Où se situe l'acte de droit divin
qui fait certainement le pape actuel ?
Chez les cardinaux qui l'élisent
canoniquement dans le conclave ?
Ou chez les évêques de l'orbe catholique
qui approuvent a-posteriori l'élection des cardinaux ?
 
            
        Mon titre résume bien la question. Qu'on me permette cependant, pour commencer mon nouvel article, de la reformuler ainsi avec un peu plus de précision : qui sont les sujets habilités à poser l'acte de droit divin désignant en toute certitude à tous les fidèles un tel comme le Vicaire du Christ actuel, ledit acte obligeant tout catholique à la croyance de fide, à défaut de laquelle croyance le fidèle se mettrait ipso-facto lui-même hors de l'Église ?
           
        Je soulève ce lièvre, car la lecture de quelques articles faite ces jours derniers m'a montré que certains auteurs de la mouvance "ralliée" professent que lesdits sujets sont seulement et exclusivement les évêques de l'orbe catholique toute entière, au nom de l'universitas fidelium. Selon ces auteurs en effet, la reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de Pontife romain actuel sur un tel, encore dite pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, qui est de soi toujours un fait dogmatique doté de l'infaillibilité, ne serait actée que par toute l'orbe catholique universelle, c'est-à-dire par absolument tous les fidèles de l'Église catholique en corps, sans distinction de rang, dont cependant les chefs seuls, qui sont tous les évêques, seraient habilités à poser, en leurs noms à tous, l'acte de droit divin engageant la croyance de fide de tous les fidèles. Dans cette thèse, l'acte double des cardinaux élisant le pape dans leur majorité canonique des deux/tiers, adhæsio cardinalice au nouveau pape actuel pourtant toujours antécédente à l'adhæsio de l'universitas fidelium, à savoir l'élection conclavique proprement dite théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, puis, dans l'octave de cette dite élection, l'obédience cardinalice faite publiquement dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, cet acte cardinalice double disais-je, n'aurait aucune valeur pour asseoir la croyance de fide dans le nouveau pape, il ne serait pas le fondement théologique de ce qu'on a appelé la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio.
           
        Or, cette thèse est manifestement et profondément erronée, elle ouvre même à deux battants grand'ouverts la porte à une grave hérésie attentant radicalement à l'Institution divine de la papauté et prétendant la détruire de fond en comble, à savoir le conciliarisme. C'est pourquoi je crois bon et utile de la dénoncer dans ce nouvel article.
           
        Mais partons tout d'abord d'un premier point, sur lequel tout le monde sera d'accord.
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Ce point fondamental et prolégoménique que je vais poser maintenant, que j'ai toujours posé ainsi dès les premières rédactions de L'impubliable, mon ouvrage de fond sur la théologie de la "crise de l'Église" (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/images/stories/users/43/LImpubliableCompletTERMINUSDEFINITIF7meEdition2015.pdf), est que les sujets habilités à poser l'acte de reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de Pontife romain actuel sur un tel valant fait dogmatique doté de l'infaillibilité, ne peuvent qu'avoir, pour ce faire, Autorité de droit divin de représenter l'Église Universelle dans cette mission suréminente particulière de légitimer le pape actuel. Or, tout le monde dans l'Église, il s'en faut de beaucoup, n'a pas l'autorité de représenter l'Église Universelle dans sa mission de légitimer le pape actuel, il n'y en a au contraire que très-peu qui ont cette dite autorité. Avant de dire quelle catégorie de sujets dans l'Église ont, in capite et au premier chef, cette autorité, je ferai remarquer une chose.
           
        Si on lit les théologiens et les canonistes qui ont traité de la question, aucun, à ma connaissance, ne prend la peine de définir qui sont cesdits sujets, aussi étonnant et même incroyable cela puisse paraître. Je n'en citerai que quelques-uns qui, on le remarquera sans difficulté, en reste au générique, à la règle générale :
           
        ― "Dieu peut permettre que le Siège apostolique demeure vacant assez longtemps ; il peut permettre même qu'un doute s'élève sur la légitimité de tel ou tel élu ; mais il ne peut pas permettre que l'Église toute entière reconnaisse comme pontife légitime celui qui, en réalité, ne le serait point. Dès l'instant où le pape est accueilli comme tel, et apparaît uni à l'Église comme la tête l'est au corps, la question ne saurait plus être agitée d'un vice dans l'élection ou de l'absence d'une des conditions requises pour sa légitimité. L'adhésion de l'Église guérit pour ainsi dire radicalement tout vice possible de l'élection, et, d'une manière infaillible, elle démontre l'existence de toutes les conditions requises" (cardinal Billot) ;
           
        ― "L'acceptation pacifique de l'Église universelle s'unissant actuellement à tel élu comme au chef auquel elle se soumet, est un acte où l'Église engage sa destinée. C'est donc un acte de soi infaillible, et il est immédiatement connaissable comme tel (conséquemment et médiatement, il apparaîtra que toutes les conditions prérequises à la validité de l'élection ont été réalisées). L'acceptation de l'Église s'opère soit négativement, lorsque l'élection n'est pas aussitôt combattue ; soit positivement, lorsque l'élection est d'abord acceptée par ceux qui sont présents et progressivement par les autres" (cardinal Journet, citant en finale Jean de Saint-Thomas) ;            
           
        ― "Peu importe que dans les siècles passés quelque pontife ait été élu de façon illégitime ou ait pris possession du pontificat par fraude ; il suffit qu'il ait été accepté ensuite comme pape par toute l'Église, car de ce fait, il est devenu le vrai pontife. Mais si pendant un certain temps, il n'avait pas été accepté vraiment et universellement par l'Église, pendant ce temps alors le siège pontifical aurait été vacant, comme il est vacant à la mort du pape" (saint Alphonse de Liguori) ;
           
        ― Plus récemment, et même extrêmement récemment, un auteur à sensation genre paparazzi ayant voulu mettre en doute la validité de l'élection pontificale de François, une canoniste italienne faisant autorité a réfuté sans aucune difficulté ses allégations mensongères, et conclut, elle aussi, comme tous les théologiens catholiques du passé : "Étant donnée l’absence totale de fondement juridique de ces suppositions [l'auteur à sensation affirmait qu'il y avait eu des erreurs de dépouillement de bulletins dans le conclave élisant François], on voit également disparaître, même si l’on veut ajouter foi aux informations dont il tire son origine, le cauchemar inconsidérément agité que serait la présence actuelle, sur la chaire de Pierre, d’un pape douteux. Quoi qu’il en soit, les canonistes ont constamment et unanimement enseigné que la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio est le signe et l’effet infaillible d’une élection valide et d’un souverain pontificat légitime. Et l’adhésion du peuple de Dieu au pape François ne peut être mise en doute d’aucune manière" (Geraldina Boni).
           
        On le constate sans peine : les membres de l'Église ayant Autorité et habilités à poser l'acte d'adhésion pacifique ou reconnaissance ecclésiale universelle sur le nouveau pape... ne sont pas définis. On laisse même pratiquement entendre qu'il s'agit tout simplement de l'universitas fidelium, c'est-à-dire en fait de tous les fidèles quels qu'ils soient, indistinctement, qu'ils soient grand'clercs ou simples laïcs, "membres enseignants" ou "membres enseignés", notre canoniste italienne contemporaine parlant même carrément, à la façon moderne voire même moderniste, de... "peuple de Dieu" !
           
        Or, théologiquement, il ne peut pas en être ainsi. En effet, de dire avec certitude qu'un pape est légitime engage une croyance de fide, c'est donc un enseignement, au sens théologique fort du terme, de l'Église Universelle à l'Église Universelle : c'est l'Église Universelle qui se révèle à elle-même qu'elle a un nouveau et vrai Vicaire du Christ, règle prochaine et immédiate de sa Foi. Or, tout enseignement d'une croyance de fide, dans l'Église, qu'il soit sur les choses de la Foi ou sur celles de la Légitimité pontificale, ne peut qu'être un enseignement autorisé, c'est-à-dire émanant d'une Autorité constituée de droit divin pour donner et délivrer cedit enseignement à croire de fide. Et il est évident que tous les fidèles, dans l'Église, n'ont pas cette autorité, même réunis tous ensemble : l'enseignement impliquant la croyance de fide, en effet, n'est pas démocratiquement délivré par l'Église à l'âme du fidèle, mais hiérarchiquement (hieros - archos), c'est-à-dire par des "membres enseignants" aux "membres enseignés", c'est ainsi que l'Église est divinement constituée par le Christ.
           
        La problématique que nous sommes en train d'étudier, à savoir l'enseignement dans l'âme de tout fidèle de l'Église de la Légitimité pontificale quant à un pape particulier d'une génération ecclésiale donnée, est du reste exactement la même que celle ayant trait à l'enseignement de la Foi. On peut dire aussi, d'une manière générale : "Toute l'Église a la Foi". Mais il n'est pas besoin de creuser la théologie bien loin pour comprendre que si tous les membres de l'Église ont la Foi, ils ne l'ont pas de la même manière : les uns enseignent la Foi, les autres la reçoivent. Saint Paul explique remarquablement bien toute l'articulation théologique de cette ordonnance par laquelle la Foi arrive jusqu'à l'âme du fidèle : "Comment donc invoquera-t-on Celui [le Christ Jésus] en qui on n'a pas encore cru ? Et comment croira-t-on en Celui dont on n'a pas entendu parler ? Et comment en entendra-t-on parler s'il n'y a pas de prédicateur ? Et comment seront-ils prédicateurs, s'ils ne sont pas envoyés [au sens fort, c'est-à-dire mandatés de droit divin par l'Église pour prêcher la Foi directement au nom du Christ = Magistère infaillible du pape et des évêques unis à lui] ?" (Rom X, 14‑15).
           
        Or donc, l'enseignement de la Légitimité pontificale se fait exactement de la même manière que l'enseignement de la Foi à l'âme du fidèle, on est en effet théologiquement tout-à-fait fondé à paraphraser saint Paul de cette manière : "Comment pourra-t-on prendre le nouveau pape pour règle prochaine de la Foi si on ne sait pas encore qu'il est certainement pape ? Et comment saura-t-on s'il est certainement pape, si personne ne nous le dit ? Et comment nous le dira-t-on s'il n'y a pas dans l'Église des prédicateurs, c'est-à-dire des membres autorisés par elle à dire la légitimité certaine du nouveau pape ? Et comment ces prédicateurs-là pourront-ils exister s'ils ne sont pas envoyés, c'est-à-dire s'ils n'ont pas la mission de droit divin, à eux donnée par l'Église Universelle, de dire à tous les fidèles qui est le pape actuel vrai et authentique ?"
           
        Ainsi donc, si l'adhésion pacifique de tous les membres de l'Église se fait autour d'un pape élu, il est certainement pape, tous les théologiens sont unanimes sur ce point : "toute l'Église a la Foi", aussi "toute l'Église adhère pacifiquement au vrai pape". Rien de plus sûr. Mais de la même hiérarchique manière que pour la Foi, certains membres, de droit divin, enseignent aux autres membres la certitude de la légitimité du nouveau pape, quand d'autres, ne font que recevoir cet enseignement.
           
        Et il est très-important de comprendre que ceux qui ont autorité dans l'Église pour dire qu'un tel est légitime Vicaire du Christ actuel, sont en vérité les SEULS à acter théologiquement ce qu'on appelle la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, qui a valeur de règle prochaine en matière de Légitimité pontificale, tant il est vrai que, dans l'Église, seul compte ce que font ceux qui ont autorité, c'est-à-dire les "membres enseignants". Ils sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale, et lorsqu'ils désignent et reconnaissent ensemble qu'un tel est le pape actuel de l'Église, leur acte de désignation et de reconnaissance fonde la croyance de fide de tous les autres fidèles en ce que ce un tel est certainement pape, verus papa, car tous les autres fidèles ne sont que "membres enseignés" de la Légitimité pontificale. Il est capital de bien saisir que cette dite croyance de tous les autres fidèles n'est qu'une subséquence de l'acte posé par les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale. C'est-à-dire que si tous les "membres enseignés" de la Légitimité pontificale acceptaient pacifiquement un tel pour pape, mais sans être unis et adjoints aux "membres enseignants" de la Légitimité pontificale dans cette acceptation pacifique, cela ne vaudrait rien, celui qu'ils auraient ainsi accepté pacifiquement comme pape, fussent-ils des milliards de simples fidèles, ne serait pas infailliblement vrai pape. C'est exactement la même chose pour l'enseignement de la Foi : si, tel Luther et les protestants qui le suivront, je prétends m'enseigner la Foi à moi-même sans passer par les "membres enseignants" mandatés de droit divin dans l'Église pour me l'enseigner, mon enseignement de la Foi à moi-même ne vaut rien (... encore moins vaut-il quelque chose pour les autres...).
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Maintenant que la loi fondamentale est bien exposée, quant à la règle prochaine de la Légitimité pontificale, il ne va pas être très-difficile de définir avec précision qui sont ces membres de l'Église qui ont autorité pour dire à tous les autres membres de l'Église, qui est le pape légitime, autrement dit qui sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale, in capite et au premier chef : ce sont les cardinaux en corps d'institution dans le Sacré-Collège, dans leur majorité canonique des 2/3. Ce sont eux qui, premièrement, ont pouvoir et mandat dans l'Église de dire et d'enseigner, dans leur majorité canonique, qui est le pape actuel et qui ne l'est pas. Parce que, dans toute élection pontificale, ils représentent formellement l'Église romaine, laquelle, comme le dit merveilleusement bien le cardinal Journet dans L'Église du Verbe incarné, est "le nom d'humilité de l'Église Universelle". Ce qui signifie que lorsque, dans leur majorité canonique des deux/tiers, ils désignent et reconnaissent un tel comme vrai pape actuel, c'est l'Église Universelle qui parle par leur bouche, et par-delà l'Église Universelle, c'est évidemment le Saint-Esprit qui parle, c'est DIEU Lui-même... qui ne peut ni Se tromper ni nous tromper.
           
        Que ce soient les seuls cardinaux qui, in capite et au premier chef, sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale sur un pape actuel particulier, nous est déjà bien enseigné en filigrane par les monuments de l'histoire ecclésiastique.
           
        Ainsi, le premier rituel funé­raire des papes connu, daté de la fin du XIIIe siècle, suggère le transfert de toute l'Église institutionnelle dans l'Institution cardinalice par le pape mourant : "... Deux ou trois jours avant qu'il ne «perde la parole», le camerlingue doit convoquer les cardinaux afin que le pape mourant dicte son testament en leur présence, et choi­sisse le lieu de sa sépulture. Après avoir prononcé la profession de foi, le pape doit «recommander l'Église» aux cardinaux, appelés à choisir en paix et tranquillité un nouveau pasteur" (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, art. "mort du pape (Moyen-Âge)", p. 1143, 2e col.). Le mot "recommander" dans un rituel est à lire au sens fort, c'est comme la "recommandation de l'âme" dans le rituel des agonisants : cela signifie une livraison complète de ce qui est recommandé dans les mains de ceux à qui elle est recommandée. Autrement dit, le rituel que nous venons de lire laisse entendre que l'Église Universelle est remise toute entière par le pape mourant dans le sein des cardinaux en corps d'institution : et c'est alors que ces derniers jouissent tout naturellement de l'infaillibilité de cette Église qui leur est confiée toute entière, pour lui redonner infailliblement un nouveau pape… qui jouira alors du charisme de l'infaillibilité (en vérité, admirons comme l'Église est bien organisée ! Comment n'y point voir le Sceau du Saint-Esprit ?).     
           
        Un autre rituel funéraire pontifical, établi un siècle plus tard, va tout-à-fait dans le même sens, plus explicitement encore : "En informant les princes et les prélats de la chrétienté de la mort du pape, les cardinaux doivent recourir au «style apostolique», «comme si l'expéditeur de la lettre fût le pape»" (ibid., p. 1144, 1e col.). Dans le Cérémo­nial de Grégoire XV relatif aux funérailles du pape, qui, avec peu de modifications, restera en vigueur jusque dans les temps modernes, "un détail de toilette mérite d'être noté. En quittant la chambre mortuaire [du pape de cujus], le [cardinal] camerlingue se retire un instant dans l'antichambre secrète pour déposer sa mantelletta et «découvrir son rochet». Devant le pape, tous les dignitaires de l'Église ont le rochet ou surplis recou­vert de la mantelletta, signe que leur pouvoir de juridiction est suspendu. Laisser voir le rochet, pendant la vacance du Siège, et porter la simple mozette ou pèlerine est donc, pour les cardinaux, le signe de l'Auto­rité en quelque sorte souveraine à laquelle chacun [d'eux] participe dans une mesure égale" (Le Conclave, Lucius Lector, p. 153).     
           
        Si nous passons des funérailles aux actes posés par le Sacré-Collège pendant la vacance du Saint-Siège, c'est le même enseignement : "Autrefois, les réunions du directoire exécutif [des cardinaux pendant la vacance du Saint-Siège] se tenaient régulièrement chaque soir. (…) Un maître des cérémonies introduisait les diverses personnes admises à l'audience, lesquelles faisaient devant les cardinaux la génuflexion comme devant le pape" (ibid., p. 186) ; et Lucius Lector de bien souligner : "C'est dans ces réunions que le Sacré-Collège as­semblé apparaît dans le plein exercice de sa souveraineté. Tous égaux entre eux, ses membres forment un corps unique qui gouverne momentanément le Siège apostolique et reçoit, à ce titre, toutes les marques extérieures de la déférence qui s'adressent au souverain et au pontife. Individuellement, nous l'avons vu déjà, ils affirment, par la façon de porter le rochet à découvert, l'épanouissement de leur juridiction. Ils ne peuvent admettre personne à leurs côtés, dans leurs voitures, à cause de leur participation à la souveraineté ; mais dès qu'ils sont réunis en corps, ne fût-ce qu'au nombre capitulaire de trois, tout fidèle fléchit le genou devant eux, parce qu'au-dessus et à travers leur personnalité collective apparaît l'image du Siège apostoli­que, celle du Christ qui vit dans la chaire de Pierre, selon le mot d'un Père de l'Église : «Vivit in Petro Christus [= le Christ vit en Pierre] !» Cette déférence, a-t-on dit aussi, est témoignée aux cardinaux parce que dans leurs rangs, se trouve celui qui sera l'élu de demain. Cela n'est vrai que dans une certaine mesure ; car l'élu pourra être un cardinal absent comme Adrien VI ou même un prélat non revêtu de la pourpre cardinalice, comme Urbain VI.
           
