS, ô très-chers frères, non, N’EST PAS EN OPPOSITION AVEC LES MAXIMES EXPOSÉES CI-DESSUS ET NE RÉPUGNE PAS À L'ÉVANGILE [... Ainsi donc, ô perversion suprême, les principes sacrés de la liberté chrétienne en matière politique, Chiaramonti avait eu l’audace et l’impiété formidables non moins que monstrueuses de les rappeler... pour les appliquer aux pouvoirs politiques révolutionnaires imposés par Napoléon dans l'Italie du nord, et dont les constitutions étaient anathèmes !!! Il osait de plus affirmer que ce nouveau pouvoir politique révolutionnaire était... "adopté parmi nous" ?!? Comment ça, mille tonnerres de Boanergès, adopté parmi nous ??? Par le peuple italien libre ou à coups de baïonnettes révolutionnaires dans les reins pour ceux qui le refusaient, tels les glorieux martyrs chouans de Lugo ?!? Quelle très-mensongère, inqualifiable et scandaleuse présentation des choses, que l’Histoire infirme complètement, et surtout le martyre des Lughésiens, si proche de ce sermon scandaleux !!! Même ce fieffé bonhomme de Talleyrand-Périgord aux commandes du Directoire, ne pouvait s'empêcher de juger les envahissements des peuples voisins de la France par les armées révolutionnaires comme tout ce qu'on voulait, sauf connotés de respect des peuples envahis : "«J’atteste que le système qui tend à porter la liberté à force ouverte chez les nations voisines [... ce qui devient : "adoptée parmi nous" dans le sermon méprisable et misérablement collabo, menteur, de Chiaramonti...!] est le plus propre à la faire haïr et à empêcher son triomphe». D’un trait plus imagé et bien plus éloquent, il exprimait son opinion sur la conquête et l’occupation militaires : «On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus [pour dialoguer ensemble]»" (Talleyrand ou le sphinx incompris, Jean Orieux, p. 289) ! Mais pour Chiaramonti, Buonaparte apportait aux italiens la liberté... des enfants de Dieu. Et puis, à supposer même que ce serait le «peuple libre» qui aurait adopté cette nouvelle forme de gouvernement, en aurait-il eu le droit devant Dieu ? Ce distinguo, pourtant capital sur le plan métapolitique et théologique, n’est même pas entrevu par Chiaramonti ! Vraiment, quel scandaleux, très-hypocrite renversement de son discours jusque là chrétien, à 180° !!!]".
Les sbires du Directoire occupant l'Italie pour y instaurer des gouvernement révolutionnaires se comportaient en purs brigands, d'où le scandale d'oser dire très-mensongèrement qu'ils étaient... "adoptés parmi nous". Témoin par exemple, le P. Fuensalida, saint homme, jésuite expulsé du Chili, très-estimé de notre cardinal-évêque d'Imola, comme on l'a vu plus haut, et qui écrit à son frère, après avoir refusé par vertu un poste lucratif offert par le pape Pie VI : "... Pourtant, écrira-t-il à son cousin du Chili, «je confesse que la tentation d'accepter les faveurs de Sa Sainteté a été forte, pas tellement à cause de l'honneur particulier qui m'en revenait (je l'ai toujours considéré comme une fumée passagère), que pour l'utilité de la rente, me trouvant actuellement privé de celles dont je jouissais ici, comme maître public de théologie et comme théologien épiscopal, car les Français, depuis leur entrée à main armée [... rien à voir avec le "adopté parmi nous"...] dans ces malheureuses provinces, m'ont laissé tout le poids de mes emplois et ôté les rentes qui y étaient attachées [...!]». Réduit à la seule pension que lui sert le roi d'Espagne, Diego Fuensalida se trouvait alors dans une gêne proche de la misère, car «l'avantage des subsistances sur les autres royaumes, en ce jardin de l'Europe, a disparu avec l'entrée des Français et aujourd'hui, les choses sont si chères qu'on vit avec beaucoup moins à Santiago qu'à Imola, pour ne rien dire des grandes villes, Rome, Bologne, Gênes, Florence, Milan, Venise, etc., dans lesquelles la pension [annuelle] du roi ne suffit pas pour quatre mois»" (p. 211).
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Le pape Pie VII rétablissant les Jésuites, en 1814
Quand bien même, et de plus en plus au fil du temps, ce sermon hérético-démocrate eut un grand écho, dans l'immédiat par contre, sauf quant aux prêtres directement sous la juridiction du cardinal-évêque d'Imola, il n'en produisit que fort peu. Il est vraiment plaisant de lire l'impression d'un de ses auditeurs ex auditu, que Leflon rapporte, fort heurté quant à lui dans ses convictions collabo-ralliées et dans son admiration absolument sans borne pour la très-peccamineuse homélie : "Quel effet produisit dans la bonne ville d'Imola ce magnifique et courageux discours ? Nous l'ignorons. La rigueur de la température impressionna beaucoup plus le chroniqueur Filippini que l'éloquence de son évêque : «25 décembre, ce fut une journée froide et sombre. Il y eut quelques flocons de neige. Le cardinal a tenu chapelle à la messe, récité une longue homélie et tenu encore chapelle aux vêpres». En pareille occurrence, nous préférerions autre chose que ce bulletin météorologique. Manifestement, cette «longue» homélie dépassa le brave magister qui grelottait, comme elle dépassa, semble-t-il, la généralité de l'auditoire" (p. 442)...! Bien fort heureusement !, doit-on rajouter, ledit sermon étant "magnifique et courageux" seulement... révolutionnairement parlant.
L'écho immédiat du sermon sur ses contemporains, d'une manière générale, semble donc avoir été de très-petite portée : "Si nous ignorons l'effet produit sur le clergé et sur les fidèles par l'homélie de Noël, nous ignorons également ce qu'en pensa le Directoire milanais, pour lequel surtout elle avait été prononcée" (p. 445). Cette homélie en fait fut longtemps couverte par un épais manteau d'oubli, ce qui était vraiment le meilleur sort qu'on pouvait lui donner : "Après l'élection du cardinal Chiaramonti au Souverain Pontificat, on garda sur son homélie de 1797 le plus profond silence et, malgré ses trois éditions par l'imprimerie de la République [...!!], elle devint très-vitre introuvable" (p. 447). À tel point, que le fameux Grégoire, évêque constitutionnel de Blois et chef des Constitutionnels civils français, ne put la dénicher de fort longtemps, malgré les recherches faites par ses fins limiers jansénistes... à Imola même. Il ne put la trouver et en faire l'usage pro domo que l'on sait, qu'en 1814.
... Plût au Ciel que ce morceau gravement et très-perversement infidèle à la Foi sur la matière politique constitutionnelle qui est de soi ordonnée aux Mœurs ecclésiales, soit à jamais resté enterré six pieds sous terre !
