De très-excellentes réflexions de Mgr Williamson
mélangées à de moins bonnes...
― Essai sur le péché matériel de l'Église moderne
Preambulum
L'article de Mgr Richard Williamson qui m'inspire ce nouvel article de mon Blog n'est pas vraiment d'hier, il date de huit ans bien tassés (17 novembre 2012). Lorsque je l'ai lu à l'époque, j'ai été très-impressionné par sa clairvoyance mais également fort déçu par certains aspects de ce qu'exposait Mgr Williamson, au point de lui envoyer une lettre, que j'ai retrouvée tout-à-fait fortuitement les jours derniers dans mes archives, elle est datée du 7 décembre de la même année, 2012.
Dans son article en effet, loin de tout obscurantisme aliénant et de tout sectarisme complotiste ou autre, l'évêque traditionaliste donnait un grand éclairage sur les causes morales profondes et vraies de "la crise de l'Église", éclairage qu'il était fort nécessaire, cependant, et ce fut tout l'objet de ma lettre, de bien recentrer sur "LA PASSION DE L'ÉGLISE", dont Mgr Williamson ne prend pas conscience, pas plus, semble-t-il, aujourd'hui qu'il y a huit ans (très-probablement à cause de la déviance doctrinale lefébvriste dont il est tout pénétré dans son analyse de "la crise de l'Église"), recentrage qui, cependant, seul, donne le fin mot de l'histoire et de l'affaire, en révélant le mystère de la co-Rédemption qu'est en train de vivre (et de mourir) l'Épouse-Église aujourd'hui, à l'instar du mystère de la Rédemption vécu il y a 2 000 ans par l'Époux des âmes, Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Je crois intéressant et édifiant pour la Foi, de porter aujourd'hui le tout à l'attention de mes lecteurs. Je vais donc commencer par reproduire l'article de l'évêque traditionaliste (cf. https://stmarcelinitiative.com/problxe8meprofond/?lang=fr), puis, ensuite, je vais mettre la lettre que je lui avais adressée à l'époque, après avoir lu son article (... à laquelle lettre, et je n'en fus point surpris c'est le contraire qui m'aurait surpris, l'évêque traditionaliste ne fit aucune réponse... ― Je me rends hélas compte que mon travail prophétique en Église depuis de très-nombreuses années maintenant, a aussi le rôle, que j'ai été fort éloigné de désirer au départ, de témoigner devant le Trône de Dieu, pour mémoire de gloire et d'opprobres, que les mouvances ecclésiales actuelles, quelles qu'elles soient et malheureusement sans aucune exception, des tradis de toute espèce aux modernes les plus divers, sont toutes bêtabloquées, clivées, cadenassées, rivées, dans leurs positionnements idéologiques hétérodoxes quant à "la crise de l'Église", sans jamais vouloir, même le plus petitement du monde, remettre en cause leurs pires et plus évidentes déviances doctrinales et faussetés...).
Mais voici, pour commencer, l'article de Mgr Williamson :
"Problème Profond
"(17 novembre 2012)
"Les problèmes de la Néo-Église datent du Moyen Âge ;
"Vatican II était simplement la fin d’un long processus.
"Beaucoup de catholiques ne saisissent pas toute la profondeur du problème posé par le Concile révolutionnaire de Vatican II (1962-1965). S’ils connaissaient mieux l’histoire de l’Église, ils pourraient être moins tentés soit par le libéralisme, qui leur fait penser que le Concile n’était pas si mauvais qu’on le dit, soit par le "sédévacantisme", qui leur fait penser que les autorités de l’Église ne sont plus ses autorités. À propos, Notre Seigneur a-t-il mis en question l’autorité religieuse de Caïphe, ou l’autorité civile de Ponce Pilate ?
"Le problème est profond parce qu’il est enterré sous plusieurs siècles d’histoire de l’Église. Lorsqu’au début du 15me siècle St Vincent Ferrer (1357-1419) prêcha dans toute l’Europe que la fin du monde était proche, nous savons aujourd’hui qu’il s’est trompé de plus de 600 ans. Et pourtant Dieu a confirmé sa prédication en lui donnant d’opérer des milliers de miracles et des milliers et des milliers de conversions. Dieu confirmait-il par là l’erreur ? Le Ciel nous en préserve ! La vérité, c’est que le Saint pressentait correctement que la décadence de la fin du Moyen-Âge impliquait la corruption explicite et quasi-totale de notre propre époque, répétition générale de la corruption totale de la fin du monde.
"Seulement il a fallu du temps, le temps de Dieu, plusieurs siècles, pour que cette corruption implicite devînt explicite, parce que régulièrement Dieu a choisi de susciter des saints qui ralentissent la glissade en bas, telle cette gerbe de Saints célèbres qui ont mené à fin la Contre-Réforme du 16me siècle. Néanmoins Dieu n’enlève pas aux hommes leur libre-arbitre, en sorte que s’ils ne choisissaient pas de rester sur les hauteurs du Moyen-Âge, il ne les y obligerait pas. Au contraire il permettrait à son Église, au moins dans une certaine mesure, de s’adapter aux temps, parce que celle-ci existe pour sauver non pas les gloires du passé mais les âmes du présent.
"Cela peut s’illustrer par deux exemples : d’abord la théologie Moliniste, rendue virtuellement nécessaire par Luther et Calvin pour assurer la défense du libre-arbitre, et ensuite le Concordat de 1801, rendu nécessaire par l’État Révolutionnaire pour permettre à l’Église en France de fonctionner en public. Or le Molinisme comme le Concordat furent des compromis avec le monde de leur temps, mais les deux rendirent possible le salut de beaucoup d’âmes, et l’Église empêcha que ne fussent minés les principes qui devaient absolument rester saufs, à savoir Dieu comme Acte Pur et le Christ comme Roi de la Société respectivement. Néanmoins les deux compromis permirent une certaine humanisation de l’Église divine, et les deux contribuèrent à la sécularisation lente de la chrétienté. Car les compromis ont obligatoirement des conséquences.
"C’est ainsi que si ce processus lent d’humanisation et de sécularisation devait trop corrompre ce monde d’où les hommes et les femmes sont appelés pour servir Dieu dans son Église, comment pourraient-ils entrer à son service sans une forte dose de libéralisme radioactif dans le sang, laquelle exigerait un antidote vigoureux dans leur formation religieuse ? En effet, ne partageraient-ils pas tout naturellement la conviction instinctive de presque tous leurs contemporains que les principes et idéaux du monde révolutionnaire d’où ils venaient étaient normaux, alors que leur formation religieuse opposée à ce monde était aussi pieuse qu’on voulait, mais radicalement anormale? De tels hommes et femmes seraient pour l’Église un désastre en puissance. Éh bien, ce désastre se fit actuel en plein 20me siècle, lorsqu’une grande partie des deux mille évêques du monde se réjouit au lieu de se révolter quand Jean XXIII fit comprendre au Concile qu’il abandonnait l’Église anti-moderne.
"Que personne donc qui veut sauver son âme ne suive ni ces prélats ni leurs successeurs, mais en même temps que personne n’oublie que ceux-ci, étant convaincus qu’ils sont des gens normaux par rapport à notre monde en délire, ne sont plus coupables de la destruction de l’Église du Christ comme l’auraient été leurs prédécesseurs nés dans des temps vraiment plus normaux. Bénies les âmes catholiques qui savent abhorrer leurs erreurs sans cesser d’honorer leur office.
"Kyrie eleison"
(fin de citation)
Et voici à présent la lettre que j'écrivis à Mgr Williamson le 7 décembre 2012, que j'ai un peu remaniée et complétée pour les présentes :
Monseigneur Williamson,
Votre article Problème profond est effectivement, quant aux sources morales de la crise de l’Église et du monde actuel, une méditation remarquable et… très-profonde.
Permettez-moi de la continuer quelque peu avec vous, ne serait-ce que pour voir ces choses terribles de ce que vous appelez la "corruption" sous un angle de vue qui me semble plus surnaturel, plus positif, moins négatif, moins culpabilisant pour les hommes, que celui que vous adoptez.
Vous dites à juste titre que, au regard de la Foi, la fin du Moyen-Âge a été le début implicite de la "corruption" qui s’explicite au for externe en nos jours post-révolutionnaires calamiteux ; et c’est cette "corruption" de l’Idéal doctrinal dont saint Vincent Ferrier prophétisait qu’elle signifiait, à terme, la fin du monde.
Cette vision des choses est fort juste, mais négative, et, par-là même, ne va pas à la cause première de la situation d’impuissance actuelle de l’homme, quant au salut.