        "C'est donc comme corps souverain que le Sacré-Collège se présente aux regards des fidèles. Parce que chacun de ses membres participe, dans une mesure égale, à cette souveraineté, chacun aussi en porte quelques marques distinctives. Tous et chacun ont ainsi droit au baldaquin dans la salle du scrutin, lequel baldaquin s'abaissera au moment où sera proclamé le nom de l'élu. (…) Le camerlingue [sorte de "président" du Sacré-Collège], à partir du moment où il a constaté la mort du pape, est accompagné partout de la garde pontificale, pour affir­mer devant les populations son autorité suprême quoique provisoire. Jadis même il traversait dans ce but la ville, de temps en temps, en train de gala, dans le carrosse papal des grandes circonstances. À lui aussi revenait le droit souverain de battre monnaie à ses armes avec les insignes du pavillon patriarcal dominant les deux clefs d'or et d'argent du pontificat, sede vacante. Le droit ecclésiastique ne voit dans sa personne que le repré­sentant, primus inter pares, du Sacré-Collège ; comme le Sacré-Collège lui-même n'est que le détenteur momentané et collectif de l'autorité suprême, autorité qu'il lui est interdit d'aliéner ou simplement d'engager, à quelque titre que ce soit. Le pontife futur devra retrouver intacte et dans sa plénitude la juridiction suprême de l'Église, sans que ses électeurs aient pu en restreindre l'exercice ou en limiter l'étendue" (ibid., pp. 188-190). "Aussitôt désigné [comme nouveau pape], le [cardinal] camerlingue passe au doigt du pape l'anneau du pê­cheur, symbole de la juridiction ressuscités" (ibid., p. 639).      
           
        Ainsi donc, c'est par trop clair, tout, dans le droit ecclésiastique écrit ou simplement coutumier ayant trait à la vacance du Saint-Siège, va à cette idée fondamentale que le Sacré-Collège des cardinaux est bien récipiendaire collectif du plein-pouvoir divin et humain de l'Église, ce qui veut dire que réside dans son sein le charisme de l'infaillibilité, avec puissance d'en user pour élire le nouveau pape, et bien sûr uniquement pour cela. Terminons cette évocation de l'Histoire ecclésiastique avec Lucius Lector, nom de plume emprunté par un cardinal lorsqu'il écrivit un fort livre, Le Conclave, quelques années avant la mort du pape Léon XIII : "Sur cette communication [lorsque l'élu dit "oui" à son élection dans le conclave], les deux cardinaux les plus voisins de l'Élu s'écartent respectueusement de leur collègue devenu leur Chef ; après quoi, tous abaissent le baldaquin de leur stalle. Leur souveraineté éphémère a pris fin : l'autorité du Siège apostolique se trouve de nouveau concentrée tout entière dans la personne de l'Élu" (ibid., p. 636). 
           
        Ce sont donc les cardinaux qui, in capite et au premier chef, sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale quant à un pape actuel particulier, et qui génèrent théologiquement ce qu'on a appelé la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio en l'appliquant communément mais indûment à la seule réponse de l'universitas fidelium, qui ne sera seulement, en fait, que le tout dernier acte du long processus engageant la croyance de fide de tout fidèle envers le nouveau pape actuel, comme je le dirai mieux plus loin.
           
        On ne saurait donc s'étonner des forts propos d'un grand théologien thomiste, Jean de Saint-Thomas (1589-1644), pour cautionner cette proposition. Après avoir dit que la légitimité d'un pape actuel particulier est "une question de Foi, parce que [l'Église reçoit le nouveau pape] comme la règle infaillible de la Foi et comme le chef suprême auquel elle est unie, car l'unité de l'Église dépend de son union avec lui" (Cursus Thelogicus, t. VI, questions 1-7, Sur la Foi, Disputation VIII, 1640), Jean de Saint-Thomas pose alors la question qui suit immédiatement, la plus importante : mais qui, dans l'Église, a pouvoir de "proposer cette vérité comme de fide" (ibid.) ?, question qui commande évidemment tout le reste, dont j'ai fait justement le titre de mon nouvel article, questio magna. Et notre thomiste de répondre sans équivoque ni ambiguïté aucune : "Je réponds que l'élection et l'élu sont proposés par les cardinaux, non en leur propre personne, mais en la personne de l'Église et par son pouvoir, car c'est elle qui leur a confié le pouvoir d'élire le pape et de le déclarer élu. C'est pourquoi ils sont, à cet égard et pour cette tâche, L'ÉGLISE ELLE-MÊME REPRÉSENTATIVE. Ainsi les cardinaux, ou quiconque d’autre l’Église (c’est-à-dire le Pape) a légitimement désigné pour faire l’élection, représentent l’Église dans tout ce qui concerne l’élection de son chef, le successeur de Pierre" (ibid.).
           
        Notons avec soin que Jean de Saint-Thomas formule la même croyance que celle très-suggérée par les rituels moyenâgeux funéraires des papes que nous venons de voir : les cardinaux, en corps d'institution, SONT l'Église Universelle pour cette tâche suréminente, et bien sûr uniquement pour elle, de donner une nouvelle tête visible à l'Épouse du Christ. Or, puisque l'Église qui gît dans leur sein cardinalice est dotée de l'infaillibilité, la tâche que l'Église leur a donné mandat divin d'accomplir est donc elle-même dotée de l'infaillibilité. Il est de Foi, de fide, de dire que les cardinaux donnent donc un nouveau pape actuel à l'Église infailliblement, dès lors que le processus conclavique d'élection pontificale s'est dûment et canoniquement bien déroulé. Leur acte d'élection conclavique qui s'est canoniquement bien déroulé jusqu'à son achèvement théologique complet et définitif dans le "oui, accepto" du nouveau pape actuel, est doté de l'infaillibilité ecclésiale.
           
        C'est pourquoi Jean de Saint-Thomas, après avoir comparé à l'identique l'acte d'élection du nouveau pape par les cardinaux à "une définition donnée par les évêques lors d'un concile légitimement réuni" (ibid.), ne manque pas de préciser que l'acceptation de l'élection par l'universitas fidelium n'est qu'un confirmatur de l'élection du nouveau pape faite par les cardinaux : "De plus, l’acceptation de l’Église est, pour nous, comme une confirmation de cette déclaration [cardinalice]" (ibid.). Ce qui signifie on ne peut plus clairement que la déclaration cardinalice d'avoir fait un nouveau pape actuel est suffisante en elle-même et à elle toute seule pour obliger à la croyance de fide tout catholique, sinon l'acceptation a-posteriori de l'universitas fidelium de cette déclaration cardinalice n'en serait pas une confirmation, un simple confirmatur. La confirmation d'une chose, en effet, n'est que la reconnaissance que la chose qui est confirmé existe déjà antécédemment à l'acte de confirmer. Et c'est pourquoi Jean de Saint-Thomas finit son exposé de la question en disant fortement : "Dès que les hommes voient ou apprennent qu’un pape a été élu, et que l’élection n’est pas contestée, ils sont obligés de croire que cet homme est le pape, et de l’accepter" (ibid.).
           
        ― "obligés de croire" : c'est-à-dire qu'ils n'ont pas la possibilité de NE PAS poser l'acte d'acceptation pacifique ecclésiale universelle du nouveau pape ; ce qui signifie très-clairement que cet acte est second dans l'ordre théologique, l'acte premier et fondateur étant l'élection cardinalice conclavique théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre. L'acte d'acceptation par les évêques et les simples fidèles de l'orbe catholique toute entière n'est qu'un simple confirmatur de l'acte d'élection conclavique cardinalice qui est premier dans l'ordre théologique pour asseoir la croyance de fide de la légitimité du nouveau pape.
           
        ― "et que l'élection n'est pas contestée" : certes, Jean de Saint-Thomas formule que l'élection cardinalice, pour obliger à la croyance de fide, doit ne faire l'objet d'aucune contestation. Mais ce qu'il faut bien saisir, c'est qu'il n'est plus possible qu'une quelconque contestation, quelle qu'elle soit, puisse être validement mise en avant dès lors que l'élection conclavique est théologiquement achevée, ce qui est formellement le cas dès le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre. Cette possibilité de contestation, qui d'ailleurs ne peut qu'être interne au conclave, entre cardinaux seuls habilités à contester la procédure d'une élection pontificale, ad intra, et jamais être le fait postérieur de la part d'éléments extérieurs au conclave, ad extra, ne peut absolument plus exister dès lors et immédiatement que le "oui, accepto" a été dûment prononcé par le nouvel élu au Siège de Pierre (je vais bien l'expliquer tout-à-l'heure et en donner la raison mystique précise, avec Jérôme Bignon). Il manque ici une précision importante de la part de Jean de Saint-Thomas, qui semblerait laisser entendre qu'il peut exister une contestation après le "oui, accepto" de l'élu, après que le processus de l'élection pontificale soit théologiquement dûment achevé, pouvant soit disant remettre en cause toute l'élection qui vient d'avoir lieu, ce qui est faux.
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Qu'il ne puisse y avoir la moindre contestation de l'élection qui vient d'avoir lieu après le "oui, accepto" du nouveau pape élu, nous en avons la preuve par l'affirmation du pape Pie XII, dans sa Constitution de 1945 sur les élections pontificales. Pie XII dit très-clairement : "Le consentement (de l'élu à sa propre élection au Siège de Pierre) ayant été donné (…), l'élu est immédiatement VRAI PAPE, et il acquiert par le fait même et peut exercer une pleine et absolue juridiction sur l'univers entier (Code de Droit canon, can. CIS 219) ― "Hoc consensu prestito intra terminum, quatenus opus sit, pendenti arbitrio Cardinalium per majorem votorum humerum determinandun, illico electus VERUS PAPA, atclue actu plenam absolutamque iurisdictionem supra totum orbem acquirit et exercere potest" (Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945, § 101). Et Pie XII, de continuer immédiatement : "Dès lors, si quelqu’un ose attaquer des lettres ou décisions concernant n’importe quelles affaires, émanant du Pontife romain avant son couronnement, Nous le frappons de la peine d’excommunication à encourir ipso facto (Clément V, ch. 4, De sent, excomm., 5, 10, in Extravag. comm)" (§ 101).
 
        Notons bien que pour Pie XII, la croyance de fide est obligatoire dès le "oui, accepto" et non pas à partir de la cérémonie d'intronisation-couronnement qui intervient dans l'octave de l'élection. Sinon, le pape n'aurait pas été fondé, comme il le fait, à faire peser sur le contrevenant une peine d'excommunication latæ sententiæ dès le "oui, accepto" du nouveau pape.
           
        Or, si un pape n'était certainement pape que par l'adhæsio pacifique de l'universitas fidelium intervenant a-posteriori après l'élection cardinalice dûment et canoniquement terminée par le "oui, accepto" du nouveau pape, alors Pie XII n'aurait jamais pu écrire que le nouveau pape est verus papa après sa seule élection cardinalice, à laquelle l'adhésion de l'universitas fidelium a-posteriori n'a pas encore été donnée, il aurait seulement pu écrire qu'il est verus papa sub conditione, sous condition de l'adhæsio a-posteriori de l'universitas fidelium. Mais puisque Pie XII professe que le pape est vraiment et pleinement pape, verus papa, par la seule élection conclavique confectionnée par les SEULS cardinaux, c'est donc que l'acte exclusivement cardinalice qui fait le pape est de droit divin et confectionne à lui tout seul déjà le fait dogmatique toujours doté de l'infaillibilité ; ce qui signifie évidemment que la seule élection cardinalice théologiquement achevée dans et par le "oui, accepto" du nouveau pape élu implique la croyance de fide, avant toute intervention de l'universitas fidelium.
           
        Un an avant sa mort, Pie XII enseignera de nouveau cette très-catholique doctrine, lorsqu'il envisagera le cas extrême de l'élection d'un simple laïc au Siège de Pierre : "Le pouvoir d’enseigner et de gouverner, ainsi que le charisme de l’infaillibilité, lui seraient accordés dès l’instant de son acceptation, même avant son ordination" (Allocution au deuxième Congrès mondial de l’apostolat des laïcs, 5 octobre 1957).
           
        On ne saurait être étonnés de voir les papes succédant à Pie XII et ayant édicté des constitutions sur la vacance du Siège Apostolique et l'élection d'un nouveau pape, Paul VI et Jean-Paul II, reprendre quasi mot à mot la doctrine qui professe que le pape est vrai pape, verus papa, dès qu'il a prononcé son "oui, accepto".
             
        ― Paul VI : "§ 88. ― Après l'acceptation, l'élu qui a déjà reçu l'ordination épiscopale est immédiatement évêque de l'Église de Rome et en même temps vrai Pape et chef du collège épiscopal ; il acquiert en acte et peut exercer le pouvoir plein et absolu sur l'Église universelle. Si l'élu n'a pas le caractère épiscopal, il doit aussitôt être ordonné évêque" (Romano Pontifici eligendo, 1er octobre 1975).
           
        ― Jean-Paul II : "§ 87. ― L'élection ayant eu lieu canoniquement, le dernier des Cardinaux diacres appelle dans le lieu de l'élection le Secrétaire du Collège des Cardinaux et le Maître des Célébrations liturgiques pontificales ; ensuite, le Cardinal Doyen, ou le premier des Cardinaux par l'ordre et par l'ancienneté, au nom de tout le Collège des électeurs, demande le consentement de l'élu en ces termes : "Acceptez-vous votre élection canonique comme Souverain Pontife ?" Et aussitôt qu'il a reçu le consentement, il lui demande : "De quel nom voulez-vous être appelé ?" Alors le Maître des Célébrations liturgiques pontificales, faisant fonction de notaire et ayant comme témoins deux cérémoniaires qui seront appelés à ce moment-là, rédige un procès-verbal de l'acceptation du nouveau Pontife et du nom qu'il a pris. § 88. ― Après l'acceptation, l'élu qui a déjà reçu l'ordination épiscopale est immédiatement Évêque de l'Église de Rome, vrai Pape et Chef du Collège épiscopal ; il acquiert de facto et il peut exercer le pouvoir plein et suprême sur l'Église universelle. Si l'élu n'a pas le caractère épiscopal, il doit aussitôt être ordonné évêque" (Universi dominici gregis, 22 février 1996).
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Pour bien comprendre pourquoi l'élection conclavique est dotée de l'infaillibilité dès lors qu'elle est théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, rappelons qu'il y a deux temps forts dans tout conclave légitimement assemblé pour élire le futur pape.
           
        1/ L'un, le premier, n'est que sous la mouvance éloignée du Saint-Esprit, et donc ne bénéficie pas de l'infaillibilité à proprement parler quand bien même il jouit de l'Assistance divine, c'est lorsque les cardinaux assemblés commencent à essayer de s'accorder sur le choix de la personne du futur pape à élire, par voie humaine, souvent au moyen de factions qui s'opposent parfois violemment, tiraillées plus souvent encore en tous sens notamment par les intérêts politiques différents des grandes nations chrétiennes que représentent certains cardinaux majeurs du Sacré-Collège, etc. ; ce premier moment de tout conclave, qui n'est dirigé en sous-main par le Saint-Esprit que de manière éloignée, peut même durer beaucoup de temps, les exemples n'en sont pas rares. Supposons qu'à ce stade, une faction de cardinaux très-influents mais n'arrivant pas à réunir la majorité canonique du Sacré-Collège, décide d'élire toute seule le pape de son choix, comme l'ont fait les schismatiques cardinaux français en fomentant ainsi le grand-schisme d'Occident, alors, évidemment, l'élection, non-dotée de l'infaillibilité, serait parfaitement invalide, cela va presque sans dire. C'est à cette période préliminaire du conclave, et seulement à elle seule, qu'on peut dire, pour toutes raisons, qu'un conclave pourrait être douteux voire même invalide, comme Journet l'expose dans L'Église du Verbe incarné en ces termes : "On ne veut pas dire que l’élection du pape se fait toujours par une infaillible assistance puisqu’il est des cas où l’élection est invalide, où elle demeure douteuse, où elle reste donc en suspens".
           
        2/ Mais il y a, après ce premier moment conclavique non-doté de l'infaillibilité, le second et dernier temps fort de tout conclave, évidemment le plus important quoique le plus bref, c'est lorsqu'enfin tous les cardinaux, la plupart du temps par des retournements de tendance complètement inattendus, des découvertes soudaines de papabile auxquels personne n'avait pensé jusqu'alors, etc., qui montrent quant et quant l'Action du Saint-Esprit qui agit souverainement dans les conclaves en Cause première divine derrière les causes secondes humaines, parfois d'une manière presque transparente, c'est lorsqu'enfin les cardinaux disais-je, arrivent à s'entendre sur le choix UN de la personne du futur pape, d'UNE personne, laquelle voit réunir sur sa tête la majorité canonique du conclave, soit les 2/3 + 1.
           
        Alors, ce qu'il faut bien comprendre, c'est ceci : tant qu'il y a deux, trois, voire quatre ou plus, papabile en présence, qui se contrebattent et contrebalancent de séances de votes en séances de votes sans que le conclave puisse arriver à détacher du lot l'unité d'une seule personne pour être le futur pape, on est là, certes, dans les affaires humaines, quand bien même l'action du Saint-Esprit est derrière, très-présente, extrêmement présente et de plus en plus, plus l'unique personne qui doit être élue est approchée par le Sacré-Collège. Mais lorsque le conclave arrive à s'entendre sur UNE personne pour être le futur pape, alors, SOUDAIN, nous ne sommes plus là du tout dans l'ordre humain faillible voire peccable des choses conclaviques, mais immédiatement dans l'ordre humain entièrement assumé et transcendé par l'Ordre divin, de soi bien entendu infaillible, l'organe humain cardinalice n'étant plus dès lors qu'un suppôt passif du Saint-Esprit (= un suppôt, c'est une substance avec son mode d'exister). Seuls les esprits superficiels et/ou mondains ne se rendent pas compte de ce changement radical, qui évidemment n'apparaît pas au for externe, de cette prise en Main divine radicale de l'acte humain cardinalice qui, plus l'unité de la personne pontificale est approchée, plus cedit acte devient on pourrait dire inhabité du Saint-Esprit : ce ne sont plus alors tant les cardinaux qui agissent que le Saint-Esprit Lui-même. C'est-à-dire que l'acte humain, de faillible, devient infaillible, puisque transcendé par le Saint-Esprit.
           
