Parution d'un remarquable article
sur la situation de l'Église sous le pape François
― Mon commentaire (II)
 
 
 
Avertissement au lecteur
 
            Cette nouvelle page (II) est la suite & fin de mon dernier écrit édité sur le Blog, intitulé : Parution d'un remarquable article sur la situation de l'Église sous le pape François ― Mon commentaire (I) ; j'ai dû en effet, pour des raisons techniques de limitation informatique, scinder en deux mon commentaire. Il faut donc bien évidemment, cela va sans dire, lire cette première page avant de lire celle-ci. On la trouvera au lien suivant : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/parution-d-un-remarquable-article-sur-la-situation-de-l-eglise-sous-le-pape-francois-mon-commentaire-i?Itemid=154.
           
       
        Suite du texte de Bernard Dumont :
 
        "Une autre hypothèse surgit donc, celle de la difficulté d’appréhender le caractère inédit de la situation actuelle de l’Église – tant par son ampleur que par les méthodes qui la créent – empruntant beaucoup d’éléments à une société politique soumise à des règles spécifiques généralement mal identifiées dans le monde ecclésiastique. L’entrée dans l’ère médiatique, symbolisée par l’ouverture des fenêtres du bureau de Jean XXIII devant les caméras de télévision, marquait déjà le début d’un imprudent emprisonnement dans les filets de la culture dominante. Presque soixante ans plus tard, tout cela s’est transformé en un système d’emprise sur les consciences bien plus complexe et efficace que dans le passé, d’où il est vain d’espérer pouvoir s’extraire sans identifier ses ressorts internes, ruses et finalités. Quant à l’exercice du pouvoir, il emprunte lui aussi beaucoup de traits à la manière dont il s’opère dans les systèmes politiques contemporains, caractérisés par la dilution, l’opacité, les jeux d’influences. Or il est notoire que beaucoup de responsables ecclésiastiques n’ont qu’une connaissance limitée dans ce domaine, qui exige une attention particulière à éviter la moindre parole susceptible de déformations, d’amalgames, à provoquer le désintérêt ou le rejet dès lors que l’on tente d’entrer dans des considérations de théologie ou de spiritualité risquant d’être immédiatement filtrées et retraduites en termes négatifs. Dans ces conditions, ce qui assure normalement l’unité sociale de l’Église – dans sa dimension naturelle s’entend – se trouve fortement affecté. La bienveillance mutuelle, l’obéissance prévenante envers la hiérarchie, la fidélité absolue de celle-ci dans la transmission du Bon Dépôt de la vérité évangélique, tout cela tend à être remplacé par une forme de contrôle social proche de celui qui s’exerce sur la société dans son ensemble. Ce contrôle spécifique de la période de modernité tardive dans laquelle nous vivons a des aspects déstructurants sur les individus qui en sont la cible, et dont il exige en outre qu’ils deviennent eux-mêmes les agents de leur propre conversion aux valeurs imposées. Ce phénomène d’étouffement a caractérisé toute la période de l’après-concile, avec de rares échappées, mais depuis l’investiture de Jorge Mario Bergoglio il a opéré un saut en avant particulièrement significatif".
           
        Ne trouvant pas vraiment d'explication satisfaisante à l'attitude de "silence" des grands-prélats modernes face à la subversion de ces aggiornamento suivis de "réformes", sauf à considérer "LA PASSION DE L'ÉGLISE", Bernard Dumont passe du fond du problème, à la forme. Ce "silence" réactionnel serait dû, nous dit-il, au fait que les mœurs de la société moderne se sont défalquées sur celles de l'Église moderne, qui alors, les appliquant, finit par subir "une forme de contrôle social proche de celui qui s'exerce sur la société dans son ensemble (...) [qui] a des aspects déstructurants sur les individus qui en sont la cible, et dont il exige en outre qu’ils deviennent eux-mêmes les agents de leur propre conversion aux valeurs imposées". Pour faire plus court, plus lapidaire aussi : l'Église moderne subit, est obligée de subir, comme la société qui l'entoure, une bigbrothérisation de ses mœurs, pour être théologiquement plus précis encore : une antéchristisation de ses mœurs, et l'auteur y voit une raison qui peut être évoquée pour expliquer le "silence" des grand-prélats.
           
        Ici, Bernard Dumont a encore plus raison qu'il ne le croit : les mœurs de l'Église moderne, en effet, sont bel et bien corrompues et subverties par celles de la société post-révolutionnaire qui l'entoure, et la "réforme" bergoglienne ne fait rien d'autre qu'exacerber la chose, que la période vaticandeuse a comme institutionnalisée mais qui existait déjà bien avant, officieusement. Et il ne saurait en être autrement. Et on ne saurait s'en étonner. Et, au fait, nous ne sommes même pas là dans une question de forme, mais de fond. Comme je le disais en effet plus haut, l'hétérodoxe toute première "mise en conformité de l'Église avec les exigences de la modernité" a commencé... par les mœurs, avec le concordat de 1801. Dès 1801, prenons bien conscience de la date, nous sommes là au sortir même de la Révolution (Napoléon en effet se vantera d'avoir mis le point final à la Révolution avec le concordat), l'Église épouse par l'outil juridique concordataire les "puissances" accouchées par elle, toutes viscéralement et constitutionnellement... athées. Par ces épousailles contre-nature, elle se soumettait pieds et mains liés auxdites "puissances", et naturellement, bon gré mal gré, à leurs principes internes de fonctionnement, ne pouvant que les adopter, tôt ou tard et plutôt tôt que tard.
           
        Après le concordat, Napoléon, qui possédait à un degré extrême le génie brute et puissant d'aller au fond radical des choses, en tira immédiatement la bonne déduction à faire : il comprit tout-de-suite que par ce traité, il était devenu maître de l'Église, il parlait sans complexe de "MES curés et mes gendarmes", il aurait très-bien pu dire, en montant d'un degré, "MES évêques et mes préfets", et, plus haut encore, "MON pape et moi l'empereur universel" (c'est pourquoi, d'ailleurs, dans une logique impeccable, il s'auto-couronnera empereur en 1800, en se mettant lui-même la couronne sur la tête, ne laissant pas le pape la lui mettre), et, au degré suprême, "MON Église et moi... l'Antéchrist" ! Et comprenons bien qu'une fois passé le concordat avec l'Église, en disant tout cela, il aurait eu absolument raison. Tant il est vrai qu'à partir du moment où l'Église répute validité et légitimité aux "puissances" constitutionnellement athées, alors, ce n'est plus elle, l'Épouse du Christ, qui est la maîtresse du monde, mais lesdites "puissances" qui le deviennent immédiatement. Ipso-facto. Dans le principe seul, pour commencer, puis dans l'effectivité ensuite, et de plus en plus. Par la force métaphysique des mauvaises choses en ce très-bas monde. En effet, si le Bien, qui est le seul à exister métaphysiquement, commet l'énorme faute de donner l'existence au mal, et c'est ce qui s'est fait, de par le pape, au concordat napoléonien, alors, en ce monde dont le prince est Satan, c'est le mal qui devient instantanément maître du Bien, le soumettant radicalement à ses règles. Dans le train qui mène le monde vers ses destinées eschatologiques, l'Église, dans l'Ordre très-chrétien, c'est-à-dire jusqu'à la Révolution, était la locomotive qui tirait tous les États-wagons du monde ; dans l'ordre révolutionnaire, auquel s'est immédiatement soumise l'Église par la pratique pontificale concordataire avec ses "puissances" constitutionnellement athées, ce sont cesdites "puissances" filles de Satan, qui, toutes ensemble, deviennent locomotive du monde, l'Église n'étant plus, par sa faute concordataire, que le dernier wagon tamponne-cul du monde. Certes, cela ne se voit pas tout-de-suite, il faut "du temps au temps" comme disait François Mitterrand, pour qu'on se rende compte dans l'effectivité de cette soumission radicale du Bien au mal, mais elle est un fait accompli dès la première "mise en conformité [de l'Église] avec les exigences de la modernité", comme dit (trop) pudiquement Bernard Dumont, c'est-à-dire... dès le concordat napoléonien.
           