L’homme, effectivement, depuis la Renaissance, n’est plus capable, ou ne veut plus, ou les deux à la fois, poursuivre l’Idéal très-chrétien, sacral, qui fut le sien aux temps bénis du Moyen-Âge dont l’apogée fut le XIIIème siècle de saint Louis roy de France et du grand pape Boniface VIII. Mais… en est-il forcément coupable ? La bonne question me semble plutôt devoir être celle-ci : Est-ce que c’est l’homme qui est responsable en cause première de cette nouvelle situation morale dégénérée ? Est-ce que, au contraire, il ne faut pas discerner, à la base de cette nouvelle situation, une Volonté première de Dieu de retirer à l’homme sa grâce au for public, pas brutalement mais progressivement plus les temps avancent, je veux parler non pas de la grâce qui sauve l'homme individuel (car il est de Foi que Dieu propose à chaque homme en particulier et à tous les hommes, sa grâce de salut effective en tous temps, même aux derniers), mais de la grâce qui manifeste le salut au for externe public par les Institutions salvifiques inhérentes au Temps des Nations, à savoir l’Église catholique, apostolique et romaine, sur le plan religieux, et l’Occident franc très-chrétien sur le plan sociopolitique ? Aux providentielles fins ultimes de les faire participer l'une et l'autre progressivement de plus en plus à la sainte crucifixion du Christ, à l'économie de sa Passion, pour leur faire vivre (et mourir) le mystère de la co-Rédemption ?
Ayons garde d'oublier, Monseigneur, que la récompense du juste sur cette terre, c’est d’être… crucifié. Or, après le passage du Christ, c’est l’Église qui est le Juste par excellence sur cette terre, c'est-à-dire Jésus-Christ continué, selon le génial mot de Bossuet (et Jésus-Christ est aussi continué, en seconde main, dans la société très-chrétienne que l'Église génère, car "l'Église est au commencement de toutes choses" -saint Épiphane-, donc aussi de l'Occident très-chrétien). Et par quoi l'Épouse du Christ peut-elle être crucifiée ? Évidemment, par l’exact contraire de ce qu'elle est. Le moyen providentiel pour que l’Épouse immaculée du Christ soit crucifiée, soit mise dans l'économie de la Passion, va donc être de lui faire épouser la matière du péché du monde, ce que vous appelez la "corruption". Pour "récompenser" l’Église d’être le "Juste continué", celle-ci va donc, à la fin de sa vie militante ici-bas, être soumise à la matière du péché du monde, sans, faut-il avoir à le préciser, aucune coulpe personnelle de sa part (l'Église est en effet une "personne morale" -Droit canon, § 100 -) ; et la civilisation franque très-chrétienne, Longue-main temporelle de l’Église, subira ce même sort. Car bien sûr la deuxième note qui caractérise l’Épouse du Christ, la Sainteté, reste pareillement intacte lorsque l’Église vit la Passion, que lorsqu’elle ne la vit pas encore. C’est pourquoi, quant au Christ, saint Paul a pu définir ainsi lapidairement la sainte-crucifixion : "Il a été fait péché pour notre salut" (II Cor V, 21), ce qu’il appelle dans un autre passage la "si grande contradiction" (He XII, 3-4), sans supposer la moindre coulpe dans le Christ vivant sa Passion. Et pas plus ne devons-nous en supposer dans l'Église de nos jours qui voit la réplication parfaite de la Passion dans l'Épouse du Christ.
Il m'apparaît bon ici de bien préciser ce qu'est, selon la théologie morale, un péché matériel. Ce ne sera qu'un simple rappel de ce que j'ai déjà fort expliqué dans mon article sur "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (cf. http://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf). Je rappellerai à ce sujet les distinctions classiques en la matière : un péché est mortel (= formel) uniquement lorsque trois conditions sont réunies ENSEMBLE, et ensemble SEULEMENT, à savoir : 1/ la matière mortelle du péché commis, 2/ la connaissance pleine et entière qu'il s'agit d'une faute matériellement mortelle au moment de la commettre, 3/ et la conscience et le vouloir pleins et entiers de le faire au moment de l'acte peccamineux. S'il manque deux voire même une seule de ces trois conditions au moment de l'acte peccamineux, celui-ci peut bien n'être... rien du tout, pas même forcément un péché véniel ni même une imperfection. C'est ce que les théologiens appellent un simple péché matériel.
L'exemple qui est classiquement donné d'un péché matériel sans aucune coulpe rajoutée, est celui d'un soldat qui, dans le cadre d'une guerre juste, par exemple pour défendre le sol de sa patrie injustement agressée, tue un soldat ennemi. Ce soldat a commis la matière d'un vrai péché, par ailleurs fort grave, l'homicide, et cependant, non seulement ce péché ne contient aucune coulpe séparant de Dieu, mais ce soldat défendant sa patrie sera loué de cet acte de péché matériel d'homicide non seulement par les hommes, ses compatriotes, mais par Dieu Lui-même.
D'autres exemples de péchés matériels sans aucune coulpe les accompagnant peuvent être tirés du Martyrologe : des martyrs sont sortis de cette vie par un péché matériel de suicide. 1/ sainte Apolline, fêtée au 9 février, au temps des grandes persécutions des premiers siècles chrétiens, après avoir été affreusement torturée, a couru se jeter d'elle-même dans le feu en s'échappant des mains des bourreaux : stricto sensu, il y a donc là la matière d'un péché mortel de suicide, mais l'Église a considéré que notre sainte avait été animée par la pure motion du Saint-Esprit pour le commettre, et donc son péché matériel de suicide excluait toute espèce de faute réelle ou coulpe ; c'est pourquoi l'Église n'a pas eu la moindre hésitation pour canoniser cette grande martyre ; 2/ une autre jeune sainte de quinze ans, pour échapper aux persécutions des séducteurs païens, s'est jetée du toit de sa maison et est morte sur le coup, autrement dit, elle a, elle aussi, commis un péché matériel de suicide, ce qui, là non plus comme pour sainte Apolline, n'a nullement empêché l'Église de la canoniser (il s'agit de sainte Pélagie, fêtée au 12 juin).
On peut tirer aussi de la sainte Écriture des exemples de péché matériel sans coulpe, je n'en retiendrais que deux, en l'occurrence des péchés matériels de mensonge. 1/ Jacob ment à Isaac son père, pour en recevoir la bénédiction du droit d'aînesse, lui disant formellement qu'il est Esaü après s'être revêtu d'une tunique de poils afin de se faire passer pour son frère aîné velu : "Qui êtes-vous, mon fils ? Jacob lui répondit : Je suis Esaü votre fils aîné" (Gn XXVII, 18-19) & "Isaac, le [Jacob] bénissant donc, lui dit : Êtes-vous mon fils Esaü ? Je le suis, répondit Jacob" (Gen XXVII, 23-24). Le mensonge est flagrant, mais il est inspiré par le Saint-Esprit et est évidemment exempt de toute coulpe. Il ne faut pas oublier en effet qu'Esaü avait auparavant vendu à Jacob son droit d'aînesse contre un plat de lentilles, et qu'il n'en était plus digne. 2/ Mais il y a mieux, si je puis dire ! On prend l'Ange Raphaël en flagrant délit de mensonge, dans l'admirable histoire de Tobie. Or, faut-il le dire, cet Ange de Dieu était incapable de la moindre coulpe, étant confirmé en la grâce divine impeccable. On est donc absolument certain qu'il ne commit dans l'affaire qu'un péché purement matériel sans aucune coulpe quelle qu'elle soit, lorsque, répondant à la question du père de Tobie qui lui demande qui il est, il répond, avant que Tobie accepte qu'il serve de guide à son fils, pour son long voyage : "Je suis Azarias, fils du grand Ananias. Et Tobie répondit : Vous êtes d'une race illustre. Mais je vous prie de ne pas vous fâcher, si j'ai désiré connaître votre race. L'Ange lui dit : Je conduirai votre fils en bonne santé, et le ramènerai de même" (Tb V, 18-20). Mais après le voyage et son bon succès, le soi-disant "Azarias" révèle à Tobie qui il est véritablement, un Ange de Dieu : "Car je suis l'Ange Raphaël, l'un des sept qui nous tenons en la présence du Seigneur" (Tb XII, 15).
Le Saint-Esprit, donc, comme on le voit, est fort éloigné de ne pas utiliser, quand c'est nécessaire, le moyen du péché matériel sans coulpe, comme quelque chose qui n'est pas du tout indigne de Lui et de sa Sainteté sans faille...!
Dans un contexte évidemment fort différent des exemples qui précèdent, c'est dans cette même situation théologique de péché matériel sans coulpe que l'Église et la civilisation très-chrétienne derrière elle se trouvent, depuis la Renaissance. Et de plus en plus, plus les temps avancent.
Ainsi donc, vu sous cet angle positif, cette "corruption" au for externe de la vie de l’homme depuis la Renaissance, ne serait rien d’autre, bien surnaturellement décryptée, décodée, que l’effet de la sainte-crucifixion de l’Église et de la société très-chrétienne, qui consiste essentiellement à ce que l'une et l'autre soient "faites péché pour notre salut", un péché matériel sans coulpe, situation voulue providentiellement par Dieu aux fins suprêmes de faire participer l’une et l’autre à l’archétypale Passion du Christ, avant la Consommation des Temps. Sans qu’il faille forcément supposer, dans ce processus négatif de "corruption", une faute initiale, une vraie coulpe, dans l’homme d’Église et dans l’homme tout court.
Tout ce processus décadent, à la fois en première et en dernière analyse de la question, serait en définitive, d’abord un Vouloir de la Providence divine, qui dirige toutes choses, pour l’Église et pour le monde. Ceci arrive "pour que l’Écriture s’accomplisse" (Jn XIII, 18, XIX, 28 ; etc.). Certes, l’homme rajoute souvent, par aveuglement et faiblesse, son propre péché, avec plus ou moins de coulpe personnelle, à cette situation en soi négative, mais il n’en est pas la cause première.