        Qu'on réfléchisse bien en effet, qu'il est tout-à-fait IMPOSSIBLE à l'homme et à l'acte humain de faire le Don surnaturel de l'Unité à l'Église Universelle, Note qui est un charisme divin, ceci n'est pas en sa puissance et capacité (l'a assez prouvé, ce qui s'est passé dans le grand-schisme d'Occident), la Note surnaturelle de l'Unité à l'Église Universelle (Une, sainte, etc.), est en effet un Don exclusivement d'ordre divin, un Don de Dieu par la Personne du Saint-Esprit, tout spécialement bien sûr quand il s'agit du Don de la Tête unique du Corps mystique du Christ (c'est pourquoi justement, la formule populaire "le pape est l'élu du Saint-Esprit", loin d'être un simplisme inexact comme certains auteurs mal inspirés se l'imaginent, est tout au contraire un merveilleux raccourci catholique de la question). Dès lors que les cardinaux arrivent à s'entendre sur le choix d'UNE personne pour être le futur pape, il est très-important de saisir qu'ils ne sont plus alors, dans cette entente unanime, que suppôts passifs du Saint-Esprit, au même titre que l'écrivain sacré pour la sainte-Écriture. Car, théologiquement, il y a connexion très-immédiate entre l'Unité de l'Église et le Saint-Esprit. Quand bien même l'élu choisi n'est pas encore pape, le Don divin de l'Unité est déjà fait à l'Église par le Saint-Esprit, rien que par le fait, justement, que l'élu UN est conclaviquement choisi. En vérité, ce ne sont pas les cardinaux qui choisissent et désignent la personne UNE du futur pape, ils en sont viscéralement incapables de par leur nature humaine faillible voire peccable qui ne peut pas arriver à l'unité du choix surnaturel par leurs propres forces, c'est le Saint-Esprit (dans le grand-schisme d'Occident justement, on en a eu la très-excellente leçon, on a eu le spectacle lamentable de cardinaux laissés à eux-mêmes et à leurs propres forces, Dieu se retirant d'eux par punition de leur orgueil et de leur esprit de jouissance, et ils ont été absolument incapables de donner une tête UNE à l'Église pendant plus de quarante ans fort pénibles à toute la chrétienté...). Et évidemment tout ce que fait directement et immédiatement le Saint-Esprit est ipso-facto doté de l'infaillibilité faut-il avoir à en apporter la précision.
           
        Ce moment capital du conclave, où le Saint-Esprit remplace immédiatement l'homme cardinal électeur, supplée, prend en charge l'action humaine d'élire le futur pape sans supprimer pour autant l'acte humain mais en le transcendant radicalement, est atteint lorsque, tout-de-suite après que l'accord conclavique sur UNE personne est concrétisé, ordinairement par voie de vote, le cardinal-doyen du Sacré-Collège pose la fameuse question rituelle à celui qui bénéficie de l'élection : "Acceptes-tu l'élection qui vient d'être faite canoniquement de ta personne pour être le Souverain Pontife ?" À partir très-exactement de ce moment-là, ET AVANT MÊME que le cardinal objet du choix unanime de ses pairs dise "oui, accepto" à l'élection qui vient d'être faite de sa personne pour être le futur pape, l'élection pontificale est entièrement assumée transcendentalement par le Saint-Esprit et donc déjà formellement dotée de l'infaillibilité. Car le choix unanime des cardinaux sur UNE personne pour être le nouveau Pierre est le Choix de Dieu, il manifeste en effet la Note surnaturelle de l'Unité de l'Église, que Dieu seul a la toute-puissance de donner à l'Épouse du Christ (ce qui ne signifie pas que l'élu est déjà une matière de pape, il n'est, en effet, à ce stade où il n'a pas encore prononcé son "oui" à l'élection, qu'une virtualité de matière de pape). Arriver en effet à l'unité du choix pour la Tête de l'Église militante est un Acte purement et exclusivement divin dans lequel l'humain, par impuissance radicale, ne peut avoir ni n'a en effet strictement aucune part, stricto sensu. Ce qui signifie évidemment que ce nouveau pape choisi de Dieu et donné par Lui à l'Église, ne saurait être, une fois qu'il a accepté son élection au Siège de Pierre... non-pape (thèse sédévacantiste) ou... ne point posséder l'Autorité divine qui fait le pape vrai et réel (thèse guérardienne) !
           
        Et c'est bien la raison pour laquelle le sujet de l'élection pontificale ne refuse jamais son élection au Siège de Pierre, car il sait que le choix conclavique de sa personne pour être le futur pape UN, EST LE CHOIX DE DIEU. Et que bien sûr, le Choix de Dieu ne peut pas se refuser. Nous sommes là exactement dans le même cas de figure que lors de l'Annonciation : lorsque Dieu propose à la très-sainte Vierge qu'elle soit mère du Christ-Dieu, du Messie, alors, la très-sainte Vierge sait que c'est la Volonté divine qu'elle soit mère du Christ ; et donc, elle ne peut moralement que dire "oui", "fiat", au Plan divin. Théoriquement, la très-sainte Vierge Marie pouvait dire "non" au Plan divin, mais ça n'est qu'une supposition théologiquement ex absurdo (car, bien sûr, la très-sainte Vierge étant immaculée, elle ne pouvait donc dire "non"). De la même manière, pour le papabile pressenti à remplir le Siège de Pierre, théoriquement il peut certes refuser son élection au Siège de Pierre voulue par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique des cardinaux, et donc voulue par le Saint-Esprit, mais, quoique à un degré évidemment très-inférieur à la très-sainte Vierge, il lui est moralement impossible de le faire, car il sait qu'il est le sujet du Choix divin.
           
        Car en outre, nous sommes là dans l'assemblée la plus sainte existant sur la terre, dans le Sacré-Collège, la plus digne moralement : donc quand en plus tous ses membres choisissent celui qu'ils pensent être le meilleur d'entre eux pour remplir le Siège de Pierre, on est assuré de sa dignité morale et qu'il sera parfaitement conscient qu'il ne peut refuser le Choix de Dieu sur sa personne. On peut certes se souvenir de bien des cas, ils sont en effet nombreux, où l'élu, humainement épouvanté de la responsabilité de la fonction pontificale suprême, va se cacher dans quelque coin secret de l'aula conclavique, et tâche de se faire oublier de ses pairs cardinaux qui viennent de l'élire pape, le dernier exemple en date est le cardinal Sarto qui devint le pape Pie X. La réaction bien compréhensible d'émotion forte de l'élu est la raison pour laquelle Pie XII prévoit, à la sagesse des membres du Sacré-Collège, de laisser un laps de temps déterminé pour que l'élu donne son acquiescement ; mais il ne lui est moralement pas possible d'opposer un refus parce qu'il se sait le sujet du Choix divin.
           
        ET C'EST POURQUOI ON NE TROUVE PAS UN SEUL EXEMPLE DANS TOUTE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE D'UN ÉLU DU CONCLAVE QUI AIT REFUSÉ SON ÉLECTION PONTIFICALE (c'est d'ailleurs la même chose pour les cas de papes hérétiques en leur for privé : théoriquement, c'est possible, mais il n'en est pas un seul exemple dans toute l'histoire de l'Église, parce que moralement, c'est impossible, saint Robert Bellarmin l'avait bien compris). Certes, on pourrait objecter qu'on ne pourra jamais savoir s'il a existé ou non un papabile dûment élu ayant refusé son élection au Siège de Pierre, à cause du secret rigoureux dans lequel tous les conclaves se déroulent : donc théoriquement, on pourrait supposer qu'un élu ait pu dire non sans que personne du monde catholique n'en ait rien su ni n'en puisse jamais rien savoir, sauf les cardinaux présents au conclave et tenus au secret sur tout ce qui s'y est passé, le conclave continuant alors ses assises et élisant un autre pape. Mais cependant, moralement, cette assurance parfaite qu'aucun élu au Siège de Pierre n'a refusé son élection dans toute l'Histoire de l'Église, est en elle-même certaine : le papabile élu canoniquement, se sachant le Choix de Dieu, étant par ailleurs un homme catholique moralement très-digne, est dans l'impossibilité de refuser son élection.
           
        Jérôme Bignon (1589-1656), cet éminent intellectuel enfant prodige au temps d'Henri IV, d'une grande sagesse et intelligence, que le roy avait donné pour compagnon d'enfance au duc de Vendôme, rédigea, tout jeune encore, ... à l'âge de quatorze ans !, un Traicté sommaire de l'élection des papes, plus le plan du conclave, qui connut en son temps un tel succès par sa précision et son orthodoxie dans l'exposé de la question, qu'il fallut le rééditer "trois fois en une seule année" (Vie de Jérôme Bignon, avocat général et conseiller d'État, abbé Pérau, 1757, 1ère partie, pp. 28, sq.). Il exposait en effet si bien la doctrine de l'élection pontificale qu'il trouva un rééditeur de son œuvre en 1874, car, dit celui-ci dans l'Avertissement de sa réédition : "Bien que plus de deux siècles et demi nous séparent de la publication de cet opuscule, le travail de Bignon n'a pas perdu sa valeur ; les dispositions canoniques qui réglementent l'élection du pape sont les mêmes que de son temps". On y trouve justement, magistralement professée, cette doctrine catholique que je suis en train d'exposer. Je le cite :
           
        "Quand les deux tiers des voix [cardinalices] se rencontrent en une même personne, soit par le scrutin secret ou ouvert, ou par le moyen des Accessi, ou par la voie d'adoration, celui-là sans doute est le vrai Pape [je précise que dans le vieux françois du temps d'Henri IV, le qualificatif "sans doute" n'a jamais le sens dubitatif que, par antiphrase, il a reçu depuis dans la période moderne ; ce qui veut dire que Jérôme Bignon l'emploie ici pour dire ce que "sans doute" exprime très-littéralement, à savoir : "sans aucun doute", "très-certainement", "très-sûrement", ou toutes formules similaires signifiant une certitude absolue de l'élection pontificale qui vient d'avoir lieu]. Toutefois les autres Cardinaux [ceux qui n'ont pas fait partie des deux/tiers ayant emporté la majorité canonique du conclave sur l'élu] ont accoutumé d'y porter aussi leur consentement. Dès lors le premier Cardinal-Évêque, tous les autres étant assis, prononce et déclare au nom de tout le Collège qu'il élit un tel pour Pape. Et lui demande sa volonté, laquelle ayant été déclarée, et l'élection étant acceptée, tous se lèvent pour le gratifier, et à l'instant lui mettent son Rochet, le font asseoir sur un siège paré, qu'ils mettent devant la table, proche de l'Autel : ils lui baillent l'anneau du pêcheur, lui demandent, et font dire et déclarer de quel nom il veut être appelé".
           
        Dans ce remarquable exposé, à la fois très-concis et fort complet du tout, on notera avec soin que Jérôme Bignon professe que le moment où le pape est fait pape véritablement est moins quand il accepte l'élection qui vient d'avoir lieu de sa personne comme pape, que quand le cardinal-doyen du Sacré-Collège, au nom de tout le Sacré-Collège c'est-à-dire, au nom de l'Église Universelle, donc, en dernier lieu, au Nom du Saint-Esprit, le déclare élu pape. C'est bel et bien, comme je le formulais plus haut, quand la personne UNE du nouveau Pierre est élue à la majorité canonique par les cardinaux que le pape est absolument et vraiment fait pape ; son acceptation personnelle de cette décision divine de le faire pape apparaît alors, et notre remarquable, génial et jeune auteur l'exprime fort bien, comme secondaire, quoique évidemment nécessaire : il y a en effet obligation morale stricte pour le papabile élu, d'accepter le choix que Dieu fait de sa personne pour être le nouveau pape...
           
        Notez bien, en effet, la formule de Bignon : "... Et lui demande sa volonté, laquelle ayant été déclarée, et l'élection étant acceptée, tous se lèvent pour le gratifier, etc.". L'acceptation de l'élu est quasi décrite juste comme une simple formalité qui va de soi, Jérôme Bignon ne supposant pas même un seul instant, à juste titre, que l'élu puisse la refuser. En vérité, on est exactement là dans le cas de figure des plaids carolingiens où les seigneurs assemblés n'avaient pas le droit, une fois la décision prise par Charlemagne pour tout le monde, d'y opposer refus, au contraire ils se levaient tous pour acclamer la décision, et seulement pour cela. Aux temps des hommes dignes, c'est-à-dire avant la Révolution, tous comprenaient qu'une fois que Dieu avait parlé par l'Autorité de droit divin, celle religieuse ou celle politique, ou donc, quant à ce qui concerne notre affaire, celle conclavique, on n'avait plus qu'une chose à faire : s'y soumettre. Et en cela consistait précisément la dignité de l'homme (... comme nous sommes loin des mœurs post-révolutionnaires démocratiques où l'homme moderne prétend se gouverner soi-même puis imposer sa volonté à Dieu !!).
           
        Et lorsque Jérôme Bignon, pour être complet, décrit le processus de l'élection d'un pape par adoration, remarquons bien qu'il a la même doctrine, à savoir que le pape est fait pape dès lors que le Sacré-Collège se prononce sur une personne unique de papabile dans la majorité canonique : "Les Cardinaux, étant assemblés en la chapelle [sixtine], se tournent vers celui qu'ils désirent être fait Pape, et lui font la révérence, pliant le genou fort bas : et quand il se trouve que les deux tiers sont allés en cette sorte à l'adoration, le Cardinal adoré est fait Pape. Cette manière se rapporte à l'élection qui est appelée par les anciens et en droit Canon «Per inspirationem», et tenue pour être la voie du Saint-Esprit". Le propos lapidaire de Jérôme Bignon est fort clair : "le Cardinal adoré est fait pape". Immédiatement et formellement veut-il dire, par le fait même, ipso-facto, de recevoir cette adoration de la part de la majorité canonique du Sacré-Collège cardinalice, l'acceptation dudit nouvel élu étant subséquente, secondaire... presque superfétatoire et comme allant de soi !
           
        Cette doctrine est professée également dans les constitutions des papes de l'ère moderne, à tout le moins en filigrane. Lisons par exemple Pie XII, qui expose : "§ 99. ― Nous prions l’élu, Notre héritier et successeur, effrayé par la difficulté de la charge, de ne pas se refuser à la prendre, mais de se soumettre plutôt humblement au dessein de la volonté divine ; car Dieu qui impose la charge y mettra aussi la main lui-même, pour que l’élu ne soit pas incapable de la porter. En effet, lui qui donne le fardeau et la charge, est lui-même l’auxiliaire de la gestion ; et pour que la faiblesse ne succombe pas sous la grandeur de la grâce, Celui qui a conféré la dignité donnera la force (Léon XIII, const. Prædecessores Nostri)". Certes, pour respecter le libre-arbitre du nouveau pape, Pie XII dit bien que théoriquement le nouvel élu pourrait refuser la charge, mais il continue en disant immédiatement qu'il faut que le nouvel élu se soumette à la Volonté divine clairement manifestée par l'élection de sa personne UNE au Siège de Pierre, car Dieu impose la charge, donne le fardeau et la charge, etc. ...
           
        Résumons la belle et magnifique doctrine catholique, si bien, si clairement et lapidairement exprimée par le génial Jérôme Bignon : le pape est fait de droit divin dès que les cardinaux dans leur majorité canonique des deux/tiers l'ont élu pape. Bignon va en effet jusqu'à dire que le "oui" postérieur du nouvel élu est presque une subséquence obligée. A fortiori devons-nous penser qu'il en est de même de l'acte d'acceptation du nouveau pape par l'universitas fidelium : loin que cet acte soit fondateur du droit divin dans la nouvelle élection pontificale, comme il est communément (mal) pensé, il en est au contraire le tout dernier élément lointainement subséquent, le premier étant l'acte cardinalice unanime de le choisir pour la nouvelle tête de l'Église Universelle. C'est d'ailleurs pourquoi on a vu Jean de Saint-Thomas nous dire plus haut : "Dès que les hommes voient ou apprennent qu’un pape a été élu (...), ils sont obligés de croire que cet homme est le pape, et de l’accepter".
           
        ... Est-ce qu'on peut mieux comprendre, maintenant, à quel point il est prodigieusement IMPIE de dire que la Volonté de Dieu ainsi manifestée dans le conclave par le choix UN du futur Pontife romain... n'est pas dotée de l'infaillibilité ? La chose est donc bien claire : dès qu'un conclave légitime arrive à désigner UNE personne pour être le futur pape, par le fait même de l'unicité atteinte dans le processus de toute élection pontificale, qui ne peut qu'être un Don divin surnaturel, on sait que c'est le Saint-Esprit qui fait cette désignation UNE à travers les organes cardinalices transparents devenus dès lors Ses simples suppôts passifs, entièrement et saintement sous Sa mouvance. C'est donc le Saint-Esprit qui choisit l'élu, qui donne à l'Église Universelle le nouveau Pierre. Et bien entendu, tout ce que fait le Saint-Esprit est formellement doté de soi de l'infaillibilité, Il ne peut donner à l'Épouse du Christ un non-pape ou un pape dépourvu de ce qui fait la forme du pape, faut-il avoir à le dire. Car Dieu ne donne jamais à ses enfants des serpents, ou des pierres qui ne soient pas Pierre, pour remplir le Siège Apostolique, mais toujours du pain, le pain de Vie, le Christ Jésus vivant dans son Vicaire actuel sur la terre, Vivit in Petro Christus ! Dès lors que l'on sait que c'est Lui, Saint-Esprit, et Lui seul, qui donne un pape UN à l'Épouse du Christ, on est assuré qu'Il lui donne un pape vrai pape, verus papa, matière et forme.
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        C'est pourquoi je n'hésite pas à dire que les propositions des papes de la Renaissance, Jules II (1443-1513) puis Paul IV (1476-1559), qui osèrent soutenir dans des bulles qu'une élection pontificale dûment opérée par la majorité canonique des cardinaux jusqu'au "oui, accepto" du nouveau pape, cardinalement confirmée de plus par l'obédience faite publiquement devant toute l'Église dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape élu intervenant dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, qu'une telle élection pontificale théologiquement achevée pourrait cependant néanmoins être... invalide, pour cause soit de simonie (Jules II) soit d'hérésie antécédente à l'élection du nouveau pape (Paul IV), que ces propositions disais-je, sont formidablement impies, plus encore qu'elles ne sont hérétiques.
           