Mais Chiaramonti, fort zélé, envoie à ses prêtres cette détestable homélie, "le 28 décembre, éditée par l'imprimerie de la République [...!!], avec la lettre suivante : «En célébrant récemment la solennité de la très sainte naissance de notre commun Rédempteur, j'ai eu la satisfaction [!] de prononcer dans ma cathédrale l'homélie que je vous transmets, mes très-chers frères. (...) Je connais trop le soin que vous apportez à maintenir le peuple dans l'attachement à la Religion catholique et la soumission aux autorités constituées. (...) Ainsi, aurons-nous de bons chrétiens pour le Ciel et de sages, utiles et généreux citoyens pour la patrie, pour toute notre [!] République. (...) Alors sera certainement estimable, glorieuse et respectée, notre [!] démocratie. (...) Puisse le Père des miséricordes réaliser mes vœux et les vôtres, pour la conservation de la Religion catholique, la force de notre [!] République et la commune félicité !" (pp. 444-445).
Pas de doute : notre cardinal-citoyen ne parle pas là dans les nuages philosophiques d'une forme démocratique, c'est bel et bien des pouvoirs politiques concrets de l'Italie du nord, constitutionnellement révolutionnaires et anathématisés par le Saint-Siège, qu'il entretient ses prêtres, en s'y ralliant complètement non moins qu'hérétiquement, scandaleusement et ignominieusement, exigeant de ses prêtres qu'ils fassent pareillement. Il se montre d'ailleurs, et cela ne lasse pas d'étonner de sa part, totalement et honteusement aux ordres de ses... maîtres républicains, presque en petit toutou, c'est infiniment triste à dire : "Dès le 14 nivôse an VI (2 janvier 1798), le citoyen Chiaramonti expédiait donc aux commissaires du Pouvoir Exécutif pour l'organisation de l'Émilie, les citoyens Oliva et Monti, quatre copies de son discours et de sa circulaire à tous les curés. «Je serai bien content, ajoutait-il, si cette homélie mérite votre approbation» [...!!!]. Si l'on devine avec quel soin l'un et l'autre en épluchèrent le texte, aucun document ne livre leurs impressions. On ne trouve même pas trace d'un simple accusé de réception" (pp. 445-446).
... Quelle honte, quel ignoble avilissement de sa fonction sacrée ! Un cardinal-évêque de la Sainte Église romaine, un Prince de l'Église, un "sujet d'élite" comme l'avait noté ses supérieurs bénédictins, soumettre pour approbation à de vils Tartempion laïcs de la Révolution, presque genou en terre, son enseignement ecclésial d'apôtre du Seigneur à ses clercs et à ses ouailles !
Mais voici donc ce sermon du cardinal Chiaramonti, prononcé à la Noël 1797, aussi incroyable, inouï et impie, que le bref Pastoralis Sollicitudo du pape Pie VI. Le texte allocutif, rhétoriquement très-travaillé et visiblement très-réfléchi, résolument philosophe à la moderne et à la païenne antique, et surtout à dia, à la diable (le prêcheur appuyait en effet les raisonnements de son prêche principalement sur des auteurs païens antiques ou modernes, par exemple La conjuration de Catilina de Salluste, ou, mais oui... l’Émile de Jean-Jacques Rousseau !!!), se suffit fort en effet à lui-même pour en apporter la démonstration invincible, hélas.
C’est incroyable quand même, ce choix de la date de Noël pour enfouir la grâce divine dans la chose politique. Il y aurait du diable là-dessous, la volonté de souiller la grande date de la Noël 496 qui initia de par Dieu l'Ordre très-chrétien parmi les enfants des hommes après la Révélation, dont le grand évêque gallo-romain saint Avit de Vienne voyait judicieusement qu’elle avait été choisie "bien à propos" (sic), que cela n’étonnerait pas.
"Respectez la Constitution [des démocraties modernes post-révolutionnaires], mais changez les lois", disait le pape Léon XIII, l'esprit complètement corrompu lui aussi de ce qui corrompait celui de Chiaramonti. Mais dire cela, c'est vouloir vivre dans la tricherie des faits et l'irréel. La vérité de la situation, c'est que la Constitution desdites démocraties est fondamentalement et viscéralement antichrétienne, comme étant basée sur les "droits de l'homme" qui rejettent les droits de Dieu (les "droits de l'homme" de 1789 ne sont pas en effet des droits de l'homme seulement a-Dieu, mais anti-Dieu, c'est pour abattre Dieu dans l'âme et la vie des hommes qu'ils existent ou plutôt qu'on veut les y faire exister). Il n'est dès lors vraiment pas très-difficile de comprendre, ... sauf hélas par les papes modernes !, que des lois chrétiennes que les catholiques réussiraient par extraordinaire à faire voter législativement, seraient... automatiquement inconstitutionnelles, c'est-à-dire qu'elles n'auraient tout simplement... pas le droit d'exister, étant antinomiques à la Constitution antichrist desdites démocraties modernes post-révolutionnaires ! Elles n'auraient donc comme seul avenir qu'en être expurgées, plutôt tôt que tard, comme des corps non seulement étrangers mais surtout mortels à la constitution adoptée. Voilà ce que ne veulent pas comprendre nos utopistes impurs, à commencer par Chiaramonti et à poursuivre par Léon XIII, pour prendre les papes modernes les plus marquants qui ont versé leur charrette dans fossé, voulant à toutes mauvaises forces que la démocratie post-révolutionnaire puisse être compatible avec la Religion, et que cette dernière, même, ce qu'ils disent dans leur folie la plus totale, lui serait nécessaire pour fonctionner.
On peut se poser aussi, légitimement, la question de savoir dans quelle mesure le positivisme illuminé XVIIIème siècle, dont on a vu plus haut que l'esprit de dom Gregorio était très-imprégné, joua-t-il un rôle pour lui faire accepter intellectuellement les nouvelles sociétés politiques de la Révolution créées uniquement par l'homme, pour l'homme, avec l'homme et en l'homme, c'est-à-dire en fait de manière... très-positiviste ? C'est uniquement par les sens que le positivisme tire l'existence d'une chose, on l'a vu, c'est très-marqué avec Condillac dont Chiaramonti s'était fort épris. Mais alors, alors, puisque les sociétés démocratiques post-révolutionnaires de l'homme sont perceptibles uniquement par les sens, à défaut de pouvoir l'être par la métaphysique ou la théologie puisqu'elles n'ont pas Dieu pour auteur comme les sociétés politiques de l'Ordre très-chrétien, alors, alors, cela suffit, selon la théorie positiviste, pour leur réputer... l'existence, c'est-à-dire, en l'occurrence, validité et légitimité. Chiaramonti, ayant intellectuellement "adopté" (supra) le positivisme de Condillac, pouvait très-bien en faire l'application pratique aux nouvelles sociétés politiques de l'homme émasculées de Dieu...