Voilà, Monseigneur Williamson, ce qui m’apparaît être le profond positif du profond que vous voyez, dans votre article, sous un angle trop exclusivement négatif il me semble, par votre description des effets de cette sainte crucifixion universelle voulue par Dieu, qui se manifeste par un retirement universel de la grâce divine au for public externe, insensible et progressif, effets qui touchent toutes les âmes.
Jusqu’à la fin ultime, qui verra la manifestation de l’Antéchrist-personne, dont l'affreux et très-diabolique grand-oeuvre sera de transformer le péché matériel de l'Église et du monde, en péché formel, pour sa radicale condamnation et celle de tous les mondains impénitents, innombrables, qui le suivront, que saint Augustin appelle la massa damnata et que l'Apocalypse décrit paraboliquement par la Bête de la mer. Cependant, en contrepoint, il ne faut pas oublier que Notre-Dame de Fatima venue pour prophétiser la fin des temps, combattra pour que le plus grand nombre soit sauvé à la fin des fins, on en a la preuve par la prière enseignée aux enfants : "Ô mon Jésus, préservez-nous du feu de l'enfer, prenez au Ciel TOUTES LES ÂMES, SURTOUT CELLES QUI EN ONT LE PLUS BESOIN"... et celles qui en ont le plus besoin seront évidemment justement celles qui se seront laissées séduire par l'Antéchrist-personne ; dès lors, comment imaginer que la très-sainte Vierge aurait demandé aux fidèles de dire cette prière, si celle qui est à elle toute seule plus puissante que tout l'enfer déchaîné, n'aurait pas l'intention de la rendre... efficace et effective ? Il faut d'ailleurs noter que même l'Apocalypse suppose cette possibilité de salut pour ceux qui auront à vivre sous l'Antéchrist-personne, dont le règne aura lieu dans l'église mystique de Laodicée, la septième et dernière, puisque l'Ange prophétise de par Dieu à cette église : "Ceux que J'aime, Je les reprends et les châtie ; aie donc du zèle, et fais pénitence. Voici, Je me tiens à la porte, et Je frappe : si quelqu'un entend Ma voix et M'ouvre la porte, J'entrerai chez lui, et Je souperai avec lui, et lui avec Moi. Celui qui vaincra, Je le ferai asseoir avec Moi sur Mon trône, de même que Moi aussi J'ai vaincu, et Me suis assis avec Mon Père sur Son trône" (Apoc III, 19-21).
Lorsque Dieu retire sa grâce, alors, l’homme se retrouve avec son impuissance métaphysique fondamentale. "Sans Moi, vous ne pouvez rien faire" (Jn XV, 5) n’est que trop constaté. C’est cette situation que décrit lapidairement le Secret de La Salette, lorsque la Reine des prophètes révèle à Mélanie Calvat, pour les temps de la fin des fins que nous vivons de nos jours : "Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes", c’est-à-dire à leur néant métaphysique congénital (ce qui rejoint le fameux cri du cœur du Christ lorsqu’il subit sa propre et personnelle crucifixion, dans sa sainte Humanité cependant immaculée, contrairement à la nôtre : "Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ?").
Puisque Dieu et sa grâce se retirent de la vie publique de l’homme depuis la Renaissance, alors, celui-ci ne peut que dégénérer spirituellement, d’abord implicitement puis, par la dynamique naturelle des puissances de l’homme, explicitement. D’où le libéralisme qui s’imprègne de plus en plus dans la vie de l’homme, d’abord dans sa pensée puis ensuite dans son agir. Pour arriver à la Révolution, qui, sataniquement, prenant l’envers pour l’avers, va poser que le seul dieu à exister dans l’univers, c’est désormais l’homme et rien que l'homme, qui est un dieu formel ("j’ai dit : vous êtes des dieux" ― Jn X, 34), puisque le Dieu transcendant et éternel n’inhabite plus l’homme de sa grâce au for public. C’est céder à la tentation, parce que Dieu est absent, de le croire inexistant, et puis, de le remplacer par le seul "candidat" possible : le dieu formel qu’est tout homme, soit dans son être individuel soit dans son être collectif ou État. C’est certainement à cela que fait allusion l’Apocalypse lorsqu’elle prophétise "la grande tentation qui s’abattra sur l’univers entier" (III, 10), dont le Christ promet au fidèle de l’en garder, "parce que tu es faible, et cependant tu as gardé ma Parole" (III, 8). Tentation à laquelle cèdent hélas la plupart des hommes (les soixante-huitards par exemple, qui écrivaient sur les murs en mai 68 : "Dieu est mort", prenant visiblement son absence pour une inexistence, avant de se déifier eux-mêmes jusque dans leurs pires pulsions).
Quel est le devoir de l’Église dans cette nouvelle économie de la Passion, qu’on peut effectivement faire partir de la Renaissance, et qui inclut une absence de plus en plus sentie de Dieu et de sa grâce dans la vie extérieure des hommes et surtout dans les Institutions de salut établies au for public, absence qui va en progressant plus les temps avancent, j’emploie ce verbe dans le sens où l’on dit d’un fruit ou d’un camembert trop mûr, qu’il est avancé, c’est-à-dire que la pourriture puis la nécrose commencent déjà à remplacer en lui la matière saine et vive ?
De s’adapter, dites-vous Monseigneur, autant que les principes le permettent, c’est-à-dire fors le sacrifice des principes. La limite extrême à ne pas dépasser est en effet le Principe, le dogme, la doctrine. Comme l'avait fort bien dit Mgr Freppel : "On se relève de tout le reste, sauf du sacrifice des principes". Mais, de s’adapter à quoi ? À l’impuissance de l’homme, désormais, sur la chose surnaturelle au for public externe. Car l’impuissance de l’homme n’est pas en soi péché, elle n’est que matière de péché sans coulpe. Il est donc permis de s'y adapter. L'Église est donc parfaitement fondée à s'y adapter, c'est même un devoir pour elle, comme vous le dites fort bien.
Vous croyez cependant pouvoir illustrer par deux exemples, le Molinisme et le Concordat de 1801, ce qui serait une "bonne" adaptation de l’Église aux nouvelles mœurs de l’homme qui devient spirituellement de plus en plus impuissant dans son for public externe. Je vous suis certes parfaitement sur la pensée de ce que vous exposez : puisque Dieu veut positivement la crucifixion de l’Église et du monde à des fins co-Rédemptrices (ce que vous voyez par l’angle de vue négatif, restant aux effets peccamineux sur l’homme de cette crucifixion), il faut donc que l’Église, pour continuer à le sauver, s’adapte à l’impuissance de l’homme à manifester le Christ au for externe public, impuissance devenue désormais son mode de vie habituel, son habitus. Le fin du fin pour l’Église, et elle y est acculée, c’est donc à la fois d’épouser la matière sans coulpe du péché du monde, pour pouvoir atteindre l’âme de l’homme spirituellement dégénéré aux fins de son salut, sans cependant le moins du monde épouser la coulpe du péché lui-même. Exercice de haute voltige, rigoureusement impossible à l’homme taré du péché originel, surtout quand il est homme d’Église, sans une grâce ecclésiale expresse du Christ. Et c'est là que le bât blesse...
En fait, cette situation est vraiment une "si grande contradiction", nous sommes en plein dans ce que dans la littérature française on appelle un oxymore, c'est-à-dire une contradiction antinomique dans des termes mis ensemble, comme quand on parle par exemple d'un jour nocturne ou d'une obscure clarté. Or, effectivement, d'avoir à épouser la matière du péché sans y rajouter aucune coulpe est de l'ordre de l'oxymore, si l'on reste sur un point de vue purement humain de la question. Ce n'est que par la toute-puissance de la grâce divine que la chose est possible, et uniquement par elle. C'est pourquoi, lorsque les disciples se plaignirent à Jésus que l'effort du salut était trop dur pour l'homme : "les regardant, [Il] leur dit : Cela est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu" (Matth XIX, 26). Or, lorsque l'économie de la Passion fait rentrer l'homme dans la matière du péché, un homme déjà grevé, hypothéqué, de la tare du péché originel en lui, seul l'ordre surnaturel de la grâce peut lui éviter d'y rajouter de la coulpe, il en est viscéralement incapable de lui-même, par ses propres forces. Et c'est alors que ce qu'enseigne Jésus-Christ à saint Paul, qui lui aussi se plaignait de sa propre faiblesse, prend toute son importance : "Ma grâce te suffit. Car c'est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière" (II Cor XII, 9).