        Citons en effet maintenant ces propositions hélas magistérielles presque incroyables (mais, rassurons-nous, non-dotées de l'infaillibilité, car les bulles qui les contiennent n'étaient que disciplinaires).
           
        D'abord celle du pape Jules II (1443-1513), Cum tam divino, de 1506 ("et non 1503 ou 1505 ; elle ne fut publiée qu'en 1510 et devint constitution conciliaire en 1513" ― Dictionnaire historique de la Papauté, Philippe Levillain, art. Conclave, p. 439, 1ère col.) : "[Que le pape élu par simonie] n'acquerrait aucun droit à la papauté, ni par l'intronisation, ni par aucun acte de sa part ni de celle des cardinaux, et même si tous les cardinaux lui prêtent obédience, non plus que par le laps de temps [= Nec eiusmodi simoniaca electio per subsequentem ipsius intronizationem seu temporis cursum aut etiam omnium Cardinalium praestatam obedientiam ullo unquam tempore convalescat]". Et Philippe Levillain, de commenter : "Cette bulle fit grand bruit car elle pouvait permettre l'éclatement d'un schisme sous prétexte de simonie. Malgré ce risque et les critiques de nombreux canonistes, elle resta en vigueur jusqu'à son abrogation par Pie X en 1904 (Vacante sede apostolica)" (ibid.). On aura bien sûr noté que cette bulle ne fut pas en odeur de sainteté, même déjà du temps où elle parut... quand bien même elle accéda au rang de constitution conciliaire, étant en effet intégrée aux Actes du Vème concile de Latran... horresco referens !
           
        Puis, bien sûr, quelqu'un demi-siècle plus tard, la trop fameuse bulle de Paul IV, Cum ex apostolatus du 15 février 1559, trop célèbre dans les groupuscules sédévacantistes qui lui font dire n'importe quoi, surtout qu'elle est dogmatique alors qu'elle n'est que disciplinaire (cf. à ce sujet, ma récente réfutation du sédévacantisme dans ces deux articles : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-fable-s-d-vacantiste-mensong-re-de-la-bulle-de-paul-iv-et-de-son-contexte-historique?Itemid=1 & https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/un-compl-ment-dantidote-contre-lh-r-sie-s-d-vacantiste-par-saint-bernard-de-clairvaux?Itemid=1), reprend la même doctrine impie et hérétique, d'une manière même beaucoup plus détaillée et précise encore que celle de Jules II, ... et donc beaucoup plus répréhensible !, ainsi qu'on le constate sans peine dans le § 6 de la bulle, en ces termes : "De plus, si jamais un jour il apparaissait qu'un évêque, faisant même fonction d'archevêque, de patriarche ou de primat ; qu'un cardinal de l'Église romaine, même légat ; qu'un Souverain pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au Souverain pontificat, déviant de la Foi catholique, est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, sans valeur, non-avenue. Son entrée en charge, consécration, gouvernement, administration, tout devra être tenu pour illégitime. S'il s'agit du Souverain Pontife, on ne pourra prétendre que son intronisation, adoration (agenouillement devant lui), l'obéissance à lui jurée, le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son Pontificat : celui-ci ne peut être tenu pour légitime jamais et en aucun de ses actes"...!!
           
        Le pape Paul IV, comme on vient de s'en rendre compte, allait vraiment jusqu'au bout du péché contre le Saint-Esprit en matière d'élection pontificale, ce qui hélas ne peut pas vraiment surprendre de la part de ce pape au tempérament excessif voire pathologique, en tous cas et à tout le moins, théologiquement... pas trop logique.
           
        Il est bon de remarquer, par ailleurs, que toutes ces bulles ne brillent pas fort par la simplicité et la clarté dans l'expression, comme si la forme rejoignait le fond, doctrinalement défectueux. Lucius Lector, cardinal écrivant sur le conclave sous le pape Léon XIII, a ces lignes sévères mais justes sur la forme rédactionnelle de celle de Paul IV : "Préambule prolixe rédigé dans ce style ampoulé, sonore et creux, qu'ont affectionné parfois les scriptores de la chancellerie pontificale" ; "toute cette redondance d'un langage riche en pléonasmes menaçants" ; "En somme, ce sont là sept pages de style éclatant, pour amplifier ce que le décret du pape Symmaque avait dit en neuf lignes" (Lector, respectivement pp. 106-107 ; 108 ; 109). Ceci ne confirme-t-il point cela…
           
        Je crois bon de préciser ici pour ceux qui, papolâtrant trop la fonction pontificale (comme le font très-indécemment les "ralliés"), s'imagineraient qu'il est impossible de trouver des erreurs ou des hérésies dans des bulles magistérielles non-couvertes par l'infaillibilité, qu'ils en trouveront quelques exemples que j'expose dans L'Impubliable, aux pp. 201, sq.   
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024      
           
        Mais heureusement, les papes de l'ère moderne, en cela beaucoup plus catholiques que ceux de la Renaissance, Pie X, Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II, ont pris fort conscience de l'hétérodoxie formelle de ces propositions édictées magistériellement par leurs prédécesseurs, ils se sont empressés, tout en jetant discrètement le voile de Noé sur les vénérables figures de ces deux papes du passé (dont, soit dit en passant mais il faut bien sûr le dire, il n'est pas question de douter un seul instant qu'ils n'aient tous deux voulu fort bien faire, qu'il s'agisse de Jules II ou de Paul IV, loin de vouloir professer une quelconque hérésie ou impiété, et même vouloir faire un mieux... mais voilà, comme dit l'adage : "Le mieux est l'ENNEMI du bien"...! ; j'ai tâché de bien expliquer les raisons contextuelles ad hominem qui les firent promulguer ces bulles doctrinalement si défectueuses, aux pp. 198, sq. de L'Impubliable, auxquelles on pourra se reporter), les papes Pie X, Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II se sont empressés disais-je, d'abolir ces bulles parfaitement hérétiques sur la chose de la Foi (car rappelons que tout ce qui a trait à la Légitimité pontificale regarde immédiatement la Foi, puisque le pape actuel en est la règle prochaine).
           
        Voici comment le pape Pie X, qui fut le premier pape à abolir la bulle de Jules II, s'exprimait : "§ 79. ― Simoniae crimen, tam divino quam humano iure detestabile, in electione Romani Pontificis omnino sicut reprobatum esse constat, ita et Nos reprobamus atque damnamus, huiusque criminis reos poena excommunicationis latae sententiae innodamus ; sublata tamen irritatione electionis simoniacae, quam Deus avertat, a Iulio II (vel alio qualicumque decreto pontificio) statuta, ut praetextus amputetur impugnandi valorem electionis Romani Pontificis" (Vacante Sede Apostolica, 25 décembre 1904).
           
        C'est le dernier membre de phrase de ce § 79 qui est important : Pie X abolit la bulle de Jules II parce que, dit-il, l'annulation qu'édictait Jules II de toute élection pontificale simoniaque risquerait d'attaquer la valeur en soi des élections pontificales. Autrement dit, Pie X était parfaitement conscient de l'infaillibilité attachée de soi à tout acte de désignation cardinalice du Pontife romain actuel théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, parce que, toujours et à tout coup, cet acte cardinalice est fait in Persona Ecclesiæ, au nom et pour le compte de l'Église Universelle, comme Jean de Saint-Thomas le dira explicitement. Cet acte est donc d'ores et déjà, et parfaitement, un fait dogmatique de soi toujours doté de l'infaillibilité ecclésiale, et il est donc proscrit absolument, comme hélas Jules II suivi par Paul IV oseront le dire, qu'il puisse être, pour quelque cause ou raison que ce soit, invalide. Et c'est pourquoi Pie X abrogeait la bulle de Jules II, parce qu'il osait professer qu'une élection pontificale faite par la majorité canonique cardinalice in Persona Ecclesiæ et théologiquement achevée, donc en dernière analyse faite par le Saint-Esprit, pourrait cependant être invalide.
           
        Le pape Pie X comprit donc fort bien le grave danger hérétique de ces bulles de ses prédécesseurs de la Renaissance, Jules II et Paul IV (contrairement aux sédévacantistes qui s'y sont hélas empalés passionnellement, sans réflexion et fort inintelligemment, jusqu'à fond du donf). Concrètement, il abrogea donc juridiquement la seule bulle de Jules II (ou de tout successeur, notons-le bien), ce qui eut pour effet canonique immédiat d'obroger en même temps la bulle de Paul IV, c'est-à-dire que celle de Paul IV est désormais dans la situation d'une bulle officiellement abrogée sauf que, quant à elle, il n'y a pas eu de déclaration juridique abrogative explicite, c'est la seule différence ("obrogation : suppression ou abrogation indirecte d'une loi par une loi postérieure contraire et de même degré" ― Dictionnaire de droit canonique, Naz, 1957). Pie X, donc, gardait les anathèmes de son prédécesseur Jules II contre les fauteurs d'une élection pontificale simoniaque, mais il supprimait l'annulation d'une élection pontificale qui aurait eu lieu en étant entachée de simonie, parce que, dira-t-il très-explicitement, cela risquerait d'attaquer la valeur en soi des élections pontificales.     
           
        Obrogation de la bulle de Paul IV. En fait, la bulle de Paul IV n'est qu'une décalcomanie de celle de Jules II, de cinquante ans son aînée, dont elle est fille spirituelle, reprenant exactement le même raisonnement de fond qu'elle, allant même jusqu'à en copier les formules soufflées et boursouflées d'alors. Et bien sûr, si Pie X abroge la bulle de Jules II dans sa Constitution sur les élections pontificales de 1904 pour ce motif principal et précis qu'elle invalide les élections pontificales approuvées par les cardinaux agissant in Persona Ecclesiae, la bulle de Paul IV tombe sous la même sentence puisque cette proposition hérétique est explicitement formulée et sert de raisonnement de fond dans son § 6 incriminé (elle va même, comme on vient de le voir, beaucoup plus loin que celle de Jules II dans l'exposé hérétique...). Car que ce soit pour cause d'hérésie ou de simonie, le motif de l'abrogation par Pie X de la bulle de Jules II se retrouve identiquement et absolument dans celle de Paul IV : cette dernière subit donc la même sentence de condamnation, quoique seulement implicitement mais avec la même portée que la bulle de Jules II. La bulle de Paul IV, au moins depuis la Constitution de saint Pie X sur les élections pontificales, n'a donc plus aucune valeur en Église, justement précisément à cause de l'hérésie consommée de son § 6. Les deux bulles, en effet, on est bien obligé d'en prendre acte, que cela plaise ou non, péchaient contre la Foi en ne tenant aucun compte de la loi fondamentale de l'infaillibilité de l'acte de désignation ecclésiale universelle des papes nouvellement élus, dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice.
           
        Ne soyons donc pas surpris de voir cette doctrine bien catholique, mise sur le chandelier pour la première fois depuis la Renaissance par le pape Pie X, être reprise presque mot à mot par les papes modernes qui le suivront sur le Siège de Pierre :
           
        ― Pie XII : "92. Le crime de simonie est abominable, en regard tant du droit divin que du droit humain. Comme c’est un fait bien établi qu’il est absolument réprouvé dans l’élection du Pontife romain, ainsi Nous aussi le réprouvons et le condamnons, et Nous frappons ceux qui s’en rendent coupables de la peine d’excommunication latæ sententiæ, en supprimant toutefois la nullité de l’élection simoniaque (que Dieu daigne éloigner pareille élection !) décrétée par Jules II (ou par tout autre décret pontifical), pour ôter un prétexte d’attaquer la valeur de l’élection du Pontife romain" (Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945).
           
        ― Paul VI : "79. Nous aussi, comme nos prédécesseurs, nous réprouvons et condamnons le détestable crime de simonie dans l'élection du Pontife romain, et nous frappons d'excommunication latae sententiae tous ceux qui s'en rendraient coupables ; mais nous confirmons également la décision de notre prédécesseur St Pie X, selon laquelle a été supprimée la nullité de l'élection simoniaque établie par Jules II ou tout autre décret pontifical, afin que la valeur de l'élection du Pontife romain ne soit pas mise en cause pour cette raison (cf. const. ap. Vacante Sede Apostolica, n. 79 ; Pii X Pontificis Maximi Acta, III, p. 282)" (Romano Pontifici eligendo, 1er octobre 1975).
           
        ― Jean-Paul II : "78. Si dans l'élection du Pontife Romain était perpétrée (que Dieu nous en préserve !) le crime de simonie, je décide et je déclare que tous ceux qui s'en rendraient coupables encourront l'excommunication latae sententiae et qu'est cependant supprimée la nullité ou la non validité de cette élection simoniaque, afin que, pour cette raison (comme cela a déjà été établi par mes Prédécesseurs), ne soit pas mise en cause la validité de l'élection du Pontife Romain" (Universi dominici gregis, 22 février 1996).
           
        Voici donc la doctrine très-traditionnelle réexposée par les papes de l'époque moderne, basée sur la grande loi fondamentale de la Légitimité pontificale que, je suis bien aise de m'en rendre un juste et mérité témoignage, j'ai sans cesse mise sur le chandelier de l'Église depuis plus de vingt-cinq ans, à savoir : toute élection pontificale conclavique théologiquement achevée, c'est-à-dire reçue et approuvée par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique des cardinaux, est formellement valide, sans qu'aucune raison puisse jamais l'invalider pour quelque cause que ce soit, de droit divin ou de droit canon.
 
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        ... La tentation sédévacantiste, qui prétend faire du libre-examen luthérien de la Légitimité pontificale, est hélas extrêmement forte, aux temps cala(très)miteux du pape François, elle est même si forte qu'il arrive de la voir professée extra muros, à l'extérieur des groupuscules tradis intégristes habituels, par des... cardinaux conservateurs.
           
        Ainsi, on a vu le cardinal Raymond Burke, partant d'une pure supputation complotiste qui n'est absolument pas démontrée, il le reconnaît lui-même, celle dite du "groupe de Saint-Gall" (il est bon de savoir que le cardinal Kasper a formellement démenti qu'il ait été question d'élection pontificale dans ces réunions, dont il était un des principaux membres), invoquer le § 79 de la constitution Universi Dominici Gregis de Jean-Paul II sur les élections pontificales, lequel, selon lui, pourrait invalider l'élection de François au Siège de Pierre, laquelle pourtant a été théologiquement dûment faite par la majorité canonique des cardinaux jusqu'à son "oui, accepto" et ne peut donc qu'être valide, car elle aurait été possiblement obtenue par un pacte secret entre grands-cardinaux électeurs, en quelque sorte un "délit d'initiés" pourrait-on dire dans un langage de financiers modernes...
           
        Or, notre cardinal, visiblement trop pressé, a mal lu le n° 79. Je cite textuellement ce n° 79, tout d'abord : "§ 79. ― De même, confirmant les prescriptions de mes Prédécesseurs, j'interdis à quiconque, fût-il revêtu de la dignité cardinalice, de contracter des engagements, tandis que le Pontife est vivant et sans l'avoir consulté, à propos de l'élection de son Successeur, ou de promettre des voix ou de prendre des décisions à ce sujet dans des réunions privées".
           
        Cependant, pour bien comprendre la théologie qui sous-tend ce n° 79 de la Constitution de Jean-Paul II sur les élections pontificales, il faut lire préalablement le n° 78 où elle est exposée explicitement, qui a trait aux élections pontificales simoniaques, et qu'on vient juste de lire plus haut ensemble. Le cardinal Burke, pour sa part, est vraiment en faute de ne l'avoir point fait. Pour ce qui est de moi, que Dieu a consacré et qui me suis consacré à la vérité intégrale quant à la théologie de "la crise de l'Église", je lis donc ensemble les deux numéros, 78 & 79, parce que c'est seulement de cette manière que l'on aura le vrai sens de ce qu'il faut entendre dans ce n° 79 :
           
        "§ 78. ― Si dans l'élection du Pontife Romain était perpétrée (que Dieu nous en préserve !) le crime de simonie, je décide et je déclare que tous ceux qui s'en rendraient coupables encourront l'excommunication latae sententiae et qu'est cependant supprimée la nullité ou la non validité de cette élection simoniaque, afin que, pour cette raison (comme cela a déjà été établi par mes Prédécesseurs), ne soit pas mise en cause la validité de l'élection du Pontife Romain (23).
           
        "§ 79. ― De même, confirmant les prescriptions de mes Prédécesseurs, j'interdis à quiconque, fût-il revêtu de la dignité cardinalice, de contracter des engagements, tandis que le Pontife est vivant et sans l'avoir consulté, à propos de l'élection de son Successeur, ou de promettre des voix ou de prendre des décisions à ce sujet dans des réunions privées".
           
        Ainsi donc, il suffisait de... bien lire (!) la constitution de Jean-Paul II sur les élections pontificales pour invalider complètement le raisonnement sédévacantiste attentatoire à la Constitution divine de l'Église qu'ose tenir le cardinal Raymond Burke. Le raisonnement que tient Jean-Paul II dans ces numéros 78 & 79 est en effet le suivant : si une élection pontificale est délictueuse ou défectueuse, soit par simonie soit par intrigues, sont excommuniés tous ceux qui prennent part active à ce délit ou cette défectuosité, MAIS L'ÉLECTION DU NOUVEAU VICAIRE DU CHRIST AINSI FAITE ET ENTACHÉE EST ET RESTE VALIDE. Et la même règle fondamentale régit toute élection pontificale qui serait délictueuse ou défectueuse pour une raison ou pour une autre, de droit divin ou de droit canon, car elle est basée sur la règle prochaine de la Légitimité pontificale qui veut qu'une élection pontificale ne saurait plus être entachée d'aucun vice, ni de forme ni de fond, à partir du moment où elle est reçue et approuvée par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique du Sacré-Collège cardinalice.
           
        C'est bien pourquoi d'ailleurs, Jean-Paul II introduit son § 79 par "DE MÊME", qui le lie formellement dans le raisonnement théologique au § 78, c'est-à-dire que le même raisonnement théologique qu'on a vu, qui excommunie les fauteurs de simonie mais ne touche en rien à la validité de l'élection pontificale simoniaque, s'applique à une élection pontificale entachée d'intrigues. La conclusion est donc certaine : même si l'élection de François succédant à Benoît XVI avait été faite par "délit d'initiés", ce qui serait un vice dans son élection, les cardinaux qui se seraient rendus coupables d'un tel délit seraient excommuniés, MAIS L'ÉLECTION DU PAPE FRANÇOIS QU'ILS AURAIENT AINSI FAITE FRAUDULEUSEMENT SERAIT ET RESTERAIT VALIDE.
 