Pour bien comprendre le caractère incroyablement scandaleux du sermon de Chiaramonti, clôturant, à la Noël, l’an de très-mauvaise grâce 1797, il n’est pas inutile de rappeler que, pas même deux mois après, les sans-culottes français installèrent une république à Rome même en destituant Pie VI de son pouvoir politique d’une manière inqualifiable et anti-chrétienne, couronnant ainsi leur République cisalpine «qui avait enlevé au pape par le traité de Tolentino du 19 février 1797 les légations de Ferrare, Bologne et Romagne» (Le Petit Mourre ― Dictionnaire de l'Histoire, art. «Pontificaux (États)», p. 707). Jean Madiran rappelait à bon escient : "On sait, ou plutôt, apparemment, on ne sait plus, qu’en application des «droits de l’homme» la République française occupa militairement Rome le 10 février 1798, pour y faire proclamer par le général Berthier la déposition du pape Pie VI et l’abolition de la papauté, en des termes dignes de mémoire : «Depuis quatorze cents ans, l’humanité demande la destruction d’un pouvoir anti-social dont le berceau ne semble se placer sous le signe de Tibère que pour s’approprier la duplicité, la férocité, la soif de sang et l’amour pour la débauche du père des Nérons»" (Les droits de l’homme, p. 55, note 15).
Voilà, ô lecteur, le contexte historico-politique de cette incroyable homélie du cardinal Chiaramonti, moderne et même moderniste (les historiens actuels qui se penchent dessus en sont eux-mêmes surpris, tel Philippe Levillain, qui la qualifie de "réflexion étonnamment moderne" ― Dictionnaire historique de la papauté, art. Pie VII, p. 1335, col. 2). Et... quelques mois plus tard, après le pillage et le sac de Rome par les nouveaux vandales qu'étaient les soldats révolutionnaires du Directoire, à quelques kms de là, le pape Pie VI était traîné brutalement d’exil en exil par les sbires du Directoire ("l’ambassadeur espagnol écrivait que les traitements inhumains qu’il subissait équivalaient à un lent assassinat" ― Histoire des papes illustrée, Castella, t. II, p. 274), illustrant, ... on ne pouvait mieux en effet !, ce que le cardinal-évêque d'Imola avait déclamé péremptoirement en chaire à la Noël 1797 : "La démocratie, non, mes frères, n’est pas en opposition avec les maximes évangéliques" !!! Pie VI, réduit à n’être plus que le "ci-devant pape et dernier", put lire cela, emprisonné à la Chartreuse d’Ema, près de Florence... et pleurer d’amères larmes de repentir sur son propre bref à lui, Pastoralis Sollicitudo, qui, quoique destiné "à tous les français", avait très-probablement inspiré Chiaramonti qui l'avait sûrement lu. Notons pour finir que cette politiquement infâme Première République cisalpine sans-culotte pour laquelle s’était dépensé et parjuré ignominieusement non moins qu’hérétiquement Chiaramonti, par plus d'une hérésie comme on vient de le voir, ne dura pas plus de... vingt mois, "et prit fin le 13 novembre 1799 après les victoires austro-russes qui avaient obligé les français à évacuer l'Italie" (ibid., p. 275).
Le scandale de ce sermon était, et d’ailleurs, malgré le temps écoulé, reste toujours si grand, il servait si bien la cause antichrist, qu’il fut d’instinct exploité par tous les méchants et, non moins instinctivement, conspué avec horreur et réprobation, voire pieusement nié, par tous les gens de bien : "L’abbé Grégoire [ci-devant évêque constitutionnel de Blois, illuminé, défroqué, débauché, régicide, franc-maçon de la pire espèce révolutionnaire], non sans malice, traduira et rééditera [ce sermon] en 1814, et le chevalier Artaud, premier biographe de Pie VII, s’efforcera de l’attribuer, bien à tort, à d’autres mains [non pas dans sa partie purement spirituelle, qu'il attribuait effectivement bien à Chiaramonti, mais dans sa partie politique, qu'il voulait croire avoir été rédigée par des conseillers et des théologiens de la chambre de l'évêque : pieux distinguo, certes, mais complètement impossible, car le sermon est tout d'une pièce, ses périodes s'imbriquent inextricablement les unes dans les autres, ce qui montre bien qu'il n'y avait qu'un auteur, le seul Chiaramonti]" (Dictionnaire historique de la papauté, Philippe Levillain, art. Pie VII, p. 1335, col. 1).
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(1750-1831)
Cette homélie était en effet incroyable. On se demande vraiment comment Chiaramonti pouvait réputer bonne en soi cette démocratie révolutionnaire installée dans l'Italie du nord, alors qu'il en pâtissait lui-même sérieusement dans l'exercice de ses fonctions épiscopales sacrées par tous les côtés, ne pouvant que se rendre compte, et très-rapidement, du but profond de ladite démocratie, de vouloir la mort de la Foi et de l'Église dans les âmes. Comme par exemple cette dite démocratie obligeait l'évêque à accepter les curés élus démocratiquement par les fidèles de la paroisse, de manière très-richériste et... hérétique, l'évêque n'ayant plus qu'à donner, et étant quasi obligé de le faire après-coup, un certificat d'idonéité à l'heureux élu. Notre pauvre évêque d'Imola devait alors se contorsionner dans tous les sens pour faire respecter le droit canon en la matière, sans pouvoir, in fine, y arriver.
"Le régime de la Cisalpine républicaine (...) ne cessait d'accuser sa politique antireligieuse ; loin de se prêter à un baptême qui, avec de bons catholiques, eût fait de bons démocrates [comme le voulait l'utopie de Chiaramonti dans son homélie de Noël], il se dressait contre le catholicisme au nom de la démocratie elle-même" (p. 501), jusqu'à interdire toute manifestation extérieure du catholicisme, comme les processions, nombreuses chez les italiens, auxquelles étaient très-attachés les Romagnols, jusqu'à rendre muette... la sonnerie des cloches pour annoncer les offices. En cela, et contrairement à nos utopistes collabo-ralliés, ce régime politique révolutionnaire était tout simplement logique avec le caractère essentiellement antichrist de sa constitution, que Leflon formule très-bien d'ailleurs, en disant que la République cisalpine "se dressait contre le catholicisme au nom de la démocratie elle-même".
Et ce, très-précisément parce que l'essence de la démocratie, au Temps des nations, est d'être antichrist, qu'elle ne peut exister politiquement que par son antichristianisme, qui est son fondement principal, et même son seul fondement. Ce qui signifie qu'elle... n'existe pas du tout en terme de validité et ne peut pas ni jamais exister puisque ce qui fait la validité d'une société politique est son ordonnancement constitutionnel au Bien commun nécessairement normé bien entendu, au Christ et à son Église. D'où la griève faute des catholiques irréfléchis et/ou superficiels, dont on est très-étonné de voir Chiaramonti qui n'était ni l'un ni l'autre, s'y agréger sans vergogne, rejoindre leurs rangs compacts, de réputer valide ladite démocratie post-révolutionnaire, sous le très-fallacieux prétexte qu'elle était humainement "constituée", "établie", raisonnement qui signifie qu'ils faisaient passer l'homme avant et au-dessus de Dieu dans le Politique constitutionnel.
