MES CORRESPONDANCES
AVEC VOUS
I
Voici un excellent échange sur la théologie de "la crise de l'Église" que j'ai eu avec un tradi de tendance sédévacantiste, dialogue sans prétention ni de son côté ni du mien. En m'accordant l'autorisation de publier cet échange, mon correspondant m'a demandé de garder son anonymat et de l'appeler Miles Christi (= soldat du Christ), titre qu'il mérite d'ailleurs fort bien. Je trouve cet échange très-enrichissant, bien propre à intéresser les visiteurs de mon site (j'ai simplement allégé quelque peu le texte de son courriel du 18 mai, pour permettre une lecture plus fluide tout en conservant l'intégralité des idées exprimées). On remarquera le ton très-courtois, et même fort charitable, entre deux tradis qui n'ont pourtant pas forcément les mêmes idées, et par-là échange édifiant (rien que pour cette raison, cela mérite une publicité...).
François fait l’apologie de la laïcité
François, hier à Rome, dans une interview pour le quotidien La Croix : "Un État doit être laïque. Les États confessionnels finissent mal. Cela va contre l’Histoire. Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant" (http://www.la-croix.com/Religion/Pape/Le-pape-Francois-a-La-Croix-Un-Etat-doit-etre-laique-2016-05-16-1200760526).
Ce qui dérange François, c’est que l’État confessionnel va "contre l’Histoire" ; lui, qui n’a que faire de la vérité, préfère aller "contre le magistère de l’Église" et se conformer à la doctrine maçonnique, naturaliste et révolutionnaire du "progrès" et du "sens de l’histoire" (celle qui, d’après les Écritures, conduit vers le paroxysme du mysterium iniquitatis dans la personne de l’Antichrist…).
Mais ceci n’est pas du tout nouveau, loin s’en faut. Bergoglio disait exactement la même chose à La Vie (ex catholique), il y a un peu plus de deux mois : "Mardi premier mars, le pape François a reçu à Rome, en audience privée, une délégation d'acteurs du christianisme social. Une rencontre organisée à l'initiative des Poissons roses et à laquelle Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, participait. Récit : "«Votre laïcité est incomplète. La France doit devenir un pays plus laïc. Il faut une laïcité saine». […] On comprend que la «laïcité saine» dont parle le pape s’oppose quand même un peu à la «sainte laïcité» qui est devenue notre religion civile. C’est une laïcité inclusive, donnant sa place au sens, au spirituel, à l’expression des convictions. Une laïcité saine comprend une ouverture à toutes les formes de transcendance, selon les différentes traditions religieuses et philosophiques. D’ailleurs même un athée peut avoir une intériorité" (http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/conversation-politique-avec-le-pape-francois-02-03-2016-71086_16.php).
C’est tout de même très fâcheux, car la laïcité de l’État (sa supposée "neutralité" en matière religieuse) et la liberté religieuse (conçue comme étant un "droit naturel" pour chaque "religion" à s’exprimer librement sur la place publique) sont des hérésies [Je précise la juste pensée de mon correspondant : le caractère hérétique formel, veut-il dire, stigmatise autant une laïcité étatique rigoureusement fermée sur son athéisme de principe qu'une laïcité prétendument ouverte, comme la conçoit fort vicieusement le pape François, c'est-à-dire donnant place à la manifestation publique de toutes les fausses religions mêlée à la vraie, sur la base de la très-hérétique Liberté religieuse]. Tout le magistère de l’Église (jusqu’à Vatican II, bien entendu…) l’atteste sans l’ombre d’un doute. Comme d’habitude, ces propos hérétiques, impies et blasphématoires, passeront "comme une lettre à la poste", aucun "cardinal" ni "évêque" ne lèvera sa voix pour s’opposer à la supercherie et dénoncer le scandale. De mon côté, simple laïc anonyme et insignifiant, je ne peux bien évidemment pas faire grand-chose face au mutisme, à la lâcheté et à l’aveuglement des "ecclésiastiques", mais je me permets, en guise de rappel, de citer deux passages :
1. "Les États, à leur tour, apprendront, par la célébration annuelle de cette fête [du Christ-Roi], que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier Jugement, où le Christ accusera ceux qui l’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles, car sa dignité royale exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse" (encyclique Quas primas, 11 décembre 1925, par laquelle Pie XI instituait la solennité du Christ-Roi ; cf. http://www.vatican.va/holy_father/pius_xi/encyclicals/documents/hf_p-xi_enc_11121925_quas-primas_fr.html).