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        Nous venons donc de voir ensemble que la certitude d'avoir un vrai pape, verus papa, nous est donnée premièrement et fondamentalement par la seule adhæsio cardinalice, c'est-à-dire dès le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre, confirmé s'il en était besoin (mais en vérité, théologiquement, il n'en est pas vraiment besoin) par l'obédience publique et solennelle des cardinaux envers le nouveau pape qu'ils viennent d'élire, lors de la cérémonie d'intronisation qui a lieu dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, devant toute l'Église.
           
        C'est l'enseignement unanime de tous les papes de l'ère moderne, de Pie X à Jean-Paul II en passant par Pie XII et Paul VI, et on a vu qu'ils expriment cette doctrine très-explicitement, sans aucune ambiguïté ni équivoque, ils sont au contraire très-formels sur cela, supprimant dans leurs constitutions tout ce qui pourrait s'opposer à cette loi fondamentale : "Dès l'instant où le nouvel élu a donné son acceptation, il est pleinement et vrai pape, verus papa". Or, bien sûr, à ce stade du "oui, accepto", c'est la seule adhæsio cardinalice, au sein d'un conclave encore fermé et non-ouvert, qui a donné ce pape certainement vrai pape, sans que ne s'y adjoigne d'aucune façon quelque élément qui ne soit strictement cardinalice. Puisque donc, sur l'enseignement formel des papes contemporains, ce stade exclusivement cardinalice donne la certitude d'avoir un pape pleinement et vrai pape, c'est donc à ce stade que la nouvelle élection pontificale devient formellement un fait dogmatique, de soi toujours doté de l'infaillibilité ecclésiale, ce qui signifie bien sûr que cela implique la croyance de fide de tout fidèle de croire que le nouveau pape est vrai pape, sous peine d'anathème ipso-facto, dès le stade du "oui, accepto". Et c'est bien de cette manière formelle que les papes de l'époque moderne l'entendent. Reprenons en effet la formule très-forte de Pie XII : "Le consentement (de l'élu à sa propre élection au Siège de Pierre) ayant été donné (…), l'élu est immédiatement VRAI PAPE, et il acquiert par le fait même et peut exercer une pleine et absolue juridiction sur l'univers entier" (supra).
           
        On peut alors se poser la question : que devient l'adhæsio a-posteriori de l'universitas fidelium ? Faudrait-il, au rebours complet de la thèse avancée communément (à savoir que l'élection pontificale devient fait dogmatique uniquement quand cet adhæsio de l'universitas fidelium est actée, celle cardinalice actée lors du "oui, accepto" du nouveau pape n'ayant aucune valeur ou seulement d'ordre moral n'emportant pas de soi le fait dogmatique), professer tout au contraire que, selon l'enseignement des papes modernes, ce serait cette adhæsio de l'universitas fidelium qui serait, elle, parfaitement superfétatoire, n'ayant aucune valeur théologique, seule l'adhæsio cardinalice opérée lors du "oui, accepto" qui la précède toujours dans l'ordre chronologique ayant, et elle seule, véritablement valeur pour opérer et acter le fait dogmatique ?
           
        Répondre à la question par l'affirmative serait un excès qui montrerait, de la part de celui qui souscrirait à cette thèse, une non-connaissance de la Constitution divine de l'Église. En effet, remettons-nous bien devant les yeux que l'Église Universelle, quant au charisme d'enseignement magistériel infaillible, ici enseignement quant à la Légitimité pontificale, est à la fois le pape seul, mais encore et à égalité le pape et tous les évêques qui lui sont unis.
           
        Or, dans la vacance du Siège Apostolique, nous avons vu plus haut que le Sacré-Collège, dans sa majorité canonique, tient lieu du pape et qu'en son sein réside l'infaillibilité ecclésiale pour élire le nouveau pape (dans cette situation sede vacante extra-ordinaire, on pourrait dire que les cardinaux sont en effet à peu près, en corps d'institution dans le Sacré-Collège, l'équivalent d'une matière de pape actuel en exercice pour l'acte d'élire le futur pape, et bien sûr uniquement pour cet acte ; ils n'ont certes pas la forme de la papauté évidemment laquelle exige l'unicité de la personne pontificale, c'est-à-dire l'Autorité divine qui fait le vrai pape actuel en exercice, mais ils en sont, à eux tous ensemble, comme une matière ; si la formule guérardienne n'était profondément hétérodoxe, je dirai que le Sacré-Collège cardinalice, en corps d'institution, est, dans la période sede vacante, un "pape materialiter"). C'est précisément la raison pour laquelle, dès que leur unanimité cardinalice a élu le pape UN, sous grâce divine et motion très-pure du Saint-Esprit comme on l'a vu, celui-ci, ayant accepté son élection, ne peut qu'être très-certainement le vrai pape, verus papa, le fait dogmatique engageant formellement la croyance de fide de tout fidèle étant acté dès ce moment-là, comme, notons-le avec soin, ont beaucoup tenu à nous l'enseigner les papes modernes.
           
        C'est donc l'adhæsio du Sacré-Collège cardinalice qui, pour l'enseignement des choses de la Légitimité pontificale, tient la place du pape seul. Cependant, l'adhæsio de l'universitas fidelium est, dérivée et liée à celle cardinalice, théologiquement aussi importante, comme tenant, quant à elle, la place des évêques de l'orbe catholique unis au pape, dans l'enseignement magistériel de soi doté de l'infaillibilité ecclésiale. L'adhésion de tous les fidèles au nouveau pape élu, lorsque les cardinaux en font la monstrance épiphanique à tout l'univers par l'habemus papam est donc très-importante et nullement superfétatoire (commençons par bien noter la formule, d'ailleurs : Annuntio vobis gaudium magnum : habemus papam. Je vous annonce une grande joie : nous avons un pape. Nous avons, c'est-à-dire : ça y est, c'est un fait accompli déjà et formellement dès que la formule est prononcée du haut du balcon de Saint-Pierre, le nouveau pape est déjà tout fait lorsque les cardinaux le présentent à "l'adoration" de la foule des fidèles, sans qu'il y ait nul besoin constitutivement de l'accord des fidèles pour qu'il soit vraiment vrai pape ! ; ce qui, une fois de plus, confirme la doctrine des papes modernes que l'adhæsio des cardinaux scellée par le "oui, accepto" du nouveau pape suffit à faire certainement le vrai pape, verus papa).
           
        Pour bien comprendre l'articulation théologique entre les deux adhæsio, prenons l'exemple de la proclamation dogmatique par le pape Pie IX, de l'encyclique Quanta Cura. Cette encyclique est dotée de l'infaillibilité par la seule promulgation du pape Pie IX. Cependant, un grand nombre d'évêques d'alors ont voulu souscrire et proclamer magistériellement, eux aussi, la doctrine contenue dans cette encyclique. Ils ont alors adressé une lettre collective à Pie IX, pour, en union avec lui, souscrire à Quanta Cura. C'était une simple lettre quant à la forme mais en fait, pour le fond, ça n'en était pas moins un véritable et authentique acte du Magistère épiscopal des évêques dispersés una cum le pape actuel, théologiquement un avec lui, et donc elle aussi, cette pourtant simple lettre, n'était pas moins qu'un document formel du Magistère infaillible, autant doté du charisme d'infaillibilité que l'encyclique du seul pape Pie IX promulguant Quanta Cura.
           
        "Pie IX promulgua ce Décret [Quanta Cura] dans des conditions d'infaillibilité certaines que tous, catholiques et opposants, reconnaissent. D'ailleurs, bien qu'il n'en soit nullement besoin, il n'est pas mauvais de préciser que ledit Décret fut ratifié a-posteriori par l’unanimité morale des Évêques de l'époque. Six mois après que le pape eut publié cette encyclique le 8 décembre 1864, cinq cents Évêques venus du monde entier, réunis à Rome, signèrent une adresse de salutation qui fut solennellement remise au pape le 1er Juillet 1865. On y lisait : «Dans la Foi que Pierre exprime par la bouche de Pie, nous disons, confirmons et déclarons aussi tout ce que tu as dis, confirmé et déclaré pour la sauvegarde du trésor de la Foi transmise. Nous rejetons aussi unanimement et d'un commun accord tout ce que ton jugement a trouvé nécessaire à désapprouver et à condamner». Ces cinq cents Évêques représentaient alors environ cinq/sixièmes de tous les Évêques du monde, c'est-à-dire la plus grande majorité" (La fidélité au Pape — un devoir sacré pour tout catholique, Johannes Rothkranz, 1998, p. 16).
           
        Voilà qui nous permet de bien comprendre l'articulation exacte entre l'adhæsio cardinalice et l'adhæsio de l'universitas fidelium : la première est fondamentale et acte déjà formellement le fait dogmatique quant à l'élection du nouveau pape, elle n'a nul besoin de la seconde pour exister, ni surtout pour la compléter constitutivement. La seconde, tout au contraire, a besoin de la première, celle cardinalice, pour exister, elle est effectivement, elle aussi, et pas moins que la première, dotée de l'infaillibilité et acte le fait dogmatique qui engage la croyance de fide pour tout fidèle, mais il est capital de comprendre qu'elle n'est infaillible que parce qu'elle est viscéralement entée sur la première et fondamentale adhæsio, celle cardinalice ; de la même manière que l'adresse collective faite à Pie IX par tous les évêques ne fut dotée de l'infaillibilité que parce qu'elle était entée sur la promulgation de Pie IX. Sans y être entée, elle n'aurait pas été dotée de l'infaillibilité (car les évêques seuls sans le pape ne peuvent jamais être infaillibles, pas plus du reste in docendo, en enseignant, que in credendo, en croyant l'enseignement, nous allons voir cela tout-à-l'heure) ; y étant entée, elle est elle-même infaillible. En fait, leur adresse épiscopale collective d'approuver Quanta Cura est infaillible avec le pape, mais pas sans lui. Et de la même façon quant aux choses de la Légitimité pontificale, l'adhæsio de l'universitas fidelium n'acte le fait dogmatique doté de l'infaillibilité que parce qu'elle est entée et entièrement dérivée de l'adhæsio cardinalice antécédente, actée quant à elle au moment précis du "oui, accepto" du nouveau pape. Elle acte le fait dogmatique impliquant la croyance de fide des fidèles, avec l'adhæsio cardinalice, mais pas sans elle. C'est l'adhæsio cardinalice qui fait que l'adhæsio de l'universitas fidelium puisse acter infailliblement, quant à elle, le fait dogmatique.
           
        On soutiendra alors que dans ce cas-là, seule l'adhæsio cardinalice formellement actée lors du "oui, accepto" de nouveau pape a vraiment de l'importance, fondant in capite et au premier chef le fait dogmatique. C'est, remarquons-le, justement exactement ce que nous disent les papes de l'ère moderne, comme nous l'avons vu ! Serait-ce à dire que, bien que dotée elle aussi de l'infaillibilité quand elle ente sa déclaration sur cette première adhæsio cardinalice, celle de l'universitas fidelium n'aurait aucune importance...?
           
        Il faut bien se garder de le croire. Cela équivaudrait à dire que la profession de Foi des évêques de l'orbe catholique n'aurait pas d'importance, même entée sur celle du pape, du moment que le pape seul proclame la doctrine. En réalité, cette adhæsio de l'universitas fidelium est aussi importante, sur le plan théologique, spirituel, que l'adhæsio cardinalice, quoique seconde non seulement chronologiquement mais surtout dans l'ordre théologique. Nous nous retrouvons là en fait avec l'enseignement de Jésus-Christ dans l'Évangile, lorsqu'Il répond à la question du pharisien, docteur de la loi : "Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton esprit. C'est là le plus grand et le premier commandement. Mais le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dans ces deux commandements sont renfermés la loi et les prophètes" (Matth XXII, 36-40). Il y a donc un premier, il y a donc aussi un second, mais les deux sont semblables, ont même valeur devant Dieu.
           
        C'est exactement la même chose pour notre affaire. Il y a deux adhæsio en fait, qui confectionnent le fait dogmatique, celle cardinalice (première et fondamentale) et celle de l'universitas fidelium (seconde et dérivée de la première). Mais elles ont toutes les deux, chacune à leur place, semblable valeur, cependant que la seconde ne peut exister qu'en étant entée viscéralement sur la première, en totale dépendance d'elle, à défaut tout simplement de pouvoir exister (le même raisonnement se tient, on l'a compris, pour la proclamation de la Foi par le pape seul, première dans l'ordre théologique, et la proclamation de la Foi par les évêques unis au pape, seconde dans l'ordre théologique).
           
        Il y a, c'est bien vrai, deux commandements divins, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme et tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais s'il y a un et deux, donc une ordonnance hiérarchique qui veut que un est toujours premier dans l'ordre, et que deux ne vient qu'à sa suite, ces un et deux sont semblables, c'est-à-dire ont même valeur théologique. C'est exactement la même chose pour notre affaire : l'adhæsio cardinalice est première dans l'ordre théologique pour fonder la croyance de fide dans le nouveau pape, l'adhæsio de l'universitas fidelium est toujours seconde, et cependant elles sont toutes deux semblables, c'est-à-dire que toutes deux opèrent la croyance de fide dans le nouveau pape, la seconde cependant ne pouvant l'opérer qu'en étant entée sur la première, de la même manière que je ne peux pas aimer mon prochain si, d'abord, je n'aime pas Dieu, car c'est uniquement par l'Amour de Dieu que je peux aimer réellement mon prochain.
           
        Dans sa remarque sur l'élection pontificale valide de François, Géraldina Boni a une formulation judicieuse, elle écrit que "la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio est le signe et l’effet infaillible d’une élection valide et d’un souverain pontificat légitime". Les mots sont effectivement fort bien choisis. Un signe est une "chose perçue qui permet de conclure à l'existence ou à la vérité d'une autre chose, qui la manifeste, la démontre ou permet de la prévoir, et à laquelle elle est liée" (Dictionnaire). C'est exactement cela qu'est l'adhæsio de l'universitas fidelium a-posteriori : le signe manifeste, démontré, que l'élection du nouveau pape est d'ores et déjà opérée de droit divin par le Sacré-Collège cardinalice, ça n'en est donc qu'un effet. L'adhæsio de l'universitas fidelium au nom de tous les fidèles n'est qu'un signe topique et un effet d'une élection pontificale qui est déjà formellement valide et légitime. Il ne faudrait pas comprendre cette adhæsio de l'universitas fidelium comme un constituant de la validité de la nouvelle élection pontificale, sous-entendu qu'à son défaut ladite élection ne saurait être notée de légitime ni de valide, comme les auteurs qui ont traité de cette question ont l'air de trop le croire. C'est le contraire qui est vrai, à savoir : l'adhæsio cardinalice réalise déjà et formellement l'élection pontificale valide et légitime, et l'adhæsio de l'universitas fidelium qui vient juste après, a-posteriori, n'est qu'un confirmatur (Jean de Saint-Thomas) qui entérine à son compte cette validité et légitimité déjà certaines sans elle. L'adhæsio de l'universitas fidelium n'est effectivement qu'un signe et un effet. Le signe qu'une chose est déjà absolument telle sans que le signe ait à réaliser en cette chose, de quelque substantielle manière que ce soit, la réalité de cette dite chose ; c'est donc un simple effet, qui ne produit aucune cause.
           
        L'image suivante va bien le faire saisir : si vous allumez un grand feu de bois, quasi aussitôt va s'en émaner de la fumée. La fumée de votre feu de bois ne crée évidemment pas le feu lui-même, elle n'en est que "le signe et l'effet", un effet obligatoire certes mais rien de plus qu'un effet, quand bien même elle possède un être substantiel à part entière, qui n'est pas celui du feu, et qui donc a même valeur que lui. De la même manière, l'adhæsio de l'universitas fidelium (fumée) est "signe et effet" de l'adhæsio cardinalice (feu) qui est la seule à créer et générer premièrement la croyance de fide pour tout fidèle quant à la légitimité du nouveau pape, cependant que l'adhæsio de l'universitas fidelium a même valeur théologique que l'adhæsio cardinalice, elle lui est "semblable", quoique seconde. Elle lui est tellement "semblable", que si jamais vous étiez loin du feu allumé, un rideau d'arbres vous le cachant, et que vous n'en voyiez que la fumée, vous seriez tout-à-fondé à conclure que le feu existe, aussi infailliblement et sûrement que si vous voyiez le feu lui-même. Ainsi de même, si, par extraordinaire et surtout par impossible, l'adhæsio de l'universitas fidelium seule était visible dans l'Église sans que l'adhæsio cardinalice le soit, elle prouverait formellement l'existence de cette dernière...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
 
        Justement, posons-nous à présent la question qui invalide complètement la thèse qui voudrait que la seule adhæsio de l'universitas fidelium ait pouvoir d'acter le fait dogmatique obligeant à la croyance de fide tout fidèle, autrement dit lapidairement, que "deux" seul existerait mais pas "un". Cette hypothèse va tout-de-suite montrer son absurdité, par la réponse faite à la question primordiale suivante : dans ce cas de figure où "deux" existerait sans que "un" existe, quels seraient les sujets de cette adhæsio de l'universitas fidelium ? Or, la vérité, c'est qu'on ne peut en trouver aucun qui puisse acter le fait dogmatique !! Même Jean de Saint-Thomas est bien obligé, ne sachant trop sur quel pied danser, d'avouer son impuissance à désigner cesdits sujets de l'adhæsio exclusive de l'universitas fidelium censés confectionner et acter le fait dogmatique : "Est-ce dès que les cardinaux proposent les élus aux fidèles qui sont dans la localité immédiate, ou seulement lorsque la connaissance de l’élection s’est suffisamment répandue dans le monde entier, où que se trouve l’Église ?", nous dit-il dans le brouillard-brouillon, bien obligé de se rabattre, pour la suite de son exposé, sur les cardinaux comme seuls sujets visiblement valables pour acter le fait dogmatique que constitue l'élection du nouveau pape...
           
        Rigoureusement impossible, en effet, de prendre les seuls "fidèles" comme sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium, pour acter le fait dogmatique doté de l'infaillibilité : les fidèles ou simples "membres enseignés", qu'ils soient très-peu nombreux comme ceux qui "sont dans la localité immédiate" de la proclamation cardinalice du nouveau pape, ou au contraire très-nombreux, sans qu'on puisse d'ailleurs jamais savoir s'ils représentent valablement ou bien non l'adhæsio "du monde entier, où que se trouve l'Église", les "fidèles" disais-je, qui ne sont que "membres enseignés", ne peuvent de toutes façons, en tout état théologique de cause, jamais acter un fait dogmatique doté de l'infaillibilité, chose bien sûr réservée exclusivement aux "membres enseignants" !
           