Leflon lui-même ne peut s'empêcher d'entrevoir devant les yeux de son âme cette vérité fondamentale, qui détruit radicalement tout le ralliérisme ou collaborationnisme, laquelle les lui crève, à force de mettre en montre dans son livre l'antichristianisme militant et sans faille des sbires de la Première République Cisalpine, tellement cette vérité est évidente et s'impose même à ceux qui ne veulent pas la voir. Le comportement antichrist radical des prétendues autorités de la République cisalpine, calqué sur celui du Directoire français, visait en effet de plus en plus ouvertement à la mort de l'Église et de la Foi, comme un boa resserre de plus en plus ses anneaux, pour arriver à son but profond et impie : l'étouffement et la mort de sa victime.
On aura donc le plaisir, et il ne faut pas s'en priver, de voir notre auteur tracer la vérité en matière Politique constitutionnelle de sa plume au moins une fois dans son copieux volume tout consacré à l'apologie mensongère du collaborationnisme-ralliérisme et de son héros Chiaramonti, dans un tout petit paragraphe certes, mais que je ne peux que citer, le voici : "Fallait-il donc donner raison à l'évêque de Tarbes [Mgr de Gain de Montaignac] que l'évêque d'Imola avait jadis fraternellement recueilli (...), avouer avec lui que la République issue de la Révolution, et l'Église, d'institution divine, s'opposaient radicalement en insoluble antithèse, et leur appliquer comme lui le mot de l'apôtre saint Paul : «Pas d'entente possible entre Bélial et le Christ» ?" (pp. 501-502).
Mais oui bien sûr, il le fallait ! Il le fallait pour vivre la vérité vraie en vérité de la situation. Les ralliés-collabo, pour continuer à vivre leur utopie politiquement impure dans les nuages, ne pouvaient en effet arriver qu'à une sorte de folie, que Leflon, qui s'évertue à la croire le fin du fin de ce qu'il fallait faire, le summum de la sagesse, nous expose en ces termes : "Ralliement au gouvernement de la République cisalpine, refus d'accepter les principes et l'idéologie de sa Constitution, opposés aux principes de l'Église" (p. 459). C'était métaphysiquement complètement fou, il était totalement impossible de dissocier les deux puisque le gouvernement n'est rien d'autre que l'émanation de la constitution par laquelle il existe, sinon rien, comme je l'ai expliqué plus haut !
Leflon, trompé parce qu'il se trompe lui-même, veut voir "une erreur dans le libellé du serment, qui unissait malencontreusement la reconnaissance du régime, l'approbation de sa Constitution et de ses doctrines libérales. En la matière, la Cisalpine avait réédité la faute commise par la Révolution française, et que Bonaparte, fils de cette Révolution, rééditera lui-même en l'an VIII, lorsqu'il prescrira le serment de fidélité à la Constitution du Consulat" (ibid.). Or, c'est une aberration métaphysique complète de prétendre dissocier la forme du fond, puisque la forme, c'est-à-dire le gouvernement constitué, n'existe pas en effet de par elle-même, mais uniquement par son fond, c'est-à-dire par la constitution adoptée selon une certaine idéologie. La forme n'est en effet et ne peut pas être autre chose que l'émanation du fond. Or, il appert que toutes les constitutions des démocraties post-révolutionnaires confectionnant la forme gouvernementale étaient basées sur le principe antichrétien et anti-ecclésial radical : ce qui signifie qu'il fallait rejeter absolument, pour cause d'invalidité, cesdits gouvernements. C'est pourquoi, en la matière, a contrario certes, le gouvernement cisalpin, beaucoup plus logique dans le mal que nos ralliés-collabo l'étaient pour le bien (tant il est vrai que "les fils des ténèbres sont dans leur monde plus habiles que les fils de la Lumière" ― Lc XVI, 8), avait parfaitement raison de ne pas admettre ni permettre la dissociation du gouvernement d'avec l'idéologie de sa constitution, elle était en effet métaphysiquement absurde : "Le Directoire de Milan s'obstinait à vouloir tout ou rien" (ibid.). Et de ce côté-là, il avait raison.
"L'école de Lyon", dont Linsolas était le chef, "n'admettait aucune soumission d'ordre politique à un gouvernement révolutionnaire et essentiellement antichrétien" (p. 539), ce qui était tout simplement le b.a. ba de la Foi et des devoirs à lui rendre, quand on se prétendait catholique et qu'on n'était pas l'idiot du village. "Un curieux mémoire, remis le 22 septembre au cardinal Antonelli sur l'invalidité du traité de Tolentino, nous livre à ce sujet les dispositions de certains curialistes. Rien de plus significatif que les arguments invoqués par l'auteur anonyme à l'appui de sa thèse. «Les traités solennels, écrit-il, ne peuvent se conclure que de souverain à souverain. Or, la République française n'est qu'un composé de brigands, une horde de scélérats, et n'a pas été reconnue par les puissances de l'Europe comme une république légitime». Toutefois, «aux yeux de tout prince catholique, protecteur-né de la vérité religieuse», une autre raison, «la plus déterminante», l'emporte sur la précédente ; elle «est fondée sur le vrai motif pour lequel la France a déclaré la guerre au Pape : anéantir la Religion catholique», Barruel, dans son Histoire du jacobinisme, l'a suffisamment prouvé" (p. 538).
Voilà la preuve que, dans cet assaut révolutionnaire satanique contre la Foi et l'Église, tout le monde n'avait pas perdu la tête, tel Chiaramonti, Leflon, et ceux que ce dernier appellera "l'école de Paris" (p. 539), derrière ce chef collabo des collabo qu'était le supérieur général de Saint-Sulpice, le P. Émery, follement et incroyablement prostitué à tous les "gouvernements établis ou constitués" de la Révolution française même ceux de la Terreur, ce phénomène, qui devint un conseiller fort apprécié de Napoléon, ... n'en loupa aucun ! Voilà pourquoi c'était se parjurer quant à la Foi, et même apostasier, que de reconnaître ces prétendues démocraties post-révolutionnaires comme sujets du devoir de soumission et d'obéissance dû aux seuls gouvernements très-chrétiens, ce qui présupposait formellement qu'on les reconnaissait valides et légitimes, comme le P. Émery s'y avilissait à le professer, dépassant de beaucoup, dans sa compromission avec le mal, il suffit de lire sa biographie par notre cher Leflon pour s'en rendre compte, celle d'un Laval pétainiste avec Hitler et le nazisme, qui n'apparaît vraiment plus par rapport à lui que comme un petit enfant de chœur...