En fait, seul le Christ Jésus justement, à la fois Fils de l'Homme et Fils de Dieu, a le divin pouvoir de vivre le péché matériel sans y rajouter la moindre coulpe, en restant toujours parfaitement saint, le Saint des saints (c'est précisément ce qu'Il a fait dans sa Passion, et c'est justement la raison pour laquelle, étant fait péché sans pécher avec coulpe aucunement, Il a pu vaincre le péché du monde et nous obtenir la Rédemption). C'est pourquoi saint Paul a pu formuler que le Christ, lors de sa Passion, "a été fait péché pour notre salut" et non pour notre damnation. Saint Paul en effet, dans ce magistral v. 21 que tout le ch. V de la IIème aux Corinthiens prépare, tel un tremplin, précise extrêmement bien... la seule chose qu'il était justement capital de préciser, à savoir que le Christ (= et donc l'Église de nos jours) "est fait(e) péché POUR NOTRE SALUT", lorsque le Christ ou l'Église ont leur Passion respective à vivre.
Nous sommes là vraiment dans un oxymore spirituel très-puissant : comment le péché peut-il opérer... le salut ?! Le péché est en effet exclusivement et rigoureusement ordonné à la damnation. Saint Paul n'aurait donc normalement pu que dire : le Christ a été fait péché pour notre damnation. Et cependant, bien sûr, le Christ est plus fort que le péché, c'est l'oxymore spirituel de saint Paul qui manifeste la vérité de notre Rédemption : le Christ étant d'une part Fils de l'Homme parfait ne pouvant pécher avec coulpe, et d'autre part Fils de Dieu anéantissant radicalement le péché, le rendant plus blanc que neige alors même qu'il serait plus rouge que l'écarlate, si le Christ a été fait péché, alors Il n'a pu l'être que pour anéantir complètement le péché, c'est-à-dire pour notre salut.
Or, c'est ce même oxymore spirituel très-puissant que son Épouse-Église a à vivre de nos jours : de la même manière que le Christ il y a 2 000 ans, l'Église à la fin de ses jours militants, ceux que nous vivons, doit être, elle aussi et pareillement, "faite péché pour notre salut", et cela commence à la Renaissance.
Mais la suite de votre réflexion, Monseigneur, montre que les exemples choisis par vous pour illustrer ce qui serait une bonne adaptation de l'Église à la "corruption" s'initiant à la Renaissance, à savoir le Molinisme et le Concordat de 1801, ne sont pas valables, puisque vous dites que ces hommes et ces femmes qui se sont ainsi "adaptés"… ne sont cependant pas à suivre : "Que personne donc qui veut sauver son âme ne suive ni ces prélats ni leurs successeurs", dites-vous… Il y a là une contradiction. Vous ne pouvez pas dire à la fois que ces hommes et ces femmes ont fait une "bonne adaptation", si d’un autre côté, cette dite adaptation "n'est pas à suivre", car elle mène à la damnation. On note la même contradiction dans ces autres propos, lorsque vous dites, d'une part, que, par cesdites adaptations à la dégénérescence de l'homme depuis la Renaissance, et vous citez le Molinisme et le Concordat de 1801, "l’Église empêcha que ne fussent minés les principes qui devaient absolument rester saufs", et d'autre part, "néanmoins les deux compromis permirent une certaine humanisation de l’Église divine, et les deux contribuèrent à la sécularisation lente de la chrétienté". Si ces deux adaptations ne minent pas les principes, il y a contradiction sur le fond de dire qu'elles puissent cependant être humanisantes et sécularisantes, c'est-à-dire en fait attaquer... les principes "qui devaient absolument rester saufs".
C’est parce que cette adaptation ecclésiale moderne que vous voulez voir bonne, ne l’est pas. Car si elle l’était, il n’y aurait aucune raison de ne pas suivre ces hommes et ces femmes ainsi "adaptés". Et, comprenons bien les choses : adaptés en suivant les directives des papes modernes, donc en suivant l’Église elle-même. Par exemple, en suivant le Ralliement de Léon XIII, quant à la chose politique constitutionnelle. Si le Ralliement léontreizien était une adaptation ecclésiale à la dégénérescence de l’homme que vous voulez voir "bonne" (le Ralliement n’est en effet qu’une réactivation musclée de la pratique concordataire pontificale avec des États post-révolutionnaires constitutionnellement athées, initiée par le Concordat de 1801 que vous prenez comme exemple d'une bonne adaptation), alors, les hommes et les femmes qui la pratiquent, obéissant au pape, ne pourraient pas produire d’abord un "désastre en puissance" dans l’Église, comme vous dites, avant, hélas, de produire un désastre magistériel concret, bien réel, et non plus seulement virtuel, à Vatican II, lorsque ces hommes avec "une forte dose de libéralisme radioactif dans le sang" ont accédé aux postes d’autorité dans l’Église...
Nous sommes donc obligés de prendre acte, Monseigneur Williamson, que cette adaptation ecclésiale moderne adoptée par les papes post-révolutionnaires, et, vous l’avez compris, j’entends parler de ceux d’avant Vatican II, n’est pas bonne.
Pourquoi ne l’est-elle pas ? Pourquoi, par exemple, le concordat de 1801 est-il une mauvaise adaptation de l’Église aux temps modernes spirituellement dégénérés et crucifiés (je ne m’occuperai pas ici de la question moliniste, que je connais peu) ?
Pour répondre à la question, il faut passer par une bonne définition de ce qu'est le concordat, la chose et le mot. "En style ecclésiastique, on appelle concordat une convention relative aux intérêts spirituels d’ordre public, conclue entre le souverain Pontife, d’une part ; de l’autre, avec une nation catholique, représentée par ses chefs spirituels ou temporels. Cette convention prend, le plus souvent, la forme d’un traité international" (Le concordat – Étude théologique, historique et canonique, G. Desjardins, p. 1).
Mais… à qui appartiennent de droit les intérêts et biens spirituels d’ordre public de toute une nation ? Sans aucun doute, à l’Église catholique SEULE, que représente le pape, et nullement à la nation concernée. J’entends évidemment la chose sous l’angle de l’Idéal très-chrétien supérieur et parfait, que le pape Boniface VIII avait si bien exprimé dans sa célèbre Bulle Unam Sanctam (18 novembre 1302), soumettant de droit tout pouvoir sur cette terre, à commencer par celui sociopolitique, au pouvoir pontifical des clefs, et qui n’aurait jamais dû être abandonné.
Le pape Pie IX lui-même saura bien le rappeler, en plein XIXème siècle, dans le cadre conflictuel où les puissances politiques issues de la Révolution déchiraient à qui mieux mieux les concordats passés avec l’Église, c'était devenu un sport inter-nations : "Dans les concordats, l’Église ne cherche pas à s’emparer des droits des autres, mais elle donne de ce qui lui appartient (Lettre de Pie IX à M. de Bonald, 19 juin 1871). Voici comment un auteur du XIXème siècle commentait l’affirmation pontificale : "Un concordat n’est, en effet, qu’une dérogation partielle au droit commun et public de l’Église. Antérieurement au traité, la société chrétienne existe avec toutes ses lois, même positives, auxquelles sont assujettis les fidèles de la nation qui traite avec le Saint-Siège, comme ceux des autres contrées. Survient le concordat. Quelle est la situation faite aux fidèles de cette nation en vertu de la convention nouvelle ? Celle d’un peuple qui continue à vivre sous le régime du droit commun, sauf les points expressément modifiés par le concordat" (ibid., G. Desjardins, p. 3).
Donc, selon l’Idéal très-chrétien, lorsqu’il s’agit de régler l’us et le fruit des biens spirituels publics de toute une nation, lesquels comprennent, soit dit en passant, "les biens temporels qui par leur connexion avec les biens spirituels participent à leur nature" (ce qui veut dire très-concrètement que la mense ecclésiastique ne doit jamais être considérée comme un salaire donné par l’État, mais comme un dû de l’État à l’Église…), il n’y aurait jamais dû y avoir que des Indults, ou des Privilèges, c’est-à-dire que l’acteur juridique de la convention aurait été le pape seul, au nom de l’Église. C’est le pape qui donne, accorde, des biens spirituels d’ordre public inhérents à une nation particulière, et il le fait selon son gré.
La forme concordataire adoptée à la Renaissance (avant, il n’y avait aucun concordat, justement parce que l’homme n’était pas spirituellement dégénéré), est donc en soi déjà une "adaptation avancée" à la dégénérescence spirituelle de l’homme, car cette forme juridique présuppose la parfaite parité de droit entre toutes et chacune des partis co-contractantes. Tout concordat est en effet un acte synallagmatique qui présuppose juridiquement cette dite parité. Cependant, on vient de le voir, en soi, le fond des concordats est et ne peut être qu’un Privilège, qu’un Indult, puisque la matière des concordats porte essentiellement sur des biens spirituels d'ordre public afférents à une nation dont le pape est seul "propriétaire en pleine-propriété" (sans pouvoir, de par la Constitution divine de l’Église, les céder d’aucune manière ; il peut simplement en régler l’usage, l’us et le fruit, et c’est précisément là le seul objet des concordats).
Il n’en reste pas moins que le pape, dans sa haute sagesse inspirée du Saint-Esprit, a cru devoir épouser la forme moderne des contrats, à cause des princes chrétiens qui n’admettent plus, depuis le roy de France Philippe-le-Bel (qui était spirituellement très-vilain, il aurait mieux mérité de s'appeler Philippe-le-Vil), de traiter avec le pape qu’à parité juridique, pour régler cet us et ce fruit. En fait, c’est une condescendance miséricordieuse du Christ qui accepte de passer, par l’organe de son vicaire, le pape, par-dessus une forme indue, et même fort injurieuse envers Son titre et sa fonction de Roy universel, pour éviter un mal plus grand, qui serait le schisme des princes chrétiens devenus machiavéliques et césaristes, mais cependant sans préjudice aucun quant au fond, sans aucun reniement sur la doctrine ni le principe.