        Les auteurs "ralliés" des articles que j'ai lus l'ont compris, et alors, cherchant désespérément quels pourraient bien être ces sujets problématiques de l'adhæsio de l'universitas fidelium seule résolument déconnectée de l'adhæsio cardinalice, soit disant théologiquement capables d'acter le fait dogmatique, ils ont voulu les trouver dans les chefs ecclésiaux de cesdits "fidèles" du monde catholique évoqués par Jean de Saint-Thomas, à savoir dans leurs évêques. Cette solution épiscopale a une apparence, mais une apparence seulement, de solidité, ceux-ci en effet étant des "membres enseignants" de par leur caractère épiscopal.
           
        Mais malheureusement pour ces auteurs "ralliés", ils ne font que se retourner le fer dans la plaie. Dans le cas qui nous occupe en effet, ces évêques seraient supposés acter le fait dogmatique... sans le pape. Et pour cause !, puisqu'il faudrait que, tous ensemble, évêques de l'orbe catholique toute entière, ils professent reconnaître le nouveau pape actuel, reconnaissance qu'ils ne pourraient acter évidemment que... sans lui, nouveau pape ! Or, bien sûr, tous les évêques seuls sans le pape n'étant jamais infaillibles dans l'enseignement magistériel, ils ne peuvent donc pas, en tout état de cause, confectionner le fait dogmatique quant au nouveau pape. Mes "ralliés" s'en sont bien rendus compte.
           
        Alors, piteusement et n'importe comment sur le plan théologique, ils ont tâché d'inventer un distinguo complètement aberrant : les évêques sans le pape ne sont certes jamais infaillibles dans l'enseignement (in docendo), mais, soutiennent-ils, ils pourraient être infaillibles ensemble sans le pape dans la croyance (in credendo) ! Nous sommes là en pleine absurdité : si les évêques sans le pape ne peuvent pas enseigner infailliblement, ils ne peuvent pas plus, sans le pape, croire infailliblement. Attendu que la croyance entraînant le fait dogmatique doit obligatoirement être théologiquement fondée, et que bien sûr, elle ne peut l'être si... l'on exclut par principe le pape actuel ou bien le Sacré-Collège cardinalice récipiendaire de l'infaillibilité dans les périodes sede vacante ! En effet, si l'on veut que les évêques catholiques dans leur universalité soient infaillibles dans la croyance, cela inclut la nécessité et l'obligation formelles d'avoir à fonder théologiquement leur croyance sur un suppôt doté de l'infaillibilité ; or, précisément, in casu, ils n'en peuvent trouver aucun, puisque le seul qui existe et sur lequel ils pourraient appuyer leur croyance est l'adhæsio cardinalice posée sur le nouveau pape au moment de son "oui, accepto", adhæsio cardinalice que, dans l'hypothèse envisagée, on veut que les évêques l'excluent pour poser leur croyance ! L'excluant par principe, les évêques de l'orbe catholique n'ont donc plus aucun moyen, aucune assise, pour fonder infailliblement leur croyance que le nouveau pape est certainement le vrai pape, non seulement pour eux-mêmes mais pour tous les fidèles dont ils ont charge...
           
        Vouloir que les évêques soient infaillibles in credendo à défaut de pouvoir l'être in docendo n'est donc en réalité qu'une pure sottise, c'était reculer pour mieux sauter...
           
        Résumons-nous. Si l'on veut que ce soit l'adhæsio de l'universitas fidelium toute seule, sans être entée de quelque manière que ce soit sur l'adhæsio cardinalice, qui fonde le fait dogmatique quant au nouveau pape élu, alors l'enquête serrée sur les sujets de cette adhæsio de l'universitas fidelium résolument déconnectée de l'adhæsio cardinalice montre qu'il est absolument et rigoureusement impossible... d'en trouver aucun pour la mettre en œuvre !! Les fidèles ? C'est non. Les évêques de cesdits fidèles ? C'est encore beaucoup plus non, in docendo comme in credendo !
           
        C'est montrer avec une grande clarté, et même éblouissante, la fausseté intégrale de cette thèse, qui n'a pouvoir que de s'empaler sur sa propre impuissance...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
             
        L'histoire ecclésiastique nous fournit d'ailleurs une preuve concrète supplémentaire que les évêques de l'orbe catholique n'ont strictement rien à voir dans les sujets pour acter le fait dogmatique d'avoir un nouveau pape, dans le cas du pape Pélage 1er. Voyons cela de plus près.
           
        Lors de l'élection de Pélage 1er (556-561), une fraction importante des évêques de l'univers catholique ne le reconnut pas durant de longs mois et même pour certains pendant tout son pontificat, et cependant Pélage n'en fut pas moins tenu par l'Église pour vrai pape, verus papa, et ce, dès le tout premier jour de son élection canonique par le haut-clergé de Rome (à cette époque reculée, le Sacré-Collège cardinalice n'existait pas encore, mais les archidiacres et autres primiciers qui formaient le haut-clergé romain en tenaient lieu). Ce qui montre bien que ceux qui, au tout premier chef, sont habilités et aptes à poser l'acte de droit divin entraînant la croyance de fide de tous les fidèles quant au nouveau pape actuel, sont les seuls cardinaux (ou leurs ancêtres) et non les évêques.
           
        Pélage vit en effet les premières années de son pontificat complètement brouillées par la pénible et toute passionnelle querelle des Trois Chapitres, avatar entortillé de l'hérésie monothélite, qui elle-même n'était qu'une sophistication intellectualiste de l'hérésie monophysite. L'infortuné pape fut sérieusement "boudé" par une fraction non-négligeable de l'Église d'alors, à savoir : quasi toute l'Église africaine et celle d'Illyricum (alors très-importantes dans l'orbe universelle), aussi, bien des évêques de Gaule (qui mirent tellement le doute dans l'esprit du roy Childebert, fils de Clovis, que celui-ci exigea du pape une profession de Foi ; la première, d'ailleurs, n'ayant pas satisfait, le pape Pélage 1er dut s'humilier à en rédiger une seconde...!), mais encore, les églises de Milan et d'Aquilée, d'Émilie, c'est-à-dire quasi toute l'Italie du Nord... ce qui, en tout, faisait vraiment pas mal de monde, et même beaucoup ! Il est du reste à noter que Pélage 1er "ne parvient pas à venir à bout des schismes de Milan et d'Aquilée, qui se prolongent jusque sous [son successeur] le pape Jean III [561-574] pour Milan et jusqu'au début du VIIe siècle pour Aquilée" (Dictionnaire historique de la papauté, etc., Levillain, p. 1296, 1ère col., art. "Pélage 1er").
           
        Donc, un nombre important d'églises, à commencer bien évidemment par les évêques qui étaient à leurs têtes, ne reconnaissaient pas Pélage 1er comme pape actuel. Pour autant, cela n'a nullement empêché que la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio fut parfaitement actée sur le pape Pélage dès le premier jour de son élection, ce que l'Église, postérieurement, a enregistré formellement dans ses annales officielles, ne faisant aucun doute sur la validité de l'élection de Pélage dès qu'il fut canoniquement choisi par les ancêtres romains des cardinaux. Ce qui, une fois de plus, prouve bien que ce sont les cardinaux, ou ceux qui en tenaient le rang dans les temps reculés, qui ont mandat et pouvoir divins de faire le vrai pape, verus papa, et ainsi de poser la croyance de fide pour tout fidèle, bien avant que les évêques ne le fassent, d'une manière seulement subséquente quant à eux et en union avec le haut-clergé romain, ne venant que confirmer et corroborer l'acte cardinalice in capite.
 
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        Les seuls sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium méritant un examen seraient donc les évêques de l'orbe catholique, nous dit-on. Hélas pour la thèse, on vient de voir qu'ils sont théologiquement encore plus inaptes à en être les sujets que les simples fidèles ! Outre ce que je viens de dire invalidant formellement leur emploi comme sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium pour désigner par le fait dogmatique le nouveau pape à tous les fidèles, une autre raison invalide beaucoup plus encore leur emploi pour être lesdits sujets. Si en effet l'universalité des évêques avaient un pouvoir quelconque pour légitimer le pape actuel, ne serait-ce qu'une fois dans un cadre extraordinaire, alors, ce serait souscrire et tomber ipso-facto dans l'hérésie du conciliarisme.
           
        Il est en effet absolument et radicalement proscrit que les évêques aient un quelconque pouvoir sur la fonction pontificale suprême, sur le pape. Ainsi donc, non seulement les évêques, comme nous venons de le voir, ne peuvent jamais être les sujets d'un acte infaillible sans le pape, qu'il soit in docendo ou in credendo, mais le pourraient-ils théoriquement, qu'il serait de toutes façons proscrit absolument qu'ils posent un tel acte pour légitimer un nouveau pape actuel. Or, évidemment, c'est ce qu'ils feraient si on mettait dans leurs mains épiscopales le pouvoir par-dessus les cardinaux d'acter le fait dogmatique quant à l'élection pontificale. Le pape ainsi élu et certainement pape mais seulement de par l'accord unanime des évêques de l'orbe catholique tout entière, ne serait donc pape que par le consentement épiscopal, et il n'y a pas besoin de continuer longtemps le raisonnement théologique pour comprendre que son autorité pontificale, en quelque matière elle s'exprimerait ultérieurement, serait donc à partir de là tout le temps dépendante de l'accord unanime des évêques... et c'est là toute l'hérésie conciliariste. Il est capital de comprendre que le pouvoir pontifical du pape ne doit dépendre jamais et d'aucune manière de celui épiscopal, sous peine de subvertir l'Institution pontificale telle que le Christ l'a constituée en disant à Pierre : "Tu es Pierre, et sur cette Pierre Je bâtirai mon Église" (Matth XVI, 18).
           
        Proscrire absolument tout conciliarisme dans les mœurs de l'Église. ― C'est pourquoi l'on voit le pape Pie IX n'avoir qu'une pensée, lorsqu'il édicte comment doit être réglée une nouvelle élection pontificale si jamais le pape devait mourir en plein concile général : celle d'en ôter absolument tout pouvoir aux évêques ; et il va jusqu'à déclarer aboli ledit concile général aux fins de supprimer tout empiètement, si minime soit-il, des évêques sur l'élection pontificale réservée aux seuls cardinaux, statuant haut et fort que lesdits évêques ne puissent avoir jamais aucune participation à l'élection pontificale qui aurait lieu après pour remplacer le pape de cujus. Or, si l'on suivait le mauvais raisonnement de ceux qui voudraient que les évêques soient les sujets formels de l'adhæsio de l'universitas fidelium pour confectionner le fait dogmatique quant au nouveau pape élu, alors, la mort d'un pape intervenant en plein concile général, cela simplifierait pratiquement énormément les choses, tous les évêques étant déjà réunis, de les utiliser tout-de-suite pour la prochaine élection pontificale s'ils y avaient un quelconque droit, surtout celui d'acter le fait dogmatique obligeant à la croyance de fide quant au nouveau pape élu.
           
        Mais le pape Pie IX, édictant en la matière, suivant en cela les prescriptions de son prédécesseur Jules II et lui-même suivi par le pape Pie X, fait le raisonnement exactement inverse : "Reprenant un usage introduit par Jules II, Pie IX a promulgué que, s'il arrivait qu'un pape mourût pendant la célébration d'un concile œcuménique, l'élection du successeur serait faite non par le concile, lequel est aussitôt interrompu ipso jure, MAIS PAR LE COLLÈGE SEUL DES CARDINAUX (Acta et decreta sacrosanti oecumenici concilii Vaticani, Romae, 1872, p. 104, sq.). Cette même disposition est rappelée dans la constitution Vacante sede apostolica, de Pie X, 25 décembre 1904, n° 28".
           
        Pie XII exposera cette doctrine d'une manière encore plus inflexible et plus militante : "§ 33. ― Si jamais il arrive que le Pontife romain meure durant la tenue d’un concile général, soit que le concile siège à Rome, soit qu’il ait lieu dans un autre endroit de l’univers, l’élection du nouveau pontife doit toujours être faite exclusivement par le seul Collège des cardinaux de la Sainte Église romaine, et non point par le concile lui-même, dont Nous déclarons nuls juridiquement les actes qui, d’une façon quelconque, sembleraient par une audace téméraire, affaiblir le droit exclusif du Sacré Collège des cardinaux ; de cette élection doivent absolument être exclues toutes les autres personnes qu’une autorité quelconque, même celle du concile, pourrait par hasard déléguer, hormis les cardinaux. Bien plus, pour qu’en cette élection les cardinaux mentionnés puissent, par la suppression de tout empêchement et l’éloignement de toute occasion de troubles et de divisions, procéder avec plus de liberté et de facilité, le concile lui-même, en quelque situation et étape qu’il se trouve, doit être regardé comme suspendu de droit, dès la réception de la nouvelle certaine du décès du pontife, de sorte que sans nul retard, il doit aussitôt cesser toutes réunions, congrégations et sessions, et arrêter la rédaction de tous décrets et canons, sous peine de nullité de ces actes, et ne pas se poursuivre pour n’importe quel motif, même si le motif paraissait très grave et digne de spéciale considération, jusqu’à ce que le nouveau pontife, canoniquement élu, ordonne de le reprendre et de le continuer (Pie IX, const. Cum Romanis Pontificibus, 11 ou 13 décembre 1869 ; Code de Droit canon, can. CIS 229)" (Vacantis Apostolicæ sedis, Pie XII, 8 décembre 1945).
           
        Ainsi donc, il est trop clair qu'on en revient toujours à la doctrine catholique en la matière, à savoir que non seulement les évêques n'ont aucun pouvoir sur l'élection pontificale, quelqu'il soit, mais que tout pouvoir quant à l'élection pontificale est donnée par l'Église aux seuls cardinaux ou haut-clergé de l'Église romaine, "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet). Les papes Pie IX et Léon XIII le diront très-explicitement : "Le droit d'élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n'importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu'elle soit" (Pie IX, const. In hac sublimi, 10 des calendes de septembre 1871 & Consulturi, 10 octobre 1877 ; Léon XIII, const. Praedecessores Nostri).
           
        Tout cela montre fort bien à quel point la thèse de l'adhæsio par les seuls évêques, brandie sans réflexion par les auteurs "ralliés" que j'ai lus, est radicalement fausse puisqu'elle verse ipso-facto dans l'hérésie conciliariste (nonobstant le fait, comme on l'a vu, que les évêques seuls sans le pape sont de toutes façons complètement impuissants à poser un acte doté de l'infaillibilité, in docendo ou in credendo, ce qui les exclut dans le principe de pouvoir poser le fait dogmatique quant à l'élection du nouveau pape).
           
        Si en effet l'on professait que la croyance de fide dans le nouveau pape ne dépend que de l'adhæsio des évêques de l'orbe catholique universelle, alors, on ferait dépendre toute Légitimité pontificale de l'union formelle des évêques, ce qui, sur le plan théologique, est similaire à l'union matérielle desdits évêques dans un concile général, et donc le pape ne serait pape que par l'accord des évêques, ce qui est virtuellement soumettre l'Autorité pontificale à cette union formelle des évêques, proposition qui est identique à celle voulant soumettre l'Autorité du pape au concile général épiscopal, ce qui a été condamné comme hérétique (conciliarisme) par le pape Martin V, à la fin du grand-schisme d'Occident, puis par Eugène IV son successeur. De jure, cette thèse de l'adhæsio épiscopale est donc condamnée ; elle ne l'est pas moins dans le de facto. En effet, si la certitude théologique d'avoir un vrai nouveau pape dépendait uniquement de l'adhæsio universelle des évêques, celle des cardinaux qui la précède ne valant théologiquement rien, cet adhæsio épiscopale universelle et unanime ne pourrait se former que dans un laps de temps très-long, ce qui est incompatible avec la loi fondamentale qui veut que le nouveau pape doit être règle immédiate de Foi pour tous les fidèles, dès son élection... loi fondamentale que par contre, réalise très-bien l'accord sur le nouveau pape par l'adhæsio des cardinaux dans leur majorité canonique, adhæsio cardinalice canoniquement unanime actée dès le jour même de l'élection conclavique, comme le formulait si bien notre génial adolescent de quatorze ans, Jérôme Bignon. Et c'est pourquoi, c'est leur acte à eux, cardinaux de la sainte Église romaine "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet), qui est fondateur de celui, subséquent et seulement dérivé, des évêques approuvant a-posteriori la nouvelle élection pontificale au nom et pour le compte de l'universitas fidelium.
           
        Ceci, pour sauvegarder le merveilleux équilibre constitutionnel de l'Église : si l'évêque avait un quelconque droit dans l'élection du pape, c'en serait bien fini de la liberté du pape ainsi élu ! Faire dépendre la validité d'une élection pontificale de l'adhæsio des seuls évêques est anti-théologique au possible : souvenons-nous du concil(iabul)e de Bâle voire même de Constance à ses débuts, lesquels n'avaient rien moins en projet que de soumettre en principe le pape à tout concile général (qui sont composés des seuls évêques quant aux voix actives) ; il suffit en effet de lire les discours conciliaristes complètement hérétiques sur cela du français Gerson ; ce n'est qu'à fort grand'peine si l'Église romaine réussit, notamment grâce à l'action intelligente, pondérée, inspirée et persévérante, du pape Eugène IV (1431-1447) et de sa Curie, à sauvegarder sa constitution voulue par le Christ, à savoir que l'Autorité du Pape prévaut sur tout concile général. Or, depuis ces conciliabules du XVe siècle, très agressifs dans leur dernier avatar, celui de Bâle, étouffés d'extrême justesse, cette révolte contre l'Autorité pontificale ne cessa jamais : les hérésiarques parus dans l'Église depuis lors, qu'ils soient luthériens, calvinistes, hussites puis jansénistes et enfin modernistes, ont tous voulu battre en brèche l'autorité du Souverain Pontife, en voulant la plier démocratiquement aux voix épiscopales de l'Église, qu'on fasse résider ces voix dans des assemblées "parlementaires" d'Église, conçues comme de véritables "États généraux permanents de l'Église" reconductibles tacitement, ou bien dans des conciles nationaux, comme avec les jansénistes français. C'est d'ailleurs cette sourde mais continuelle et formidable révolte qui a fini par susciter la proclamation libératrice de Pie IX en 1870, concernant l'infaillibilité du pape seul, dans son Magistère ex cathedra.
           