Pour un peu, devant les deux positionnements de "l'école de Paris", collabo-ralliée et trahissant le bon combat de la Foi en matière Politique constitutionnelle, à laquelle la pensée de Chiaramonti s'affiliait et celle de Leflon se range, et celui de "l'école de Lyon", catholique dans cette dite matière et menant intégralement le bonum certamen certavi (et non intégristement, comme les premiers voulaient calomnieusement le dire), certains esprits mondains n'hésiteraient pas à s'écrier "Qu'est-ce que la vérité ?" (Jn XVIII, 38), tel le sceptique Pilate le fit alors qu'il avait juste devant lui la Vérité fait homme, le Christ, voulant faussement penser, croire et faire accroire, qu'il est tout-à-fait impossible de savoir, entre l'une et l'autre école, quelle est celle qui enseigne la vérité, quelle est celle qui enseigne le mensonge.
Alors qu'il n'y a qu'une vérité catholique dans cette matière Politique constitutionnelle, celle appelée, improprement et circonstantiellement, "l'école de Lyon".
(1732-1811)
Certain historien moderne a voulu dire qu'au conclave de 1800 qui mit Chiaramonti sur le Siège de Pierre, il ne fut jamais question de son fameux sermon de la Noël 1797, et que donc, contrairement à ce que dit par exemple Rohrbacher dans sa célèbre Histoire, etc., il ne fut pas élu pape à cause de son collaborationnisme-ralliérisme avec les nouvelles structures politiques issues de la Révolution.
C'est aller un peu vite en besogne, tout beau, messire... N'oublions pas que ce conclave, qui se déroula dans l'île Saint-Georges à Venise, que Leflon épluche très-soigneusement dans le grand détail au dernier chapitre de sa savante biographie à partir des Mémoires de plusieurs cardinaux dont ceux de Ercole Consalvi, le futur secrétaire d'État de Pie VII, fut scindé en deux partis principaux, les politicanti et les zelanti.
Les premiers voulaient résoudre les graves problèmes du temps en mettant la reconnaissance de TOUT pouvoir politique humainement constitué, établi, au-dessus de tout, y compris des principes fondamentaux de la Foi ou de la Constitution divine de l'Église, non seulement avec les puissances européennes basées sur l'Ordre très-chrétien, principalement l'Autriche bien sûr, mais encore avec les nouveaux pouvoirs basés quant à eux sur la Révolution, les mettant scandaleusement à parité... comme si les canailles diaboliques et les bâtards de la Révolution pouvaient prétendre à l'Autorité politique légitime au même titre que les roys très-chrétiens (on a vu d'ailleurs le même cas de figure se reproduire de nos jours, où l'on a mis très-scandaleusement à parité juridique, dans l'accord pour la libération des otages, un État de droit, l'Israël de Netanyahou, avec les terroristes du Hamas, qui ne sont en aucune manière une entité politique valide)...! Pour s'autoriser à ce positionnement, les politicanti usaient du faux raisonnement théologique que j'ai démonté plus haut, à savoir de vouloir dissocier un gouvernement humainement constitué, établi, de l'idéologie de sa constitution (beaucoup de cardinaux politicanti se rangeaient frileusement et surtout hérétiquement, dans cette aberration métaphysique avant même d'être théologique). Or, bien sûr, l'hérésie se glissait dans la doctrine de ce premier parti des politicanti, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à la doctrine exposée par Chiaramonti dans son homélie de la Noël 1797, puisqu'ils ne pouvaient réputer la validité des puissances politiques issues de la Révolution qu'en rejetant le criterium de validité des pouvoirs politiques enseigné par saint Paul en Rom XIII, qui exigeait formellement l'ordonnancement constitutionnel au Bien commun... Nous étions là en pleine "école de Paris".
Quant au second parti, les zelanti, ils mettaient catholiquement, quant à eux, les principes de la Foi et de la Constitution divine de l'Église au-dessus de tout, surtout au-dessus de l'idéologie contenue et manifestée par la constitution de tout pouvoir politique, comme tout bon catholique, a fortiori quand il est cardinal de la sainte-Église romaine, doit le faire. C'est-à-dire que tout pouvoir politique dont l'idéologie adoptée par sa constitution ne pouvait pas se compatibiliser avec la Constitution divine de l'Église et la Foi, était par le fait même, ipso-facto, invalide. Et bien entendu, il n'était pas question de traiter avec lui, car qui dit invalidité dit inexistence, et on ne traite pas avec... ce qui n'existe pas. Autrement dit, il n'y avait qu'une solution au problème politique contemporain, la restauration de l'Ordre très-chrétien d'Ancien-Régime, purement et simplement, c'est pourquoi le parti zelanti était soutenu par l'Autriche. Est, est, non, non, tout le reste vient du démon. Nous étions là, le lecteur l'a bien sûr deviné, en pleine "école de Lyon".
On ne sera pas surpris de voir l'auteur de l'homélie de la Noël 1797 se ranger immédiatement avec ferveur dans le parti des politicanti. Sans tiédeur en effet, à chaque nouveau tour de scrutin, il y en avait deux par jour, il luttait pour que le cardinal Mattei, chef de file des zelanti et candidat de l'Autriche, dont on a vu le grand courage plus haut en face de l'antichrist Bonaparte pour mettre les principes de la Foi au-dessus de toute compromission hétérodoxe, singulièrement celle qui consiste à réputer la validité à des pouvoirs politiques révolutionnaires rien qu'en exigeant le devoir de soumission et d'obéissance des fidèles à cesdits pouvoirs, ou plutôt pseudo-pouvoirs, pour que le cardinal Mattei disais-je, ne soit pas élu pape.
Or, ce conclave ne tarda pas à se bloquer, comme il arrive souvent, entre ces deux partis majoritaires, dont les cardinaux chefs de file, Bellisomi pour les politicanti, et Mattei pour les zelanti, ne pouvaient ni l'un ni l'autre arriver à obtenir les fameux et très-canoniques 2/3 + 1 des voix cardinalices pour faire l'élection valide du nouveau pape, restant toujours en-deçà à plusieurs et dirimantes voix près. Et ce, malgré les combinazione essayées par l'entremise du parti minoritaire des volanti, qui "volaient" plus ou moins angéliquement d'un parti majoritaire à l'autre, selon l'avancement des votes, celui-ci étant dirigé par le cardinal Braschi, le neveu du pape de cujus.