Mais, Monseigneur Williamson, et c’est ce que vous n’avez pas saisi, cette nouvelle forme de relation entre l’Église et chacune des nations, cette "adaptation" concordataire aux nouvelles mœurs dégénérées de l’homme depuis la Renaissance, reste bonne, légitime, et il n’y a aucun reniement sur la doctrine et le principe, TANT QUE LE CONTRACTANT CONCORDATAIRE CIVIL EST CONSTITUTIONNELLEMENT CATHOLIQUE. C’est déjà énorme de voir le fils de la maison se mettre orgueilleusement à rang d'égalité avec le Père de famille, comme la structure juridique concordataire l'enregistre, alors, l’Église ne saurait aller plus loin sans attaquer les principes sacrés sur lesquels repose sa divine fondation et constitution.
Vous l’avez compris : cela crée un abîme infranchissable entre les concordats passés dans l’Ancien-Régime d’avec ceux passés après "la Révolution satanique" (Joseph de Maistre). Comme entre le bien et le mal. Comme entre une adaptation orthodoxe et une adaptation hétérodoxe. Car les concordats d’après la Révolution sont TOUS passés, suivant l’archétypal concordat napoléonien, avec des contractants civils constitutionnellement non-catholiques, comme étant basés sur les tristement célèbres "droits de l’homme" révolutionnaires.
La raison pour laquelle il est théologiquement formellement interdit à un pape de passer concordat avec un État constitutionnellement athée, parce qu'en le faisant il attaque par-là même ipso-facto le Principe sur lequel est divinement fondée l'Église, est fort simple : cela répute ipso-facto, par le seul fait de la signature pontificale concordataire, et sans qu’il soit besoin d’aucune autre déclaration de la part du pape, validité audit État athée. Or bien sûr, il est théologiquement hérétique de reconnaître ou réputer la validité à un État constitutionnellement athée… comme le sont toutes les démocraties actuelles issues de la Révolution française, filles maudites de leur maudite mère. La structure juridique concordataire, traité diplomatique solennel, synallagmatique, présuppose en effet formellement la validité de toutes et chacune des parties co-contractantes ; accepter un partenaire concordataire, c’est donc lui reconnaître et réputer ipso-facto la validité. Cet argument juridique est suffisant, soit dit en passant, pour réduire à rien la prétendue justification des concordataires pour excuser le pape qui, soit disant, ne se prononcerait en rien sur la validité des gouvernements constitutionnellement athées issues de la Révolution avec lesquels il signe concordat, il ne ferait soi-disant que reconnaître en eux… "un pouvoir politique de fait" ! Or, outre l’absurdité métaphysique d’un tel argument (… un "fait" ne peut pas exister tout seul sur cette terre sans le "droit" qui le fonde dans l’existence, ledit "droit", en matière politique constitutionnelle, s’appelant justement : "validité"), la structure juridique de tout concordat en montre l’inanité et le mensonge absolus, tout simplement parce que juridiquement, je le répète, tout concordat présuppose formellement la validité de tous et chacun des co-contractants concordataires.
Pourquoi n’est-il pas catholique, mais bien au contraire formellement hérétique, et même antéchristique, de signer un concordat avec un État constitutionnellement athée ? Ce qui signifie que le pape ne pouvait s’y autoriser d'aucune manière, sans attenter lui-même à la Constitution divine de l’Église, en la frappant à mort au cœur même ?
Tout simplement, par la raison théologique fondamentale, qu’un État, un gouvernement, qui, depuis la Révélation, ne base pas sa vie politique sur le Christ, ou, à tout le moins, sur le Dieu trois fois saint (et non pas sur un vague Grand-Architecte de l'univers), est frappé ipso-facto d’inexistence métaphysique, métapolitique, et donc d’invalidité formelle. Exactement de la même manière que la famille d’un homme et d’une femme vivant en concubinage est considérée comme inexistante devant l’Église, quant à leur vie conjugale (et familiale quand des enfants naissent de leur union libre), quand bien même il n’y a aucune différence quant à la vie conjugale, parentale et familiale, entre un foyer illégitime et un foyer légitime, sur le plan humain et animal. De la même manière, depuis la Révélation, un État constitutionnellement athée vit animalement, et en outre d’une mauvaise vie animale, et donc sa vie animale (car tout homme est un animal social), n’est nullement et ne doit jamais être prise en compte par l’Église, c’est-à-dire la Société du salut, ce salut passant obligatoirement et exclusivement par le Christ.
Or, ... ô prodigieux, ô inouï mystère d’iniquité !!, les papes ont tout simplement "oublié" cela, depuis le concordat napoléonien, qui est pourtant basique, fondamental...
Ainsi donc, Pie VII commettait là une adaptation hétérodoxe lorsqu’il a fait copuler (pardon) l’Église avec les États modernes post-révolutionnaires constitutionnellement athées. Et, on ne le sait que trop, une fois le mauvais branle donné, il ne fut jamais remis en question par Rome, même par les plus saints papes, tels Pie IX ou Pie X...
Pie VII, par cette signature concordataire napoléonienne plus qu’ecclésiastique, commettait une "adaptation" de l’Église au monde aussi hétérodoxe que lorsque Paul VI, un siècle et demi plus tard, signa le décret sur la Liberté religieuse à Vatican II, voire même bien pire, car le décret conciliaire de la Liberté religieuse n’est rien d’autre qu’une ultime subséquence de cette pratique concordataire pontificale avec des États constitutionnellement athées qui, bien sûr, professent et pratiquent, quant à eux le plus logiquement du monde, la… Liberté religieuse. Et la font donc pratiquer bon gré mal gré à l’Église et aux fidèles dans leurs mœurs publiques, dès lors qu’ils sont acceptés comme partenaires concordataires.
Rappelons-nous que dès 1801, Portalis, le ministre des Cultes de Napoléon, remarquons bien le pluriel, au demeurant franc-maçon très-distingué, mettait à égalité parfaite devant la loi française, toutes les religions… C’était évidemment commencer à corrompre les Mœurs des catholiques, auxquels sont inhérentes les choses de la politique constitutionnelle, et cela finira par corrompre leur Foi, un siècle et demi plus tard, à Vatican II. Tant il est vrai que si je ne vis pas comme je pense (ma Foi catholique condamne la Liberté religieuse), je vais finir par être obligé de penser comme je vis (je pratique la Liberté religieuse dans les Mœurs, au niveau sociopolitique, depuis 1801, donc, si je ne reviens pas là-dessus, je suis forcé de la mettre en droit dans la Foi, ce qui sera fait à Vatican II). La Liberté religieuse de Vatican II n’est donc rien d’autre que le terminus ultime logique de la pratique concordataire pontificale de 1801 avec des États constitutionnellement athées qui, quant à eux, pratiquent tout naturellement la Liberté religieuse... Pour résumer la question par une formule synthétique : la signature pontificale concordataire de 1801 adaptait les Mœurs catholiques à la nouvelle situation de dégénérescence de l’homme issue de la Renaissance, quand la signature pontificale conciliaire de 1965 y adaptait la Foi catholique, la première étant l’initiale faute, grosse, en son sein maudit, de la seconde. Or, toutes les deux le faisaient dans l’hétérodoxie attentatoire à la Constitution divine dont le Christ a dotée son Épouse très-sainte, l’Église.
Et il ne sert de rien d’aller chercher saint Paul, dans son Épître aux Romains, le célèbre et redoutable ch. XIII, pour mettre en avant que "tout pouvoir vient de Dieu", prenant prétexte de cette très-fausse interprétation ecclésiastique de saint Paul sur la chose politique constitutionnelle, pour oser soutenir que même les pouvoirs politiques constitutionnellement athées sont à prendre en considération par les catholiques, ce qui donc légitimerait la pratique concordataire pontificale après la Révolution avec iceux-là. Car, contrairement à ce que nous ont chanté scandaleusement et très-hérétiquement après la Révolution les scolastiques sur tous les tons non-grégoriens qu'ils ont pu trouver (hélas en ce compris les papes modernes, je veux dire, Monseigneur, ceux post-concordataires, avant Vatican II… et même les plus saints tels Pie IX ou Pie X), saint Paul professe EXACTEMENT LE CONTRAIRE dans Rom XIII.
L’Apôtre des nations professe et enseigne en effet que le devoir d’obéissance dû par les chrétiens aux "puissances", comme il dit à propos des pouvoirs politiques (et par ce devoir, il entend signifier que lesdites puissances sont valides), ne doit être rendu qu’envers celles qui sont constitutionnellement ordonnées au bien commun, ce qui sous-entend formellement, depuis la Révélation, une allégeance constitutionnelle explicite au Christ ou à tout le moins au Dieu trois fois saint comme principe et base de la puissance politique. Or, justement, toutes les démocraties modernes commencent par poser comme tout premier principe de base de ce qu’elles sont et veulent être formellement, le refus de Dieu et plus encore de son Christ comme source et fondement de leur pouvoir politique, en prenant comme base les fameux "droits de l’homme", véritable machine de guerre pour expurger, exclure Dieu et son Christ radicalement de la sphère sociopolitique des hommes. C’est bien sûr dire que, n'étant pas valides, elles ne sont donc pas concernées par le devoir d’obéissance dont parle saint Paul, dans Rom XIII.