        Dès lors, il n'y a plus du tout à s'étonner de voir l'Église moderne être obligée de fonctionner de plus en plus, et surtout de pire en pire, depuis ce très-fatidique concordat, avec les principes de fonctionnement, règles et mœurs profanes, qui régissent les sociétés civiles constitutionnellement athées qui l'entourent, comme le remarque intelligemment Bernard Dumont dans ce § que je commente, ce serait le contraire qui serait étonnant. L'Église se trouvant, par sa faute concordataire, obligée d'"emprunt[er] beaucoup d’éléments à une société politique soumise à des règles spécifiques généralement mal identifiées dans le monde ecclésiastique". Et... pour cause ! Car si elles sont "mal identifiées" par les catholiques, ces règles qui régissent les sociétés politiques post-révolutionnaires constitutionnellement athées, c'est parce que non seulement elles sont nouvelles pour eux qui sont obligés de les adopter, mais surtout parce qu'elles sont antinomiques à la Foi, antinomiques à la Constitution divine de l'Église. On oblige en fait le catholique à adopter des règles qui sont absolument contraires au message du Christ, qui sont viscéralement anti-surnaturelles. Elles sont donc de multiples petites doses d'arsenic que, par la faute originelle du concordat napoléonien, le catholique, du plus simple laïc au plus grand-prélat jusqu'au pape, est obligé d'ingurgiter de force, et qui empoisonnent radicalement de plus en plus son principe vital surnaturel, à proportion.
           
        Le progrès technique, mis au service du mal, "médiatique" à partir du pontificat de Jean XXIII précise l'auteur, ne fait qu'accroître de plus en plus cette emprise du mal antéchristique sur le Bien ecclésial, qui devient "un imprudent emprisonnement dans les filets de la culture dominante", et c'est un euphémisme de le dire. Et l'on arrive tout naturellement, si j'ose l'exprimer ainsi en parlant du mysterium iniquitatis, à "un système d’emprise sur les consciences bien plus complexe et efficace que dans le passé, d’où il est vain d’espérer pouvoir s’extraire sans identifier ses ressorts internes, ruses et finalités", c'est-à-dire, en clair et en décodé, on en arrive à une bigbrothérisation antéchristique de la vie ecclésiale moderne. Ce n'est plus le Christ qui dirige l'Église moderne post-concordataire, c'est l'Autre, le Roi des zôtres. "Je suis venu au nom de Mon Père, et vous ne Me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez" (Jn V, 43).
           
        Oui, le Christ est venu dans son Église, elle est même née de son Côté transpercé sur la croix du Salut, mais, par sa première "mise en conformité avec les exigences de la modernité", c'est-à-dire par le concordat napoléonien, on, que dis-je : ... on !, le PAPE a rejeté le Christ de l'Église, pour recevoir l'Autre, celui qui ne vient pas au nom du Père, mais qui vient en son nom propre. Et son nom s'appelle et s'épèle l'HOMME, rien que l'HOMME, tout l'HOMME. Dès lors, quoi d'étonnant que ce soient les règles de l'HOMME, comme le remarque fort bien Bernard Dumont, et pas d'un HOMME naturel qui pourrait recevoir le Christ mais d'un HOMME anti-naturel émasculé du Christ, qui, après le concordat napoléonien, régissent maintenant l'Église du Christ, et de plus en plus, et de pire en pire, le progrès technique venant rajouter encore à l'implacabilité du processus de bigbrothérisation antéchristique de l'Église moderne post-concordataire. Mais comme cesdites règles antéchristiques régissant les sociétés politiques constitutionnellement athées sorties du ventre de la Révolution sont antinomiques à sa Constitution toute surnaturelle, au même titre radicalement mortel que la nature de l'arsenic l'est par rapport à la nature de l'être humain, alors, ces règles la feront mourir très-certainement, à l'Heure de la Providence divine (et non à l'heure de l'Autre), lorsqu'aura lieu la dernière "mise en conformité [de l'Église] avec les exigences de la modernité", qui sera mise à mort. C'est à peu près cela, je crois, que la sainte-Écriture appelle "l'abomination de la désolation dans le Lieu-Saint".
           
        "Quant à l’exercice du pouvoir, il emprunte lui aussi beaucoup de traits à la manière dont il s’opère dans les systèmes politiques contemporains, caractérisés par la dilution, l’opacité, les jeux d’influences. Or il est notoire que beaucoup de responsables ecclésiastiques n’ont qu’une connaissance limitée dans ce domaine, qui exige une attention particulière à éviter la moindre parole susceptible de déformations, d’amalgames, à provoquer le désintérêt ou le rejet dès lors que l’on tente d’entrer dans des considérations de théologie ou de spiritualité risquant d’être immédiatement filtrées et retraduites en termes négatifs. Dans ces conditions, ce qui assure normalement l’unité sociale de l’Église – dans sa dimension naturelle s’entend – se trouve fortement affecté".
 
        Je trouve ces phrases fort intéressantes, frappées au coin de la vérité de la situation. Moins ceux qui détiennent l'Autorité dans l'Église moderne ont la Foi, et plus ils marchent avec l'autoritarisme disciplinaire, disais-je plus haut, en faisant une comparaison avec l'antique pharisaïsme. Or, il y a accointance certaine entre les mœurs du pharisaïsme, qu'il soit celui antique ou celui qui sévit dans l'Église contemporaine post-concordataire, et les mœurs de fonctionnement sociopolitiques amorales et virtuellement antéchristiques des "puissances" constitutionnellement athées. Nous assistons là, en vérité, à la transmutation, on pourrait presque parler de transsubstantiation à l'envers, des mœurs surnaturelles de l'Église en celles, non pas même naturelles mais anti-naturelles, des sociétés politiques à vocation antéchristique, à vocation certaine de faire advenir le règne de l'Autre des zôtres, de l'Antéchrist-personne.
           