À la fin, pour casser ce blocage qui durait depuis déjà trois mois sans solution, la combine suivante fut trouvée : il serait donné à un des deux partis majoritaires de choisir dans l'autre parti majoritaire un candidat, lequel serait alors, d'un commun accord entre les deux partis majoritaires, proposé à l'élection comme nouveau pape sur le Siège de Pierre. Fort des deux partis majoritaires dans l'aula conclavique, ledit candidat ne pouvait certes que passer le Rubicon, la barre des 2/3 + 1 pour être canoniquement élu. On donna au parti dirigé par le cardinal Mattei, les zelanti, ce choix à faire dans le parti des politicanti. Par des prudences incroyables de serpent, on finit tout-de-même par arriver à la simplicité de la colombe, celle du Saint-Esprit. Le parti des politicanti finit par se dire que la candidature de Chiaramonti, l'un des leurs, ne serait pas si mal que ça, et, fort astucieusement comme le montre avec grand détail Leflon qui s'en régale visiblement, on insinua occultement cette candidature au parti des zelanti, sans bien entendu proposer son nom explicitement mais en le leur faisant dire par eux-mêmes, car il fallait, c'était capital, que ce choix... soit le leur, qu'ils aient l'impression que c'est eux qui l'avaient choisi puisqu'il était convenu que c'était le parti zelanti qui devait choisir ! Et une fois que, très-habilement, on donna au parti zelanti cette impression qu'ils avaient choisi Chiaramonti eux-mêmes, ceux-ci le proposèrent aux politicanti... lesquels commencèrent par feindre l'étonnement, puis, naturellement, s'empressèrent d'accepter, ce qui mit les deux partis majoritaires d'accord pour l'élire au Siège de Pierre ; et pour finir l'opération, il ne fut point difficile de rallier les minoritaires volanti à ladite candidature Chiaramonti...
Mais, plus que ces combinazione très-italiennes que je ne rapporte que pour bonne mémoire, ce qui est beaucoup plus important à retenir, c'est que tous les cardinaux qui votèrent pour le cardinal-évêque d'Imola savaient pertinemment bien qu'il était du parti des politicanti. Or, la doctrine du sermon de la Noël 1797 étant exactement la même que celle des politicanti, il n'y avait donc pas besoin d'évoquer ce sermon pour conclure que la majorité canonique du Sacré-Collège adhérait à la doctrine y contenue, au moins passivement, puisque Chiaramonti, candidat politicanti, fut élu ! Ce qui signifie qu'en 1800, tous les cardinaux électeurs, au moins passivement, ne considéraient pas la doctrine politicanti comme hérétique, en donnant la note de validité aux puissances politiques issues de la Révolution au même titre qu'à celles de l'Ordre très-chrétien, comme elle l'était cependant très-formellement, pourtant. C'est en effet tout le Sacré-Collège, effectivement, qui donna son vote, dans le dernier scrutin, quasi par acclamation, per inspirationem, au candidat Chiaramonti, il n'y eut qu'une voix à voter pour le doyen du Sacré-Collège, le cardinal Albani, pour l'honorer, celle de l'intéressé bien sûr, celle de Chiaramonti...!
C'est donc TOUTE l'Église cardinalice romaine, "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet), qui se met sciemment sur les rails collaborationnistes-ralliéristes derrière Chiaramonti, et il ne faut pas s'étonner, dès lors, que le Concordat napoléonien, qui en était la mise en œuvre pour toute l'Église ne fut signé qu'un an après l'élection pontificale de notre cher dom Gregorio devenu Pie VII. Tout était déjà sur les rails, il n'y avait plus qu'à mettre du charbon dans la locomotive pour la faire avancer à toute vapeur. Le Concordat français en effet, comme je l'ai expliqué au début de ces lignes, ne fut pas un acte isolé, de facto, pour le seul État de Napoléon, ce fut tout au contraire le premier acte fondateur par lequel l'Église Universelle changea formellement sa doctrine quant à la règle prochaine de validité des sociétés politiques, tirant un trait hérétique sur la règle énoncée et enseignée en la matière par saint Paul en Rom XIII, qui consistait à noter de validité les seuls pouvoirs politiques constitutionnellement ordonnés au Bien commun à la fois normé sur les lois naturelles et les lois surnaturelles, pour désormais donner cette dite note de validité absolutistement, totalitairement, à TOUTE société politique humainement et positivement "constituée", "établie", comme disait déjà le Pie VI seconde mouture dans Pastoralis sollicitudo. Ce qui était mettre l'homme au-dessus de Dieu, en avant de Dieu.
Toute l'Église, par l'organe transparent du Sacré-Collège cardinalice, avait élu pape le politicanti Chiaramonti, en toute connaissance de cause faut-il le dire (comme dit Rohrbacher, les cardinaux "épluchaient tout" dans le dossier du papabile). Dès lors, il ne faut point s'étonner de voir aussi toute l'Église souscrire au Concordat. On lit en effet que Pie VII, avant de signer le Concordat, le soumit à "la petite, puis à la grande Congrégation [commissions cardinalices ad hoc que le pape avait créées pour régler la question du Concordat], et même de tout le Sacré-Collège" (DTC, art. "Concordats", col. 754), lequel, après quelques discussions rapides sur certains articles, l’accepta pleinement… Il est donc trop vrai que c'est toute l'Église en corps d'institution qui se met elle-même sous "la puissance des ténèbres" dès la Révolution terminée...
... Il existe une tradition romaine originale et plaisante. Le peuple, lorsqu'il est mécontent, placarde une épigramme sur une statue antique, place Saint-Pierre, la statue de Pasquino, en vers latins choisis et lapidaires qu'on appelle des pasquinades, disant en très-peu de mots ciselés le fond du mécontentement. Or, suite à la signature du Concordat, une main anonyme grava sur la statue la pasquinade vengeresse suivante, qui "traduisait le mécontentement général des romains, par rapport aux concessions faites par le pape au maître de la France, qui avaient paru excessives à beaucoup" (Histoire des papes illustrée, Castella, t. III, p. 313) : "Pio per conservar la fede, perdè la sede ; Pio per conservar la sede, PERDÈ LA FEDE [Pie (VI), pour conserver la Foi, perdit le Siège ; Pie (VII), pour conserver le Siège, PERDIT LA FOI]" (Le dernier siècle de la Rome pontificale, Hayward, t. I, p. 172).
En France, chez nous les franchouillards, on se pique pas de mots latins, on boit sec de la cervoise, on rigole à la gauloise, et... on discerne autant le fond des choses que les italiens (et même plus !). Suite à la signature du Concordat, un français fit paraître à Paris une gravure populaire, qui circula furtivement dans toute la ville sous le manteau, où l’on voyait seulement… une belle pistache, avec en-dessous deux petits mots, légende vitriolesque et lapidaire comme seuls les français ont le grand'art d’en brocarder sur les revers de veste : "PIE S’TACHE"… Et voyez comme le français avait bien compris que le péché concordataire commis ne l'était pas par Napoléon, mais par le pape, par Pie VII. Ce n'était pas Napoléon, en effet, qui se tachait par le Concordat, c'était Pie VII (soit dit en passant, le français disait en deux mots seulement ce que l'italien disait en seize !). Pie s'tache. Hélas, c'était combien vrai !!! Et le pire, c'est qu'il tachait l'Église plus encore que lui-même, par-là même de l'acte concordataire. Vox populi... Quant à Joseph de Maistre, ce grand prophète de la contre-révolution, le Concordat l’avait mis si en colère contre le pape, hélas à tellement juste titre, qu’il avait tenu ces propos : "Je souhaite au pape de tout mon cœur la mort, de la même manière et par la même raison que je la souhaiterais à mon père s’il venait à me déshonorer demain" (Les révolutions, de 1789 à 1851, Jean Tulard, p. 206).