La lecture de ce texte du Magistère permet de comprendre que l’État "laïc", prétendument "neutre" en matière religieuse, "non-confessionnel", "incompétent en matière religieuse", et autres sophismes semblables, est une aberration philosophique, morale et juridique moderne, une monstruosité politique, un pur mensonge idéologique qui bafoue la loi divine et l’ordre naturel. La distinction (et non pas la séparation) des pouvoirs temporel et spirituel est une chose, la prétendue "autonomie" du temporel vis-à-vis de Dieu, de son Église, de la loi divine et de la loi naturelle en est une autre : cela s’appelle l’apostasie des Nations. Cette apostasie (...) ne peut aboutir, à terme, qu’à l’avènement du royaume de l’Antéchrist, figure eschatologique de l’homme impie qui rejette tout ce qui est au-dessus de lui-même et de sa propre volonté souveraine, à savoir la révélation, l’enseignement de l’Église, la loi divine et enfin, en toute logique, et pour sa plus grande honte, la loi naturelle elle-même. (...) Personnification effroyable de la créature qui prétend faire de sa liberté, désormais considérée comme absolue, la seule et unique source de la loi et de la morale, créature imbue d’elle-même et aveuglée par son arrogance dérisoire, qui entend en définitive prendre la place de Dieu. (...)
Ce sont là les multiples facettes de l’état d’esprit moderne (...), dont la racine est toujours la même : le sujet "autonome" voulant s’émanciper de l’ordre objectif des choses, et dont la conséquence inéluctable est le projet insensé de chercher à bâtir une civilisation nouvelle qui, ayant exclu Dieu de la vie de la Cité, veut tout fonder sur le libre arbitre souverain de l’homme, devenu la source de toute légitimité. Le principe de la laïcité de l’État en est la plus parfaite incarnation et sa figure emblématique.
2. "Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le Créateur de l'homme est aussi le Fondateur des sociétés humaines et Il les conserve dans l'existence comme Il nous soutient. Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer (…). Cette thèse bouleverse également l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés" (saint Pie X, encyclique Vehementer nos, 11 février 1906, http://www.vatican.va/holy_father/pius_x/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_11021906_vehementer-nos_fr.html).
Et voici ce que disait à propos de la laïcité Pie XI en instaurant la fête du Christ-Roi : "La peste de notre époque, c'est le laïcisme, ainsi qu'on l'appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles. Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n'est pas apparu brusquement ; depuis longtemps, il couvait au sein des États. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations ; on refusa à l'Église le droit (conséquence du droit même du Christ) d'enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l'autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu'à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l'irréligion et l'oubli conscient et volontaire de Dieu" (Quas primas).
C’était une époque où le clergé avait encore le courage d’affirmer haut et fort la doctrine catholique, avant qu’il ne finisse par faire siens les principes de la franc-maçonnerie et des différentes forces révolutionnaires qui poursuivent toutes, depuis 1789, en dépit de leurs divergences de surface, un seul et même objectif : neutraliser l’influence sociale de l’Église, déchristianiser les nations et les peuples, séculariser les mœurs et la culture, laïciser les lois et les institutions. En un mot : détruire la civilisation chrétienne en substituant au principe de catholicité celui de laïcité. Force est de constater que le but qu’ils recherchaient a été parfaitement atteint.