        L'auteur est juste un peu faible ici, quand il nous dit seulement que les "responsables ecclésiastiques n'ont qu'une connaissance limitée dans ce domaine" de, appelons les choses par leur nom, "la psychologie des foules" (Gustave Le Bon). La vérité catholique, c'est que les grands-prélats n'ont pas à avoir cette connaissance, qui est une mauvaise connaissance basée sur la manipulation de l'homme réel, que le Christ peut salvifiquement faire vivre, pour le formater en homme zombi, en zôtre, en fils de l'Antéchrist à terme, que bien sûr le Christ ne peut salvifiquement faire vivre. Le propos de Bernard Dumont, en tous cas, confirme et vérifie on ne peut mieux ce que je disais tout-à-l'heure, à savoir que depuis que l'Église a réputé, par l'outil juridique concordataire, validité et légitimité aux sociétés du mal post-révolutionnaires, ce sont cesdites sociétés qui, maintenant, deviennent la locomotive "spirituelle" du monde... y compris de l'Église, qui s'y est prostituée, devenant ainsi la grande Prostituée de Babylone dénoncée au ch. XVII par saint Jean dans l'Apocalypse. Depuis lors, les "responsables ecclésiastiques", à commencer certes par le pape, sont obligés, bon gré mal gré, que ça leur plaise ou non, d'adopter les mœurs du monde antéchristique qui les entoure, qui ne sont même pas naturelles mais anti-naturelles, en abandonnant les mœurs christiques surnaturelles. Je suis venu dans l'Église au nom de mon Père, et vous M'avez rejeté ; qu'un autre vienne en son nom, et vous l'accueillerez. Nous vivons ecclésialement cela depuis le concordat napoléonien jusqu'à maintenant, avec sans cesse une aggravation dans le maudit processus, qui, en outre, passe insensiblement du domaine des Mœurs dans le domaine de la Foi.
           
        "L’un des éléments venant aggraver ce risque d’étouffement résulte de certaines conséquences de choix antérieurs, quand certaines pratiques internes à l’Église de l’époque postconciliaire se sont définies par mimétisme à l’égard des tendances externes. C’est le cas de la valorisation du collectif, rangé trop facilement dans la catégorie de la collégialité, mais s’alignant sur certaines tendances de la psychologie sociale des années 1960 en faveur de la multiplication des groupes, jusque dans la vie spirituelle (méditation de groupe, révision de vie, etc.). Il semble que l’on ait ainsi souvent assimilé à tort deux réalités bien distinctes, le groupe, de nature psychologique, et la communauté, organique et définie par l’ordre au service du Bien et de la Vérité. L’un des défauts de cet alignement sur certaines méthodes en vogue dans le milieu ambiant (dominant) est son impact, dans le domaine ecclésial, sur la prise de responsabilité, acte foncièrement personnel par nature, mais tendant à s’effacer au profit du collectif – de bas en haut de l’échelle, des comités paroissiaux aux conférences épiscopales et à leurs divers secrétariats. Paradoxalement, l’espace personnel, honoré pendant la même période au titre de la promotion des membres du Peuple de Dieu, s’est vu réduit jusqu’à l’isolement, tandis que se multiplièrent les instances collectives, à l’intérieur desquelles la dynamique de groupe peut aisément faire sentir ses effets. Ajoutons que tout cela est exposé au regard inquisiteur d’instances extérieures à l’Église, ou de véritables organes de police de la pensée installés en son sein même, fonctionnant comme des agences de notation et de classification en fonction du degré de conformation aux exigences de la doxa. Cette situation persiste de manière plus ou moins marquée depuis l’époque conciliaire, chacun pouvant constater à quel point elle s’est considérablement renforcée ces dernières années, les pressions de la culture dominante qui s’exercent depuis l’extérieur de l’Église et celles qui procèdent ad intra se conjuguant pour freiner, sinon interdire tout libre questionnement et en réprimer l’éventuelle formulation".
           
        L'auteur continue sur cette même problématique de l'abandon par l'Église moderne de ses mœurs de fonctionnement surnaturelles, pour adopter les mœurs de fonctionnement anti-naturelles des sociétés post-révolutionnaires constitutionnellement athées. Il s'arrête d'abord au concept "collectif", très en vogue dans les années conciliaires et post. Or, il note avec soin que le groupe n'a rien de naturel, c'est la communauté qui est naturelle : "Il semble que l’on ait ainsi souvent assimilé à tort deux réalités bien distinctes, le groupe, de nature psychologique, et la communauté, organique et définie par l’ordre au service du Bien et de la Vérité". Il note encore, à juste titre, ce qui est bien connu au demeurant, que vivre les mœurs par le "groupe" est, à proportion même où on les vit ainsi, déresponsabiliser la personne humaine, et, au fait, la supprimer plus ou moins carrément dans sa valeur de personne, dépersonnaliser la personne humaine. Et si cela a lieu dans l'Église, c'est ni plus ni moins, si l'on va au fond des choses, enlever la personne concrète du fidèle au Christ, car le Christ sauve la personne, Il ne sauve pas le groupe, le groupe, pour Lui, n'existe pas. À l'opposé, le fidèle, plongé dans le groupe, ne peut plus prendre de vraies responsabilités, l'acte responsable étant le propre de la personne individuelle, et, au pire, on l'empêche donc par-là même de poser des actes personnels de salut en Église (il peut certes toujours poser des actes de salut privés, ascétiques, mais plus des actes de salut publics, dans la dimension de l'Église militante). On voit là à quel point il est extrêmement grave que l'Église moderne ait changé ses mœurs surnaturelles par les mœurs de la société virtuellement antéchristique qui l'entoure : si le fidèle n'est pas encore empêché de poser des actes privés de salut, il ne peut plus en poser d'ecclésial-public dans la liberté des enfants de Dieu, et par-là même, par la suite, cette subversion dans son être ecclésial-public tendra à envahir aussi son être privé de fidèle catholique, pour abolir et supprimer en lui la Foi. Nous sommes bien en présence d'une mort programmée de toute Foi sur la terre : d'abord dans la société politique, puis dans l'Église elle-même, puis enfin dans l'âme de tout fidèle. "Mais lorsque le Fils de l'homme viendra, pensez-vous qu'Il trouve la foi sur la terre ?" (Lc XVIII, 8).
           
        "Ajoutons que tout cela est exposé au regard inquisiteur d’instances extérieures à l’Église, ou de véritables organes de police de la pensée installés en son sein même, fonctionnant comme des agences de notation et de classification en fonction du degré de conformation aux exigences de la doxa. Cette situation persiste de manière plus ou moins marquée depuis l’époque conciliaire, chacun pouvant constater à quel point elle s’est considérablement renforcée ces dernières années, les pressions de la culture dominante qui s’exercent depuis l’extérieur de l’Église et celles qui procèdent ad intra se conjuguant pour freiner, sinon interdire tout libre questionnement et en réprimer l’éventuelle formulation".
 