        Nonobstant le caractère anti-théologique et anti constitutionnel de la chose, soumettre donc ne serait-ce qu'une seule élection pontificale à l'adhæsio exclusivement épiscopale au nom de l'universitas fidelium, serait du même coup créer un précédent des plus fâcheux dans la vie de l'Église militante, alors que les ennemis du Christ et de son Église n'ont jamais renoncé à abattre l'Autorité pontificale. Il est bien facile de comprendre qu'une fois cette adhæsio épiscopale canoniquement enregistrée dans les annales ecclésiastiques, rien ni personne ne pourrait plus désormais contredire les prétentions indues des démocrates révolutionnaires, ensoutanés ou non, qui veulent soumettre par principe le pape au concile général (ce qu'on voit de nos jours d'ailleurs, cet esprit synodal tous azimuts, en est une résurgence abâtardie ; mais, signe des temps apocalyptiques que nous vivons, cette fois-ci, c'est... le pape lui-même, notre inénarrable François, qui promeut cette subversion démocratique de la fonction pontificale instituée par le Christ !!).
 
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        Objection. ― Certains pourraient invoquer l'élection du pape Martin V (1369-1431), qui termina le grand-schisme d'Occident, comme argument pour soutenir qu'une élection pontificale peut être le fait des évêques, puisque les électeurs de Martin V, loin d'être seulement des cardinaux, furent aussi des évêques, du moins comptèrent-ils dans les électeurs admis.
           
        L'argument est cependant parfaitement faux, et un tout petit peu d'histoire ecclésiastique suffira à le bien montrer. Mais auparavant, il va être encore bon de rappeler que les seuls électeurs ordinaires du pape sont les cardinaux, et eux seuls. Nous l'avons déjà vu plus haut, les papes Pie IX et Léon XIII les font consister dans les seuls cardinaux, à l'exclusion formelle de tout autre tiers : "Le droit d'élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n'importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu'elle soit" (supra).
           
        Cependant, le cardinal Journet, dans L'Église du Verbe incarné, résume lapidairement et merveilleusement bien la question en évoquant la possibilité d'électeurs extraordinaires, par ces propos : "Le pouvoir d'élire le pape réside formellement (c'est-à-dire, au sens aristotélicien, comme apte à procéder immédiatement à l'acte d'élection) dans l'Église Romaine, en comprenant dans l'Église Romaine les cardinaux-évêques qui sont, en quelque sorte, les suffragants de l'Évêque de Rome (le pape). C'est pourquoi, selon l'ordre canonique prévu, le droit d'élire le Pape appartiendra de fait aux cardinaux seuls. C'est pourquoi encore, quand les dispositions du droit canonique seraient irréalisables, ce serait aux membres certains de l'Église de Rome qu'il appartiendrait d'élire le Pape. À DÉFAUT DU CLERGÉ DE ROME, CE SERAIT À L'ÉGLISE UNIVERSELLE, dont le pape doit être l'Évêque" (L'Église du Verbe Incarné, Journet, p. 623). La question qui nous occupe donc se résume ainsi avec une grande précision : l'élection pontificale revient au Haut-Clergé de Rome ; à son défaut, elle revient au Bas-Clergé de Rome ; à son défaut encore, elle revient à l'Église Universelle.
           
        Il n'est pas bien difficile de remarquer que les évêques ne sont jamais nommés, ni dans les électeurs ordinaires ni dans ceux extraordinaires. Pour autant, devrait-on comprendre que, dans la situation très-extraordinaire où l'élection pontificale reviendrait à l'Église Universelle, les électeurs seraient les seuls évêques, ou du moins y auraient-ils une place prépondérante ? C'est justement ce qu'on voudrait pouvoir dire à propos de l'élection de Martin V, seule élection pontificale dans toute l'Histoire de l'Église qui eut lieu sous le mode extraordinaire de l'Église Universelle, mais nous allons voir qu'il n'en est rien.
           
        Toutes les histoires ecclésiastiques rangent en effet en deux catégories bien marquées, bien distinctes l'une de l'autre, les électeurs de Martin V : il y a les vingt-six cardinaux de toute obédience des trois papes douteux d'un côté, et, de l'autre, trente représentants des cinq Nations chrétiennes principales d'alors, France, Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, soit, en tout, cinquante-six électeurs. Or, notons bien que même s'il y avait (forcément) des évêques parmi ces trente représentants des cinq Nations qui donc n'étaient pas cardinaux, ils ne l'étaient pas tous, et de plus, ceux qui l'étaient n'agirent au conclave élisant Martin V nullement en tant qu'évêques, mais juste comme simples mandataires des nations, comme toutes les Histoires le révèlent fort bien.
           
        Limitons-nous à deux exemples : dans sa célèbre Histoire universelle de l'Église catholique écrite au XIXème siècle, l'abbé Rohrbacher, à propos de ces trente représentants des cinq nations principales de la Chrétienté ayant voix au conclave, emploie le mot très-révélateur de "députés". Députés de qui ? Pas de l'Église, mais des nations chrétiennes qu'ils représentaient. Or, quand on est "député", on n'a pas plus de pouvoir que celui qui nous députe, c'est en effet un principe formel de droit que le mandataire n'a pas plus de pouvoir que ceux possédés par son mandant. Autrement dit, les personnes juridiques des nations n'ayant bien entendu nullement le pouvoir d'Ordre qui appartient exclusivement à l'Église, les députés qu'elles envoyaient au "conclave universel" pour les représenter ne l'étaient nullement en tant qu'évêques, pour ceux qui l'étaient. C'est pourquoi l'appellation de Rohrbacher dans son Histoire, etc. nous semble être la plus juste, à propos de ces trente représentants des cinq nations principales d'alors : "députés". Un autre historien, Gaston Castella, désigne ces trente députés des nations par la double dénomination fort significative elle aussi pour notre sujet de : "prélats et docteurs", parce qu'elle laisse encore mieux entendre que s'il y eut certes des évêques parmi ces électeurs des nations, il y eut également des laïcs, docteurs de Sorbonne, de Salamanque ou autres ("Prendraient part, cette fois-là, à l'élection, non seulement les cardinaux présents, mais trente prélats et docteurs, soit six de chacune des cinq nations" ― Histoire des papes illustrée, t. 1, p. 315).
           
        C'est donc bien à tort qu'on invoquerait l'élection du pape Martin V terminant le grand-schisme d'Occident, pour cautionner la thèse de l'adhæsio de l'universitas fidelium par les seuls évêques de l'orbe catholique toute entière.
           
        Retenons de tout ceci que la théologie la plus assise dans la Constitution divine de l'Église pose deux choses fondamentales : 1/ À défaut d'une élection pontificale opérée par les électeurs ordinaires que sont les cardinaux de la sainte Église romaine ou à leur défaut le bas-clergé de Rome (second cas de figure ordinaire qui, au reste, ne s'est jamais produit dans toute l'Histoire de l'Église), l'élection pontificale par l'Église Universelle est une chose très-extraordinaire, qui nécessite quasi un miracle de Dieu pour pouvoir être opérée afin de donner à l'Église l'élu UN ; 2/ Dans ce cas très-extraordinaire, l'Église Universelle n'est pas du tout représentée par les seuls évêques agissant de par leur pouvoir d'Ordre, mais par l'ensemble des fidèles catholiques, universitas fidelium, qu'ils soient clercs ou laïcs, qu'ils aient ou non autorité dans l'Église, qu'ils soient membres enseignants ou enseignés. Tout le monde catholique doit être dûment représenté et c'est précisément pourquoi la réunion universelle de l'Église est si extraordinaire. On ne sait plus qu'il y a eu un vrai miracle du Saint-Esprit pour réaliser dans l'Unité et la concorde générale l'élection du pape Martin V terminant le grand-schisme d'Occident, il faut lire l'histoire de concile de Constance pour le comprendre et en être saintement émerveillé...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Nous avons donc bien vu ensemble, en suivant l'enseignement formel des papes de l'ère moderne, de Pie X à Jean-Paul II en passant par Pie XII et Paul VI, que c'est le "oui, accepto" du nouveau pape qui le fait vraiment pape, verus papa. Pour être complet sur la question, il faut cependant préciser que la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, intervenant dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, a parfois été retenue par les papes du passé comme étant le moment où le fait dogmatique était acté. Cela, de toutes façons, ne change rien quant au fond sur la doctrine qui veut que ce soit le seul Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique qui acte formellement le fait dogmatique, car que celui-ci soit acté lors du "oui, accepto" à la fin du conclave ou bien lors de l'intronisation du nouveau pape ayant lieu quelques courts jours seulement après ce "oui, accepto", nous sommes toujours là dans le cadre exclusif de l'adhæsio cardinalice seule. Mais il ne me semble pas inutile de rappeler que certains papes du passé ont voulu en effet privilégier l'intronisation du nouveau pape sur l'élection conclavique, comme étant le jour où commence vraiment son pontificat, où l'on est absolument sûr qu'il est vrai pape, verus papa, pour toute l'Église.
           
        Je l'exposais ainsi dans L'Impubliable : "L'acte de reconnaissance ecclésiale universelle du nouveau pape par l'organe des cardinaux unanimes est si important sur le plan théologique, que la coutume a été prise, depuis la décision du pape saint Léon IX (1048-1054), de dater le pontificat du jour du couronnement ou intronisation ou «adoration», et non à compter de celui de l'élection conclavique ou encore celui du Sacre épiscopal éventuel si le nouveau Pierre n'est pas encore évêque ; et «cet usage a persisté, en dépit de la Constitution Cum esset du 15 décembre 1633, dans laquelle Urbain VIII cherchait à faire prévaloir la date de l'élection» (Le Conclave, Lucius Lector, 1894, p. 667). La sigillographie illustre très-bien, elle aussi, l'importance plus grande, quant à la légitimité papale, de l'acte de reconnaissance ecclésiale universelle posé par les cardinaux le jour de l'intronisation du pape nouvellement élu, sur celui de l'acte d'élection conclavique : «Aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, les papes ont utilisé, entre leur élection et leur couronnement un sceau de plomb incomplet, la demie-bulle (bulla dimidia, blanca, defectiva), ne comportant pas leur nom au revers ("mais seulement les effigies des saints Pierre & Paul" ― ibid., p. 666). Les actes ainsi scellés présentaient des particularités rédactionnelles : dans la suscription, le nom du pape était suivi du mot electus, la formule suscepti a nobis apostolatus officii remplaçait dans la date les mots pontificatus nostri, et une clause spéciale expliquait les raisons de l'emploi de la demi-bulle. Le plus ancien original connu scellé de cette façon est un acte de Grégoire X du 4 mars 1272» (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, 1994, art. "bulle", p. 240, col. 1).
           
        La reconnaissance officielle par les cardinaux représentant l'Église Universelle du pape nouvellement élu, qui est le fondement théologique de la cérémonie du couronnement et de l'intronisation, est un constituant intrinsèque si important de la légitimité pontificale, qu'un pape mort seulement quatre jours après son élection, sans avoir pu être «adoré» pontificalement, ne fut tout simplement pas inclus dans la liste officielle des papes durant tout le Moyen-Âge, comme s'il ne l'avait pas vraiment été : il s'agit d'Étienne II (mars 752). Et Lucius Lector, de préciser : «Il en est de même, probablement, d'un Jean XV en 985 ; plus tard, le cas se reproduit encore pour Urbain VII (1590)» (Lector, p. 661, note 1)" (L'Impubliable, note de fin de texte "s", p. 280).
 
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        Conclusion, récapitulation. ― Pour être sûr qu'un pape est certainement pape, c'est donc uniquement la reconnaissance de ce pape que les cardinaux posent dans leur majorité canonique, soit lors du "oui, accepto" à la fin du conclave, soit au sein de la cérémonie d'intronisation, qui est l'acte théologiquement enseignant, et nul autre. Une fois que cet acte, qui a valeur formelle de fait dogmatique, est posé, alors, la légitimité du nouveau pape ainsi reconnu par eux, cardinaux, est indubitable, certaine, et l'anathème est formel sur celui qui oserait y contredire. Sur cedit acte cardinalice théologiquement fondateur, vient se greffer, subséquemment, ensuite et par après, ce que les théologiens ont appelé l'acceptation pacifique universelle de l'Église, c'est-à-dire que derrière les cardinaux, tous les autres membres de l'Église sans distinction de rang, à leur tour, du plus grand des archevêques au plus simple laïc, tous indistinctement, reconnaissent eux aussi, comme pape vrai et indubitable, celui que les cardinaux viennent de désigner (dans l'élection conclavique) et reconnaître (dans la cérémonie d'intronisation), presque simultanément, comme vrai Vicaire du Christ, acceptus et probatus, en tant que "membres enseignants" de la légitimité pontificale. Le SEUL acte qui a valeur théologique formelle pour acter la légitimité pontificale, est celui des cardinaux dans leur majorité canonique des 2/3 posé, soit lors du "oui, accepto" à la fin du conclave, soit lors de la cérémonie d'intronisation : l'acceptation pacifique du nouveau pape par tous ceux qui, dans l'Église, ne sont pas cardinaux de la sainte Église romaine, qui lui est toujours postérieure, n'en est théologiquement que subséquence, et n'a pas, en soi et toute seule, valeur théologique. Elle n'endosse une valeur théologique, comme nous l'avons vu plus haut, que lorsqu'elle s'appuie, pour acter son acceptation, sur celle in capite des cardinaux.
           
        C'est dire que c'est donc au plus tard immédiatement le jour même de l'intronisation du pape élu, que l'acte théologiquement subséquent et non fondateur de l'acceptation pacifique universelle, est quant à lui posé par tout "le peuple de Dieu" (Géraldina Boni), agréant tout naturellement et immédiatement ce que les "membres enseignants" de ladite légitimité pontificale viennent tout juste de leur enseigner, soit dans le "oui, accepto" conclavique, soit dans et par la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, à la face de l'Église Universelle et du monde entier. Par ailleurs, il est excessivement important que la certitude d'avoir un vrai pape soit connue très-rapidement après son élection conclavique, puisque le pape nouvellement élu est règle prochaine de la Foi pour tous les fidèles, rapidité que ne réalise pas l'acceptation pacifique universelle fondée sur la seule universitas fidelium.
           
        Enfin, il est important de dire une autre chose. Cet acte cardinalice infaillible de reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de pape sur un tel étant posé au plus tard le jour de l'intronisation du nouveau pape élu, cedit acte, à partir de ce jour, se reconduit tacitement et implicitement tous les jours suivants du règne pontifical du nouveau pape, jusqu'à sa mort sans qu'il y ait plus besoin d'aucune autre déclaration cardinalice. C'est-à-dire que, une fois posée par les cardinaux au plus tard le jour de l'intronisation, la reconnaissance ecclésiale universelle du pape valant formelle légitimité de cedit pape couvre tout son pontificat, si elle n'est contredite postérieurement par le même organe et dans la même proportion de sa majorité canonique. Pour qu'elle soit remise valablement et validement en cause, il faudrait en effet que ceux qui l'ont acté, c'est-à-dire les "membres enseignants" de la légitimité pontificale que sont les cardinaux, déclarent publiquement dans leur majorité canonique des 2/3 + 1, retirer leur obédience au pape... chose qui ne s'est jamais produite, de saint Pierre jusqu'à François.
 
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        Il est vrai que si on lit d'une manière je ne dirai pas superficielle mais trop générique, les auteurs qui ont traité de la question par le passé (mais il est vrai que ceux contemporains professent généralement la même chose que ceux du passé), sans approfondir la doctrine comme j'ai tâché de le faire dans cet article, on aurait tendance à croire que l'Église Universelle approuvant une élection pontificale et confectionnant le fait dogmatique serait l'universitas fidelium dans son ensemble, ou plutôt dans sa généralité la plus nébuleuse, sans tenir aucun compte de la place in capite et première des cardinaux dans cette représentation de l'Église Universelle. Mais la fausseté du raisonnement de fond de la plupart de ces auteurs consiste essentiellement à dissocier l'Église Universelle du Sacré-Collège cardinalice. C'est là que gît l'erreur de parallaxe, c'est-à-dire qu'on prend une mesure à partir d'un mauvais point de vue, et donc la mesure est fausse. Car, voir les choses ainsi, c'est oublier que, en droit et en fait, l'Église Universelle, en matière d'élection pontificale, c'est avant tout... le Sacré-Collège cardinalice lui-même soi-même ! Ainsi, par exemple, on voit un auteur appeler la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, une "seconde élection par toute l'Église" (W. Wilmers, A Handbook of the Christian Religion, 1891, p. 95). L'appellation est plutôt exacte, mais il faut bien saisir que les sujets de cette "seconde élection" dont tout l'objet est juste d'approuver la première élection conclavique proprement dite, sont, in capite et premièrement... les mêmes que ceux qui ont confectionné la première élection, à savoir, bien sûr, les cardinaux de la sainte Église romaine, dans leur majorité canonique, avant que tous les autres membres de l'Église qui ne sont pas cardinaux de la sainte Église romaine ne puissent donner leur approbation ! C'est eux-mêmes qui, premièrement, approuvent au nom de l'Église Universelle l'élection conclavique du nouveau pape qu'ils viennent tout juste d'opérer de leurs propres mains, c'est eux-mêmes qui font cette "seconde élection" !
           
        Donc, puisqu'il en est ainsi, le processus théologique est le suivant : 1/ les cardinaux seuls, représentant l'Église Universelle, désignent le nouvel élu au Siège de Pierre ; 2/ puis secondement et enfin, le nouveau pape une fois canoniquement élu, les mêmes cardinaux approuvent, toujours au nom de l'Église Universelle, le nouveau pape qu'ils viennent d'élire, ce qui se fait dès qu'ils lui font leur obédience, pour la première fois, dans le sein du conclave lui-même, lorsque l'élu a prononcé son "oui, accepto". Il est capital de comprendre que cette première obédience faite par tous les cardinaux au nouveau pape qu'ils viennent de choisir, qu'on pourrait dire d'ordre privée, privatim, parce qu'elle n'est pas encore connue de l'universitas fidelium, est déjà la première expression de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio qui fonde le fait dogmatique impliquant formellement la croyance de fide de tous les autres fidèles de l'Église qui ne sont pas cardinaux. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous l'avons vu plus haut, le cardinal qui, juste après cette première obédience cardinalice privatim, présente le nouveau pape à tous les fidèles réunis place Saint-Pierre, dit sans équivoque, du haut du balcon de Saint-Pierre : habemus papam, nous avons un pape. Sous-entendu : il est non seulement déjà tout fait par nous cardinaux, mais il est de plus déjà formellement approuvé, acceptus et probatus, par l'Église Universelle que nous, cardinaux dans notre majorité canonique, représentons.
           