... À quoi aboutit mon propos, Monseigneur Williamson ?
Tout simplement à la vérité entière des choses ecclésiales et de la situation des âmes dans le temps moderne qui est temps de la Fin eschatologique des fins, car seule la vérité intégrale délivre surnaturellement, pas la vérité diminuée, haïe, exécrée, à combien juste titre !, par le Saint-Esprit inspirant les prophètes de Yahweh.
Un simple exemple de vérité diminuée exécrée par le Saint-Esprit, Monseigneur : le fait de voir la situation actuelle comme une répétition générale de la fin des temps, et non pas la fin des temps elle-même, comme vous avez l’air de le soutenir en début de vos lignes : "La vérité, c’est que le Saint [Vincent Ferrier] pressentait correctement que la décadence de la fin du Moyen Age impliquait la corruption explicite et quasi-totale de notre propre époque, répétition générale de la corruption totale de la fin du monde".
Que voilà, Monseigneur, une belle vérité diminuée ! Cette palinodie malicieuse pour refuser d’embrasser la réalité apocalyptique de la fin des temps que manifeste formellement notre époque, inventée par l’abbé Schmidberger en 1977, n’a en effet aucune assise prophétique scripturaire : nulle part, dans la sainte-Écriture, il n’est question qu’il y aurait une répétition générale de la fin des temps avant la fin des temps elle-même... Ce qui signifie très-clairement ceci : ou bien les signes eschatologiques sont présents dans notre époque, et donc celle-ci est l'époque de la fin des temps, ou bien ils n'y sont pas présents, et donc notre époque n'est pas celle de la fin des temps. Or, pour en rester à ce signe eschatologique-là, si l’on dénie que notre époque voit la présence du signe de l’abomination de la désolation dans le Lieu-Saint, alors, ce signe ne pourra plus jamais s’actualiser après notre époque, car il est présentement manifesté à son summum indépassable par notre crise de l’Église, très-singulièrement sous le pontificat du pape François. Ce qu'il manifeste n'est pas "quasi-total" comme vous le dites mensongèrement, mais "total", on ne peut aller plus loin quant à la manifestation de ce signe eschatologique. Que si l’on dit que ce signe eschatologique est actualisé totalement, comme c’est vraiment le cas en effet à l'heure de la Pachamama rituellement et liturgiquement accepté par le pape légitime, alors il ne saurait signifier pour l’âme des fidèles que la fin des temps, et non une répétition générale de la fin des temps, palinodie hypocrite de fuite lâche et honteuse, telle celle des onze Apôtres sur douze fuyant la Passion du Christ, par laquelle on refuse de prendre acte que notre crise de l’Église est d’ordre essentiellement apocalyptique, eschatologique, et donc la "der des der", et non point du tout historiciste, intégrée à l'Histoire "qui en a vu bien d'autres".
Cette vérité intégrale, disais-je, dans laquelle tout catholique vrai et véritable doit vouloir vivre et mourir pour son salut, me montre donc que la fracture hétérodoxe, la cassure dans l’Église, ne date pas du tout de Vatican II mais du Concordat napoléonien. C’est en effet dès 1801 que l’on peut discerner dans l’Église une "adaptation" hétérodoxe par les Mœurs à la dégénérescence spirituelle de l’homme qui commence à la Renaissance (effet de sa crucifixion), et non pas à Vatican II, qui n’en est que le terminus ultime par la subversion de la Foi ne faisant que SUIVRE celle des Mœurs. Vous voyez certes très-bien que Vatican II est une ultime conséquence de la dégénérescence de la Foi qui commence à la Renaissance, mais vous ne voyez pas, Monseigneur, que cette ultime adaptation hétérodoxe n'est elle-même qu'une subséquence de l'adaptation hétérodoxe du Concordat de 1801. Le fameux mais obscurantiste clivage inventé par les tradis, avant Vatican II/après Vatican II, Église anti-libérale/Église libérale, est totalement illusoire, artificiel, trompeur. Mgr Lefebvre ne semble pas avoir pu, ou su, ou voulu, et probablement les trois à la fois, aller plus loin dans sa compréhension des assises profondes de "la crise de l’Église", il en est resté là, à ce clivage artificiel, dans son combat pour garder la Foi dans la crise actuelle de l’Église, et vous aussi ses fils spirituels.
La vérité intégrale des choses ecclésiales et de la situation des âmes dans le temps moderne qui est celui de la fin des temps, c’est donc que non seulement l’Église-Épouse du Christ est soumise par la Providence divine à la Passion, étant invinciblement recouverte d’un manteau de péché d’une manière totalement indépendante de sa volonté, mais qu’en plus, elle y participe activement elle-même, c’est-à-dire qu’elle commet des actes par lesquels elle se crucifie elle-même, elle s’auto-crucifie, elle fait hara-kiri de ses propres mains.
Terrible révélation, en vérité. Mais qui ne change rien au fond du débat. Si l’Église, au lieu de subir l’économie de la crucifixion voulue pour elle par la Providence divine depuis la Renaissance, y participe activement, par un aveuglement lié à "la puissance des ténèbres" à laquelle elle est désormais soumise, elle reste toujours pure de toute coulpe, qu’elle subisse seulement ou qu’elle participe elle-même à la matière du péché du monde. Car même si, comme nous venons de le voir, elle participe à une adaptation hétérodoxe à la "corruption" de l’homme par le Concordat de 1801 puis par Vatican II, elle le fait sans coulpe aucune, toujours en restant sainte, parfaitement sainte.
Illustrons la question par le concordat. Quand l’Église passe concordat avec un État constitutionnellement ordonné au bien commun, comme elle le fait avec des puissances d’Ancien-Régime qui le sont toutes, elle pratique là une adaptation orthodoxe à la "corruption" de l’homme issue de la Renaissance, puisque, on l’a vu, l’Église, en droit strict, ne devrait traiter avec les puissances politiques qu’en terme de Privilège, Indult, et nullement à parité juridique. Et lorsque l’Église passe concordat avec un État non-constitutionnellement ordonné au bien commun, comme elle le fait avec Napoléon, et, par après, avec toutes les puissances politiques démocratiques modernes post-révolutionnaires, elle pratique là une adaptation hétérodoxe.
Cependant, dans les deux cas, elle ne pèche aucunement, je veux dire avec coulpe. Parce que, et c’est la majeure du syllogisme révélé par la Foi : ELLE EST SAINTE. Dieu nous l’a appris, et en aucune situation, et en aucun temps, l’Église ne saurait être entachée d’aucune espèce de coulpe, la plus minime soit-elle (il serait facile de montrer, par exemple, que le pape Pie VII n'avait en vue que le bien supérieur de l'Église, lorsqu'il signa in Persona Ecclesiae le concordat napoléonien, c'est dans l'inadvertance totale qui fait le péché matériel sans coulpe, qu'il concordatisa avec des sociétés politiques constitutionnellement athées).
Mais ce que je viens d’exposer, Monseigneur Williamson, nous fait comprendre une fort grande chose : à savoir que la sainte-crucifixion de l’Église va beaucoup plus loin qu’on ne pouvait le penser, avant que les temps, qui sont Parole obvie du Saint-Esprit, ne se déroulassent sous nos yeux consternés, éberlués, médusés, de catholiques, et de catholiques qui veulent le rester. Avant que ces temps ultimes qui sont nôtres arrivent, on pouvait, effectivement, imaginer le combat de la fin des temps avec une Église doctrinalement "toute blanche", "anti-moderne", "anti-libérale", pour employer la terminologie réactionnaire de Mgr Lefebvre, luttant dans la crise finale comme un grand et glorieux vaisseau à la proue duquel se trouve un fier et valeureux capitaine, le pape, dirigeant celui-ci à travers les récifs, les hurlements et les furieuses sautes de grand’vent, sans jamais virer de bord sur l’écueil mortel, le rocher dur comme l'enfer qui affleure l'eau. Mais cette célèbre vision, qu’eut saint Jean Bosco, s’est avérée, à l’épreuve de la réalité des faits ecclésiaux de la fin des temps… très, très romantique !, complètement surréaliste !! La vérité est beaucoup moins glorieuse, certes plus humiliante : c’est l’Église elle-même qui, par son capitaine le pape, saborde le navire-amiral à grands coups de hache-double… sans cependant que soit remise en cause le moins du monde, la note de Sainteté de l’Église, ô mysterium iniquitatis !