        L'auteur a remarquablement bien pris conscience de ce que j'appelle la bigbrothérisation antéchristique de l'Église moderne. Pour conclure son exposé sur les raisons du "silence" des grands-prélats face aux hétérodoxes "mise en conformité [de l'Église] avec les exigences de la modernité", "adaptations au milieu", je note que Bernard Dumont en discerne deux principales : 1/ une raison de fond, à savoir que cette "dynamique du mal" dans l'Église moderne signifie qu'elle vit la "si grande contradiction", donc qu'elle vit la Passion du Christ, l'Épouse du Christ est dès lors "faite péché pour le salut", et cela, à l'instar des onze Apôtres sur douze, "méduse", frappe de stupeur les grands-prélats modernes censés réagir positivement contre le mal dans l'Église, en tant qu'épiscopes, étymologiquement "gardiens de la Foi" ; 2/ une raison de forme, à savoir que les mœurs de fonctionnement dans l'Église moderne sont de plus en plus bigbrothérisées, et empêchent radicalement, "étouffent", toute tentative de réaction... exactement comme dans les pires sociétés totalitaires, marxiste, maoïste ou nazie. 
           
        Mais je poursuis ma lecture.
           
        "Cet interdit, déjà vérifié maintes fois dans le passé, est maintenant beaucoup plus pesant, à la mesure de la gravité nouvelle des questions suscitées par certaines des options les plus provocantes de la « réforme » en cours. Les exceptions – par exemple, les dubia présentés par les quatre cardinaux, mais aussi tout ce qui a pu s’exprimer comme analyses des options ou formulations s’éloignant de la tradition catholique – se sont heurtées à une ignorance affectée, associée au déferlement d’outrageantes critiques, jusque dans les documents les plus élaborés, sous forme de mise en cause de l’honnêteté, de suspicion d’hérésie gnostique ou pélagienne, et ainsi de suite. Dans le même temps, le refus de répondre non seulement persiste, mais est même érigé en vertu spirituelle, comme en témoigne un article dernièrement publié par le jésuite argentin Diego Fares, dans La Civiltà cattolica sur le thème de « l’esprit d’acharnement ». Cet auteur impute cette forme de mauvais esprit aux questionneurs, à « ceux qui discutent et insultent à coup de tweets », face auxquels le silence serait un geste de profonde humilité venant confondre l’esprit diabolique : « C’est la meilleure approche contre les médisances de couloirs, les airs scandalisés, les attaques qui aujourd’hui se diffusent facilement sur les réseaux sociaux, jusque dans les publications qui se définissent comme “catholiques”. » (loc. cit., n. 4029, 5-19 mai 2018, p. 225) Enfin si l’ordre juridique est en principe maintenu, son respect est discrétionnaire, selon une logique subtile dont seule une approche d’ensemble peut donner une idée cohérente. L’un des effets de cette situation « kafkaïenne » est de créer le trouble et la crainte. Cette analogie, même lointaine, est sans doute malaisée à percevoir d’emblée, ce qui renforce son effet perturbateur".
           
        Je disais plus haut que les détenteurs actuels de l'Autorité dans l'Église moderne étaient comparables aux antiques pharisiens : comme eux, ils sont, les papes modernes en tête, si possédés, au sens le plus diabolique du terme, par l'idéologie de la Foi qu'ils se sont créée, que j'ai appelée dans mes ouvrages "la gnose chrétienne-laïque" (par opposition avec "la Foi chrétienne-sacrale" dont le Christ a doté son Église ― c'est-à-dire que nos pharisiens modernes ont pris à tâche de marier l'Église avec le monde moderne, dans lequel ils veulent voir hérétiquement une inchoation du Royaume de Dieu), qu'ils éprouvent une véritable HAINE lorsque la vérité de la Foi vient soudain, ne serait-ce que par réaction, contredire leur idéologie gnostique de la Foi, et leur remettre de force les pieds dans la vérité. Bernard Dumont remarque que plus les attaques qu'ils font contre les fondamentaux de la Foi sont graves et sacrilèges, plus l'interdit qu'ils élèvent en face devient drastique et sans aucune miséricorde contre tout celui qui voudrait s'y opposer. Et ce n'est pas encore assez. Non seulement l'interdit devient carrément nazi, mais il ose impudemment se revêtir d'un vêtement de sainteté (qui ne voit Satan à l'oeuvre dans cette perversion et ce travestissement infâmes et révoltants, ne le verra jamais) ! Les fameux dubia, par exemple, ont été portés le plus canoniquement du monde au pape François, par voie juridique impeccable. Il n'a donc pu qu'en être informé. Cela n'a pas empêché ledit François d'oser dire qu'il n'avait pris connaissance de leur existence qu'en... lisant le journal ! C'est se moquer du monde, "nous péter à la figure", comme un vieux militaire de ma connaissance me commentait vertement une situation ecclésiale analogue.
 
        Mais nous touchons là du doigt qu'on ne saurait lutter contre le pape à qui est dévolu par le Christ le charisme de diriger les destinées spirituelles générales de l'Église. François, comme tout pape moderne peu ou prou, mène ces destinées à la crucifixion puis à la mort de l'Épouse du Christ ? Il faut le suivre ac cadaver. Et c'est pourquoi le jésuite de service fustige d'importance, avec une colère qui n'a rien de sainte, les grands-prélats qui réagissent avec leur Foi face à la mise à mort programmée de la doctrine traditionnelle et donc, subséquemment, celle de l'Église, comme si c'était eux les méchants, eux qui ne font que rappeler la doctrine la plus basique. Cela suit le plus pur pharisaïsme, ainsi dénoncé par Notre-Seigneur dans l'Évangile : "Ils vous chasseront des synagogues, et l'heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage à Dieu. Et ils vous traiteront ainsi parce qu'ils ne connaissent ni le Père ni Moi. Je vous ai dit ces choses afin que, lorsque l'heure en sera venue, vous vous souveniez que Je vous les ai dites" (Jn XVI, 2-4). À l'heure de "la puissance des ténèbres" et de "LA PASSION DE l'ÉGLISE", c'est vraiment le moment, en effet, de s'en souvenir...
           
        L'auteur continue encore à réfléchir sur le fléchissement des mœurs ecclésiales modernes. Suivons-le :
           