Pour bien comprendre pourquoi le pape Pie VII s'autorisa à passer Concordat avec Napoléon Bonaparte, il ne faut pas seulement invoquer des raisons d'ordre théologique, philosophique, ou politique. Il y eut hélas aussi une raison beaucoup plus basse. Pie VII était obsédé littéralement, totalement fasciné, par la personne de Bonaparte, qui l'avait complètement subjuguée. En fait, l'on était en présence d'une pensée théologique déviante de Pie VII sur le chapitre politique constitutionnel qui épousait par trop bien la pensée révolutionnaire politiquement athée d'un homme au charisme maléfique très-puissant, qui était vraiment un précurseur de l'Antéchrist-personne, et qui finissait dans la force concrète de l'homme le péché personnel intellectuel de Pie VII en matière politique constitutionnelle... Dès que le Concordat fut signé, on le vit entrer dans une "agitation, une inquiétude, et le désir d'une jeune épousée qui n'ose se réjouir le jour de son mariage" (Histoire religieuse de la France contemporaine de la Révolution à la troisième République, Dansette, p. 175).
Par ses mauvais penchants intellectuels qui le faisaient réputer valide et légitime tout pouvoir politique humainement constitué, établi, Pie VII était tellement aveuglé sur le caractère foncièrement révolutionnaire de Napoléon et de son épopée, que, après sa relégation dans l'île de Sainte-Hélène, il osa faire cette sortie tout-à-fait incroyable : "Napoléon est malheureux, très malheureux. Nous avons oublié ses torts, l’Église ne doit jamais oublier ses services [... tu parles !!!]. Il a fait en faveur de ce Siège ce que nul autre peut-être, dans sa position, n’aurait eu le courage d’entreprendre [!!!]" (L’Église romaine face à la Révolution, Crétineau-Joly, t. 1, p. 472). Quelle funeste illusion...! Pie VII, c’est par trop évident, était victime d'une affection humaine très-désordonnée envers Napoléon, des faiblesses sentimentales pour lui, peut-être aussi peut-on évoquer le syndrome de Stockholm... Il fut certes le premier à recueillir dans ses États les membres de sa famille, réduits à la misère, mais… il n’est pas dit qu’il en fit autant, ou du moins avec autant d’empressement, pour les familles victimes de Napoléon, à la vérité indénombrables dans toute l'Europe ; or, la Charité n'est pas désordonnée, la Charité sans tête n'est pas catholique, il y a une Justice de Charité qui, in casu, exigeait que Pie VII s'occupât d'abord des victimes de Napoléon avant de s'occuper, par prurit sentimental, des parents de Napoléon...
Monastère de San Giorgio Maggiore (Venise)
où se déroula le conclave de 1800
qui éleva Chiaramonti au Siège de Pierre
Maintenant, une question, la dernière, surgit : sous le rapport de la Foi, à quoi mène cet accouplage contre-nature entre l'Église et les sociétés politiques post-révolutionnaires constitutionnellement athées, et pires encore que d'être seulement athée quand la vérité est qu'elles sont foncièrement antichrists, n'ayant comme seule vraie raison d'être et d'exister en ce très-bas monde que la destruction de la civilisation très-chrétienne, de la Foi dans les âmes, et de l'Église ? Après plus de deux siècles de ce maudit accouplage, on peut facilement en parler, les faux-semblants se sont décantés au fond de l'éprouvette, et le résultat du sérum est clair.
Ce que le regard de l'âme voit, et il n'y a pas besoin de microscope pour le voir, c'est ceci : UNE ECCLESIA QUI SE LAÏCISE DE L'INTÉRIEUR DE PLUS EN PLUS, PENDANT QUE LE LAÏCISME S'ECCLÉSIOLOGISE DE PLUS EN PLUS PAR L'EXTÉRIEUR. Et alors, on arrivera au bout du compte à ce que le monde et l'Église, se ressemblant de plus en plus, finiront, dans une symbiose de monstre pire que Frankenstein, par n'être plus qu'UN.
Et c'est cela, le règne de l'Antéchrist-personne. Il ne manquera plus à cette abomination de la désolation collective dans le Lieu-Saint, qui est à la fois l'Église et les âmes, que la venue du faux-prophète, qui est l'Antéchrist-personne lui-même soi-même, pour chapeauter le tout (la thèse du dédoublement du faux-prophète d'avec l'Antéchrist-personne, est archi-fausse en effet, l'Antéchrist-personne étant simplement appelé par antonomase "faux-prophète", dans l'Apocalypse, cf. https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/le-faux-prophete-l-antechrist-sont-une-seule-et-meme-personne-et-non-deux?Itemid=1). L’espèce d’abominable aboutissement qui ne peut que résulter tôt ou tard de cet accouplage maudit, monstrueux entre le monde et l'Église, c’est cela "la grande tentation qui va s’abattre sur l’univers entier" dénoncée par saint Jean dans l’Apocalypse (III, 10), pour décrire le règne de l’Antéchrist-personne.
L'Église qui se laïcise de plus en plus de l'intérieur, c'est ce que veut dire son langage de plus en plus horizontaliste, humaniste à la diable. Quant à l'État démocratique constitutionnellement athée qui s'ecclésiologise de plus en plus, c'est ce que veut dire le fait que c'est lui qui s'arroge de plus en plus le droit de régir la Religion véritable au for public, et d'ailleurs toutes les autres religions fausses ; or, il ne peut le faire qu'en se prenant pour une Ecclesia supérieure à toutes (si j'ai la haute main sur l'Ecclesia, c'est que je suis moi-même une Ecclesia).