Parler d’une église "anti-moderne", "anti-libérale", à laquelle voulait se raccrocher Mgr Lefebvre, peu éclairé et inspiré de ce côté-là, n’a donc aucun sens. Il n’y a pas, en notre fin des temps, une Église doctrinalement "toute blanche" et, en contre-jour, une Église moderne "pécheresse", qui ne peut l'être, par opposition à l'Église "toute blanche", qu'avec coulpe (ce clivage traditionaliste surréaliste contient en effet en germe le sédévacantisme : si on oppose une église doctrinalement "toute blanche" à une église qui a doctrinalement péché, sous-entendus avec coulpe, alors évidemment cette dernière ne saurait plus être l’Église puisque l'Église est sainte...). Il n’y a qu’une seule et même Église avant et après le Concordat, avant et après Vatican II, une Église qui, dans toutes ses diverses mouvances tradis ou modernes, est recouverte d’un manteau de péché, c'est-à-dire sans coulpe aucune, manteau d'ignominie que l’homme a endossé depuis la Renaissance et que LES PAPES ont à leur tour mis sur les épaules de l’Église, depuis le concordat napoléonien et bien sûr, surtout depuis Vatican II.
Que vous dire de plus ?
Je prendrai un autre exemple d’"adaptation" hétérodoxe à la dégénérescence de l’homme depuis la Renaissance. Il eût lieu un peu avant la Révolution, en 1773, et d’ailleurs la précipita terriblement, je veux parler de la suppression des Jésuites (rien à voir avec les jésuites modernes, et surtout pas avec celui qui est assis présentement sur le Siège de Pierre, qui sont les meilleurs fers de lance de la subversion ecclésiale ; ceux d'Ancien-Régime étaient au contraire les meilleurs défenseurs du Principe catholique et du Saint-Siège). Saint Alphonse de Liguori, quand il apprit que le pape Clément XIV s’était résolu à signer le décret de suppression des Jésuites, après un combat long et terrible entre la papauté et les gouvernements bourboniens menés par le diabolique et franc-maçon marquis de Pombal, ministre portugais, en fut extrêmement choqué (trois ou quatre papes avaient refusé cette suppression des Jésuites avant Clément XIV, et la situation, moralement, est tout-à-fait comparable aux néo-modernistes qui faisaient le siège des papes pour faire passer leurs doctrines sous Benoît XV, Pie XI, surtout Pie XII, pour finir par faire lâcher les papes à partir de Jean XXIII). Saint Alphonse de Liguori n’aurait jamais cru cela possible, tellement la suppression des Jésuites allait directement, à cette époque, contre le bien commun spirituel supérieur de l’Église et des âmes, pas plus que nous ne pouvons nous expliquer humainement, nous autres, la signature du Concordat napoléonien ni celle de la Liberté religieuse. Il ne cessait de s’écrier, avec de grands soupirs, les jours suivants où il apprit la nouvelle : "Volonté de Dieu !, volonté de Dieu !", comme quelqu’un qui, frappé brutalement par le coup de foudre d'un évènement négatif soudain, ne comprend plus rien de rien des voies de la Providence, mais veut cependant y être soumis puisque c’était le Vicaire du Christ qui donnait cette nouvelle direction (il est connu par ailleurs que saint Alphonse assista en bilocation miraculeuse le malheureux pape Clément XIV à l’article de la mort, en proie à de terribles tourments moraux dûs à cette suppression)…
Un autre exemple d’adaptation hétérodoxe tout ce qu’il y a de plus préjudiciable à l’Église : la suppression des États pontificaux. Pie IX ne voulut jamais l’entériner ; elle le fut cependant par Pie XI, avec les Accords de Latran, en 1929…
Je terminerai en commentant quelque peu les passages de votre article qui sont manifestement faux, quant au concordat napoléonien.
Vous osez écrire que "le Molinisme comme le Concordat furent des compromis avec le monde de leur temps, mais les deux rendirent possible le salut de beaucoup d’âmes, et l’Église empêcha que ne fussent minés les principes qui devaient absolument rester saufs, à savoir Dieu comme Acte Pur et le Christ comme Roi de la Société respectivement". Juste avant, vous dites : "Le Concordat de 1801, rendu nécessaire par l'État Révolutionnaire pour permettre à l'Église en France de fonctionner en public".
Le concordat ? Un compromis qui rendit possible le salut de beaucoup d’âmes ? Parce que l’Église empêcha que fut miné le principe du Christ comme Roi de la Société ? En particulier, comment osez-vous soutenir qu’un péché institutionnalisé, comme l’est toute puissance politique constitutionnellement athée, puisse créer une nécessité théologique pour l’Église ? Depuis quand la situation conjugale illégitime de concubins crée-t-elle une nécessité pour l’Église de reconnaître leur coupable union telle quelle, sous prétexte qu’elle existe de fait ? Avez-vous bien réfléchi la question, Monseigneur, avant d’écrire ces lignes abominables ?
Or, le vrai, c’est que la Foi ne fut rendue aux fidèles de la post-Révolution partout dans le monde et pas seulement en France (car le concordat napoléonien est matrice archétypale de tous les concordats qui seront ultérieurement passés dans le monde entier, au début surtout dans l'Europe, avec les États bouleversés par la Révolution et l’épopée napoléonienne, pendant tout le XIXème siècle), qu’en y mêlant inextricablement le poison hérétique mortel d’avoir désormais à considérer comme valide une puissance politique constitutionnellement athée, qui professe et pratique au for public la Liberté religieuse hétérodoxe (quoiqu’on se soit récrié à grands cris d'orfraie, dans les sacristies et en chaire, mais le plus malhonnêtement et mensongèrement du monde, le plus stupidement aussi, de se prononcer sur la validité desdits nouveaux gouvernements prenant pour base du pouvoir politique, le dieu du monde, Satan). C’était donc redonner la Foi aux fidèles avec en même temps une hérésie inextricablement mêlée qui, tôt ou tard, ne pouvait que faire mourir ladite Foi dans les cœurs des fidèles, ce qui est arrivé à Vatican II par le décret de la Liberté religieuse. Est-ce cette prostitution du Bien avec le mal qui rendit "possible le salut de beaucoup d'âmes" ? De plus, par le concordat napoléonien, c’était César qui donnait la Liberté religieuse à l'Église de France, plus Dieu. Et, en outre, un César CONTRE Dieu (la charte des droits de l’homme étant en effet une machine de guerre contre Dieu) qui, en même temps qu’il la donnait à la Religion véritable, celle catholique, la donnait aussi et à parfaite parité, aux autres fausses grandes religions en France.
Non seulement donc le Concordat napoléonien obligeait à considérer que les États constitutionnellement athées sont valides, mais en outre, il prétendait faire recevoir la liberté publique de Religion par lesdits États, c’est-à-dire par l’homme ! Inversion satanique bien significative. Tout ce mauvais branle donné en direction de l'enfer, de la damnation des âmes et de la transformation de l'Église et de la société en la Prostituée de Babylone, ne pouvait donc pas, faut-il avoir à le dire, oui pour vous semble-t-il Monseigneur Williamson, être fait "pour rendre possible le salut de beaucoup d'âmes". Étonnez-vous, après cela, que même les plus saintes âmes furent trompées en prenant le don de la Liberté de Religion en France, non plus de la main de Dieu mais de celle de l'homme, de César ! En voici un exemple frappant : le pieux, l’édifiant biographe de saint Vincent Ferrier au XIXe siècle, le R.P. Fages, relate une anecdote du temps de la Révolution, une sordide effigie sans-culotte qui, au fronton d’une porte de Vannes, avait été mise par les révolutionnaires en lieu et place de la belle statue du saint… mais voyez plutôt comment il termine l’épisode : "Ce mannequin disparut en 1802, dès que le concordat eût accordé aux catholiques la Liberté religieuse" (saint Vincent Ferrier, R.P. Fages, p. 187) ! Voyez comme dans l’esprit de l’auteur, pourtant fort catholique, ce n’est déjà plus Dieu qui accorde la Liberté religieuse, mais un traité humain… La glissade infernale est commencée. Par ailleurs, l'État napoléonien accordait la Liberté religieuse à toutes les religions, la vraie mélangée aux fausses, mais pas la Liberté de la Religion à la seule Religion véritable, celle catholique...
La situation nouvelle faite au mariage par le Concordat illustre terriblement bien, aussi, cette glissade infernale vers l'enfer en passant par le règne de l'Antéchrist-personne, que constitue la pratique concordataire ecclésiale avec des États constitutionnellement athées. Avant la Révolution, ce qui réputait le lien du mariage, c’était Dieu, c’était l’Église ; après le concordat napoléonien et le Code civil qui le suivit rapidement, ce qui répute la validité dudit lien, c’est la mairie, c’est César. Car la loi oblige tout curé, sous peine de sanctions graves, à célébrer le mariage religieux APRÈS que celui civil soit fait. C’est donc César qui marie et non plus Jésus-Christ… qui est le Restaurateur pourtant de l’institution du mariage dans les temps nouveaux de la Révélation ! Comment voulez-vous, Monseigneur, que Jésus-Christ bénisse les mariages concordataires et post avec autant de grâces de salut pour les parents et les enfants à naître, qu’Il en donnait généreusement lorsqu’on Le mettait, avant la Révolution, à la première place, qu’Il a de droit ?!?