        "Si la collectivisation et la répression des questions gênantes constituent des freins d’origine récente, il resterait à tenir compte de la persistance d’un esprit légaliste dans une certaine culture ecclésiastique traditionnelle. Il s’agit d’un glissement ancien dans la pratique disciplinaire, qui repose sur l’obéissance, un acte moral de soumission de la raison et non d’exécution mécanique. C’est encore un paradoxe que de constater que, depuis le déroulement même du concile Vatican II et par la suite, une dépréciation, souvent rageuse, du « juridisme » et du « rubricisme », c’est-à-dire d’un respect ponctuel et scrupuleux des normes canoniques et liturgiques, ait pu coexister avec une mentalité positiviste, rappelant celle que l’on rencontre dans les systèmes administratifs de l’État moderne. Cette tendance à rapprocher la hiérarchie ecclésiale d’un corps préfectoral persiste, et elle est même encouragée par ceux-là mêmes qui la supportaient mal il y a encore quelques années mais qui en tirent profit aujourd’hui. Une tendance analogue, connue de longue date, est celle qui consiste à élever indûment au rang de Magistère – c’est-à-dire d’enseignement du Christ à travers ses ministres : « Qui vous écoute m’écoute » – toute parole émanant du pape François. Et cela d’autant plus que la forme même dans laquelle est présenté l’enseignement bergoglien échappe à toute catégorie classique, tranchée, dépourvue d’ambiguïté : elle est même délibérément tout le contraire. Mais l’habitude persiste de considérer que ce qui vient du haut de la hiérarchie, quelle que soit sa nature, est publiquement hors discussion. On en arrive alors à un conflit de devoirs dont les termes sont faussés. D’un côté, il semble impossible d’accepter le heurt frontal, pourtant envisagé par saint Paul lui-même – « Mais quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (Galates 1, 8) ; d’un autre côté, la conscience n’en reste pas moins choquée par des contradictions flagrantes avec les préceptes les plus explicites du Christ. Certains s’en remettent alors à l’œuvre du temps, se convainquant que l’entreprise « réformiste » actuelle est trop « périphérique » pour ne pas être une parenthèse appelée à être vite oubliée. Cette pensée est d’autant plus aisée que l’humble activité quotidienne à l’échelle de l’Église locale peut ouvrir une perspective de lente construction de l’avenir, en attente de voir passer l’orage. Mais est-il possible d’imaginer que le conflit global puisse ne pas avoir de retombées sur la paix locale, lorsque celle-ci existe – plus ou moins – par une heureuse et bien rare exception ? En outre, ne convient-il pas que le pasteur d’une portion du troupeau ait aussi, pour citer encore saint Paul (2 Cor 11, 28) « la sollicitude de toutes les Églises » ?"
           
        Je ne pense vraiment pas, comme l'auteur, qu'on puisse inférer de l'esprit légaliste la pesanteur anormale constatée chez les grands-prélats pour réagir : les causes de leur non-réaction sont beaucoup plus profondes comme on l'a vu plus haut, dans les propos mêmes de Bernard Dumont. Ce qu'il dit ensuite, quant à la parole magistérielle du pape François, n'est pas très-exact non plus : l'esprit légaliste ne va pas jusqu'à prendre toute parole qui sort de la bouche du pape François comme sacro-sainte et couverte par l'infaillibilité, au point qu'il serait toujours impossible de la discuter ou de dénoncer en elle des erreurs. Ce n'est pas, comme je l'ai déjà dit, une parole du pape, ou même plusieurs paroles détachées, fragmentées, de ce pape, qui sont à prendre en considération, mais la direction spirituelle générale qu'il donne par l'ensemble de ses paroles. Or, celle-ci, comme pour tous les papes depuis saint Pierre, ne saurait être discutée catholiquement. Et, quant à François, cette direction spirituelle générale, fort loin de la confusion et du brouillard-brouillon très-savamment entretenus par lui dans ses paroles isolées et fragmentées (la remarque de l'auteur sur cela est parfaitement fondée), est extraordinairement claire et précise : il a la volonté de fer, que rien ne saurait briser, de mener l'Épouse du Christ dans les voies les plus progressistes possibles, jusqu'à épouser le monde qui, pour nos gnostiques à la Karl Rahner, est une autre façon de dire le Royaume de Dieu...
           
        Alors, certes, nous voici tous plongés la tête sous l'eau, nous catholiques, plongés irrémédiablement, oui, diablement est le mot et la chose, dans la "si grande contradiction" inhérente à "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Bernard Dumont le voit bien, mais, curieusement, il refuse ici de prendre acte de cette contradiction dans l'Église moderne (contradictoirement, car il a admis plus haut que la situation ecclésiale actuelle nous menait à la Croix, évoquant "l’éventualité d’affronter l’épreuve de la Croix selon une modalité imprévue"), il veut en croire les termes faussés : "On en arrive alors à un conflit de devoirs dont les termes sont faussés". Non, les termes n'en sont absolument pas faussés mais au contraire véridiques. Pour le bien comprendre, reprenons l'exemple de la Liberté religieuse. C'est à la fois, d'une part une "mise en conformité [de l'Église] avec les exigences de la modernité" à caractère hérétique formel, et d'autre part, le décret magistériel est incontestablement un acte du Magistère ordinaire & universel de soi infaillible, au moins dans son § 2 définitionnel de l'anti-doctrine professée par les Pères de l'Église moderne una cum, théologiquement un, avec le pape légitime, Paul VI (... même Mgr Lefebvre a signé la Liberté religieuse !).
           
        La "si grande contradiction", qui manifeste on ne peut mieux la crucifixion de l'Église moderne est, là, visible comme éléphante enceinte dans corridor étroit.
           
        Elle ne signifie cependant pas du tout que "les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église". Elle signifie au contraire que l'Église vit la Passion du Christ, qu'elle est en train de devenir co-Rédemptrice...
           
        Il y a en effet, théoriquement, deux manières dont la "si grande contradiction" peut rentrer dans l'Église, et pas qu'une seule. L'une, formelle ; l'autre simplement matérielle. La première serait synonyme de reniement conscient et voulu des principes de la Foi par les "membres enseignants", et cela, certes, signifierait bien sûr le triomphe complet de Satan sur l'Église, et donc sur le Christ, et donc sur Dieu, et donc sur toutes les âmes. La seconde est absolument et complètement aux antipodes, elle est synonyme de crucifixion des principes de la Foi par les "membres enseignants" mais sans reniement par eux desdits principes, c'est-à-dire qu'ils sont dans l'inadvertance totale du caractère hérétique formel de la Liberté religieuse, pour en rester à ce décret vaticandeux ayant théologiquement valeur d'exemplaire pour toute "la crise de l'Église". Et donc, le péché d'hérésie qu'ils font commettre là à l'Épouse du Christ en promulguant ce décret magistériel (car agissant dans le cadre de l'infaillibilité à Vatican II dans Dignitatis, au moins je le répète pour le § 2 définitionnel dudit décret, ils commettent donc cet acte magistériel in Persona Ecclésiae) n'est qu'un péché d'hérésie purement matériel, sans aucune coulpe. Et il est tout-à-fait possible d'envisager que l'Église, Personne morale (Can. § 100), puisse commettre ou être mise en état de péché matériel sans aucune coulpe, sans que la note de sainteté dont elle est dotée par le Christ en soit le moins du monde atteinte. Et cela signifie précisément que l'Église rentre par-là même dans l'économie de la Passion, comme saint Paul l'enseigne à propos du Christ vivant sa Passion : "Il a été fait péché pour notre salut", un péché évidemment, quant au Christ ou à son Épouse l'Église, parfaitement exempt de toute espèce de coulpe.
           