        Cette première obédience cardinalice manifestant déjà la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio dotée de l'infaillibilité en tant que fait dogmatique, sera suivie de deux autres obédiences cardinalices faites presque coup sur coup, ainsi qu'il ressort de la constitution de Pie XII sur les élections pontificales, et ce triple rite est là pour vraiment bien faire comprendre que dès que ces trois obédiences cardinalices sont dûment faites, la "seconde élection" est déjà faite, le fait dogmatique est théologiquement acté :
           
        "Ensuite [lorsque l'élection est théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape], après l’accomplissement de ce que demande la coutume selon le cérémonial romain [exemple : après le "oui, accepto" du nouveau pape, tous les cardinaux hormis celui qui venait d'être élu nouveau pape, abaissaient les baldaquins de leurs stalles, qui restaient élevés, en signe de leur souveraineté cardinalice collective, tout le temps sede vacante que durait la nouvelle élection pontificale avant que l'élu UN soit surnaturellement trouvé], les cardinaux font au Souverain Pontife élu la première obédience d’usage ; celle-ci achevée, et après le chant de l’hymne Te Deum, le premier des cardinaux diacres annonce au peuple qui attend l’élection le nom du nouveau Pontife romain et peu après le pontife lui-même donne la Bénédiction apostolique à Rome et au monde. Il y a ensuite la seconde obédience, que les cardinaux font, revêtus de la cappa violette" (§ 103).
           
        "Toutes choses enfin ayant été régulièrement accomplies, le conclave est ouvert, à l’intérieur, à l’extérieur et sur l’ordre du nouveau pontife. (...) Après l’ouverture du conclave sont admis ceux qui, selon la coutume, sont introduits pour faire l’obédience au pontife élu" (§ 105).
           
        "Pour faire la troisième obédience, les cardinaux devront être convoqués par le préfet des cérémonies apostoliques quand le Souverain Pontife le fixera" (§ 106).
           
        Il n'est cependant pas faux, nous l'avons vu plus haut, de voir que l'universitas fidelium, c'est-à-dire tous les évêques et simples fidèles qui ne sont pas cardinaux, acte elle aussi le fait dogmatique, cependant, seulement en adhérant à l'élection du nouveau pape par les cardinaux, étant entée sur l'antécédente adhæsio cardinalice. Mais ce serait une profonde erreur, que j'ai pris à tâche de dénoncer dans ce nouvel article, de voir le fait dogmatique n'être acté que lorsque l'universitas fidelium sans les cardinaux acte la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio pour sa part.
           
        J'ai fait remarquer en commençant ce chapitre que la plupart des auteurs du passé comme d'ailleurs du présent, en restent trop au générique nébuleux de l'universitas fidelium. Mais il est bon de noter que certains auteurs ou saints ont fort bien compris que l'acte qui fonde le fait dogmatique en matière d'élection pontificale est opéré in capite et premièrement par le Sacré-Collège cardinalice qui représente au premier chef cette universitas fidelium.
           
        Par exemple, lors du grand-schisme d'Occident, sainte Catherine de Sienne (1347-1380) le professe sans ambiguïté. Elle considère très-justement que ceux qui refusent le pape ayant bénéficié de l'adhæsio cardinalice sont non seulement schismatiques mais hérétiques (... avis à Jules II et Paul IV !!), et, pour le dire, elle ne mâche pas ses mots bien crus et verts, comme on peut le voir dans une de ses Lettres aux schismatiques cardinaux français : "... Qu'est-ce qui me montre l'élection régulière par laquelle vous avez élu le seigneur Barthélemy, archevêque de Bari, aujourd'hui véritablement le Pape Urbain VI ? Cette vérité se montre dans la solennité de son couronnement. Que cette solennité se soit faite dans la vérité, la révérence [= l'adoration rituelle] que vous lui avez faite nous le montre. Ce que vous dites [à présent] fût-il vrai [à savoir : nier a-posteriori l'élection valide d'Urbain VI], ne nous auriez-vous pas menti, à nous, quand vous nous l'avez dit souverain Pontife, comme il l'est en effet ? Ne lui auriez-vous pas fait mensongèrement la révérence en l'adorant pour le Christ sur la terre [voilà qui condamne Paul IV qui récuse à l'adoration cardinalice, dans son hérétique § 6, la note d'infaillibilité !] ? D'anges terrestres que vous devriez être, pour ramener les brebis à l'obéissance de la sainte Église, vous avez pris l'office de démons en nous amenant à l'obéissance de l'Antéchrist, qui est membre du diable, et vous êtes avec lui, tant que vous persisterez dans cette hérésie"...!!
           
        Saint Robert Bellarmin est à citer également, lui qui a écrit : "Il arriva peu après que [le pape] Sylverius mourut et que Vigilius, qui jusque-là siégeait en schisme, commença maintenant à être le seul et légitime Pontife de façon certaine par la confirmation et la réception par le clergé et le peuple romain" (De Romano Pontifice, IV, chapitre 10).
           
        Et... Mgr Marcel Lefebvre lui-même soi-même, mais oui, le professait fort bien : "L’éloignement des cardinaux de plus de 80 ans et les conventicules qui ont préparé les deux derniers conclaves ne rendent-ils pas invalide l’élection de ces Papes ? Invalide, c’est trop affirmer, mais éventuellement douteux. Toutefois l’acceptation de fait postérieure à l’élection et unanime de la part des cardinaux et du clergé romain suffit à valider l’élection. C’est l’opinion des théologiens [!]" (La nouvelle messe et le Pape, Fideliter n° 13 de février 1980, d’après Cor unum de novembre 1979).
           
        Certains, dont les auteurs "ralliés" que j'ai lus, veulent nier que les cardinaux puissent acter le fait dogmatique de toute élection pontificale, sous le vain et très-faux prétexte que l'Institution cardinalice serait soit disant de droit ecclésiastique et non de droit divin, raison pour laquelle, croient-ils pouvoir déduire, ils n'auraient pas le pouvoir dans l'Église d'acter le fait dogmatique de toute élection pontificale.
           
        Ce raisonnement est théologiquement primaire et pèche à la base. D'abord et premièrement, ce n'est pas parce que le Sacré-Collège cardinalice serait d'institution seulement ecclésiastique, que ses membres ne pourraient pas avoir une fonction de droit divin, ce sont deux choses différentes. Or, les cardinaux ne tirent pas leur fonction suprême d'élire le pape de l'institution ecclésiastique mais de la Parole du Christ : "Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église" (Matth XVI, 18), c'est-à-dire, on l'a compris, du droit divin. Cette fonction d'élire le pape est donc tout ce qu'il y a de plus fondée sur le droit divin ("La principale faculté des cardinaux est celle d’élire le Souverain Pontife" ― Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945, § 35).
           
        Et justement, secondement, ladite fonction étant de droit divin, rejaillit sur l'Institution cardinalice elle-même : puisque leur fonction, en tant que haut-clergé de l'Église de Rome, "nom d'humilité de l'Église Universelle", est de droit divin, alors cela signifie que l'Institution cardinalice est, elle aussi, et ne peut qu'être, de droit divin. C'est ce qu'a pensé saint Robert Bellarmin, qui, chacun le sait, est une autorité supérieure quant aux choses de l'élection pontificale : il émet l'hypothèse que l'Institution du Sacré-Collège est de droit divin dans son De Romano Pontifice (je n'ai malheureusement pas noté la référence où il le dit). Et cette thèse est non seulement probable, mais certaine. Car en effet, on se tromperait étrangement en voulant voir l'Institution du Sacré-Collège des cardinaux comme une création ex nihilo au XIIème siècle, sous-entendu qu'avant cette création, il n'y aurait rien eu, et que, tout-à-coup, on fait surgir dans l'Église une nouvelle chose, les cardinaux, par génération spontanée ! La vérité est aux antipodes : les cardinaux du Sacré-Collège ne sont rien d'autres que la simple continuation structurée du haut-clergé de l'Église de Rome, des archidiacres et autres primiciers des temps antiques, qui, quant à lui, haut-clergé romain, a toujours existé depuis saint Pierre, et qui est doté du droit divin dans son acte d'élire le Souverain Pontife pour l'Église de Rome et donc pour l'Église Universelle. Ce qui signifie bel et bien que les cardinaux agissent eux aussi de droit divin lorsqu'ils élisent le nouveau pape, en tant que simples successeurs de leurs ancêtres.
           
        Tout, d'ailleurs, le dit, dans le rituel scrupuleusement suivi et détaillé pour créer un nouveau pape qu'on peut voir dans la constitution de Pie XII de 1945.
           
        Lisons par exemple le § 38 : "Cependant si des cardinaux absents arrivent lorsque l’affaire de l’élection est encore entière, c’est-à-dire avant que l’Église soit pourvue d’un Pasteur, qu’ils soient admis à participer à l’élection en l’état où ils la trouveront" (Grégoire X, ch. 3, Ubi periculum, § 1, de elect., 1, 6, in Sext)". Il n'est pas bien difficile de comprendre de ce § 38 que lorsque l'élection faite uniquement par les cardinaux sera faite, alors, "l'Église sera pourvue d'un Pasteur", ce qui signifie très-clairement que le fait dogmatique sera acté lorsque les cardinaux, et les cardinaux seuls, auront fini l'élection en cours. C'est bien pourquoi d'ailleurs, nous l'avons déjà vu, lorsque l'élection est finie, le cardinal présentant le nouveau pape à "l'adoration" des fidèles massés Place Saint-Pierre, leur dit : nous avons un pape, habemus papam, il est tout fait, il n'y a plus rien à y rajouter pour qu'il soit verus papa, sujet formel de la croyance de fide de tout fidèle, sous peine d'anathème.
           
        Et lorsque le nouveau pape est élu, alors les cardinaux, comme on vient de le voir, lui font rien moins que... trois obédiences !      
           
        ... Du carton-pâte, ces obédiences au nombre trinitaire de trois, comme pour en bien marquer la signifiance de droit divin, qui, de plus, seront refaites deux fois par les cardinaux dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, quelques jours après, soit en tout... cinq obédiences des cardinaux !? Allons donc, soyons sérieux ! Comment les papes de la Renaissance, Jules II et Paul IV, ont-ils bien pu oser s'autoriser à désacraliser ces rites cardinalices si fortement révélateurs du droit divin qui les habite, ou plutôt qui les inhabite par la Présence du Saint-Esprit...?!? Mystère, et mystère d'iniquité...
           
        Ces papes auraient quand même dû se rendre compte de l'impossibilité théologique radicale de leur thèse. Prenons en effet le § 6 de la bulle de Paul IV : il ose soutenir qu'un pape convaincu d'avoir été hérétique avant son élévation au Souverain pontificat n'aurait jamais été pape, même s'il avait été "adoré" par l'unanimité des cardinaux en bonne et dûe forme, même pendant un plus ou moins long temps : "[on ne peut prétendre que] le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son Pontificat" (§ 6). Paul IV n'oubliait juste qu'une toute petite chose, qui invalidait in radice sa thèse : c'est à savoir que pendant tout le temps, qui peut être plus ou moins long, où ce pape, hérétique avant son élévation au Siège de Pierre, aurait été admis comme vrai pape dans toute l'Église, il n'y aurait pas eu que les seuls cardinaux à l'avoir reconnu et accepté comme vrai pape, dont on voudrait croire (très-faussement) que leur adhæsio n'est pas dotée de l'infaillibilité, mais encore l'acceptation et la reconnaissance de ce pape aurait été formellement actée par... l'universitas fidelium, qui suit dès l'élection pontificale l'adhæsio cardinalice, les deux en effet étant conjointes et quasi simultanées ! Or, l'universitas fidelium est dotée de l'infaillibilité, au rapport de tous les théologiens, de tous les canonistes, ce qui signifie bien sûr que ce pape approuvé non seulement par les cardinaux mais infailliblement par l'universitas fidelium... ne pouvait pas... ne pas être vrai pape, verus papa !
           
        Donc, en fait, Paul IV récusait implicitement mais formellement, dans son § 6, la loi fondamentale, expression du Magistère ordinaire & universel ecclésial, de l'infaillibilité de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, et empêchait par-là même qu'un pape élu puisse jamais être certainement pape, jamais faire l'objet d'un fait dogmatique impliquant la croyance de fide de tout fidèle puisque, si l'on supprime l'infaillibilité de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, il n'existe plus aucun autre moyen en Église pour savoir de fide qu'un pape est vrai pape ! Proposition parfaitement hérétique, puisque le pape étant règle prochaine de la Foi, dire qu'on ne peut jamais être sûr d'avoir un pape légitime (ce qui, soit dit en passant, est le soubassement de tout raisonnement schismatique sédévacantiste, et l'on comprend fort bien que les sédévacs actuels se soient entichés de cette fumeuse bulle qu'ils adorent... mais pas le pape), est tout simplement inférer le doute formel sur le dogme lui-même et sur toute l'Église ! Le § 6 de la bulle de Paul IV est donc bel et bien complètement hérétique...
           
        On pourrait s'étonner cependant de voir la très-grande majorité des auteurs qui ont parlé de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio n'avoir jamais dit explicitement que les sujets premiers en sont les cardinaux, mais n'avoir vu la question que d'une manière lointainement et nébuleusement générique ? On peut sans doute répondre en disant qu'ils se sont uniquement focalisés sur l'acte dernier de cette adhæsio, celui le plus épiphanique si je puis dire, le plus visible, posé effectivement par les évêques et les fidèles du monde entier. Sans chercher à décortiquer comme je viens de le faire l'articulation théologique précise qui, générée par l'adhæsio cardinalice, aboutit tout-à-fait en finale, et en finale seulement, à l'adhæsio de l'universitas fidelium, comme dernier acte qui fonde la croyance de fide dans le nouveau pape.
           
        Un dernier mot pour finir de finir. Ce point de doctrine que je viens d'exposer a certes son importance, mais il n'a... aucune incidence sur la question de la légitimité des pontificats modernes vaticandeux & post. Car de toutes façons, que ce soient par l'adhæsio de l'universitas fidelium ou par l'adhæsio cardinalice, une chose est absolument sûre et certaine, et doit être tenue pour telle par tout catholique sous peine d'anathème ipso-facto : tous les papes modernes, de Jean XXIII à François, ont dûment bénéficié de l'une ou de l'autre adhæsio, et même des deux à la fois, et donc la croyance de fide à la légitimité de leurs pontificats respectifs est absolument de rigueur, obligatoire, sous peine d'anathème formel ipso-facto pour qui ose y contredire.
 
        Notamment, il faut avoir le courage de le dire même si on s'en trouve crucifié dans sa Foi, quant au pape actuel, à savoir notre inénarrable pape François...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
 
        "Il faut se glorifier ? Cela ne sert de rien. (...) Si je voulais me glorifier, je ne serais pas insensé, car je dirais la vérité ; mais je m'en abstiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend dire de moi" (II Cor XII, 1 & 6).
           
        Cependant, la vérité intégrale et complète de "la crise de l'Église" consistant en "LA PASSION DE L'ÉGLISE" que je suis le seul à exposer en docteur in utroque dans tout le monde catholique (Dieu sait pourquoi, moi je ne le sais pas), est si conspuée et foulée aux pieds par les bêtes de toutes sortes, modernes comme tradis, qu'il m'apparaît utile, je le dis dans la confusion, de me "glorifier", quand bien même cela ne sert de rien. Je ne le fais uniquement que pour mettre en valeur non ma pauvre personne mais la vérité ecclésiale de notre temps, "LA PASSION DE L'ÉGLISE".
           
        Alors je dirai, quoique cela ne serve de rien, que j'ai la gloire sans doute de désenvelopper pour la première fois dans l'Église le distinguo qui définit avec certitude les sujets habilités et aptes à acter théologiquement l'acceptation pacifique ecclésiale universelle du nouveau pape ayant valeur de règle prochaine de la Légitimité pontificale. Cependant, il est encore plus vrai que la gloire ne m'en appartient pas, elle revient à l'Église, car c'est "la crise de l'Église" elle-même qui m'a poussé invinciblement à cette explicitation, sans même que je m'en rende trop compte d'ailleurs, en la formulant dès les premières rédactions de L'Impubliable : cette crise de l'Église est en effet, depuis qu'elle a commencé, une crise toute centrée sur la Légitimité pontificale.
           
        Dès la fin de Vatican II, on a des gens qui mettent en doute publiquement et ardemment la légitimité de Paul VI, et qui parfois le font bruyamment Place Saint-Pierre, les Père Barbara, les abbé de Nantes, pas très-longtemps quant à ce dernier, les Père Guérard des Lauriers, etc. Cela m'a poussé à rendre explicite une doctrine qui n'était encore qu'implicite dans l'Église. Tant il est vrai que l'hérésie est opportune, opportet haereses (j'ai envie de rajouter, qu'on me pardonne, qu'avec les hérésies, les connards et leurs sottises aussi, sont opportuns, sorte d'aiguillons dans les côtes du théologien pour l'obliger à avancer...).
           
        Ainsi donc, comme dit saint Paul : "Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et Sa grâce [quant à l'intelligence de la Foi appliquée à la théologie de la "crise de l'Église"] n'a pas été stérile en moi ; mais j'ai travaillé plus qu'eux tous [les prétendus "chefs de file" et théologiens non moins prétendus, dans le Tradiland et chez les modernes] : non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi" (I Cor XV, 10).
           
        Puisque donc je me glorifie pour "LA PASSION DE L'ÉGLISE", j'en mets ici encore une fois le lien où je l'expose en profondeur, ex professo : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/13-la-passion-de-l-eglise/7-la-passion-de-l-eglise-2.
           
        ... Amen, Alleluia, vive Dieu !
 
En la fête de saint Grégoire de Nazianze,
Ce 9 mai 2023.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
               
 
GrégoireDeNazianze
Saint Grégoire de Nazianze (329-390)
 
 
 
 
09-05-2023 19:18:00
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