Il n’est donc pas possible d’écrire que le concordat "rendit possible le salut de beaucoup d’âmes", c’est tout le contraire qui est vrai, ce traité de prostitution poussa universellement toutes les âmes vers l'enfer, car la vérité, c’est que le pape, c’est que l’Église, loin "d'empêcher que ne fut miné le principe qui devait rester sauf, à savoir le Christ comme Roi de la Société", mina au contraire radicalement ce principe par le seul fait de reconnaître la validité, ce que signifie juridiquement toute signature concordataire, à des puissances politiques constitutionnellement athées. À qui donc, Monseigneur Williamson, pouvez-vous faire accroire que le Christ est toujours bien le Roi de la société, lorsque celle-ci est constitutionnellement... athée ?!! C’était donc, en même temps que de redonner une certaine liberté de culte extérieur (bridée le plus possible par le pouvoir napoléonien), la mêler avec le poison mortel de la Liberté religieuse professée et pratiquée par la puissance constitutionnellement athée qu’on reconnaissait valide par le Concordat (ce qui est attenter directement au principe du Christ, Roi de la Société), lequel poison produira son fruit de mort un siècle et demi plus tard à Vatican II par la Liberté religieuse. Jusqu’à ce que mort mystique de l’Église s’ensuive, ce qui aura lieu dans le règne maudit de l’Antéchrist-personne, qui ne saurait certainement plus tarder à présent, le pape François mettant les bouchées doubles voire triples quand il peut le faire, pour y arriver plus vite.
Pour autant de cette profonde erreur d’appréciation quant au Concordat de 1801, vous avez un passage inspiré, j’ai fort goûté votre dernier §, surtout la dernière phrase : "Que personne donc qui veut sauver son âme ne suive ni ces prélats ni leurs successeurs ["adaptés"], mais en même temps que personne n'oublie que ceux-ci, étant convaincus qu'ils sont des gens normaux par rapport à notre monde en délire, ne sont plus [sans doute mis pour : pas autant] coupables de la destruction de l'Église du Christ comme l'auraient été leurs prédécesseurs nés dans des temps vraiment plus normaux. Bénies les âmes catholiques qui savent abhorrer leurs erreurs sans cesser d'honorer leur office".
J'admire beaucoup cette formulation du problème moral que pose la situation ecclésiale moderne. Elle condamne tout sédévacantisme orgueilleux, sectaire, obscurantiste et rebelle, et il ne fallait certes pas en attendre moins de vous, Monseigneur, puisque vous professez dans un autre de vos écrits la règle prochaine catholique de la Légitimité pontificale pourfendeuse de tout sédévacantisme, ainsi : "Je considère que Benoît XVI est un Pape valide parce qu'il a été validement élu Évêque de Rome par les prêtres des paroisses romaines, c'est-à-dire les Cardinaux, au conclave de 2005, et même si par quelque défaut caché l'élection en elle-même n'était pas valide, elle aura été convalidée, comme l'enseigne l'Église, par le fait que l'Église universelle a accepté Benoît XVI comme Pape après l'élection. Envers cet élu en tant que tel je voudrais alors montrer tout le respect, la révérence et le soutien que les catholiques doivent au Vicaire du Christ" (30 avril 2011 ― cf. https://stmarcelinitiative.com/vraipapexa0x2013i/?lang=fr).
Comme vous dites fort bien, à propos du sédévacantisme, au début de votre article : "À propos, Notre Seigneur a-t-il mis en question l’autorité religieuse de Caïphe, ou l’autorité civile de Ponce Pilate ?" Effectivement, c'est bien vrai : non seulement la sainte Écriture n'enregistre aucun déni d'autorité du grand-pontificat de Caïphe, mais elle affirme formellement que son grand-pontificat était... valide, lorsque dans l'Évangile de saint Jean, elle nous dit que Caïphe était en possession du charisme prophétique attribué par Yahweh à tout grand-pontife... légitime : "Mais l'un d'eux, nommé Caïphe, qui était le grand prêtre de cette année-là, leur dit : «Vous n'y entendez rien, et vous ne réfléchissez pas qu'il vaut mieux pour vous qu'un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse point». Or, il ne dit pas cela de lui-même ; mais, étant grand-prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation" (Jn XI, 50-52). On a là l'affirmation scripturaire infaillible de la validité du grand-pontificat de Caïphe (cf. mon article au lien suivant : http://www.eglise-la-crise.fr/index.php/component/joomblog/post/caiphe-dernier-grand-pontife-juif-de-l-ancien-testament-etait-il-legitime-ou-bien-non?Itemid=483). Et de même, l'autorité civile de Ponce-Pilate est valide parce que le pouvoir romain qu'il représente est constitutionnellement ordonné au Bien commun, quoique seulement inchoativement dans ces temps politiquement immatures de l'Antiquité (sur la validité des pouvoirs politiques de l'Antiquité, cf. la seconde partie de mon article au lien suivant : http://www.eglise-la-crise.fr/index.php/component/joomblog/post/l-obeissance-et-le-respect-dus-aux-autorites-politiques-legitimes-sont-ils-dus-a-la-republique-francaise-actuelle-et-aux-depositaires-de-son-pouvoir?Itemid=483). Par contre, certes, nos pouvoirs politiques démocratiques post-révolutionnaires sont tous invalides, comme n'étant pas constitutionnellement ordonnés au bien commun, condition sine qua non pour la validité de tout pouvoir politique, selon l'enseignement de saint Paul dans Rom XIII.
Ce que vous dites dans votre phrase conclusive est parfaitement vrai. Puisque l’Église et les clercs, grands ou petits, vivent désormais dans l’économie propre de la Passion, qui inclut que "l’Église est faite péché pour notre salut", alors, effectivement, il ne faut pas les juger comme si l'Église était faite péché par une faute initiale de leur part. Surtout qu’en plus, la grande majorité n’en a pas conscience. Jugement louable, plein de miséricorde, inspiré par l'Esprit de Dieu. Votre dernière phrase, pourfendeuse de tout sédévacantisme orgueilleux, rebelle et obscurantiste, est remplie de sagesse : l’Église moderne est TOUJOURS l’Église, même et surtout lorsqu’elle vit la Passion de son Époux, c’est-à-dire lorsqu’elle est "faite péché pour notre salut".
Pour autant, et vous en serez sûrement d’accord Monseigneur, de nos jours il devient de plus en plus difficile de vivre la Foi vraie et intégrale sans choquer son contemporain qui ne la comprend plus, parce que, comme vous dites, il a trop dans son sang du "libéralisme radioactif", et sans se choquer soi-même (comme saint Alphonse de Liguori fut choqué d’avoir à subir une "adaptation" trop poussée de la Foi en son temps), par des adaptations concordataires et vaticandeuses qui feraient vaciller la Foi dans l’âme si nous ne nous réfugiions pas dans le Eli, Eli, lamma sabachtani ! qui inclut la vertu d'Espérance divine éternelle dans la désespérance vécue au temporel.
La prophétie de Jésus me semble en tous cas prendre de plus en plus de relief, dans notre situation abominable (ainsi prédite par la Reine des prophètes à La Salette : "L'Église aura une crise affreuse") : "Mais lorsque le Fils de l'homme viendra, pensez-vous qu'Il trouve la foi sur la terre ?" (Lc XVIII, 8). Jésus, qui est le Maître de doctrine, pose très-peu de questions dans l’Évangile, pour ne pas dire qu’il ne donne que des réponses aux hommes soucieux de faire leur salut. S’Il la pose, cette question-là, c’est donc VRAIMENT parce qu’elle se pose, aux temps de la fin des fins qui est le nôtre. Sans doute aussi, Il la pose, parce que la réponse est double et contradictoire : OUI, Jésus trouvera la Foi au for interne des âmes de bonne volonté, car "Je Me suis réservé dans Israël sept mille hommes qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal" (I Reg XIX, 18) ; NON, Il ne la trouvera plus du tout au for public des hommes.
... Et surtout pas, surtout pas, au for public des papes vivant cette fin des temps !! Il est au contraire plus que probable, François en effet, Dieu me pardonne, flèche en gras la direction à suivre en véritable Bison buté beaucoup plus qu'en Bison futé, que ce sont les derniers papes modernes qui amèneront l'Antéchrist-personne sur le Siège de Pierre, pour que se vérifient, et la Prophétie scripturaire de "l'agneau à la voix de dragon" (Apoc XIII, 11), et la prophétie salettine qui révèle la même chose : "Rome perdra la Foi et deviendra le siège de l'Antéchrist" (cf. mon article au lien suivant : http://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/AntechristDernierPapeLEGITIMEMisEnForme.pdf).
Puissions-nous, Monseigneur, vous et moi, et ceux qui liront ces lignes, être trouvés parmi ces âmes de bonne volonté, lorsque Jésus reviendra en gloire et puissance, pour juger les vivants et les morts.
En ces temps surnaturellement réjouissants de Noël et d'Épiphanie, il est bon, justement, de se remettre en mémoire que le Christ est né pour réjouir "les hommes de bonne volonté" (Lc II, 14), comme le diront les Anges du Ciel aux bergers dans la nuit lumineuse de la Noël... pour terminer mon propos par un oxymore salvateur.
Avec tout mon respect, Monseigneur Williamson.
En la fête de la Circoncision de Jésus
& de l'Octave de Noël,
ce 1er janvier 2021.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.