        Et cette situation ecclésiale en apparence renversante annonce donc, en dernière analyse de la question, par la mystique de la Passion, le triomphe complet de Dieu sur Satan par la co-Rédemption de l'Église, une fois que celle-ci aura fini de souffrir sa Passion propre et personnelle et qu'elle en mourra de mâlemort dans et par le règne, maudit entre tous, de l'Antéchrist-personne (avant de ressusciter elle aussi, comme le Christ son divin Époux, la mort et la résurrection d'Énoch & Élie dans le règne de l'Antéchrist-personne en étant la parabole certaine). Exactement comme le Christ mort sur la croix, loin d'être vaincu, triomphe sur Satan par-là même de sa mort en croix, a désormais la victoire rédemptrice sur le monde entier. Et il va en être de même pour notre chère Église, la Dame de tout cœur catholique véritable, en train présentement de devenir co-Rédemptrice justement par la crucifixion opérée en elle principalement par et depuis Vatican II.
           
        On voudra maintenant une preuve que les Pères de Vatican II étaient bien dans l'inadvertance totale du caractère hérétique formel de la Liberté religieuse, quand ils ont promulgué ce décret en soi hérétique, cette pure inadvertance qui, en théologie morale, fait le "péché matériel" (latin médiéval inadvertentia, du latin classique advertere, tourner son attention vers), péché purement et simplement matériel qui fait donc de leur acte magistériel, une "si grande contradiction" simplement matérielle, non-formelle. Pour que la thèse de "LA PASSION DE L'ÉGLISE" soit confirmée, on doit en effet obligatoirement constater que les Pères conciliaires ont eu leur attention absolument détournée du caractère hérétique formel de la Liberté religieuse en promulguant ce décret.
           
        En vérité, cette démonstration n'est pas bien difficile à faire, l'inconscience totale et même carrément insensée, folle, des Pères de Vatican II et de Paul VI d'avoir à faire à une hérésie formelle quant à la Liberté religieuse, étant révélée quant et quant dans le texte magistériel lui-même de promulgation dudit décret... hérétique. Ne les voit-on pas, en effet, ahuri, y professer à maintes reprises que la Liberté religieuse... est en parfaite harmonie avec la Foi et la Tradition ! Ils se trompent bougrement certes, le plus imbécilement du monde sans aucun doute, suscitant dans un premier temps la colère indignée de tout catholique véritable, mais donc, ce qui importe, c'est de noter qu'ils n'ont en tous cas nullement conscience d'attaquer la Foi, de souscrire sciemment à une hérésie, en professant la Liberté religieuse... puisqu'ils s'imaginent qu'elle est en harmonie avec la Foi. Lisons attentivement ces passages, c'est dans Dignitatis Humanae Personae, au § introductif 1 : "Or, puisque la Liberté religieuse que revendique l'homme dans l'accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu concerne son immunité de toute contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral de l'homme et des associations à l'égard de la vraie religion et de l'unique Église du Christ" (il n'est pas anodin de préciser que ce membre de phrase que j'ai mis en italique, empêchant pour sa part que la Liberté religieuse soit promulguée de manière formelle par les Pères vaticandeux, est dû au Caetus Internationalis Patrum et, en son sein, principalement à un certain Mgr Marcel Lefebvre). Plus avant, toujours dans cette même Introduction du décret... hérétique, les Pères avaient déjà dit : "Considérant avec diligence ces aspirations [de l'homme moderne à la Liberté religieuse], dans le but de déclarer à quel point elles sont conformes à la vérité et à la justice, etc." On trouve moult autres passages dans le corps du décret, allant dans le même sens, il déborderait le cadre de mon article de tous les citer.
           
        Il est évident, ici, que les Pères de Vatican II n'ont pas la moindre conscience de la malignité ni de l'hétérodoxie formelles de la Liberté religieuse, puisque, certes en se trompant bougrement et fort péniblement, ils affirment dans le document magistériel qu'elle est... conforme à la Foi ! Benoît XVI n'a jamais rien fait d'autre, par sa fameuse et surtout extrêmement fumeuse "herméneutique de continuité", que d'être l'écho de cette utopie désastreuse des Pères de Vatican II, qui du reste avait déjà été sienne à l'époque en tant qu'acteur majeur du concile moderne. En tous cas, nous avons là la preuve que les Pères de Vatican II, en posant cette hérésie en soi formelle, ne l'ont pas fait dans un acte formel puisqu'il y manque totalement l'advertance ou connaissance pleine et entière de la malignité de l'hérésie professée, de l'hétérodoxie doctrinale foncière de la Liberté religieuse.
           
        Si par contre les Pères de Vatican II avaient posé dans le décret magistériel que jusque là l'Église s'était trompée en professant le dogme "Hors de l'Église, point de salut" directement antinomique de la Liberté religieuse, et qu'il fallait désormais croire que la vérité consistait en la Liberté religieuse anéantissant ce dogme dans le for public, alors là, certes, on n'aurait pu que déduire de cette affirmation qu'ils auraient non seulement eu conscience, advertance pleine et entière, que la Liberté religieuse était contraire à un dogme défini dans l'Église, mais qu'en plus ils auraient voulu privilégier l'hérésie sur le dogme, aux fins damnables de l'anéantir ! Là, le péché d'hérésie aurait certes été formel (cette supposition n'est qu'un cas d'école évidemment complètement impossible, puisque les Pères una cum Paul VI, certainement légitimes, agissaient in Persona Ecclesiae dans le décret de la Liberté religieuse, et donc, ils ne pouvaient pas commettre, au nom de l'Église Universelle, un péché d'hérésie formel, étant sous le couvert de l'infaillibilité inhérente à l'Église Universelle). Mais on est très-loin de ce compte-là, dans le décret magistériel sur la Liberté religieuse que promulguent les Pères à Vatican II, on est même aux antipodes : c'est dans l'ignorance invincible totale et complète du caractère hérétique formel de la Liberté religieuse, que les Pères, una cum Paul VI, la professent. En édictant magistériellement, in Persona Ecclesiae, la Liberté religieuse, les Pères enseignants de l'Église moderne restent donc dans le péché matériel sans coulpe. Ce qui signifie, en dernière analyse la plus importante de la question, que l'Église rentre par cet acte dans "LA PASSION DE L'ÉGLISE", puisque ce qui caractérise essentiellement l'économie de la Passion, selon ce que nous enseigne saint Paul, c'est que l'acteur de la Passion soit "fait péché pour le salut".
           
        Et c'est bien cela que l'Église a à vivre (et à mourir, à terme), dans, par et depuis Vatican II, voilà la grande révélation de "la crise de l'Église" : Dieu veut que l'Église vive la Passion du Christ. Et donc, par les causes secondes, humaines, Il la met dans l'économie du péché matériel, sous "la puissance des ténèbres", très-notamment en aveuglant invinciblement l'esprit des "membres enseignants" de la génération ecclésiale prédestinée par Dieu à introduire l'Église dans sa propre et personnelle Passion. Lesquels, una cum le pape, ont alors commis in Persona Ecclesiae un péché matériel d'hérésie par la promulgation de la Liberté religieuse, sans faute ni coulpe aucune de la part de l'Église Universelle, aux fins ultimes et supérieures de la faire vivre désormais dans l'économie propre à la Passion, d'être ainsi "faite péché". Car l'heure pour elle, cette heure dont le Christ a dit, quant à Lui, "Voici l'heure" (Lc XXII, 53) quand sa Passion a commencé au jardin de Gethsémani, est venue, et c'est l'heure co-rédemptrice du concile Vatican II, son jardin de Gethsémani à elle.
           