Et tout le monde est d'accord que la Démocratie ecclesiologisée ou l'Église démocratisée (on dit synodalisée, de nos jours bergogliens), c'est du pareil au même, c'est l'essence de la vertu sociopolitico-religieuse qui doit aboutir à recréer une sorte de paradis terrestre pour tout le monde. Sans Dieu, bien entendu, à la première place, ni même sur un strapontin éjectable qu'on Lui aurait préparé, pour Le virer quand on voudrait. C'est pour eux tous, prêtres démo-concordatisés mélangés cul et chemise aux hommes politiques ecclésiologisés, une merveilleuse évolution dont la dynamique laisse présager une ère pacifique, la fameuse "civilisation de l'amour" prêchi-prêchée par Paul VI et Jean-Paul II. Nous ne sommes plus du tout dans une guerre de tranchées comme c'était le cas aux temps révolus de Chiaramonti ou de la crise de 1905 qui vit la séparation de l'Église et de l'État, mais à une partie de tennis bcbg entre gens du monde qui se respectent dans leur mondanité en s'envoyant et se renvoyant leur petite balle inoffensive et gentillette, supérieurement bien élevés, ayant su raboter en eux leurs pulsions barbares primaires. Autrement dit, la Démocratie, informée et vivifiée de la vertu en provenance non seulement de l'Église mais des chrétiens individuels, comme le voulait Chiaramonti dans son homélie de la Noël 1797, très, très en avance sur son temps en effet, et ainsi que nous le blablatait l'épiscope Defois dans les années 1996, deux siècles après, va enfin réussir à CRÉER, comme Dieu, aux termes de son évolution et de son progressisme, le Realpolitik d'une cohabitation totalement harmonieuse entre le spirituel et le politique, enfin possible. Car, au fait, Dieu, c'est nous.
Et ceci, ... ô miracle des miracles adorable !, sans, bien entendu, que la partie politique née de la Révolution ait à renier son principe fondateur et essentiel, qui est le rejet du Christ-Dieu. Car c'est par eux, ces principes antichrétiens dans leur essence, que la Démocratie tient dans l'existence. C'est donc en attiédissant la virulence de ses propres principes mais surtout pas les principes eux-mêmes, comme on le fait avec les vaccins, qu'on va enfin arriver à l'harmonie, autant du côté de l'Église que du côté Politique, l'Église, de son côté, émoussant hérétiquement le critère de validité des sociétés politiques, et donc rejoignant le parti antichrist par-là même, pour arriver au but. L'Église en effet, de son côté, s'imaginera, mais de plus en plus hypocritement, qu'elle pourra garder sa Foi tout en reconnaissant la validité des pouvoirs politiques post-révolutionnaires, en s'accouplant avec eux de plus en plus salement pour enfanter le grand'œuvre, opera magnum. Les partisans de l'un admettent la nécessité de l'autre et vice-versa.
Ah !, mes très-chers amis !, le temps est bien révolu où chacun diabolisait l'autre comme liberticide ou calotin. On est rentré dans l'âge du... stop and go. C'est-à-dire qu'il faut aller de l'avant, go !, avec le Pass synodal, sans plus s'arrêter aux considérations d’ordre doctrinal, ces obscurantismes du Moyen-Âge, stop ! Le bon pape François assène sans cesse cette grande vérité à qui veut l'entendre et même à ceux qui ne veulent pas l'entendre, et il la pratique on ne peut mieux, quant à lui, on ne peut que le lui reconnaître. Bien entendu, ce n'est pas Dieu qui donne l'énergie de réaliser le "bien commun" de cette société tellement espérée, c'est, comme le disait Jacques Julliard, la... "mythologie sociale" qui donne le punch, le peps, le kiaï, le cri primaire qui crée sans tuer ! Par ce mot, il entend la représentation que doit avoir une société de son avenir collectif. Un projet mobilisateur, quoi. Comme par exemple le réchauffement de la planète, les vaches à supprimer parce qu'elles pètent vraiment trop. François n'est pas en reste de cette mythologie sociale, lui, il appelle ça "réveiller le rêve", par exemple dans Fratelli tutti...
Qu'en résulte-t-il, de cette abomination de la désolation dans le Lieu-Saint ? Des projets communs humanistes pour essayer de bâtir cette sociétés du diable, et des déclarations communes qui se meuvent dans un monde irréel, ectoplasmique, puisqu'aussi bien, les deux parties en présence, ecclésial et politique, ont quitté le Réel métaphysique qui est Dieu, chacun de leur côté...
S.S. Pie VII
... Canoniser le pape Pie VII ? Quant à son for privé, sans doute, c'est à espérer du moins de la part de cet homme de bien, et même de grand'bien en son for privé, qui n'a certainement pas pris conscience de l'hétérodoxie radicale du chemin qu'il faisait emprunter à l'Église, pas plus que les papes conciliaires ne prennent conscience, encore maintenant, du leur. Sa figure pontificale, d'ailleurs, n'est pas sans ressembler beaucoup à celle de Paul VI : tous les deux ont une Foi sincère, mais tous les deux pareillement ont l'esprit complètement imbibé jusqu'à dégorger, de la pensée moderne (il suffit quant à Paul VI, de lire ses dialogues avec Jean Guitton pour en prendre acte).
Pour autant de la sainteté de Barnaba Chiaramonti dans son for privé, quant à son for public magistériel une fois devenu pape, il faudra tout-de-même penser à insérer dans son dossier de canonisation qu'il a introduit l'Épouse du Christ, l'Église, dans l'économie de la Passion du Christ sous le rapport des Mœurs, qu'il l'a véritablement crucifiée en frappant à coups de marteau répétés et redoublés sur les clous, étant le premier pape Janus à deux visages à la revêtir d'un manteau de péché, pour qu'elle soit "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21). Mais, et c'est un paradoxe humainement difficile à saisir, il peut tout-à-fait l'avoir fait sans pécher lui-même aucunement, en tant que simple cause seconde mue par le Saint-Esprit pour faire emprunter par l'Église le chemin qui, au bout du terme, va la rendre co-Rédemptrice... Une chose, justement, très-positive sur le plan spirituel de la part du pape Pie VII, et d'ailleurs tout-à-fait liée à la co-Rédemption de l'Église dont je viens de parler, c'est qu'il a étendu à toute l'Église le culte de Notre-Dame des sept douleurs, en 1814.
Les deux certes, quant à Pie VII, le for privé et le for public magistériel pontifical, peuvent être compatibles dans la sainteté, mais je me garderai bien d'en juger moi-même...
Quant à notre sainte Mère Église, comme les fidèles pieux l'appelaient dans le temps jadis quand on savait vivre, immaculée dans tant de péchés, à laquelle va toute ma pensée affligée et aimante en clôturant mon nouvel article, peut-être est-ce le moment, puisque par tradition je termine mes articles par l'humour, de rappeler la boutade qu'un vieux prêtre tradi, maintenant décédé, ... paix à son âme hélas sédévacantiste !, me dit un jour à brûle-pourpoint :
"Quelle est la preuve apologétique la plus forte de la divinité de l'Église ?"
Surpris, je ne savais trop que répondre ; alors il me lâcha :
"C'est qu'elle a vécu 2 000 ans malgré les curés".
En la fête de saint Égide Marie de saint Joseph, o.f.m.,
ce 7 février 2025.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
Saint Égide Marie de saint Joseph (1729-1812)