        Car bien entendu, si ce péché matériel commis in Persona Ecclesiae à Vatican II par les Pères de l'Église moderne n'a aucune incidence sur la Note de sainteté de l'Église, il en a, et terriblement, et affreusement, pour revêtir au for externe l'Église de malédiction suprême, d'apparence de péché, ce qui la fait rentrer dans l'économie de la Passion. C'est d'ailleurs précisément ce qui explique que l'Église, maudite comme une lépreuse depuis Vatican II et de plus en plus léprosée plus le temps avance, désormais pieds et mains liés sous "la puissance des ténèbres", radicalement impuissante au for externe public contre toute forme de mal, ce qu'à sa manière quelque peu alambiquée remarque fort bien Bernard Dumont, l'Église disais-je, n'aura plus aucune force contre "l'homme de péché", l'Antéchrist-personne, lorsque celui-ci paraîtra en ce très-bas monde, pour la punition des impies et la parfaite purification des justes, lequel Antéchrist-personne, pour sa condamnation, mettra sacrilègement à mort l'Épouse du Christ léprosée, dans son règne.
           
        Je voudrai maintenant revenir sur la dernière partie de ce § de l'article de Bernard Dumont que je suis en train de commenter :
 
        "Certains s’en remettent alors à l’œuvre du temps, se convainquant que l’entreprise « réformiste » actuelle est trop « périphérique » pour ne pas être une parenthèse appelée à être vite oubliée. Cette pensée est d’autant plus aisée que l’humble activité quotidienne à l’échelle de l’Église locale peut ouvrir une perspective de lente construction de l’avenir, en attente de voir passer l’orage. Mais est-il possible d’imaginer que le conflit global puisse ne pas avoir de retombées sur la paix locale, lorsque celle-ci existe – plus ou moins – par une heureuse et bien rare exception ? En outre, ne convient-il pas que le pasteur d’une portion du troupeau ait aussi, pour citer encore saint Paul (2 Cor 11, 28) « la sollicitude de toutes les Églises » ?"
 
        Ici, et c'est humain, Bernard Dumont voudrait bien... fuir "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Après avoir fait intelligemment le point sur l'inextricabilité de la situation de l'Église moderne, dont il se rend bien compte qu'elle révèle qu'elle est crucifiée véritablement, l'auteur voudrait évoquer des possibilités d'en sortir. C'est humain, disais-je, il n'y a là aucun péché à vouloir se sortir, dans un premier réflexe instinctif, de l'économie de la Passion, quand la Providence cependant veut nous y plonger. Souvenons-nous que même Jésus, dans son Humanité très-sainte, a éprouvé ce réflexe lorsque la Passion lui tombe brutalement dessus au jardin de Gethsémani : "S'il se peut, ô Père, que ce calice s'éloigne de Moi". Mais il ne faut pas oublier qu'immédiatement après ce tout premier réflexe instinctif de sa nature humaine très-sainte, Jésus s'empresse de la soumettre entièrement au Vouloir divin d'avoir à vivre, et surtout à mourir, la Passion, la terrible et affreuse Passion : "Cependant, non Ma volonté, ô Père, mais la vôtre".
           
        Bernard Dumont voudrait croire que la "réforme" bergoglienne, pour en rester à elle, ne serait que "périphérique", c'est-à-dire qu'elle n'atteindrait pas le cœur de l'Église, le cœur de la Foi, et donc, le temps, qui est très-souvent Parole de Dieu qui a le dernier mot, en aurait raison, ne peut qu'en avoir raison. Toute réforme hérétique et/ou vandale dans l'Église ne peut qu'être engloutie, phagocytée, par la toute-Puissance divine à l'oeuvre permanente par le Saint-Esprit dans cette même Église, qui se sert souvent du temps pour se manifester, et donc la nôtre subira le même sort, veut-il se convaincre, ou sans doute faire semblant de se convaincre. Le problème, et il le sait très-bien, c'est que la "réforme" bergoglienne n'est pas du tout périphérique : elle touche le cœur de la Constitution divine de l'Église, elle touche le cœur de la Foi, du Dépôt révélé. Et toucher les choses au cœur, c'est exactement dire tout le contraire que de les toucher seulement au "périphérique", c'est au contraire dire qu'elles sont, pour la première fois et la... dernière fois, touchées usque ad mortem, puisque cela signifie que l'Église est rentrée dans l'économie de la Passion (sinon, elle ne serait pas touchée au cœur)...
           
        Inutile donc d'aller chercher un espoir dans les églises locales qui, au niveau le plus humble et donc le plus visité par le Saint-Esprit, seraient censées reconstruire doucement et sans bruit toute l'Église dans sa pureté originelle, attendant l'Heure de Dieu pour que la pureté de Foi de toutes les églises locales qui peuplent l'univers balaye tout d'un coup, à la Jeanne d'Arc, d'une puissante et irrésistible vague, comme fétu de paille inconsistant, ladite "réforme" bergoglienne... suivant, il ne faudrait quand même pas l'oublier, l'aggiornamento montinien... sans parler des autres "mises en conformité avec les exigences de la modernité", "adaptations au milieu" pontificales qui, depuis le concordat de Pie VII, sévissent en rangs d'oignons très-serrés sur le Siège de Pierre et donc dans l'Église Universelle (ralliement léontreizien, profession de foi pacifiste et rejet des "guerres justes" benoîtquinziens pendant la 1ère guerre mondiale, Noëls 1939-45 pro-onusiens avant la lettre piedouziens, profession de foi ouvertement mondialiste jeanvingttroisienne dans Pacem in terris, etc., etc. ; hélas, la liste est loin d'être exhaustive !).
           
        Cependant, Bernard Dumont est trop sagace pour s'abuser longtemps de ces illusions enfantines qu'il dresse devant ses propres yeux. Faisant une saine réflexion à base de théologie fondamentale, il ne peut manquer de remarquer qu'il est impossible de supposer des églises locales pures dans la Foi quand l'Église Universelle ne l'est plus : n'est-ce pas l'Église Universelle qui, à chaque génération ecclésiale, innerve de la Foi toutes les églises, dont bien sûr celles de base, celles locales ? L'auteur le comprend bien : "Mais est-il possible d’imaginer que le conflit global puisse ne pas avoir de retombées sur la paix locale, lorsque celle-ci existe – plus ou moins – par une heureuse et bien rare exception ?" Depuis le long temps, ... plus de deux siècles si l'on compte à partir du concordat napoléonien !, et les nombreuses, j'allais écrire innombrables, et successives "mises en conformité [de l'Église] avec les exigences de la modernité", "adaptation au milieu", émanant du Siège de Pierre en direction de toutes les églises, la vérité c'est qu'il est impossible de supposer qu'une seule église locale sur terre puisse ne pas en être peu ou prou infectée, infestée, sans parler même de... toutes les églises locales !, et donc ne pouvoir être ce foyer de restauration future entrevu utopiquement dans les nuages, pour... fuir "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Sans compter que puisque l'Église est atteinte au cœur et vit la sa dernière crise avant la Parousie, toute restauration ecclésiale d'ordre canonico-historique est, dans le principe même de la question, totalement exclue.
           
        "Quelles que soient les hypothèses invoquées ici et toute autre imaginable, il reste à se demander jusqu’à quel niveau d’atteinte de l’unité doctrinale et pratique il faudra en arriver pour que se manifeste au grand jour une position du problème cohérente et proportionnée. La question est lancinante, et elle est posée avant tout aux successeurs des Apôtres et aux membres éminents du clergé romain, aux théologiens dont le rôle est de les soutenir, aux prêtres témoins immédiats des contradictions auxquelles aboutissent les changements de cap qui leur sont demandés, en définitive à tout chrétien confronté à la pression du « monde » devant lequel il est pour le moins indécent de se plier. Chacun peut comprendre que s’il peut y avoir un temps pour se taire, il y a aussi un temps pour parler".
           
        L'auteur veut se demander jusqu'où il faudra aller, dans la subversion de la doctrine, pour qu'il y ait une saine réaction ? Question fort "lancinante", certes. Mais il est inutile de l'adresser à tout le monde catholique, dans le vain espoir de trouver, quelque part dans la multitude, une formidable voix de réponse à la Jeanne d'Arc qui ferait faire en contre-pied une révolution victorieuse à la révolution, l'annihilant radicalement. Parce qu'il n'y aura pas d'autre réaction, dans l'Église moderne, que... LE SILENCE DE JÉSUS DURANT SA PASSION, celle-ci se déroulant inexorablement usque ad mortem. Il faut d'ores et déjà prier saint Jean pour avoir le courage de faire comme lui : aller, et surtout rester, au pied de la croix, où est pendue cette fois-ci, non plus le Christ, mais son Épouse l'Église. Car le temps de la Passion, contrairement à ce que voudrait pouvoir croire Bernard Dumont, est UN TEMPS POUR SE TAIRE. Il est impossible de prévoir dedans un temps pour parler. Sauf à considérer les sept Paroles du Christ en croix, lesquelles ne sortent pas du SILENCE inhérent à la Passion. Ce sont des Paroles silencieuses qui ne sortent pas le Christ de l'économie de la Passion.
           
        Mais nous arrivons maintenant à la conclusion de l'auteur :
           
        "Dans l’apparente paralysie générale il semble que deux conditions puissent favoriser une issue. L’une tient à l’effet d’émulation que peuvent provoquer les prises de position, même partielles, de personnalités ecclésiales. L’exemple récent du cardinal Willem Eijk, archevêque d’Utrecht, aux Pays-Bas, est notable à cet égard, de par les formules très fortes qu’il a utilisées pour mettre en cause le renvoi dos à dos des évêques allemands prêts à donner la communion aux non-catholiques et à ceux qui s’y refusent, le pape François se contentant de leur demander de se mettre d’accord entre eux. Le cardinal hollandais voit là une véritable démission de la fonction propre d’un souverain pontife. Il n’a pas hésité à citer à l’appui de sa réaction un passage du Catéchisme de l’Église catholique (n. 675) : « Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24, 12). La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre (cf. Lc 21, 12 ; Jn 15, 19-20) dévoilera le “mystère d’iniquité” sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. » La seconde condition est plus personnelle, spirituelle même. Elle consiste à surmonter l’opposition du démon muet, qui pour un motif ou un autre retient de témoigner du bien et du mal" (fin de l'article).
           
        Un temps pour parler. C'est donc le titre choisi par Bernard Dumont pour son article. Il manifeste que l'auteur voudrait bien pouvoir en rester au "que ce calice s'éloigne de Moi" prononcé par le Christ au début de sa Passion. Il voudrait une parole qui décloue l'Église moderne de la croix où il la voit pendue, écartelée. Il n'y en aura pas, de parole, je viens de le dire. L'Église doit mourir dans son économie de salut actuelle, pour que l'Écriture s'accomplisse, parce que la Providence divine l'ordonne ainsi, elle mourra donc de mâlemort. C'est une fière et valeureuse réaction, certes, que celle du cardinal hollandais, surprenante d'ailleurs en provenance de ces pays nordiques très-déliquescents sur le chapitre de la Foi, mais elle n'aura pas plus de portée effective que celle du cardinal Zen : elle sera foulée aux pieds par "la puissance des ténèbres". Et les autres paroles qui viendraient en écho à cette réaction, auraient le même sort. Il y a d'ailleurs, l'auteur ne semble pas le remarquer, une contradiction à citer cette parole épiscopale hollandaise comme pouvant contribuer à "ressusciter" l'Église moderne crucifiée, dès lors que l'on cite le passage du Catéchisme de l'Église catholique qui donne le (vrai) cadre apocalyptique-parousiaque à notre "crise de l'Église" : s'il s'agit en effet de la dernière crise de l'Église dans laquelle la sainte Écriture nous prophétise infailliblement qu'elle ne doit se terminer que par la Parousie glorieuse du Christ, alors, les paroles humaines d'ici-bas, mêmes celles épiscopales autorisées, ne sauraient la résoudre.
           
        Pour finir, je dirai à Bernard Dumont : un temps pour parler, doit être entièrement consacré, hic et nunc, à dire "LA PASSION DE L'ÉGLISE" à toute l'Église, c'est-à-dire, dans le contexte actuel, à toutes les âmes que la Providence nous donne à rencontrer sur notre chemin... même si, d'aventure extrême, ce serait le pape qui ne veut rien entendre !
           
        Un temps pour parler doit être une parole mystique intégrée dans les sept Paroles du Christ en croix, qui n'a rien à voir avec une parole pour déclouer l'Église de la croix, dont se gargarisent les faux-prophètes et les illuminés genre "Demain, la chrétienté" (feu Dom Gérard du Barroux). Il ne faut pas, en effet, vouloir, par une Foi trop humaine, une parole qui décloue l'Épouse du Christ de la croix pour lui faire connaître une prétendue renaissance, parce que c'est la Volonté de Dieu que l'Épouse du Christ vive la Passion de nos jours, usque ad mortem. Et que vouloir le contraire, serait vouloir "faire la volonté de Dieu contre la Volonté de Dieu" (André Frossart, à propos des tradis).
           
        Un temps pour parler, c'est dire "LA PASSION DE L'ÉGLISE".
           
        C'est la seule parole surnaturelle qui vaille de nos jours, pour illuminer les âmes du salut et de la Force de Dieu.
           
        C'est ce que j'essaye de faire moi-même, à ma toute petite place, quasi d'ermite enfoui sous la terre ; c'est ce que je me permets de conseiller à Bernard Dumont d'essayer lui aussi de faire, de sa place.
 
En la fête de saint Hyacinthe & saint Fraimbault,
ce 17 Août 2018.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
 
 
 
17-08-2018 15:40:00
Print